COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
220056 |
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Cas : |
CM-2010-3153 |
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Référence : |
2011 QCCRT 0010 |
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Montréal, le |
10 janvier 2011 |
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DEVANT LES COMMISSAIRES : |
Irène Zaïkoff, vice-présidente |
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Arlette Berger, juge administratif |
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Jean Lalonde, juge administratif |
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Éric Brepols
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Requérant |
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c. |
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Les aliments Cargill, une division de Cargill ltée
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Intimée |
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DÉCISION |
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[1]
Le 13 juillet 2010, Eric Brepols, le requérant, demande la révision
d’une décision rendue par la Commission (
[2]
Dans sa demande, qui prend appui sur le paragraphe 3
o
du
premier alinéa de l’article
[3]
Dans sa plainte en vertu de l’article
[4]
Il faut noter que le 16 juin 2005, le requérant affirme, lors d’une
audience devant la Commission portant sur une autre plainte, soit sa plainte en
vertu de l’article
[2] Cette plainte est d’abord déposée verbalement devant la Commission lors d’une audience de la plainte du plaignant contre son syndicat, dans le dossier CM-2001-8580. Elle est concrétisée par écrit, le 2 août 2005.
[5] Les deux plaintes font l’objet d’une preuve commune. Dans sa décision du 15 juin 2010, la Commission retient notamment les faits suivants :
· Éric Brepols est embauché le 14 août 2003, à titre de boucher classe A, chez Les Aliments Cargill (Cargill), une usine de transformation des aliments. Au cours de l’année 2005, il intente divers recours (griefs et plaintes) afin de contester certaines décisions de son employeur et de son syndicat.
· Le 25 février 2005, Cargill suspend le plaignant pour une journée au motif d’un refus de travail. Ce dernier contestera cette décision par grief le 14 mars 2005.
· Le 26 février 2005, Éric Brepols consulte un médecin qui prescrit un arrêt de travail pour cause de maladie. Il fait une réclamation auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).
· Le 28 février 2005, il dépose à la Commission des normes du travail une plainte pécuniaire pour « disparités de traitement ». Cette dernière l’avisera par écrit, le 10 mars 2006, qu’elle « a décidé d’entreprendre les mesures nécessaires afin de faire respecter, pas votre ex-employeur, les dispositions prévues à la Loi en matière de disparité de traitement . »
· Le 9 avril 2005, Cargill émet un relevé d’emploi indiquant le code « maladie - en attente de CSST ». Sur réception du relevé d’emploi, l’Assurance- emploi commence à verser des prestations au plaignant à compter du 26 juin 2005, date que le plaignant retient comme étant celle de son congédiement.
· Le 23 juin 2005, la CSST rejette la réclamation de monsieur Brepols. Ce dernier en demande la révision devant la Commission des lésions professionnelles.
· Le 30 septembre 2005, le médecin traitant de monsieur Brepols émet un certificat sur lequel on peut lire que la lésion professionnelle n’entraîne pas une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique mais que le stress lié aux procès avec Cargill rend impossible son retour chez cet employeur.
· À la fin de l’année 2005, l’employeur verse à ses employés, y compris à monsieur Brepols, un bonus. L’employeur déduit de ce montant les sommes dues à titre de primes d’assurances collectives. Monsieur Brepols dépose un grief contestant des montants perçus en trop.
· En juin 2006, monsieur Brepols dépose un grief pour non-paiement de vacances.
· Le 6 mars 2007, la Commission des lésions professionnelles maintient la décision de la CSST rejetant la réclamation de monsieur Brepols.
· Le 4 décembre 2007, à la suite de différentes décisions rendues, Cargill demande à monsieur Brepols de se présenter au travail le 10 décembre 2007, et qu’à défaut de ce faire, elle sera dans l’obligation de mettre un terme à son emploi. Éric Brepols ne se présente pas au travail à la date prévue.
· Le 21 décembre 2007, Cargill l’avise qu’elle lui donne une dernière chance et que s’il ne se présente pas au travail le 14 janvier 2008, elle sera dans l’obligation de mettre un terme à son emploi. Elle lui rappelle que lors d’une audience devant la Commission le 25 septembre 2007, il avait mentionné qu’il était disposé à reprendre son travail de boucher. Monsieur Brepols ne se présente toujours pas au travail.
· Le 25 janvier 2008, Cargill met fin à l’emploi de monsieur Brepols et le 13 février suivant, ce dernier dépose un grief contestant son congédiement.
