Mc Clemens et Québec (Ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale) |
2011 QCCFP 4 |
COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER N°: |
1300272 |
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DATE : |
18 janvier 2011 |
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DEVANT LE COMMISSAIRE : |
M e Robert Hardy |
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RENÉE MC CLEMENS
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Appelante
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Et
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MINISTÈRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE
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Intimé |
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DÉCISION |
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(Article
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[1] À titre d'agente d'aide socio-économique, classe nominale, M me Renée Mc Clemens travaille à Gatineau, plus spécifiquement comme agente de conformité avec pouvoir de vérification pour le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale (MESS).
[2] En mars 2009, elle a participé à un concours de promotion, soit d'avancement à la classe principale de son corps d'emplois, visant à recruter des personnes appelées à occuper un poste de chef d'équipe.
[3] Le MESS a de fait tenu simultanément sept concours similaires à l'échelle du Québec et M me Mc Clemens a passé celui organisé pour la région de l'Outaouais [1] (I-1).
[4]
À la suite du refus de sa candidature en raison de son échec à l'examen
par un faible écart de deux points avec le seuil de passage (I-17), elle
interjette appel au motif que des participants au concours, chefs d'équipe par
intérim, auraient bénéficié de formations qui les auraient avantagés indûment,
ce qui aurait vicié la procédure d'évaluation et constituerait une illégalité
au sens de l'article
[5] Outre le dépôt d'une abondante documentation relative à l'examen utilisé à l'occasion du concours ainsi que d'une série de plans de cours de formation, la preuve du MESS est constituée uniquement du témoignage du responsable de la tenue du concours.
[6] Il s'agit de M. Jean Rhéaume, depuis un an et demi agent de recherche et de planification socio-économique, rattaché au bureau du sous-ministre adjoint aux opérations du ministère comme conseiller en matière de ressources humaines.
[7] Auparavant, il a occupé, depuis 1985, diverses fonctions à titre de conseiller en gestion des ressources humaines dans la fonction publique, dont, à compter de 1990 pour le MESS, des responsabilités en matière de dotation et d'évaluation des emplois et d'organisation administrative.
[8] Comme responsable du concours, il a eu entre autres à choisir, en collaboration avec le comité de concours, l'examen qui serait utilisé comme moyen d'évaluation.
[9] Ce choix s'est fait en tenant compte de la description d'emploi (I-18) et du profil de compétences recherché (I-20), ainsi que d'une consultation des gestionnaires de ce type d'emploi.
[10] L'examen retenu a été emprunté à la banque d'examens du Centre de services partagés du Québec (CSPQ).
[11] M. Rhéaume précise que l’examen n'est rendu accessible au ministère que suivant des conditions appliquées strictement. Il n'est pas possible d'en faire des copies et celles qu'ils reçoivent sont conservées avec accès sécurisé, dans un classeur et un local fermés à clef. Le code d'accès au local n'est connu que des seules personnes appelées à travailler avec l'examen.
[12] Dans ce cas-ci, même les membres du comité de concours n'ont pas vu l'examen, son choix ayant été décidé après avoir pris connaissance seulement du contenu des compétences qu'il mesure. S'ils avaient requis de le voir, la procédure prévoit que cela doit se faire dans un local fermé, sans que personne ne puisse partir avec un exemplaire.
[13] Seuls les employés du Service des relations de travail et de celui de la gestion de la main-d'œuvre responsable de la tenue des concours du ministère ont accès au local sécurisé.
[14] Le personnel du Service du développement des personnes et des organisations, soit les gens qui préparent les formations données aux diverses catégories de personnel du ministère, ne l'a pas.
[15] Enfin, l'examen est acheminé à une firme privée pour sa correction et il n'y a pas ainsi davantage de lien entre les correcteurs et l'examen avant qu'il ne soit administré.
