Guide Québec Scope inc. c. 9202-2078 Québec inc. |
2011 QCCQ 538 |
|
|||||||
|
|||||||
CANADA |
|||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||||
DISTRICT DE |
QUÉBEC |
||||||
Localité de Québec |
|||||||
« Chambre civile » |
|||||||
N° : |
200-22-055472-104 |
||||||
|
|||||||
DATE : |
19 janvier 2011 |
||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
RAOUL P. BARBE, J .C.Q. (JB-2754) |
|||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
LE GUIDE QUÉBEC SCOPE INC., 420, boul. Charest est, bureau 600, Québec, G1K 8M4.
|
|||||||
demanderesse et défenderesse reconventionnelle |
|||||||
c. |
|||||||
9202-2078 QUÉBEC INC., faisant affaires sous la dénomination BAMBOO EXPRESS, 1268, James Lemoine, Québec, G1S 1A2.
|
|||||||
défenderesse et demanderesse reconventionnelle |
|||||||
|
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
JUGEMENT |
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
[1] Par une demande judiciaire signifiée le 7 juin 2010, la demanderesse réclame 7 345,45 $, amendée par la suite à 4 385,19 $, pour de la publicité. Le 16 août 2010, la défenderesse fait une demande reconventionnelle de 600 $. L'audition a lieu le 14 octobre 2010.
LES FAITS
[2] La demanderesse Guide Québec Scope inc. est une compagnie constituée en 1998 pour faire de la conception, de la rédaction, de l'édition et publication d'un guide d'informations touristiques.
[3] La défenderesse 9202-2078 Québec inc. qui fait affaires sous différentes raisons sociales dont Bamboo Express, est une compagnie constituée en 2003 pour faire le commerce de la restauration. Anne Duchesnay en est l'actionnaire majoritaire, l'administratrice et la présidente.
[4] En novembre 2007, Bamboo Express signe un contrat de publicité avec Scope pour un montant de 12 392,06 $ pour 15 parutions. Le contrat est signé par Anne Duchesnay (D-11).
[5] Le 15 décembre 2008, Francis Léonard, préposé pour Scope, qui s'occupe du contrat de Bamboo Express, envoie à Richard Corriveau, un préposé de la défenderesse, un courriel qui se lit comme suit (D-10):
"J'ai besoin de ton texte, contrat et chèques aujourd'hui.
Tel que discuté vendredi midi en têtes à têtes…
J'ai Casey's, A&W, Ozone, Pacini pour tes employés. Pour ce qui est de Kieff coiffure il n'en reste plus." (texte intégral)
[6] Il s'agit du texte pour la publication Scope. Quant aux autres éléments, ce sont des billets de promotion ou coupons-cadeaux.
[7] Le 29 décembre 2008, Léonard envoie à Corriveau le courriel suivant "Please call me" (D-1).
[8] Le 22 janvier 2009, Corriveau envoie à Léonard par courriel le message suivant (D-1b):
"Just pick up your message. Skip us for this month. I will only be available in Quebec next week. I will call you to get everything back on line."
[9] Le 10 février 2009, Léonard envoie à Corriveau le courriel suivant (D-1c):
"Urgent, j'ai besoin de te parler."
[10] Le 12 février 2009, Corriveau répond à Léonard (D-1d):
"I will be in Quebec on Friday and will call you to see you."
[11] Le 5 mars, Léonard envoie à Corriveau le courriel suivant (D-1e):
"(…) On fait quoi avec Scope et Passe-Partout le fait que tu ne donnes plus signe de vie est inquiétant! J'attends ton appel."
[12] Corriveau répond (D-1f):
"Will call today. Take care."
[13] Léonard répond (D-1f):
"Veux-tu aller manger au Veracruz ce midi?"
[14] Corriveau répond:
"Tomorrow, vendredi le 6, ok?"
[15] Léonard répond (D-1f):
"Dont forget Passe-Partout. J'en ai besoin badly."
