RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX

 

 

NUMÉRO DU DOSSIER

:

40-0317727-003

 

DATE DE L’AUDIENCE

:

2010-12-20 à Montréal

 

RÉGISSEURS

:

André J. Chrétien

Jocelyne Caron

 

TITULAIRE

:

Johanne Laurin

 

RESPONSABLE

:

Johanne Laurin

 

NOM DE L’ÉTABLISSEMENT

:

Auberge Marieville                                         

 

ADRESSE

:

217, chemin Chambly               

Marieville (Québec)  J3M 1N9

 

PERMIS ET LICENCE EN VIGUEUR

:

Bar avec autorisations de danse et spectacles avec nudité, 1 er étage gauche,

capacité de 47 personnes

N° 9183161

 

Licence d’exploitant de site d’appareils de loterie vidéo

N° 42275

 

Bar avec autorisations de danse et spectacles avec nudité, 1 er étage centre, capacité de 82 personnes

N° 9183179

 

 

ET

 

DEMANDERESSE

:

Auberge Marieville inc.                                                                                

 

RESPONSABLE

:

Sylvain Brouillette

 

NOM DE L’ÉTABLISSEMENT

:

Auberge Marieville

 

ADRESSE

:

217, chemin Chambly               

Marieville (Québec)  J3M 1N9

 

DEMANDE

:

Deux permis de bar avec autorisations de danse et spectacles avec nudité suite à une cession de l’établissement

 

NUMÉRO DES DEMANDES

:

7663 (AET); 941124 (P)

 

OPPOSANTE

:

Ville de Marieville

NATURE DE LA DÉCISION

:

Contrôle de l’exploitation et demande

 

DATE DE LA DÉCISION

:

2011-01-05

 

NUMÉRO DE LA DÉCISION

:

40-0004021

 

 

DÉCISION

 

[1]           Le 22 juillet 2010, la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie) a adressé à la titulaire un avis de convocation à une audience afin d’examiner et d’apprécier les allégations décrites aux documents annexés à l’avis, d’entendre tout témoignage utile aux fins de déterminer s’il y a eu manquement à la loi et, le cas échéant, suspendre ou révoquer les permis de bar et la licence d’exploitant de site d’appareils de loterie vidéo de la titulaire.

 

[2]           D’autre part, afin de compléter son analyse concernant la demande de permis d’alcool pour les deux bars avec autorisations de danse et spectacles avec nudité et la licence d’exploitant de site d’appareils de loterie vidéo, suite à une cession de l’établissement, présentée par Auberge Marieville inc. pour l’établissement cité en rubrique, la Régie convoque également la demanderesse à cette audience.

 

 

LES FAITS

 

[3]           Les faits allégués à l’avis de convocation sont les suivants :

(Transcription conforme)

L’exploitation par la titulaire

 

Le 11 septembre 2008, le sergent détective Jocelyn Léveillée du Bureau régional d’enquête, district de la Montérégie, de la Sûreté du Québec, a débuté une enquête impliquant trois établissements licenciés dont l’Auberge Marieville (document 1).

 

 

 

Drogue ou autre substance désignée

 

Le 13 novembre 2008, l’agent d’infiltration (ci-après « AI ») 240 discute avec le gérant, Martin Corbin, concernant la possibilité de se procurer de la cocaïne et celui-ci lui dit qu’il n’y a plus de vendeur à temps plein dans la place depuis l’arrestation du précédent (document 1).

Le 14 novembre 2008, « Joe » dit être vendeur au Gentleman (Auberge Marieville) (document 1).

 

Le 14 novembre 2008, AI 248 achète 2 x ¼ gramme de cocaïne pour 40 $ de « Joey » (document 1).

 

Le 11 décembre 2008, Jonathan Bourelle, alias « Joey » et « Joe », est arrêté pour complot de trafic de métamphétamines, trafic de cocaïne, possession de cocaïne, trafic d’une substance inscrite à l’annexe III de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et complot de trafic d’amphétamines. Lors de son arrestation, il était en possession de 0,47 gramme (2 x ¼) de cocaïne et 265 $ (document 2).

 

Gestes ou actes à caractère sexuel

 

Le 6 novembre 2008, trois danseuses parlent des prix des services de prostitution aux AI 240 et 248 (100 $/fellation, 200 $/ relation complète) (document 1).

 

Le 28 novembre 2008, AI 240 et 222 discutent avec la propriétaire du bar, Johanne Laurin, concernant les services offerts par les danseuses. M me Laurin dit que pour elle, ça coûte 20 $ et que pour ce qui se passe de l’autre côté du rideau, c’est l’affaire des danseuses. Elle dit aussi à AI 240 qu’il doit connaître les prix s’il est déjà venu et que ses filles sont raisonnables (document 1).

