TRIBUNAL D’ARBITRAGE

(article 100 , Code du travail)

 

 

C A N A D A

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT D’IBERVILLE

 

No. de dépôt:  2010-9455

 

                                                                                                                                               

 

 

SYNDICAT DES ENSEIGNANTES ET DES ENSEIGNANTS DU COLLÈGE ANDRÉ-GRASSET - CSN

 

ET

 

COLLÈGE ANDRÉ-GRASSET (1993) INC.

 

Grief no  2010-01, concernant la rémunération du régime de congé à

                                 traitement différé

 

 

Comparutions : Monsieur Paul Rose pour la partie syndicale

 Me Pierre Daviault pour la partie patronale

 

Date d’audition : 6 octobre 2010

 

 

Date de la décision : 6 janvier 2011

 

                                                                                                                                               

 

SENTENCE ARBITRALE

                                                                                                                                               

 

I- LES PRÉLIMINAIRES :

 

 

[1] L’audition du grief 2010-01 s’est tenue à Montréal le 6 octobre 2010.

 

[2] Monsieur Paul Rose représentait la partie syndicale et Me Pierre Daviault, la partie patronale.

 

[3] En début d’audition, les parties ont reconnu que le soussigné était régulièrement saisi dudit grief et que la procédure de grief et d’arbitrage avait été suivie de part et d’autre.

 

 

II - LE GRIEF :

 

[4] Le grief daté du 25 février 2010 se lit comme suit (S-2) :

 

« Grief concernant la rémunération lors du régime de congé sabbatique à traitement différé.

 

Nature et exposé du grief

 

Le 17 février dernier, lors de notre rencontre statutaire, vous nous avez fait part de votre décision de maintenir votre mode de paiement dans le régime de congé sabbatique à traitement différé. Dans ce mode de paiement, le professeur reçoit, durant la période de congé, un salaire correspondant au montant cumulé pendant la période de travail et calculé selon le tableau contenu à l’article 9.5.10.

 

Correctifs

 

1.     Que pendant la durée du congé, le professeur reçoive le pourcentage de son salaire réel selon le tableau inclus à l’article 9.5.10 de notre convention collective.

Ce mode de rémunération correspond à la pratique courante des institutions offrant un tel régime.

 

2.     Que les professeurs présentement en congé bénéficient, de façon rétroactive, de ce mode de paiement réajusté.»

 

 

III - LA PREUVE :

 

[5] Les parties ont procédé par dépôt de documents et admissions.

 

S-3 : la convention collective 2006-2011;

 

 

Document no 3  :  Formulaires de demande d’adhésion au régime de congé à traitement différé de monsieur Alain Desparois et madame Isabelle Proulx, Trust La laurentienne;

 

 

Document no 4  :  Traitement différé de monsieur Alain Desparois.

                              Cumul du fonds de réserve du 15 août 2008 au 13 février 2010.

                              (Traitement de monsieur Desparois pour la période travaillée de 1 ½ année);

 

Document no 5  :  Traitement différé de monsieur Alain Desparois.

                              Versements pendant la période de congé du 14 février 2010 au 14 août 2010 (6 mois);

 

 

Document no 6  :  Traitement différé de madame Isabelle Proulx.

                              Cumul du fonds de réserve du 15 août 2008 au 13 février 2010.

                              (Traitement de madame Proulx pour la période travaillée de 1 ½ année);

 

 

Document no 7  :  Traitement différé de madame Isabelle Proulx.

                              Versements pendant la période de congé du 14 février 2010 au 14 août 2010;

 

 

Document no 8  :  Traitement différé de madame Isabelle Proulx et monsieur Alain Desparois, Trust La Laurentienne.

                              Versements du Collège André-Grasset à Trust La Laurentienne.

                              (chèques du Collège au Trust La Laurentienne pendant la période de travail du 15 août 2008 au 13 février 2010);

 

Document no 9  :  Traitement différé de monsieur Alain Desparois et de madame Isabelle Proulx, Trust La Laurentienne.

                              Versement de Trust La Laurentienne au Collège André-Grasset (correspondance et versements).

                              (versement du Trust au Collège pendant la période de congé).

