Almar Ltd. c. Goodman Company Canada

2011 QCCS 76

JM 1796

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-040175-070

 

DATE :

 17 janvier 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

DANIÈLE MAYRAND, J.C.S.

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ALMAR LTD

Demanderesse

c.

GOODMAN COMPANY CANADA

Défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Almar Ltd (« Almar ») sollicite l'annulation des contrats de vente d'unités de climatisation qu'elle a conclus avec Goodman Company Canada (« Goodman »).

[2]            Invoquant le non-respect et la garantie contractuelle du fabricant, elle lui réclame 175 000 $.

les parties

Ø   Almar

[3]            Almar est un détaillant d'électroménagers et d'unités de climatisation (« unités ») depuis plus de trente-cinq ans. C’est une entreprise familiale exploitée par June Adler, son mari et leurs deux fils, Stephen et Barry.

[4]            Son commerce et son vaste entrepôt sont situés sur le boulevard Décarie, à Montréal. Mme Adler a charge de l'administration, tandis que Barry est responsable des achats et de la vente des produits et Stephen, de l'entrepôt.

Ø   Goodman

[5]            Goodman est un distributeur d'unités de climatisation. Elle s'approvisionne tant auprès de sa société parente aux États-Unis, Global U.S., qui fabrique les unités, qu'auprès d'autres fabricants, tel Haier qui lui fournit les appareils de marque Amana. Goodman exploite cette entreprise depuis le 1 er  janvier 2000.

[6]            Steve Saunders en est le président et fondateur, alors que Grant Wilson était, au moment des événements, le directeur général pour le Québec, responsable de la succursale d’Ottawa, et le superviseur de tous les représentants des ventes au public pour le Québec. Louis Léveillé est un représentant des ventes et est familier avec le client Almar depuis au moins 2002.

les témoins

[7]            June et Barry Adler ont témoigné pour Almar, alors que Steve Saunders, Grant Wilson et Louis Léveillé ont témoigné pour le compte de Goodman. Deux clients de Almar ont également témoigné [1] .

le litige

[8]            Les parties ont commencé leurs relations d'affaires en 2001 et y ont mis fin abruptement en 2007, alors que Almar invoque que Goodman ne respecte plus la garantie du fabricant qu'elle s'est obligée à fournir à ses clients.

[9]            Goodman fait valoir qu'elle a toujours honoré la garantie des produits vendus, suivant les conditions imposées par les fabricants.

la réclamation de almar

[10]         Almar répartit sa réclamation en trois volets.

[11]         Un premier montant de 18 960,34 $ concerne le coût d’achat d’unités qui ont été déballées (uncrated) [2] (unités « A »).

[12]         Le second montant de 91 720,58 $ vise le coût payé à Goodman pour des unités qu'elle n'a pas vendues et qui sont demeurées dans leur emballage original (crated) (unités « B »).

[13]         Le troisième volet de la demande se détaille comme suit :

ü   Les dommages, les inconvénients et la perte de temps :  25 000 $ ;

ü   Les frais d'entreposage pour les unités :                                          25 000 $ ;

ü   Les dommages exemplaires :                                                           15 000 $.

analyse et discussion

[14]         Aux fins de justifier la résolution des contrats et le remboursement du coût payé pour les unités (la « réclamation »), Almar a le fardeau d'établir, de façon prépondérante, la faute contractuelle de Goodman.

[15]         La garantie du fabricant est incluse dans les boîtes contenant les unités qui sont ultimement livrées au consommateur. C'est cette garantie que Goodman s'est engagée à honorer. La majorité de ces unités ont été achetées en mai 2003 et avril 2004 et sont toujours entreposées chez Almar.

[16]         Les unités dites fenêtre et murale comportent une garantie d'un an pour le service et la réparation et de cinq ans pour le remplacement des pièces.

[17]         Les unités mini split sont assorties d’une garantie de cinq ans pour les pièces [3] .

[18]         Les délais pour l'exercice de la garantie se calculent à compter de l'achat ou, si la preuve d'achat ne peut être vérifiée, de 63 mois [4] à compter de la fabrication.

