Chambly (Ville de) c. Groupe Bennett Fleet inc. |
2011 QCCM 43 |
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE LONGUEUIL
NO : TA-06-002
DATE : Le 2 février 2011
SOUS LA PRÉSIDENCE DE :
L’HONORABLE JUGE PIERRE-ARMAND TREMBLAY, J.C.M.
La Ville de Chambly
Poursuivante
c.
Groupe Bennett Fleet Inc.
Défenderesse
J U G E M E N T
TABLE DES MATIÈRES
I. LA NATURE DU LITIGE ET DES PROCÉDURES 4
II. LA PREUVE 5
A) La preuve de la Ville 5
1- L’entente P-1 5
a) L’historique de l’entente P-1 (témoignage de l’ancien
directeur général André Cholette) 5
b) Le texte de l’entente P-1 6
c) Les événements post-contractuels
et les modifications à l’entente P-1 12
d) Les documents post-contractuels 13
2- La proposition aux créanciers selon la Loi de la faillite et l’insolvabilité 14
a) La proposition et la preuve de réclamation 14
b) Le rejet des réclamations de la Ville par le syndic 15
i) Quant à la réclamation de 233 684,93 $ 15
ii) Quant à la réclamation de 135 202,78 $ 16
c) La faillite (2007) 16
3- La connaissance par la Ville du changement corporatif 16
4- Le témoignage de la trésorière Annie Nepton
(l’état de compte) 17
5- Le témoignage de la greffière Louise Boivin 17
a) L’interrogatoire en chef 17
b) Le contre-interrogatoire 18
B) La preuve de la défense 20
1- Le témoignage de Gilles Lussier,
vice-président de la Compagnie 20
2- Le témoignage de Philippe Mayrand,
cadre chez la défenderesse 25
III. ARGUMENTATION 26
IV. DISCUSSIONS ET MOTIFS 27
A) Le résumé 27
B) L’état du droit (loi, doctrine et jurisprudence) 29
C) Analyse de la preuve et discussion 33
1- La novation expresse 33
2- La novation tacite 35
a) Les rencontres entre les parties 36
b) Les correspondances écrites 36
i) Documents ambigus ou équivoques 37
1° émanant de la Ville 37
2° émanant de la défenderesse 39
ii) Documents ne suscitant aucune ambigüité 41
1° émanant de la Ville 41
2° émanant de la défenderesse 47
c) Conclusions sur la novation tacite 51
3- L’effet du règlement 96-794 (P-1-A) 53
4- Loi sur la fiscalité municipale 55
D) Les causes d’extinction des obligations 55
E) Conclusion 56
V. DISPOSITIF 56
J U G E M E N T
I. LA NATURE DU LITIGE ET DES PROCÉDURES
[1] La Corporation municipale de Chambly (ci-après « la Ville ») réclame de la compagnie Groupe Bennett Fleet Inc., la défenderesse, (ci-après « la Compagnie ») une somme de 435 336 $ en capital, à laquelle il faut ajouter des intérêts de 295 519,54 $ en date du 29 avril 2010 (P-14).
[2] Ces montants représentent les soldes dus et cumulés au cours des années 2003 à 2007 inclusivement (P-14), relativement à la participation financière de la Compagnie dans le cadre d’une entente industrielle intervenue entre la Ville et celle-ci le 22 décembre 1992 (P-1).
[3] À l’époque de la signature de l’entente P-1 (1992), la Compagnie défenderesse portait la raison sociale « Bennett Fleet Inc. » (D-1)
[4] En 1999, la Compagnie défenderesse modifie sa raison sociale pour « Groupe Bennett Fleet Inc. » (D-2), raison sociale de la défenderesse au moment des présentes procédures.
[5] Dans le présent jugement, le Tribunal emploiera le terme « Compagnie » pour désigner indistinctement l’entité corporative ayant porté l’une ou l’autre de ces raisons sociales au cours de toutes ces années.
[6] Le 20 décembre 1995, la Compagnie incorpore une filiale, soit « Bennett Fleet (Chambly) Inc. » (ci-après « la Filiale ») (D-3), entité corporative distincte qui, selon la défenderesse, est devenue à cette époque seule responsable en lieu et place de la Compagnie de la totalité des opérations de l’usine de Chambly.
[7] Selon la défenderesse, c’est la Filiale qui, depuis son incorporation en 1995, a vu au respect de toutes les obligations prévues à l’entente P-1 en payant à la Ville tous les frais prévus, année après année, jusqu’en 2003.
[8] À partir de 2003, la Filiale sera aux prises avec des difficultés financières majeures qui la conduiront à la faillite en 2007.
[9] La Compagnie, l’actuelle défenderesse au présent litige, soutient donc qu’elle n’est plus l’interlocutrice ou la cocontractante de l’entente P-1 depuis 1995, et que la réclamation contre elle dans le présent dossier est mal fondée.