 

IV - ARGUMENTATION DES PARTIES :

 

1. La partie syndicale :

 

[6] Le procureur du Syndicat me soumet que le régime de congé sabbatique à traitement différé comprend une période de travail et une période de congé.

 

[7] Dans les cas sous étude et tel que prévu à la clause 9.5.10 de la convention collective, la période de travail est de 1 an et demi et la période de congé est de 6 mois pour un total de 2 ans de durée du régime.

 

[8] Le procureur plaide que selon la clause 9.5.11, le professeur doit recevoir une rémunération du Collège correspondant au pourcentage de son traitement pour la durée du régime, soit 75% du traitement. Bref, le pourcentage (75%) ne peut changer durant le congé.

 

[9] Le procureur prétend que l’Employeur veut imputer les coûts d’administration du régime aux enseignants.

 

2. La partie patronale :

 

[10] Le procureur du Collège me souligne que la période de congé du régime est sans traitement parce que le salarié n’est pas à l’emploi techniquement. Il ne reçoit donc pas de traitement durant son congé selon la clause 9.5.11.

 

[11] Le procureur prétend que selon la clause 9.5.11, l’enseignant reçoit un montant (un chiffre) correspondant au pourcentage de son traitement.

 

[12] À la fin de la période de travail, la Fiduciaire retourne l’argent moins ses frais d’administration, La convention collective ne prévoit pas une compensation de traitement pendant la période de congé. Le salarié n’accumule pas de droit pendant la période de congé.

 

[13] Le Collège me soumet que la décision arbitrale que j’ai rendue dans l’affaire ASSOCIATION DES POLICIERS-POMPIERS DE LA VILLE DE TROIS-RIVIÈRES et VILLE DE TROIS-RIVIÈRES, rendue le 9 juin 2010, D.T.E. 2010T-603 , ne peut s’appliquer au cas présent car ici, il s’agit d’un régime administré par une Fiducie.

 

 

3. Réplique syndicale :

 

[14] Le procureur me soumet que le régime ne se termine pas avec l’arrivée du congé car selon la clause 9.5.1, il couvre les 2 parties à savoir la partie travail et la partie congé.

 

[15] Selon la clause 9.5.11, le congé est la suite de la période de travail et donc, le même pourcentage du traitement s’applique.

 

V - DISPOSITIONS PERTINENTES :

 

9.5               RÉGIME DE CONGÉ SABBATIQUE À TRAITEMENT DIFFÉRÉ

 

9.5.1           Le régime de congé sabbatique à traitement différé (CSTD) permet à un professeur permanent d’étaler son traitement de façon à bénéficier d’un revenu pendant une période de congé qu’il obtient à la fin du régime. Cependant le régime n’a pas pour objectif de permettre au professeur de différer de l’impôt ou de bénéficier de prestations au moment de la retraite.

 

9.5.2           La durée du CSTD peut être de deux, deux et demie, de trois, trois et demie, de quatre, quatre et demie ou de cinq années scolaires. Elle peut cependant être prolongée, dans les cas de congé de maternité, congés sans solde ou congés d’invalidité survenus durant la durée du régime. La durée de la période de congé peut être d’une session (six mois) ou d’une année scolaire (douze mois), mais elle ne peut être interrompue pour quelque raison que ce soit.

 

9.5.5           La demande indique la durée prévue du régime et de la période de congé, de même que les dates projetées de début et de fin du régime et de la période de congé.

 

9.5.10    Pendant la période de travail, le professeur reçoit le pourcentage de son traitement prévu au tableau ci-dessous en regard de la durée du régime et de la durée du congé.

 

 

Durée de participation au

régime incluant le congé

 

2 ans

 

2,5

 

 

3 ans

 

3,5

 

4 ans

 

4,5

 

5 ans

Durée du congé

Pourcentage du traitement

1 session

ou

6 mois

 

75,00

 

80,00

 

83,33

 

85,71

 

87,50

 

88,89

 

90,00

Durée de participation au

régime incluant le congé

 

2 ans

 

2,5

 

3 ans

 

3,5

 

4 ans

 

4,5

 

5 ans

Durée du congé

Pourcentage du traitement

1 an

ou

12 mois

 

 

 

66,67

 

71,43

 

75,00

 

77,78

 

80,00

 

 

9.5.11    Au cours de la période de congé, le professeur ne peut recevoir aucune autre rémunération du Collège que le montant correspondant au pourcentage de son traitement pour la durée du régime.