 

Historique

 

Par avis amendé le 3 janvier 2001, la Régie convoquait le titulaire de l’établissement de l’époque relativement à des allégations de trafic de stupéfiants et de prostitution ainsi que le demandeur de l’époque sur la demande de cession (document 3).

 

Lors des auditions ayant eu lieu les 1 mars et 12 avril 2001, Johanne Laurin, alors employée à l’établissement, a admis ne pas avoir été au fait de problèmes ou d’allégations de faits concernant les stupéfiants ou la prostitution avant son arrivée, mais que depuis qu’elle s’occupait de la gestion, les « choses avaient changés » (document 4).

 

Le 12 mars 2002, un contrat de location pour la partie avant de l’immeuble constituant les bars est intervenue entre 9007-8189 Québec inc, représentée par son président Pierre Auclair, locateur, et Johanne Laurin au nom de son entreprise individuelle Auberge Marieville, locataire. Ce bail était reconductible (document 5).

 

Le 8 juillet 2004, la Régie rendait une décision où elle accordait la cession en faveur de Johanne Laurin, demanderesse (document 6).

 

Le 23 octobre 2007, la Régie a rendu une décision dans laquelle elle n’intervenait pas relativement à des allégations de contenants non timbrés, ajout d’une autre substance et boisson alcoolique contenant un insecte (document 7).

 

Le 3 décembre 2008, les AI 240 et 248 se rendent au domicile de Pierre Auclair et AI 248 achète 7 grammes de cocaïne pour 520 $. Pierre Auclair leur dit qu’il paie 1700 $ / l’once et qu’il pourrait la leur vendre 2000 $ (document 1).

 

Le 11 décembre 2008, une perquisition au domicile de Pierre Auclair a permis de saisir plusieurs pots contaminés de poudre blanche, deux balances, 30 grammes de cannabis et 7 douilles de calibres et marques différentes dans le garage, 2,45 grammes de poudre blanche et 2,39 grammes de cannabis dans la maison (document 1).

 

Le 11 décembre 2008, Pierre Auclair est arrêté pour trafic de cocaïne, possession de cocaïne dans le but d’en faire le trafic et possession de cannabis dans le but d’en faire le trafic (document 8).

 

Pierre Auclair est l’actionnaire majoritaire de la compagnie 9007-8189 Québec inc., propriétaire de l’immeuble (document 9).

 

Les demandes

 

Lors de l’analyse des demandes, la Régie a pris connaissance des faits suivants pour lesquels elle veut obtenir les observations du demandeur :

 

Le 26 février 2009, un contrat de vente du fonds de commerce du bar Auberge Marieville est intervenu entre Johanne Laurin, agissant personnellement et pour son entreprise individuelle Auberge Marieville, vendeuse, et Sylvain Brouillette, agissant pour une compagnie à être formée Auberge Marieville inc., acheteur (document 10).

 

Ce contrat de vente du fonds de commerce opère cession du bail intervenu entre 9007-8189 Québec inc. et Johanne Laurin (document 11) .

 

Le 26 février 2009, un contrat de service est intervenue entre Johanne Laurin et Sylvain Brouillettte agissant pour une compagnie à être formée Auberge Marieville inc., dans lequel on stipule que les services de Johanne Laurin seront retenus pour un période de 24 mois à titre de consultante en administration, au gré de Johanne Laurin, à raison de deux jours par semaine (document 12).

 

Le 13 juin 2009, lors d’une rencontre avec un policier concernant la demande de permis d’alcool, Sylvain Brouillette a mentionné que le gérant est Martin Corbin, soit le même gérant que lorsque le bar était sous l’administration de Johanne Laurin (document 13).

 

Le 18 juin 2009, les policiers ont saisi, dans votre établissement, un contenant de boisson alcoolique dans lequel une autre substance avait été ajoutée (document 14).

 

Le 18 juin 2009, les policiers ont saisi à l’établissement un contenant de boisson alcoolique contenant des insectes (document 14).

 

Le 18 juin 2009, les policiers ont constaté, dans votre établissement, que la  liste de prix n'était pas affichée (document 14).

 

Le 18 juin 2009, les policiers ont saisi, dans votre établissement, le contenant de boisson alcoolique suivant (document 14) :

 

-1 bouteille de boisson alcoolique de 1,14 litre de marque Crème de menthe, 23% alc./vol.

 

 Le timbre de la Société des alcools du Québec n'était pas apposé sur ce contenant. Ce contenant a été trouvé derrière le bar.

 

Total en litres du contenant non timbré : 1,14 litre .