[19]         Quant aux unités Amana, qui sont fabriquées par Haier, elles comprennent une garantie que pour les unités achetées aux États-Unis. Lorsque informée de cette situation, Goodman a toutefois honoré la garantie même si le consommateur avait acheté une unité au Canada [5] .

[20]         Almar prétend qu'elle n'avait pas l'obligation d'agir comme intermédiaire entre le consommateur qui veut faire valoir sa garantie et Goodman. Goodman soulève qu'elle ne transige pas avec le public et si un client la contacte, elle les réfère à un service de dépôt ou à un technicien [6] . C'est dans le contexte du présent litige que Almar se plaint d'un rôle qu'elle a toujours assumé. Le Tribunal retient plutôt les versions de Louis Léveillé et Grant Wilson sur le modus operandi qui prévalait entre les parties quant à la manière dont la garantie est exécutée et honorée par Goodman et le rôle de Almar à cet égard.

[21]         De fait, les consommateurs acheminent leur plainte au détaillant Almar qui les réfère à un technicien autorisé.

[22]         Par la suite, le technicien ou le détaillant qui a assumé les frais de réparation ou de remplacement de l’unité remplit un formulaire de réclamation [7] qui est acheminé à Goodman avec la pièce ou l'appareil défectueux. Goodman rembourse alors le technicien qui a assumé les frais ou le détaillant, tel Almar.

[23]         Goodman achemine à son tour ces pièces et preuves justificatives aux fabricants, qui la remboursent.

[24]         C'est ainsi que la relation a évolué entre Almar et Goodman, à tout le moins entre 2001 et 2006, alors que Almar remplissait le formulaire et recevait les crédits de Goodman [8] .

[25]         La préparation et l'acheminement des formulaires de réclamation par Almar ont toutefois créé des remous entre les parties.

[26]         Grant Wilson a en effet expliqué les difficultés crées par June Adler qui ne complétait pas adéquatement et en temps opportun le formulaire de réclamation. La décrivant comme étant « entêtée » et « désorganisée », Grant Wilson ajoutera que June Adler est venue à bout de trois de ses employés qui ne voulaient plus, sous aucun prétexte, travailler avec elle, exaspérés qu'ils étaient par ses demandes et son refus de coopérer.

[27]         Pour avoir vu et entendu June Adler, le Tribunal n'a aucune difficulté à prêter foi aux propos de Grant Wilson.

[28]         Louis Léveillé, pour sa part, a eu la tâche délicate d'expliquer à Mme Adler la façon dont les formulaires devaient être remplis. Il s'est rendu à plusieurs occasions et même pendant son congé les week-ends chez Almar pour faire le tri des pièces et de la paperasse reliée aux demandes de garantie. D’ailleurs, en 2002, sa collaboration a contribué à finaliser une foule de formulaires de réclamation et crédits pour pièces qui ont entraîné des redevances importantes pour Almar.

[29]         Le 9 septembre 2006, Goodman, qui avait transmis une pièce à Almar pour réparer un appareil ou pour en remplacer une défectueuse, lui transmet alors une facture de 302,47 $.

[30]         Mme Adler s'entête à ne pas remplir le formulaire, tant et si bien qu'un état de compte de 302,47 $ sera envoyé à Almar à dix reprises entre septembre 2006 et le 30 juin 2007. Pressée par Global, Goodman saisit alors l'occasion et décide que cette situation doit prendre fin. Goodman informe Almar que your purchasing privileges have been revoked et cesse de vendre à Almar.

[31]         Outragée de cette décision, Almar transmet à Goodman le 1 er  octobre 2007 une mise en demeure exigeant le respect de la garantie pour toutes les unités et intente, le 6 décembre suivant, les présentes procédures.

almar a-t-elle le droit de résoudre les contrats et d'obtenir le remboursement de leur coût d'achat ?

Ø   Les unités A

[32]         La preuve a révélé que parmi les unités A, sept auraient été retournées par des clients de Almar, sans que ne soit rempli le formulaire adéquat visant à rembourser les frais de la réparation et substituer les pièces ou l'appareil défectueux ni sans que ceux-ci ne soient retournés à Goodman.