 

9.5.12    Le Collège établit avec la Fiducie, choisie de concert avec le Syndicat, une convention d’administration. Le professeur qui veut adhérer au CSTD doit compléter et signer le formulaire d’adhésion où il précise à la Fiducie l’option de placement qu’il choisit.

 

9.5.13    Pendant la période de travail, le Collège verse mensuellement à la Fiducie au compte du professeur participant le pourcentage de traitement que le professeur ne touche pas. Il en déduit toutefois les frais d’administration.

 

VI - DÉCISION :

 

[16] Pour résoudre le présent litige, je dois décider si le professeur doit recevoir une rémunération correspondant au montant cumulé pendant la période de travail calculé selon le pourcentage prévu au tableau de la clause 9.5.10 ou s’il doit recevoir le pourcentage de son salaire réel selon le tableau de la clause 9.5.10.

 

[17] La clause 9.5.1 stipule que le régime de congé sabbatique à traitement différé permet à un professeur permanent d’étaler son traitement de façon à bénéficier d’un revenu pendant une période de congé qu’il obtient à la fin de régime.

 

[18] Le tableau de la clause 9.5.10 indique pour chacune des possibilités d’entente le pourcentage de son traitement qu’il recevra pendant la période de travail, à savoir 75% dans le cas d’une participation de 2 ans au régime incluant le congé de 6 mois.

 

[19] La clause 9.5.11 prévoit que le professeur, au cours de la période de congé, ne reçoit aucune autre rémunération du Collège que le montant correspondant au pourcentage de son traitement pour la durée du régime.

 

[20] Le document no 4 démontre que le traitement des deux professeurs visés, a varié à la hausse durant la période de travail du régime et que des retenues de salaire ont été faites en conséquence.

 

[21] Dans le seul but de simplifier la présentation, si l’on prend le cas du professeur Desparois, le Collège a payé le salaire de 1 681.99$ le 4 septembre 2008 (en début de régime) soit 75% de son traitement de 2 242.65$ par période de paie et il a versé 560.66$, soit 25% du salaire, au fonds de réserve géré par le Fiduciaire. Dans ce même document no 4, le traitement du professeur est passé à 2 385.42$, en août 2009 et est demeuré le même à la fin de la période de travail, le 13 février 2010.

 

[22] Selon la clause 9.5.13, le Collège verse mensuellement à la Fiducie au compte du professeur, pendant la période de travail (en l’occurrence 1 an ½), le pourcentage de traitement que le professeur ne touche pas soit 25% du traitement applicable. Il en déduit toutefois les frais d’administration.

 

[23] L’Employeur plaide que le professeur, durant sa période de congé, ne reçoit pas de traitement parce qu’il n’est pas techniquement à l’emploi du Collège durant cette période. Durant toute la période de travail, le professeur travaillait à 100% et recevait 75% de son traitement et différait 25% de son traitement pendant 1 ½ an afin de recevoir une rémunération pendant son congé de 6 mois.

 

[24] En d’autres mots, le salarié payé pendant la période de congé apparaissant au document no 5 (13 paies), est la contrepartie d’une prestation de travail fournie pendant la période de contribution de 1 ½ an (15 août 2008 au 13 février 2010) et donc un salaire différé, c’est-à-dire un salaire qui a été gagné antérieurement. Bref, la rémunération que le professeur reçoit pendant le congé n’est pas la contrepartie d’une prestation de travail fournie durant cette période de congé.

 

[25] Selon la preuve, le Collège verse mensuellement à une Fiducie, au compte du professeur participant, le pourcentage de traitement que le professeur ne touche pas (en l’occurrence 25%, document no 4). Il en déduit toutefois les frais d’administration. Pendant la période de congé, le professeur a reçu un salaire correspondant au montant cumulé pendant la période de travail calculé sur la base du salaire applicable, lequel a varié à trois reprises durant ladite période (58 309$, 59 475$ et 62 021$).

 

[26] Il en a résulté que le professeur Desparois a reçu, pendant sa période de congé, 13 paies de 1 691.57$ par 2 semaines (sauf le dernier paiement, 1 425.65$).