[16] Après l'administration de l'examen et avoir appris qu'il y avait contestation de la procédure au motif que certains candidats chefs d'équipe par intérim avaient obtenu de la formation, M. Rhéaume s'est informé auprès de la responsable des ressources humaines régionale du ministère dans l'Outaouais pour vérifier si c'était le cas.
[17] Il a appris que trois des 13 personnes qui ont réussi l'examen et qui ont été déclarées aptes à devenir chefs d'équipe étaient dans cette situation.
[18] Par ailleurs, le témoin explique que le ministère compte plus de 5 000 employés, répartis dans plus de 130 centres locaux et que de la formation est susceptible d'être offerte à bien des membres du personnel. Et si les cours de formation peuvent être préparés par le service afférent du ministère, il revient aux gestionnaires immédiats des employés de décider d'offrir tel ou tel cours à leur personnel.
[19] Pour évaluer la situation relevée par la contestation, il a préparé un tableau (I-21) des périodes de formation reçues par les candidats chefs d'équipe par intérim et consulté leurs fiches individuelles de développement (I-23 à I-25) qui indiquent les titres des cours qu'ils ont suivis ces récentes années.
[20] De l'analyse de ces informations, il appert que pour l'un des trois candidats chefs d'équipe par intérim, les deux seules formations qu'il a reçues ont été suivies après l'examen.
[21] De plus, fait notable, ce candidat est celui qui a obtenu le meilleur résultat, soit 71 %.
[22] Pour les deux autres candidats chefs d'équipe par intérim, le relevé montre qu'ils ont suivi, avant l’examen, les cours suivants aux dates indiquées :
Titre du cours |
1 er candidat |
2 e candidat |
Comment gérer tout en prévenant le harcèlement |
23 oct. 08 |
23 oct. 08 |
Contrôle des décisions des agents d'aide |
21 oct. 08 |
21 oct. 08 |
Motivation et mobilisation |
25 mai 05 |
17 avr. 07 |
MOD2 Responsabilisation et leadership |
28 oct. 04 |
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Intervention dans des situations de tension ou de conflit |
28 sept. 04 |
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MOD5 Coaching en action |
16 juin 04 |
|
Les lésions psychiques / réintégration au travail |
20 janv. 04 |
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Leadership responsabilisant |
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14 mars 07 |
Intervention prév. Agressivité - chef d'équipe |
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12 juin 02 |
[23] De son côté, M me Mc Clemens raconte que son chef d'équipe par intérim, un de ces deux candidats et qui occupe un tel poste de façon presque continue depuis 2003, a eu l'occasion de profiter de diverses formations et elle dépose la table des matières (A-1) de quatre des cours qu'il a suivis.
[24] Elle indique à la Commission certains thèmes abordés à ces occasions.
[25] Par exemple, dans le cadre du cours sur le leadership, sept sous-thèmes font le tour de la question : en quoi cela consiste, comment adapter son style de leadership, son interrelation avec le coaching, etc.
[26] Les cours suivis peuvent comporter également des exercices pratiques.
[27] Elle fait une preuve similaire pour les cours sur le coaching, sur l'intervention en situation de conflit et sur la mobilisation.
[28] Elle affirme enfin que son directeur lui a dit que c'était chose courante que les chefs d'équipe par intérim suivent ces formations et que c'était à la discrétion du directeur du bureau local de les leur faire suivre.
[29]
L'appel d'une décision refusant à un candidat son admission à un
concours est régi par l'article
« 35. Un candidat peut, s'il estime que la procédure utilisée pour l'admission ou l’évaluation des candidats, lors d'un concours de promotion […] a été entachée d'une irrégularité ou d'une illégalité, interjeter appel devant la Commission de la fonction publique, par une demande écrite qui doit être reçue à la Commission dans les 15 jours ouvrables de l'expédition d'un avis l'informant qu'il n'est pas admissible au concours […] ou l’informant des résultats de ceux-ci. »
[30] Deux autres articles de la Loi sont plus particulièrement à retenir en ce qui a trait à un concours :
« 48. L'évaluation des candidats se fait sur la base des critères de connaissances, d'expériences ou d'aptitudes qui sont requises pour l'emploi.