[6] Lors de l’audience des plaintes, alors que le requérant contre-interroge la directrice des ressources humaines de Cargill concernant certains faits ayant fait l’objet d’autres recours, le procureur de l’employeur intervient pour signaler qu’il y a eu des griefs et des décisions finales concernant ces faits. La Commission rappelle alors au requérant la nature du recours dont elle est saisie. Elle lui mentionne qu’il a établi l’accès au recours et que l’employeur doit établir un motif sérieux de congédiement, que c’est sur ce point qu’elle doit se prononcer, et qu’à défaut d’une telle preuve, elle accueillera sa plainte. Le requérant répond qu’il tente de prouver la rupture du lien d’emploi qui est contestée par l’employeur. La Commission réplique : « Vous le plaiderez. »
[7] Lors des plaidoiries, Éric Brepols soutient que le fait de recevoir des prestations d’assurance-emploi, à compter du 26 juin 2005, équivaut à un congédiement déguisé, d’autant plus que, dans sa lettre du 10 mars 2006, la Commission des normes du travail utilise le terme « ex-employeur ».
[8] Quant à Cargill, elle soulève la prescription des plaintes et plaide qu’elle n’a pas congédié monsieur Brepols le 26 juin 2005, ce dernier étant à cette date en arrêt de travail pour cause de maladie.
[9]
La Commission rejette la plainte en vertu de l’article
[34] Le plaignant est un salarié au sens de
l’article
[35] Au surplus, le plaignant n’a fait la preuve d’aucune sanction qui lui aurait été imposée entre le 14 mars et le 16 juin 2005. Il était, d’ailleurs, absent pour maladie durant cette période.
[36] En conséquence, les éléments essentiels de la plainte n’ayant pas été prouvés, la plainte est irrecevable.
[10]
La Commission rejette également la plainte en vertu de l’article
[41] En effet, considérant l’absence pour maladie du plaignant, l’employeur émet le relevé d’emploi avec le code « M » pour maladie afin que le plaignant puisse recevoir les prestations auxquelles il a droit, le cas échéant. Cela ne veut pas dire qu’il l’a congédié. Le lien d’emploi est maintenu pendant l’absence pour maladie. Le plaignant ne sera déclaré guéri que le 30 septembre 2005, soit bien après le dépôt de sa plainte, le 27 juin précédent.
[42] Ce n’est qu’en 2008 que l’employeur mettra fin au lien d’emploi.
[43] Par conséquent, le plaignant n’a pas réussi à faire la preuve des éléments essentiels de sa plainte; celle-ci est irrecevable.
[11] Le requérant soutient que la décision de la Commission est invalide pour deux motifs.
[12] D’abord, il allègue que la Commission a commis des erreurs de faits et de droit. Il analyse, pour chacune des plaintes, la preuve présentée et en tire des conclusions différentes, ce qui, selon lui, fait en sorte que la décision de la Commission est sans fondement juridique et déraisonnable.
[13] Puis, il plaide avoir été privé du droit d’être entendu. En mettant fin à son contre-interrogatoire de la directrice des ressources humaines et en laissant entendre que la présomption était établie en sa faveur, la Commission l’a empêché de présenter une preuve démontrant qu’il avait été congédié en juillet 2005.
[14] L’intimée soutient que le présent recours constitue un appel déguisé. De plus, elle ajoute qu’il ne suffit pas d’être privé du droit de présenter une preuve pour qu’une décision soit révisée, il faut démontrer en quoi cette preuve aurait eu un impact sur la décision attaquée, ce que le requérant n’a pu démontrer.
[15]
Il est de jurisprudence constante, depuis la décision de la Commission
dans
Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 4479
c.
Syndicat
des travailleurs et travailleuses des Centres jeunesse de Montréal
,
[16]
Pour une meilleure compréhension des conclusions de la présente
formation concernant la plainte en vertu de l’article
[17]
Ni dans sa demande de révision ni dans son argumentation lors de
l’audience tenue par la présente formation, le requérant n’a établi que la
décision rejetant sa plainte en vertu de l’article
[18] Le requérant reproche essentiellement à la Commission de n’avoir pas retenu ses explications et de n’avoir pas pris en considération certains éléments de sa preuve. Or, les conclusions de la Commission sont fondées sur la preuve présentée à l’audience, à savoir les témoignages et les pièces. La Commission ne peut, en révision interne, substituer une autre interprétation des faits ou du droit à celle déjà donnée, à moins que cette interprétation ne comporte une erreur grave, évidente et déterminante, ce qui n’est pas le cas en l’instance.