[16] Le 19 mars 2009, Léonard rédige le contrat 1893 au montant de 1 354 $ pour le dossier Les Belles Terrasses du Québec (6 X 200 + taxes) (D-4).
[17] Le 19 mai 2009, Léonard rédige le contrat 1894 pour une page publicitaire devant paraître le 1 er juin 2009 pour la somme de 1 461,73 $ (D-2).
[18] Le 19 mai 2009, Léonard envoie à Corriveau le courriel suivant (D-4):
"C'est OK pour le dossier Terrasse. J'ai parlé à la gang … Donne-moi un coup de fil au bureau pour mon rapport sur mon expérience."
[19] Puis, il y eut par la suite un échange de courriels et la préparation d'une maquette pour la publicité de la terrasse qui fut approuvée par Corriveau (D-5):
"On remet ce texte et cette photo ou bien celle avec la calèche?"
[20] Le 19 mai 2009, Léonard envoie à Corriveau le courriel suivant (D-3):
"La maquette va être prête ce matin."
[21] Le 20 mai 2009, Léonard envoie un projet à Corriveau en disant (D-3):
"What do you think?"
[22] Corriveau répond (D-3):
"Looks good, but the address and the pictures are ………………"
[23] Le 20 mai 2009, Corriveau répond à Léonard (D-3):
"Very OK, thanks."
[24] Le 28 mai 2009, Léonard envoie à Corriveau le courriel suivant (D-6):
"Pour le 15 juin, mettons-nous la même page publicitaire plus ¼ de page avec la championne de karaté? Ma tombée est mardi prochain …"
[25] Le 1 er juin 2009, Scope envoie à Bamboo la facture 7843 au montant de 1 687,48 $ pour la Publicité Québec Scope, 1 er juin 2009, p. 33 (P-1). Scope dépose photocopie de cette publicité (P-4a).
[26] Le 15 juin 2009, Scope envoie à Bamboo la facture 7903 au montant de 1 687,48 $ pour la Publicité Québec Scope 15 juin 2009, p. 70 (P-1b). Scope dépose la photocopie de cette publicité (P-4b).
[27] Le 15 juin 2009, Scope (Chantale Roy) rappelle les heures de tombée pour l'édition du 1 er juillet 2009 (D-13).
[28] Le 15 juin 2009, Corriveau envoie à Léonard le courriel (D-12):
"Can you use this."
[29] Léonard répond (D-12):
"Oui, j'ai besoin d'un texte guide line. (…)."
[30] Le 18 juin 2009, Léonard sollicite Corriveau pour une publicité dans son édition du 1 er juillet 2009 en indiquant (D-7):
"Urgent. 1 er juillet. J'ai besoin de la mortaise avec la photo. Un petit chèque."
[31] Corriveau ne donne pas suite à ce courriel: selon Corriveau, Scope a fait paraître le 1 er juillet une page publicitaire non sollicitée.
[32] Le 2 juillet, Scope envoie à Bamboo la facture 7933 au montant de 1 687,48 $ pour la Publicité Scope du 1 er juillet 2009, p. 61 (P-1c). Scope dépose la photocopie de cette publicité (P-4c).
[33] Le 6 juillet 2009, Léonard sollicite Corriveau pour une publicité pour le numéro du 15 juillet (D-8):
"On met la même pub pour le prochain numéro?
La petite fille karaté est-elle contente?
Chèque Scope?
J'ai des goodies pour ta gang…
Give me a call"
[34] Corriveau n'y donne aucune suite.
[35] Le 8 juillet 2009, Léonard transmet un courriel à Corriveau (P-2):
"OK je passe la même pub."
[36] Le même jour, Corriveau, qui se trouve à l'extérieur de la Ville, réalise que Léonard s'apprête à faire paraître une publicité sans son consentement. Il lui répond qu'il ne voit aucun avantage à publier la même publicité à chaque 15 jours (D-9):
"I will be in Quebec Wednesday PM and will call. For this summer period, we do not see the advantage to run the same ads at a "every fifteen day" rate. I will discuss the change with you."
