Hudon c. Potvin et Bouchard

2011 QCCQ 441

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

CHICOUTIMI

LOCALITÉ DE

CHICOUTIMI

« Chambre civile »

N° :

150-32-007277-102

 

 

 

DATE :

18 janvier 2011

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU

JUGE PIERRE SIMARD

 

______________________________________________________________________

 

 

OLIVIER HUDON

 

Partie demanderesse

 

c.

 

POTVIN ET BOUCHARD

 

Partie défenderesse

 

et

 

IKO INDUSTRIES LTÉE

 

           Partie appelée

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

JS1236

 

[1]            En 2007, Olivier Hudon décide de refaire la toiture de sa propriété. Pour ce faire il achète des bardeaux d'asphalte chez la défenderesse Potvin et Bouchard qui lui vend un produit fabriqué par la mise en cause IKO Industries ltée. Le présent litige découle du fait que le bardeau en question a laissé pénétrer l'eau dans la propriété du demandeur qui poursuit son vendeur et son fabricant: il prétend que le bien vendu était affecté d'un défaut de fabrication, à savoir que le bardeau ne collait pas efficacement.

CONTEXTE FACTUEL  

[2]            Olivier Hudon est à la retraite depuis quelques années. Il occupait des fonctions de gérant de projet. Il a construit sa résidence en 1963. Comme Olivier Hudon est un homme prudent, il a fait remplacer sa toiture une première fois en 1985, soit après 22 ans d'utilisation.

[3]            En 2007, Olivier Hudon décide de procéder à une nouvelle réfection de sa toiture après 22 nouvelles années sans problème. Pour ce faire, il achète les 25 et 26 mai 2007 des bardeaux Aristocrate 25 chez Potvin et Bouchard, bardeaux fabriqués par IKO Industries ltée.

[4]            Il confie la pose de ce bardeau à un entrepreneur dénommé Steeve Pagé.

[5]            Celui-ci pose la couverture en question. C'est en 2009 que la maison d'Olivier Hudon subit d'importants dégâts qui sont manifestement causés par l'absence d'imperméabilité de la couverture.

[6]            Il effectue alors de nombreuses démarches, principalement auprès d'IKO mais aussi auprès de Potvin et Bouchard.

[7]            Malgré ses demandes, la défenderesse et le fabricant restent inertes. Le demandeur procède alors, les 15 et 16 octobre 2009, à l'enlèvement des bardeaux Aristocrate et procède également à la pose d'une nouvelle membrane.

[8]            Le débat consiste donc à trouver la cause de la déficience de la couverture posée en 2007. D'après le demandeur, il s'agit d'un défaut de fabrication en raison du fait que le bardeau ne collait pas, alors que le représentant d'IKO soutient plutôt qu'il s'agit d'un problème de pose.

[9]            La preuve de la demande a débuté par le témoignage de Olivier Hudon. Celui-ci a assisté à la pose des bardeaux d'asphalte par l'entrepreneur Steeve Pagé. Il est monté sur le toit pendant la pose de 2007 et n'a rien constaté d'anormal dans la pose.

[10]         Notons que Olivier Hudon a passé toute sa vie à gérer des projets de construction d'importance et qu'il n'est pas un novice dans le domaine de la construction. S'il s'était aperçu que Steeve Pagé posait incorrectement le bardeau, il aurait sûrement refusé le travail. 

[11]         Olivier Hudon est également monté sur la toiture lors de la réfection de 2009: il a assisté à l'enlèvement de la couverture posée en 2007. Les ouvriers enlevaient la toiture avec très grande facilité et on a alors remarqué que les bardeaux n'avaient pas collé.

[12]         Le deuxième témoin est le poseur Steeve Pagé lui-même. Il est un entrepreneur en semblable matière et faisait des couvertures depuis de nombreuses années. Lors de la réception des produits livrés par Potvin et Bouchard les 25 et 26 mai 2007, il en a pris possession directement et dit avoir posé les bardeaux livrés selon les recommandations du fabricant.

[13]         La pose des produits de IKO n'était d'ailleurs pas différente de celle des autres fabricants et il soutient avoir posé le nombre requis de clous aux endroits recommandés et avoir correctement suivi les instructions du fabricant quant à la sous-couche.

[14]         Le troisième témoin est l'entrepreneur Cimon Gervais qui a procédé à la pose de la nouvelle couverture en 2009. Avant de ce faire il a évidemment enlevé la vieille couverture, celle de 2007, posée par Pagé. Il n'a rien remarqué et il a attesté que le bardeau lui semblait avoir correctement été posé.