 

[27] Par son grief, le Syndicat estime que le professeur aurait dû recevoir 75% de son salaire «réel» ce que je comprends comme étant le salaire qu’il recevait au moment de prendre son congé, soit 1 789.07$ (75% de 2 385.42$) selon le document no 4. Bref, le Syndicat prétend que le Collège devait continuer à verser le même salaire durant la période de congé que celui qu’il avait à la fin de la période de travail, l’une étant la suite de l’autre.

 

[28] La clause 9.5.11 stipule que pendant le congé, le professeur ne peut recevoir que le montant correspondant au pourcentage de son traitement pour la durée du régime. Le pourcentage de son traitement pour la durée du régime qu’il a choisi soit le régime de deux (2) ans incluant le congé de 6 mois est de 75% selon le tableau de la clause 9.5.10.

 

[29] Il va de soi que la période de congé est sans traitement puisque le professeur ne fournit pas de prestation de travail.

 

[30] Les sommes qu’il peut recevoir sont du traitement qu’il a étalé de façon à bénéficier d’un revenu pendant une période de congé qu’il obtient à la fin du régime, selon la clause 9.1.5.

 

[31] Selon les modalités d’application du présent régime, le Collège prélève un pourcentage du salaire du professeur pour le placer dans un compte en fiducie (clauses 9.5.12 et 9.5.13) permettant de bénéficier d’un congé qui sera rémunéré à partir des sommes prélevées. Il s’agit ici d’un régime où le professeur accumule d’abord, pendant une période donnée, le traitement dont il pourra ensuite bénéficier pendant son congé sans solde.

 

[32] Les règles d’interprétation veulent que les parties ne stipulent pas pour ne rien dire. Les parties ont écrit, à la clause 9.5.10, que le professeur reçoit le «pourcentage de son traitement» et à la clause 9.5.13, elles ont aussi écrit que le Collège verse à la Fiducie «le pourcentage de traitement» que le professeur ne touche pas. Or, à la clause 9.5.11, les parties ont écrit que pendant le congé, le professeur reçoit le « montant correspondant au pourcentage de son traitement» pour la durée du régime.

 

[33] Puisque le professeur n’a pas de traitement durant son congé, le traitement dont il est question à cette clause est le traitement reçu pendant la période de travail du régime prévu à la clause 9.5.10 qu’il a choisi soit le régime correspondant à un versement de 75% du traitement pendant 1 ½ an et une retenue de 25% pour la période de congé. La preuve démontre que le Collège a effectivement versé 75% du traitement applicable (selon les dates) et retenu 25% comme réserve pour le congé (document numéro 4). Le Collège a ensuite remis le montant correspondant au régime choisi par le professeur (1 ½ an de traitement à 75% et 6 mois de congé) moins l’application des frais de gestion du Fiduciaire, conformément à la clause 9.5.13.

 

[34] De ce qui précède, j’en conclus que la façon de procéder du Collège, dans cette affaire, est conforme à la convention collective. Elle est, de plus, cohérente avec le régime de fiducie où l’Employeur prélève et remet au fiduciaire un pourcentage du salaire pendant une période d’accumulation pour ensuite en faire bénéficier le salarié pendant son congé sans solde.

 

[35] Le Syndicat aurait souhaité que les professeurs reçoivent, pendant la période de congé, 75% du traitement à l’échelle applicable durant ladite période, soit le même montant qu’ils recevaient la veille du début du congé.

 

[36] Je ne pourrais accueillir cette demande sans modifier la convention collective, car le professeur ne reçoit pas un traitement pendant son congé tel qu’expliqué précédemment mais plutôt une rémunération basée sur ses versements de traitement pendant la période de travail du régime.

 

[37] Il n’est donc pas possible d’accorder 75% d’un traitement qui n’existe pas pendant la période de congé. Rien non plus, dans la convention collective, ne permet de choisir le traitement le plus élevé de la période de travail, soit celui applicable avant le début du congé, 1 789.07$ par 2 semaines.

 

[38] Pour tous ces motifs, je REJETTE le grief du Syndicat.

 

 

 

                                                                        St-Jean-sur-Richelieu

                                                                        Le 6 janvier 2011

 

 

 

                                                                                                                                            

                                                                        ME ROBERT CHOQUETTE, arbitre