[33]         Les autres unités seraient défectueuses et non fonctionnelles, selon des tests menés par Almar. Elles sont entreposées pêle-mêle chez Almar dont plusieurs ont été « cannibalisées » pour réparer d'autres appareils non fonctionnels [9] .

[34]         La version de Barry Adler voulant qu'il a constaté que les unités sont défectueuses à la suite des tests effectués par ses employés n'est pas suffisante pour demander la résolution des contrats de vente.

[35]         Almar n'a pas établi que ces appareils étaient défectueux et que Goodman a refusé d’honorer la garantie à leur égard. Le bon de livraison, qui a été transmis par Goodman, prescrit que les unités défectueuses doivent lui être retournées dans les trente jours de leur défaut [10]  :

All Warranty Parts must be returned within 30 days from date of Failure with a completed Warranty Tag and this Pick Ticket or "Credit will be Denied".

[36]         Le Shipping Policy de Goodman prescrit, pour sa part, la procédure à suivre lorsque des unités sont défectueuses [11] .

[37]         Almar n'a effectué aucune de ces procédures ou démarches.

[38]         Alors que la preuve a révélé que Goodman tolérait un retour des unités bien au-delà des trente jours indiqués, Almar les a entassées pêle-mêle dans son entrepôt, sans plus.

[39]         Barry prétend aussi que Goodman a refusé d’honorer sa garantie, et ce, malgré qu’il l’ait avisée des problèmes reliés à ces unités, notamment en lui transmettant à deux reprises une liste les énonçant [12] . Quoiqu'en dise June Adler, les deux listes dont il est question sont différentes. La liste P-10 est similaire, mais moins complète que la liste P-3. Par ailleurs, non seulement ne sont-elles pas datées et ne comportent aucune preuve de transmission, mais elles sont vagues et incomplètes quant à la condition des unités. Aucun technicien ne s'est prononcé sur l'étendue ou la valeur du dommage affectant les unités.

[40]         Si Peter Grittany, un ancien employé de Goodman, les a aperçues à l’été 2006 lors d’une visite qu'il a effectuée chez Almar et a alors suggéré de lui transmettre une liste complète de ces unités, celui-ci n'a pas été assigné et ne peut donc corroborer cette version.

[41]         À tout événement, Almar n'a pas démontré avoir transmis ces listes en temps utile. Alors que Louis Léveillé et Grant Wilson ont nié avoir reçu la liste P-10, la version de Mme Adler voulant que l'autre liste [13] ait été transmise à Louis Léveillé avant l'institution des procédures n'est pas retenue. La preuve révèle en effet que c'est plutôt après l'institution des procédures que Mme Adler a transmis une liste des appareils en question, accompagnée d'une note en hébreu à l'intention de Louis Léveillé et à sa demande.

[42]         Ce premier volet de la réclamation n'est pas retenu.

Ø   Les unités B

[43]         Les unités B sont emballées et entreposées chez Almar qui prétend ne pas les avoir vendues, sous prétexte que Goodman refuse d’honorer sa garantie depuis 2006.

[44]         Le calcul que Almar a effectué aux fins de produire une réclamation pour ces unités est erroné [14] . L'addition du coût d'achat des unités et l'exclusion de celles qui y apparaissent deux fois plutôt qu'une totalisent en effet 69 484 $ plutôt que 91 680 $.

[45]         Une bonne partie des unités B a été acquise en avril 2004 et leur fabrication remonte à 1996 et 1997, soit près de six et sept ans avant leur acquisition par Almar et avant que Goodman démarre son entreprise.

[46]         La version de Barry Adler voulant qu’il ignorait la date de fabrication de ces unités est invraisemblable. L’année et le mois de fabrication de l’unité correspondent aux quatre premiers chiffres du numéro de série du modèle qui comprend dix numéros. Compte tenu de son expérience, il devait connaître cette information élémentaire.

[47]         Par ailleurs, c’est à la demande expresse de Barry Adler que Saunders a recherché sur le marché américain les unités datant de cette période et qui lui ont été vendues au rabais vu leur date de fabrication [15] . Saunders a expliqué que ces unités convenaient très bien à Almar, puisque le marché montréalais des condos offrait un espace plus petit ( sleeves ) pour les installer.