[10] De son côté, la Ville prétend que les parties à l’entente P-1 n’ont jamais été remplacées et que la défenderesse est toujours la débitrice de la Ville.
[11]
Le présent jugement aura donc à
traiter de notions de novation, de délégation de paiement et de délégation de
débiteur, le tout selon les termes prévus aux articles
II. LA PREUVE
A) La preuve de la Ville
1- L’entente P-1
a) L’historique de l’entente P-1 (témoignage de l’ancien directeur général André Cholette)
[12] C’est le témoin André Cholette, directeur général de la ville de 2001 à 2009, entendu en contre-interrogatoire, qui expliquera le contexte et l’historique de l’entente P-1 signée par les parties le 22 décembre 1992.
[13] Il convient de présenter d’abord un résumé de cet historique pour bien cerner le contexte de l’entente P-1.
[14] Au milieu des années ‘80, la Société québécoise d’assainissement des eaux (SQAE) était maître de la gestion des problèmes reliés au traitement des eaux au Québec.
[15] À cette époque, des programmes de subvention étaient accordés aux municipalités par le Gouvernement du Québec, afin d’inciter et favoriser la construction d’usines de traitement d’eaux usées plus efficaces sur leur territoire, le tout tenant compte des volumes de rejets provenant tant des citoyens que des industries.
[16] La Compagnie défenderesse, à l’instar d’autres industries situées sur le territoire de la ville, rejetait dans le système de la ville et ultimement dans la rivière Richelieu des quantités appréciables de contaminants et d’eaux usées, surchargeant ainsi les ouvrages de captation et de traitement de la ville par des dépassements réguliers de rejets de charges polluantes.
[17] L’entente P-1, à l’instar d’autres ententes similaires avec d’autres industries locales, répondait donc à la nécessité de construire ou agrandir, en partenariat avec ces industries, des infrastructures municipales supplémentaires de traitement des eaux afin de répondre aux normes règlementaires provinciales, le tout tenant compte des besoins de ces industries faisant affaires sur le territoire de la ville.
[18] Cette entente P-1 créait d’importantes obligations tant pour la Ville que pour les industries concernées, et ce, sur deux volets différents :
a) la participation des parties au financement des dépenses dites « d’immobilisation » (la construction des infrastructures) et,
b) la participation des parties au financement des dépenses dites « d’opération » (les coûts d’exploitation et d’entretien, etc.).
[19] Une première usine d’épuration sera construite, selon le témoin, vers la fin des années ‘80 ou au début des années ‘90.
[20] Le principe mis de l’avant relativement au financement des coûts de construction, d’entretien et d’exploitation de ces immobilisations semblait être celui de « l’utilisateur-payeur », puisque la hauteur des coûts de participation de la Ville et des industries à ces nouvelles dépenses a été établie avec ces partenaires industriels en proportion de leurs besoins et de leur utilisation.
[21] Dans les années qui ont suivi, la Ville a respecté ses obligations en ce qu’elle a construit les infrastructures prévues à ladite entente P-1 et assumé sa part des dépenses.
[22] De son côté, la Compagnie (ou sa Filiale, selon la défenderesse) a opéré son industrie et a utilisé les infrastructures, année après année, à l’instar des autres industries locales tenues aux mêmes droits et obligations dans des ententes similaires.
[23] Avec les années, certains des paramètres prévus lors de la signature de l’entente P-1 en 1992, notamment le volume des eaux usées à traiter, s’avéreront insuffisants et des négociations auront lieu au début des années 2000 pour les adapter aux nouveaux besoins.
[24] Mais avant d’en arriver là, examinons le texte de l’entente P-1 originale.
b) Le texte de l’entente P-1
[25] Le 22 décembre 1992, les parties conviennent d’une entente industrielle (P-1), dont les dispositions pertinentes sont ici résumées :
« ENTENTE INDUSTRIELLE RELATIVE AU FINANCEMENT ET À L’UTILISATION DES OUVRAGES D’ASSAINISSEMENT DES EAUX USÉES »
ENTRE : BENNETT FLEET INC.
