Bélanger c. Neault

2011 QCCQ 105

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT D'

ARTHABASKA

LOCALITÉ DE

VICTORIAVILLE

« Chambre civile »

N° :

415-32-005288-108

 

DATE :

13 janvier 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

 PIERRE LABBÉ, J.C.Q.

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RÉJEAN BÉLANGER,

Demandeur

c.

STEEVE NEAULT,

Défendeur

 

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JUGEMENT

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[1]            Reprochant au défendeur de l'avoir poussé à démissionner de son emploi à la Coopérative des producteurs de sirop d'érable Citadelle de Plessisville à cause de propos menaçants et de harcèlement, le demandeur lui réclame dans son action 7 000 $ à titre de préjudice moral et perte de salaire. À l'audition, il a précisé qu'il réclamait 6 500 $ à titre de préjudice moral et 500 $ pour dommages punitifs.

[2]            Sans nier avoir eu un comportement répréhensible, le défendeur conteste que celui-ci ait un lien de causalité avec la démission du demandeur et les dommages réclamés.

LES FAITS

[3]            La preuve révèle les faits pertinents suivants.

[4]            Le demandeur et le défendeur travaillaient, à l'été 2009, à la Coopérative des producteurs de sirop d'érable Citadelle de Plessisville. Le demandeur y travaillait depuis environ 11 ans. Il était alors responsable de la pasteurisation du sirop. Le défendeur était responsable de l'entrepôt à sirop et des barils pleins depuis le 19 septembre 2008. Il apportait au demandeur les barils de sirop aux fins de pasteurisation.

[5]            Le 3 juin 2009, le demandeur a retourné un baril de sirop au défendeur parce qu'il ne passait pas les tests de pasteurisation. N'étant pas d'accord avec cette décision, le défendeur s'est emporté et a dit au demandeur : « je vais te péter la fraise » . Dans les faits, la mauvaise qualité du sirop a été confirmée par le laboratoire. Le défendeur a répété ces propos au demandeur à quelques reprises et lui a aussi reproché d'avoir fait installer une deuxième pompe en période de haute production. Le défendeur a aussi traité le demandeur de crétin tout en frappant avec rage sur un baril de sirop. Un collègue a dû intervenir pour calmer le défendeur. Sur le coup, le demandeur a subi du stress et a indiqué qu'il ne voulait plus travailler en présence du défendeur.

[6]            Le même jour, l'employeur a envoyé une lettre au défendeur lui reprochant les propos menaçants tenus envers le demandeur et il lui a imposé une suspension de trois jours sans solde (P-2).

[7]            L'employeur a également porté plainte à la Sûreté du Québec. À la suite de cette plainte, le défendeur a bénéficié du programme de traitement non judiciaire (P-3).

[8]            Le demandeur a consulté son médecin de famille, le docteur Pierre Belle-Isle, le 9 juin 2009 pour anxiété, insomnie et crainte. Le médecin lui a prescrit du Serax. Le médecin l'a revu le 28 juillet 2009 et la situation s'était améliorée bien que le demandeur était encore en traitement. Le certificat médical du docteur Belle-Isle daté du 16 mars 2010 a été produit sous la cote P-4.

[9]            Le 11 juin 2009, le demandeur a envoyé à son employeur une lettre de démission invoquant les événements du 3 juin (P-6).

[10]         Le 26 septembre 2009, l'employeur a envoyé une lettre au défendeur lui offrant de participer au programme d'aide des employés (P-7). Le défendeur a effectivement rencontré un psychologue, mais principalement pour ses propres séquelles à la suite de la mesure disciplinaire de l'employeur.

[11]         Le 16 décembre 2009, le demandeur faisait parvenir, par avocate, une mise en demeure au défendeur lui réclamant 7 000 $.

[12]         Le défendeur ne nie pas les événements intervenus, mais précise qu'il a perdu son contrôle et qu'il s'agit d'un acte isolé, ce qui est confirmé par son employeur. Il a rencontré un psychologue relativement à ces événements.

ANALYSE

[13]         Les parties étant des collègues de travail, la base juridique de la réclamation du demandeur est l'article 1457 du Code civil du Québec dont le texte est le suivant :

1457.  Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.

[14]         Pour réussir dans son recours, le demandeur doit prouver une faute de la part du défendeur, des dommages et un lien de causalité. Sa preuve doit être prépondérante en vertu des articles 2803 et 2804 C.c.Q. dont le texte est le suivant :

2803.  Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

2804.  La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

[15]           La preuve est prépondérante que le comportement du défendeur constitue une faute qui a engagé sa responsabilité civile au sens de l'article 1457 C.c.Q.

[16]         Considérant le déroulement des événements tel que relaté dans un document de l'employeur déposé au dossier et dans la déclaration du demandeur à la Sûreté du Québec, considérant qu'il s'agit d'un acte isolé de la part du défendeur, considérant que le certificat médical du docteur Bélisle établit un préjudice moral, le Tribunal, tenant compte de toutes les circonstances, juge raisonnable d'accorder au demandeur une indemnité de 3 000 $ pour le préjudice moral subi.

[17]         Pour obtenir des dommages punitifs, le demandeur doit se baser sur un texte de loi, et ce, en vertu de l'article 1621 C.c.Q. dont le texte est le suivant :

1621.  Lorsque la loi prévoit l'attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.

Ils s'apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l'étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.

[18]         Il y a lieu de citer l'article 1 et l'article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne [1] du Québec :

1.  Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne.

Il possède également la personnalité juridique.

49.  Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.

En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.

[19]         La preuve révèle qu'il y a eu atteinte illicite à la sûreté et à l'intégrité de la personne du demandeur par le défendeur et que cette atteinte a été intentionnelle au sens de l'article 49 , alinéa 2 de la Charte. Le Tribunal accorde au demandeur la somme réclamée, soit 500 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL  :

[20]         CONDAMNE le défendeur à payer au demandeur la somme de 3 500 $, avec intérêts au taux de 5 % l'an, et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec , à compter du 16 décembre 2009;

[21]         CONDAMNE le défendeur à payer au demandeur les frais judiciaires de 157 $.

 

 

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PIERRE LABBÉ, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

26 octobre 2010

 



[1]     L.R.Q., c. C-12.