 

Afin de déterminer s’il y a lieu ou non de faire droit aux demandes, la Régie a besoin d’obtenir davantage de renseignements concernant :

 

- la façon dont vous entendez exploiter votre établissement;

 

- les mesures que vous entendez prendre afin d’empêcher des personnes mineures d’accéder à l’espace prévu pour l’exploitation des permis de bar;

 

- l’aménagement des lieux et du comptoir de vente des boissons alcooliques;

 

- l’identité de la personne chargée d’administrer l’établissement où le permis sera exploité; la Régie désire aussi connaître les tâches et les responsabilités que cette personne assumera et le nombre d’heures qu’elle consacrera à l’établissement;

 

- l’identité, l’expérience, les tâches et les responsabilités du gérant de l’établissement;

 

- l’identité de la personne qui sera responsable d’embaucher les employés et de leur donner les instructions nécessaires à l’exercice adéquat de leurs fonctions;

 

- le nombre d’employés, leur identité ainsi que vos critères de sélection;

 

- l’identité de la personne qui sera responsable de l’inventaire et des commandes des boissons alcooliques;

 

- le genre de clientèle que vous entendez desservir;

 

- les liens potentiels existants avec l’ancienne administration, notamment Mme Johanne Laurin;

 

- l’implication de Mme Johanne Laurin et M. Pierre Auclair dans la gestion et l’administration de votre établissement;

 

- le genre et la fréquence des spectacles que vous entendez présenter ainsi que l’endroit où vous allez les présenter;

 

- les mesures que vous avez l’intention de prendre afin d’empêcher :

 

le transvidage et la présence de contenants de boissons alcooliques ne portant pas le timbre de la Société des alcools du Québec;

 

- les mesures que vous avez l’intention de prendre afin d’empêcher dans votre établissement la possession, la consommation, la vente, l’échange ou le don de quelque manière, d’une drogue, d’un stupéfiant ou de toute autre substance qui peut être assimilée à une drogue ou à un stupéfiant;

 

- les mesures que vous entendez prendre afin d’empêcher dans l’établissement, les gestes ou actes à caractère sexuel de nature à troubler la paix;

 

- les mesures que vous entendez prendre pour respecter toutes les dispositions de la Loi sur les permis d’alcool et de ses règlements ainsi que toutes celles de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques ;

 

- les mesures que vous entendez mettre en place afin d’assurer le respect de la politique de la Régie en matière de danses contact.

 

[4]           L’audience s’est tenue le 20 décembre 2010 au Palais de justice de Montréal. La titulaire et la demanderesse sont représentées par M e John T. Pepper Jr, la Direction du contentieux de la Régie par M e Emmanuelle Ouimet-Deslauriers et l’opposante par

M e Élise Tourigny.

 

[5]           M. Sylvain Brouillette témoigne au nom de la demanderesse. Il informe les soussignés qu’il se désiste de sa demande de permis.

 

[6]           Par la suite, les procureurs de la titulaire et de la Régie soumettent au Tribunal une proposition conjointe de suspendre les permis et la licence pour une période de 10 jours. La Régie signifie son accord aux procureurs et les informe qu’une décision suivra sur réception d’une lettre explicative de la part de la titulaire quant à la finalité du dossier.

 

[7]           La titulaire dépose aussi un engagement volontaire signé par la responsable,

M me Johanne Laurin.

 

[8]           Le 21 décembre 2010, la Régie reçoit le document que la titulaire s’était engagée à transmettre à la Régie et les soussignés se déclarent satisfaits de son contenu. Ce document sera joint à la décision pour en faire partie intégrante.

 

[9]           M e Ouimet-Deslauriers et M e Pepper Jr soumettent aux soussignés un amendement à l’avis de convocation du 22 juillet 2010, à la page 2, sous le titre « Drogue ou autre substance désignée », au 3 e paragraphe, pour ajouter après le 14 novembre 2008 les mots suivants :

 

         « après avoir convenu de rendez-vous à l’établissement avec l’agent d’infiltration Al248 » […].

 

 

LE DROIT

 

[10]       Les dispositions légales qui s’appliquent dans le présent dossier sont les suivantes :

 

Loi sur les permis d’alcool [1] (LPA)

 

 

 

41.   La Régie doit refuser de délivrer un permis si elle juge que :

  1° la délivrance du permis est contraire à l’intérêt public ou est susceptible de porter atteinte à la sécurité publique ou de nuire à la tranquillité publique;

 

   1.1 o    le demandeur est incapable d’établir sa capacité d’exercer avec compétence et intégrité les activités pour lesquelles il sollicite le permis, compte tenu de son comportement antérieur dans l’exercice d’une activité visée par la présente loi;

 

  1.2°   la demande de permis est faite au bénéfice d’une autre personne;

 

  2°      l’établissement n’est pas conforme aux normes prescrites par une loi sur la sécurité, l’hygiène ou la salubrité dans les édifices publics ou sur la qualité de l’environnement ou par un règlement adopté en vertu d’une telle loi.