[37] Léonard répond (D-9):
"Call me, urgent."
[38] Malgré les sollicitations des 6 et 8 juillet 2009, Léonard avait déjà pris semble-t-il, l'initiative de faire paraître la page publicitaire puisque la date de tombée de l'édition du 15 juillet 2009 était le 3 juillet 2009.
[39] Le 15 juillet 2009, Scope envoie à Bamboo la facture 7997 au montant de 1 687,48 $ pour la Publicité Québec Scope, 15 juillet 2009, p. 52 (P-1d). Scope dépose la photocopie de cette publicité (P-4d).
[40] Le 3 août 2009, Scope envoie à Bamboo la facture 8033 au montant de 225,75 $ pour la publicité Spécial Terrasse p. 80 (P-1e). Scope dépose photocopie de cette publicité (P-4e).
[41] Le 17 août 2009, Scope envoie à Bamboo la facture 8088 au montant de 225,75 $ pour Publicité Québec Scope du 15 août 2009, p. 68 (P-1f). Scope dépose la photocopie de cette publicité (P-4f).
[42] Le 22 février 2010, Scope envoie à Bamboo une mise en demeure de payer 7 345,45 $ (P-5):
"La présente est pour vous informer que nous vous réclamons la somme de 7 345,45 $ pour les raisons suivantes: en dépit des nombreux rappels que nous vous avons adressés, nous n'avons toujours pas reçu votre paiement qui s'élève à un montant de 7 345,45 $ taxes incluses, ce montant comprend le solde des factures toujours impayées de 7 201,42 $ ainsi que des intérêts s'élevant à 144,03 $, par le fait même vous n'avez pas respecté les termes de votre entente de publication d'espace publicitaire dans le magazine Québec Scope.
Je vous mets donc en demeure de nous payer la somme de 7 345,45 $ dans un délai de 10 jours. Dans le cas contraire, des procédures judiciaires pourront être intentées contre vous sans autre avis ni délai.
Sachez que nous n'aimons pas causer ce genre d'embarras à nos clients et il est rare que nous ayons à le faire. Toutefois, étant donné votre non-respect des termes de cette entente, nous y sommes contraints.
Nous espérons que vous profiterez de cette ultime occasion pour éviter le désagrément d'un recouvrement par contrainte."
[43] Cette réclamation est ventilée comme suit dans l'état de compte (P-1):
01-06-2009 |
7843 |
|
1 687,48 |
15-06-2009 |
7903 |
|
1 687.48 |
02-07-2009 |
7933 |
|
1 687.48 |
15-07-2009 |
7997 |
Facture |
1 687.48 |
03-08-2009 |
8033 |
Facture |
225.75 |
17-08-2009 |
8088 |
Facture |
225.75 |
2% d'intérêt sur le solde impayé après plus 60 jours. |
144.03 |
||
|
|
|
Total: 7 345,45 |
[44] N'ayant aucune réponse de la défenderesse, la demanderesse intente son action le 9 juin 2010 réclamant 7 345,45 $.
[45] Le 20 août 2010, la défenderesse remet une somme de 2 816,23 $ à l'avocat de la demanderesse dans son compte en fidéicommis en paiement des sommes qu'elle admet devoir pour honorer les contrats 1893 (1 354,50 $) et 1894 (1 461,72 $). Le litige est donc de 4 385,19 $ pour les factures 7903, 7933 et 7997.
[46] Selon Corriveau, les publications du 15 juin, du 2 juillet et du 15 juillet n'ont jamais été sollicitées; elles auraient été publiées à l'initiative de Léonard mais sans son autorisation.
[47] Par ailleurs, Corriveau déclare avoir avancé 600 $ en argent pour des coupons-cadeaux que Léonard devait lui remettre (D-10), mais Léonard a fait défaut de lui procurer les coupons-cadeaux. Il en réclame le remboursement.