[19] Qu’en est-il du droit d’être entendu et d’avoir été privé de celui de présenter une preuve? Il faut d’emblée reconnaître que les commentaires de la Commission, à l’effet que monsieur Brepols « avait établi l’accès au recours », étaient inappropriés et non justifiés puisque la Commission a décidé le contraire. Elle a statué que la plainte de congédiement illégal est irrecevable au motif qu’il n’y a pas eu de sanction, c’est-à-dire de congédiement.
[20] Il est cependant utile de rappeler ici le contexte dans lequel ces commentaires ont été formulés. Le requérant contre-interrogeait la directrice des ressources humaines de Cargill concernant certains faits ayant fait l’objet de griefs et de décisions finales, afin, dit-il, de démontrer la rupture du lien d’emploi.
[21] On peut se demander en quoi l’existence de ces faits visant d’autres recours pouvait démontrer un congédiement survenu le 26 juin 2005, alors que cette date correspond au début des versements de prestations d’assurance-emploi. Le requérant n’a pas établi devant la présente formation la pertinence de cette preuve.
[22]
Qui plus est, le refus d’entendre une preuve pertinente ne constitue pas
automatiquement une violation des principes de justice naturelle, comme le
soulignait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt
Université du Québec à
Trois-Rivières
c.
Larocque
,
[23] Or, dans le présent cas, le requérant n’a jamais indiqué, ni dans sa requête écrite ni lors de son argumentation devant la présente formation, et ce, bien qu’invité à le faire, les éléments de preuve qu’il a été empêché de présenter et les impacts que ces éléments auraient pu avoir sur la décision. Il ne suffit pas d’alléguer avoir été privé de présenter une preuve, encore faut-il démontrer en quoi la présentation de cette preuve aurait pu avoir un effet déterminant sur le litige, ce que le requérant n’a pas fait.
[24]
Conséquemment, la présente formation rejette la demande de révision
quant à la décision de la Commission déclarant irrecevable la plainte en vertu
de l’article
[25]
Quant aux conclusions de la décision rejetant la plainte en vertu de
l’article
[26] D’abord, après avoir conclu, au paragraphe 34 de sa décision, qu’Éric Brepols avait déposé plusieurs griefs avant le dépôt de sa plainte, dont notamment celui du 14 mars 2005, la Commission décide que cet événement, par rapport à la date du dépôt de la plainte, le 16 juin 2005, dépasse largement le délai de 30 jours prescrit par le Code :
[34] Le plaignant est un salarié au sens de
l’article
[27]
Il y a manifestement confusion entre le délai de prescription de la
plainte, qui est de 30 jours à compter de l’imposition de la sanction contestée,
et le critère de la concomitance entre le droit exercé et la sanction. De plus,
suivant la preuve présentée, la plainte n’est pas déposée le 16 juin 2005, mais
le 2 août 2005. En effet, le recours en vertu de l’article
[28] Quoi qu'il en soit, ces erreurs ne changent rien au fait que le recours soit prescrit puisqu’il y a plus de 30 jours entre la date du congédiement allégué, le 26 juin 2005, et celle du dépôt de la plainte, le 2 août 2005. Aussi, il devient inutile de retourner le dossier devant la commissaire assignée au dossier afin qu’elle décide de la prescription du recours.
[29] Puis, la Commission commet une seconde erreur en déclarant au paragraphe 35 de sa décision que le plaignant n’a pas fait la preuve d’une sanction entre le 14 mars et le 16 juin 2005 et que, conséquemment, le recours est irrecevable. Or, en aucun temps dans sa plainte datée et déposée le 2 août 2005, Éric Brepols n’allègue avoir fait l’objet de sanctions entre le 14 mars et le 16 juin 2005. Là n’est pas l’objet du litige. Sa plainte indique clairement qu’il prétend avoir subi un renvoi abusif le 27 juin 2005 et lors de ses représentations devant la Commission, il précise avoir subi ce congédiement le 26 juin 2005.
[30]
Il n’y a toutefois pas lieu de réviser la décision puisque la Commission
s’est déjà clairement prononcée sur l’existence ou non d’un congédiement le 26
juin 2005, à la suite d’une analyse de la preuve présentée. Elle a conclu qu’il
n’y a pas eu de congédiement, monsieur Brepols étant en congé maladie auprès de
son employeur, à cette date. Aussi, dans les circonstances, il n’y a pas lieu
de réviser la conclusion de la Commission à l’effet que la plainte en vertu de
l’article
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
REJETTE la demande de révision.
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________________________________ __ Irène Zaïkoff, présidente de la formation
________________________________ __ Arlette Berger
________________________________ __ Jean Lalonde |
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M e François Côté |
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OGILVY RENAULT, S.E.N.C.R.L., S.R.L. |
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Représentant de l’intimée |
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Date de l’audience : |
15 octobre 2010 |
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