Elle doit également refuser de délivrer un permis si le demandeur a été déclaré coupable d’un acte criminel lié aux activités visées par la présente loi au cours des cinq années qui précèdent la demande ou n’a pas purgé la peine qui lui a été imposée pour un tel acte criminel, sauf s’il a obtenu la réhabilitation à l’égard de cet acte.

 

79.  La Régie peut, sur production des documents pertinents qu'elle peut exiger et sur paiement du droit déterminé conformément au règlement, autoriser temporairement une personne autre que le titulaire à exploiter un permis, si cette personne est le liquidateur de succession du titulaire du permis, son légataire particulier ou son héritier ou une personne désignée par eux, un syndic à la faillite, un liquidateur, un séquestre judiciaire ou conventionnel ou un fiduciaire qui administre provisoirement un établissement dans lequel le permis est exploité.

 

La Régie peut également, aux mêmes conditions, autoriser temporairement une personne autre que le titulaire à exploiter un permis, si cette personne produit une demande à cet effet et l'accompagne d'une demande de permis en raison de l'aliénation ou de la location de l'établissement ou de la reprise de possession de l'établissement à la suite de l'exercice d'une prise en paiement ou de l'exécution d'une convention similaire.

 

Lorsque la Régie décide de la délivrance du permis dans une circonstance visée au deuxième alinéa, elle peut imposer, comme condition supplémentaire à la délivrance, le paiement de frais additionnels de 500 $ si le demandeur du permis n'avait pas requis d'autorisation d'exploitation temporaire alors qu'il aurait dû le faire.

 

La Régie peut refuser d'accorder une autorisation si elle a entamé des démarches en vue de suspendre ou de révoquer le permis ou si elle est saisie, conformément à l'article 85, d'une demande à cet effet.

 

81 . Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi, ainsi que celles de leurs règlements, applicables à un permis et à son titulaire sont, compte tenu des adaptations nécessaires, applicables à une autorisation d'exploitation temporaire et à son titulaire.

 

Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d’amusement [2] (LLCPAA)

 

50 . La Régie peut, lorsque l’intérêt public l’exige, refuser de délivrer, de renouveler, suspendre ou révoquer une licence.

Elle peut refuser de délivrer ou de la renouveler lorsqu’elle juge que l’exploitation de la licence est susceptible de nuire à la tranquillité publique. […]

 

 

ANALYSE

 

[11]       La titulaire a reconnu les faits reprochés à l’avis de convocation.

 

[12]       L’opposition de la Ville de Marieville devient caduque suite au désistement de la demanderesse.

 

[13]       La Régie est convaincue que dorénavant la titulaire a l’intention de respecter la loi. C’est pourquoi elle prendra acte de l’engagement volontaire et entérinera la proposition conjointe soumise par les procureurs de suspendre les permis et la licence pour une période de 10 jours.

 

 

PAR CES MOTIFS,

la Régie des alcools, des courses et des jeux :

                                              

 

PREND ACTE                                   de l’engagement volontaire souscrit par la titulaire, annexé à la présente décision pour en faire partie intégrante et lui ordonne de s’y soumettre;

 

 

ENTÉRINE                                        la proposition conjointe soumise par les procureurs;

 

 

PREND ACTE                                   de la lettre explicative de la titulaire adressée à la Régie, datée du 21 décembre 2010, annexée à la présente décision pour en faire partie intégrante;

 

 

SUSPEND                                       pour une période de 10 jours les permis

n os  9183161 et 9183179 ainsi que la licence d’exploitant de site d’appareils de loterie vidéo

n o 42275 dont Johanne Laurin est titulaire, suspension débutant lors de la mise sous scellés des boissons alcooliques par un inspecteur de la Régie ou par le corps policier dûment mandaté à cette fin;

 

 

 

 

 

ORDONNE                                      pendant la période de suspension, la mise sous scellés des boissons alcooliques se trouvant sur les lieux, par un inspecteur de la Régie ou par le corps policier dûment mandaté à cette fin.

 

 

 

 

 

ANDRÉ J. CHRÉTIEN, avocat

Régisseur

 

 

 

 

JOCELYNE CARON

Régisseure

 

 

 



[1]   L.R.Q., c. P-9.1

[2]   L.R.Q., c. L-6