ANALYSE ET MOTIFS
[48] Disposons de la demande reconventionnelle de 600 $. Cette demande doit être rejetée. Il s'agit de relations entre Corriveau et Léonard pour des affaires qui les concernent personnellement et cela n'a rien à voir avec les parties demanderesse et défenderesse.
[49] En ce qui concerne la demande principale, il est admis que les pages publicitaires ont été publiées, reste à déterminer si leurs publications ont été sollicitées par la demanderesse agissant par le mandataire ou préposé Corriveau.
[50] Notons que Léonard et Corriveau avaient durant une certaine période des relations amicales qui se sont détériorées avec le temps notamment lorsque Léonard a tenu pour acquis que la demanderesse continuerait à publier une page publicitaire dans Scope.
[51]
Il y a évidemment des témoignages contradictoires de la part de Léonard
par rapport à ceux de Corriveau. Il faut alors décider sur la base de la
crédibilité et de la preuve prépondérante. À cet égard, l'article
"2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée."
[52] Cet article identifie la personne sur laquelle repose le fardeau de la preuve. En l'espèce, c'est à la demanderesse d'établir que son témoin Léonard est plus crédible que Corriveau. Notons que Léonard est un vendeur de publicité et plus il en vend, plus il est apprécié; il a évidemment tout intérêt à montrer à ses supérieurs qu'il a conservé un contrat de publicité sauf qu'il ne prend pas les précautions de faire signer les contrats en conséquence.
[53] Le contrat du 1 er novembre 2007 est signé par les deux parties. Les deux contrats du 19 mars 2009 sont signés par Léonard, mais ne sont pas signés par un préposé de la défenderesse; nonobstant ce fait, la défenderesse admet l'existence de ces deux contrats, ce qui est de nature à donner de la crédibilité à la version de la défenderesse.
[54]
Il fait aussi rappeler que l'article
"2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante."
[55] Cet article codifie la règle de la prépondérance de la preuve. En l'espèce, la preuve de la défenderesse apparaît prépondérante. Corriveau avait bien dit à Léonard dans son courriel du 8 juillet "we do not see the advantage to run the same ads at every fifteen days".
[56] Cela aurait dû attirer l'attention de Léonard pour lui rappeler qu'il n'avait pas de mandat pour publier des pages publicitaires.
[57] Par ailleurs, le 19 mai 2009, Léonard a rédigé deux contrats prévoyant des publications; pourquoi n'a-t-il pas rédigé un contrat pour les pages publicitaires que la demanderesse demande aujourd'hui de lui payer?
[58]
Les articles
"1386. L'échange de consentement se réalise par la manifestation, expresse ou tacite, de la volonté d'une personne d'accepter l'offre de contracter que lui fait une autre personne.
1394. Le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu'il n'en résulte autrement
de la volonté des parties, de la loi ou de circonstances particulières, tels
les usages ou les relations d'affaires antérieures."
[59] Les auteurs Baudouin et Jobin traitent comme suit de la première condition essentielle pour la formation d'un contrat dans leur traité Les obligations (Éd. Blais, 6e ed., 2005, p. 244 à 246):
"173 - Existence et intégrité du consentement - Le consentement est la condition la plus importante de la formation du contrat, car s'engager c'est consentir par acte de volonté non équivoque à assumer certaines obligations. Il est indispensable que le consentement existe. On ne saurait admettre, en effet, qu'une personne se trouve liée par un contrat dont elle ignore l'existence ou qu'elle n'a pas voulu. L'expression du consentement doit, en outre, représenter aussi la volonté réelle du contractant (…)"
[60] La demanderesse n'a pas réussi à établir par une preuve crédible et prépondérante que sa réclamation était bien fondée et en conséquence, la demande amendée doit être rejetée.
[61] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
REJETTE la demande amendée avec frais;
REJETTE la demande reconventionnelle.
|
|
|
__________________________________ RAOUL P. BARBE, J.C.Q. |
|
Lévesque, Lavoie
Me Myriam Carrier
Avocate de la demanderesse
Me Marie-France La Haye
Avocate de la défenderesse