[15]         Finalement le dernier témoin est l'architecte Michel Carrier qui est allé inspecter la toiture de 2007 en septembre 2009. Il recommande la réfection totale du bardeau avec un autre produit que le bardeau Aristocrate.

[16]         Il a fait un examen de la toiture de 2007 et atteste qu'elle a correctement été posée.

[17]         Il faut cependant noter que l'examen de Michel Carrier n'était qu'un examen visuel sans autre analyse poussée.

[18]         Lors de son témoignage, Olivier Hudon a confirmé que les bardeaux n'avaient pas adhéré les uns aux autres et qu'ils s'enlevaient aisément, ce qui les empêchait de remplir les fonctions auxquelles ils sont destinés.

[19]         Par ailleurs la prétention de IKO repose essentiellement sur le témoignage de Pierre Boudreault. Celui-ci soutient essentiellement qu'il s'agit d'un problème de pose. Parmi les différents éléments de preuve qu'il a soumis, il produit un rapport d'un chimiste de la compagnie IKO elle-même. Ce rapport n'est d'aucune utilité car au paragraphe neuf dudit rapport le chimiste confirme que l'adhérence était absente sur les deux échantillons qu'il a analysés mais qu'il ne pouvait en déterminer la cause.

[20]         Pierre Boudreaut prétend cependant que l'examen des deux tuiles que le demandeur Hudon a envoyées à IKO à titre d'échantillons, démontrent que le poseur n'a pas respecté les instructions de pose.

[21]         Pourtant, dans les deux échantillons montrés, les clous ont bel et bien été posés par Pagé à la distance de 6 1/8 pouces, à quelques millimètres près. Bien sûr, les clous semblent être posés dans la bande autocollante contrairement à ce qui est indiqué dans les instructions au poseur. Pourtant, en posant les clous à 6 et à 8 pouces, soit la distance indiquée par les instructions fournies, on arrive carrément dans la bande adhésive.

[22]         Il est difficile de comprendre les instructions du fabricant IKO lorsqu'il dit en même temps de ne pas poser le clou dans la bande adhésive et d'autre part de le poser à 6 1/8 pouces, ce qui fait arriver le clou directement dans cette même bande.

[23]         Il est donc impossible de faire un reproche au poseur. Par ailleurs, dans son rapport, le chimiste de IKO a bel et bien pu voir l'emplacement des clous tels que posés par Pagé et nonobstant qu'il ait pu voir ces positionnements, il n'a pas pu établir la cause de l'absence de collage des tuiles. Cela diminue singulièrement la portée probante du témoignage de Pierre Boudreault. 

[24]         Par ailleurs, celui-ci prétend que le poseur n'a pas respecté les instructions du guide de pose puisque, selon lui, Pagé avait l'obligation de poser une couche de protection contre l'eau et la glace et de faire en sorte d'utiliser deux couches de papier feutre d'asphalte se chevauchant.

[25]         Il soutient que Pagé n'a pas suivi ces recommandations car les quantités achetées par Olivier Hudon seraient insuffisantes pour ce faire. Une telle approche est théorique et a été contredite par Olivier Hudon qui dit avoir effectivement réacheté les quantités manquantes. Les conclusions avancées par Boudreault sont des conclusions purement théoriques et qui ne sont pas fondées sur des examens de la toiture.

[26]         Il est démontré que le bardeau fourni par IKO n'a pas collé. Selon la balance des probabilités, la pose a été correcte et conforme aux règles de l'art.

[27]         Dans les circonstances, le Tribunal va retenir la responsabilité de Potvin et Bouchard à titre de vendeur et de IKO à titre de fabricant.

[28]         Les dommages de Olivier Hudon ont été prouvés. Ils consistent essentiellement à des frais de Constructec (Cimon Gervais) au coût de 4 410 $, des coûts de réparations intérieures découlant des infiltrations d'eau et recommandées par l'architecte Michel Carrier au coût de 1 669,72 $ et des frais professionnels de 1 258,20 $ de l'architecte Michel Carrier auxquels il faut ajouter des taxes de 5 % et de 7.5 %.

[29]         Le seuil de réclamation de la Division des petites créances est bien dépassé et le demandeur consent à diminuer sa réclamation à 7 000 $.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

CONDAMNE la partie défenderesse Potvin et Bouchard inc. à payer à la partie demanderesse la somme de 7 000 $ avec intérêt au taux légal de 5 % l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 15 octobre 2009;

CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse les frais judiciaires de 157 $;

CONDAMNE la mise en cause, IKO Industries ltée à indemniser la partie défenderesse des sommes payées par cette dernière à la partie demanderesse.

 

 

 

 

__________________________________

       PIERRE SIMARD, j.c.q.

 

 

 

 

 

 

 

date d'audience:       18 novembre 2010