[48]         De fait, en achetant en 2004 des appareils qui n'étaient pas de fabrication récente et qu'elle n'a pu vendre pour des raisons qui sont demeurées inexpliquées, et ce, alors qu'elle avait déjà en stock un nombre substantiel d'unités acquises l'année précédente, Almar a fait une mauvaise lecture du marché et pris un risque.

[49]         Déjà, en janvier 2007, alors que les relations entre Almar et Goodman sont hasardeuses, ces unités sont entreposées chez Almar depuis plus de trois et quatre ans.

[50]         Barry Adler a affirmé à plusieurs reprises que toutes ces unités provenaient de Goodman, alors que la preuve a révélé que Almar s’était approvisionnée auprès d’un distributeur américain [16] . Il a également affirmé que Almar ne vendait pas d’unités usagées, alors que la preuve a révélé qu'elle avait vendu une unité usagée qui lui avait été retournée par un consommateur [17] .

[51]         Almar n'est pas d'accord avec l'interprétation que fait M. Saunders d'une garantie offerte par le fabricant pour les unités fenêtre et murale et voulant qu'en l'absence d'une preuve d'achat, elle soit sans effet lorsqu'il s'est écoulé une période de plus de 63 mois après sa fabrication.

[52]         M. Saunders a raison, c'est effectivement ce que la garantie prescrit lorsqu'il n'y a pas d'achat. Il ne suffit pas pour Almar de conserver ces produits emballés pendant plusieurs années et de ne pas les vendre pour soudainement déclarer que Goodman n'honore pas sa garantie.

[53]         Almar n'a pas établi que les unités B étaient impropres à la vente ni que Goodman n'honorait pas sa garantie.

[54]         Le second volet de la réclamation n'est pas retenu.


[55]         Quant au troisième volet de la réclamation, le témoignage de Barry Adler pour les frais d'entreposage est vague et insuffisant et aucune autre preuve n'a été administrée.

[56]         Ce volet de la réclamation n'est pas retenu.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[57]         REJETTE la Reamended particularized motion to introduce proceedings de Almar Ltd ;

[58]         AVEC DÉPENS .

 

 

 

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Danièle Mayrand, j.c.s.

 

Me Norman H. Goldberg

Procureur de la demanderesse

 

 

Me Rachel Bendayan et

M. Brian John Capogrosso (stagiaire)

ogilvy renault

Procureure de la défenderesse

 

Dates d’audience :

22, 23, 24 et 25 novembre 2010

 



[1]      La portion des témoignages de Mme Celani et M. Paduano, qui relate des faits postérieurs à l'institution des procédures, n'est pas recevable et n'est donc pas prise en compte.

[2]      Pièce P-6 amendée

[3]      Pièce D-11

[4]      Pièces D-8 (version 96) et D-9 (version 97)

[5]      Interrogatoire après défense de Steven Saunders du 8 juillet 2008, p. 22, 23 et 33 et pièce P-2.

[6]      Voici d'ailleurs de que prescrit l'annexe de la garantie, pièce D-9 : Contact a Goodman Contracted Service Company in your area if you need parts, service information or help .

[7]      Pièce P-2

[8]      Pièce D-6

[9]      Pièce P-1, pages 3 et 4 ; Pièces P-12 et P-13

[10]     Pièce P-11, bon de livraison

[11]     Pièce D-1

[12]     Pièce P-3 à l'attention de Louis et pièce P-10 à l'attention de Patrice.

[13]     Liste P-3

[14]     Pièces P-1 et P-6 amendée.

[15]    Pièce P-11 : Livraison du 14 avril 2004, facture N o 049790-01

[16]    Pièces P-17 et D-12 : Unité TC10085W1B N o de série 009716185 achetée par Mme Celani et retournée chez Almar.

[17]    Pièce P-14 : Unité TC10085W1B portant le N o de série 0009716190 retournée chez Almar par Louise Moreau et revendue à Herbert Blumer. Reçus de vente de Almar N os 618 et 13115.