49. Le président du Conseil du trésor détermine la procédure d'évaluation; celle-ci doit être de nature à permettre de constater impartialement la valeur des candidats. »
[31] Référant aux mesures de sécurité exposées par le témoin Rhéaume, la procureure du MESS fait d'abord valoir que la preuve démontre qu'un très grand soin est apporté pour assurer que l'examen utilisé dans le cadre du concours ne puisse être porté à la connaissance des candidats.
[32] De plus, il est démontré que les personnes qui organisent et celles qui font de la formation destinée au personnel du ministère n'ont pas accès à l'examen, ni au local où les copies sont conservées et qu'elles n'ont pas davantage de contrôle sur les gestionnaires qui accordent de la formation à leurs employés.
[33] L'examen appartient au CSPQ et sa correction est effectuée par des personnes externes au ministère.
[34] La confidentialité entourant la tenue de l'examen étant totale et l'absence de preuve qu'elle aurait été violée l'étant tout autant, il faut donc constater qu'aucun lien ne peut être établi entre une divulgation du contenu de l'examen et les sessions de formation.
[35] Par ailleurs, soulignant certains passages de la documentation mise à la disposition des candidats lors de l'examen, la procureure du ministère fait ressortir que ce dernier ne nécessite pas de préparation particulière : il s'agit de répondre à des mises en situation, de les analyser et à cette fin de faire des liens entre des éléments d'information qu'elles contiennent.
[36] Selon elle, les séances de formation auxquelles M me Mc Clemens fait référence ne permettent pas de mieux lire les mises en situation.
[37] Elle fait valoir aussi que plusieurs formations ont été offertes il y a déjà quelques années. Et quant aux sessions de formation qui se sont tenues au moment le plus rapproché de l'examen, le 21 mars 2009, elles l'ont été cinq mois auparavant, les 21 et 23 octobre 2008.
[38] La procureure explique ensuite à l'aide d'autres documents traitant des critères évalués (I-4) que l'examen mesurait sept compétences, dont celle sur la gestion des ressources humaines.
[39] En consultant la table des matières des cours offerts en formation, on peut constater que s'il fallait absolument rechercher des rapprochements entre l'examen et le contenu des sessions de formation, ce serait par rapport à cette compétence que l'on pourrait en trouver.
[40] Or, M me Mc Clemens a obtenu le maximum de points disponibles pour l'évaluation de la compétence en gestion des ressources humaines, alors que seulement deux des trois chefs d'équipe ont eu ce même résultat.
[41] Selon l'analyse des résultats de M me Mc Clemens pour les autres compétences, il appert que c'est celui pour la communication qui a été, dans son cas, inférieur à ceux des candidats chefs d'équipe par intérim, alors qu'on ne peut faire pratiquement pas de lien entre cette autre compétence et les thèmes abordés dans les sessions de formation.
[42] En résumé, la procureure affirme que l'on ne peut soutenir que les formations suivies auraient été offertes pour préparer certains candidats à l'examen. Que le meilleur résultat, soutient-elle, ait été atteint par le candidat chef d'équipe par intérim qui n'a eu droit à aucune formation avant l'examen, tend à prouver qu'il ne fallait pas de préparation pour le réussir. Enfin, le fait que, des 13 candidats qui ont réussi l'examen, dix ne sont pas des chefs d'équipe par intérim, doit également mener à conclure à l'absence d'un lien entre la formation et l'examen.
[43] La procureure demande de rejeter l'appel de M me Mc Clemens parce que celle-ci n'a pas prouvé d'illégalité ou d'irrégularité ou qu'il y avait eu abus ou décision arbitraire, déraisonnable ou discriminatoire dans la procédure d'évaluation des candidats au concours.
[44] M me Mc Clemens reprend sa preuve, à savoir que les candidats chefs d'équipe par intérim ont eu droit à diverses formations et cela infère, selon elle, qu'ils disposaient alors davantage de chances de réussir l'examen que les autres candidats.
[45] Elle estime que la discrétion de pouvoir offrir de la formation attribue indirectement à un directeur la possibilité de choisir qui il veut comme chef d'équipe en permettant à un individu d'acquérir des connaissances qui vont l'aider à mieux performer à un examen, ce qui est inéquitable pour les autres candidats.
[46] En ce qui la concerne, si elle avait pu profiter de la formation dont les chefs d'équipe par intérim ont pu bénéficier, elle aurait, par exemple, pu élaborer davantage ses réponses à certaines questions et obtenir les deux points qui lui ont manqué pour atteindre la note de passage.
[47] La procédure d'évaluation des candidats n'a pas été tenue dans un contexte où tous les candidats avaient des chances égales de réussir et en conséquence son appel devrait être accueilli.
[48] La question à laquelle la Commission doit répondre peut se formuler ainsi : est-ce que la formation dont ont pu bénéficier certains candidats au concours, à savoir des agents d'aide socio-économique de classe nominale, en situation d'intérim dans des postes de classe principale comme chefs d'équipe, constitue une irrégularité qui a vicié la procédure d'évaluation menée dans le cadre du concours en avantageant ainsi certains candidats par rapport à d'autres, notamment par rapport à M me Mc Clemens ?
[49] La Commission ne le croit pas.
[50] Au départ, il n'y a pas parité entre les candidats car chacun dispose des qualités, des compétences et des expériences qui lui sont propres et c'est avec ce bagage personnel qu'il entre en compétition avec les autres.
[51] L'égalité des chances lors de la tenue d'un examen ne tient pas à ces facteurs. Elle repose sur les meilleures garanties possible que la procédure d'évaluation ne comporte pas en elle-même de travers pouvant favoriser certains candidats, ou encore qu'elle n'est pas tenue dans des conditions qui mènent au même résultat.
[52]
C'est le sens à donner à l'article
[53] Les qualités, compétences et expériences accumulées par un candidat au moment de passer un examen peuvent être on ne peut plus variées. Elles peuvent être le fruit d'activités d'origines diverses, professionnelles mais également accumulées au fil d'apprentissages personnels et la formation attribuée en cours normal d'emploi en constitue simplement une.
[54] Dans ce cas-ci, la preuve a démontré de façon prépondérante, non seulement que l'examen avait été tenu dans des conditions garantissant le maintien de sa confidentialité, mais aussi que la formation attribuée à deux candidats chefs d'équipe par intérim a été offerte dans le cours régulier de leur emploi et absolument pas pour favoriser quelqu'un en vue de l'examen tenu dans le cadre du concours.
[55] Par ailleurs, la réussite de l'examen par dix personnes sur 13 qui n'étaient pas chefs d'équipe par intérim démontre indirectement, comme le prétend à bon droit le ministère, qu'il ne peut être constaté de relation de cause à effet entre la formation offerte à certains chefs d'équipe par intérim et leurs résultats à l'examen.
[56] Dans le même sens l'un des candidats également chef d'équipe par intérim n'avait pas encore eu droit à de la formation au moment de l'examen et pourtant il l'a réussi.
[57] La Commission constate en conséquence que la procédure utilisée dans le cadre du concours de promotion auquel a participé M me Mc Clemens n'a pas été entachée d'une illégalité.
[58] POUR CES MOTIFS , la Commission rejette l'appel de M me Mc Clemens.
Original signé par :
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_____________________________ Robert Hardy, avocat Commissaire |
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Renée Mc Clemens |
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Appelante non représentée |
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M e Claire Lapointe |
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Procureure pour l’intimé |
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Lieu de l’audience : |
Montréal |
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Date de l’audience : |
20 décembre 2010 |
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Renvoi :