ET : LA VILLE DE CHAMBLY
ATTENDU QUE la Municipalité a conclu, le 12 juin 1985, avec le ministère de l’Environnement du Québec, une convention relative à l’exécution et au financement des ouvrages requis pour le traitement des eaux usées de la Municipalité […];
ATTENDU QUE la Municipalité a également conclu, en date du 13 juin 1985, avec la Société québécoise d’assainissement des eaux, une entente relative à l’exécution et au financement des ouvrages requis pour le traitement des eaux usées de la Municipalité […];
ATTENDU QU’en vertu de la convention du 12 juin 1985, […] la Municipalité doit défrayer une partie des coûts d’immobilisation des ouvrages requis pour le traitement de ses eaux usées;
ATTENDU QUE la Municipalité doit assumer les coûts d’exploitation de ces ouvrages;
ATTENDU QUE la Compagnie opère une usine sise au 2700, rue de Bourgogne, à Chambly, […] laquelle usine produit des eaux usées de procédé qui sont rejetées dans le réseau d’égout municipal;
ATTENDU QUE cette même usine n’est pas dotée d’un système de traitement complet de ses eaux usées de procédé;
ATTENDU QUE la Compagnie désire faire usage des ouvrages d’assainissement entrepris par la Municipalité, et qu’à cette fin la Compagnie consent à participer au financement de ces ouvrages;
ATTENDU QUE ces ouvrages entrepris par la Municipalité seront suffisants pour traiter les eaux usées de la Municipalité et de la Compagnie, pourvu que celles déversées par la Compagnie dans le réseau d’égout municipal aient des caractéristiques qui n’excèdent pas les valeurs suivantes;
Charges hydrauliques
[…]
Charges organiques (en DBO 5 )
[…]
Matières totales en suspension
[…]
1. PRÉAMBULE ET ANNEXES
Le préambule ainsi que les annexes à la présente entente en font partie intégrante.
[…]
2. DÉFINITIONS
Dans la présente entente, les mots et expressions suivants signifient :
[…]
2.15 Coûts d’exploitation : les coûts afférents à l’exploitation des ouvrages d’assainissement, comprenant, plus particulièrement mais non limitativement :
[Résumé]
2.15.1 Salaires et bénéfices marginaux des employés affectés à l’entretien normal des ouvrages.
2.15.2 Coût d’exploitation des ouvrages payé au gouvernement ou autre organisme
2.15.3 Produits et matières premières nécessaires
2.15.4 Coût de vidange des étangs et disposition des boues
2.15.5 Expert, produits de laboratoire
2.15.6 Remplacement d’équipement
2.15.7 Énergie sous toutes ses formes
2.15.8 Mesure, lecture, prélèvement et relevé de contrôle
2.15.9 Assurances
2.15.10 Entretien normal
2.15.11 Constitution d’un fonds d’assainissement
2.15.12 Frais d’administration de 15 %
2.16 Coûts d’immobilisation : les coûts d’immobilisation ci-après décrits et encourus par la Municipalité, déduction faite de toute subvention ou assistance financière reçue par cette dernière en vertu de la convention, comprenant, plus particulièrement mais non limitativement :
[Résumé]
2.16.1 Acquisition de terrain, servitude et droit de passage, déplacement et démolition de bâtiments, etc.
2.16.2 Entrepreneurs et fournisseurs
2.16.3 Taxes et autres redevances gouvernementales
2.16.4 Salaires et bénéfices marginaux
2.16.5 Expert pour la réalisation des ouvrages d’assainissement
2.16.6 Somme due à la Société québécoise d’assainissement des eaux
2.16.7 Frais de financement
2.16.8 Frais d’administration de 15 %
2.21 Propriétaire : le propriétaire de l’usine, à savoir : Bennett Fleet Inc., corporation dûment constituée ayant une place d’affaires au 2700, rue de Bourgogne, Chambly, Province de Québec, J3L 4B6;
2.25 Usine : l’usine appartenant au propriétaire et opérée par la Compagnie sise au 2700, rue de Bourgogne, à Chambly, de même que l’immeuble sur lequel se trouve cette usine.
3. OBJET DE L’ENTENTE
3.1. Sujet aux conditions énoncées dans la présente entente, la Municipalité s’engage à fournir le service à la Compagnie;
3.2 En contrepartie du service fourni par la Municipalité, la Compagnie s’engage, sujet aux conditions énoncées dans la présente entente, à participer au financement des coûts d’immobilisation d’exploitation des ouvrages d’assainissement, et à respecter les caractéristiques des eaux usées mentionnées à l’article 4.1.
4. CARACTÉRISTIQUES
4.1 La Compagnie s’engage à déverser dans les ouvrages d’assainissement des eaux usées de procédé dont les caractéristiques, telles que mesurées selon les dispositions des articles 4.5 et 15 de la présente entente, n’excèdent pas les valeurs suivantes :
[…]
5. FINANCEMENT DES COÛTS D’IMMOBILISATION
[Formules mathématiques et calculs]
[…]
7. FINANCEMENT DES COÛTS D’EXPLOITATION
[Formules mathématiques et calculs]
[…]
11. DURÉE ET RÉSILIATION
11.1 La présente entente entre en vigueur dès sa signature par les représentants autorisés de chacune des parties;
[…]
11.2 Sous réserves des conditions prévues aux articles 11 et 12, la présente entente demeure en vigueur tant que la Compagnie opère l’usine;
11.3 La Compagnie doit, avant de cesser l’opération de l’usine ou avant de cesser le déversement de ses eaux usées de procédé dans les ouvrages d’assainissement en autant qu’elle se soit dotée d’un système de traitement complet de ses eaux usées de procédé approuvé par le ministère de l’Environnement du Québec, résilier la présente entente en donnant un avis à la Municipalité d’au moins six (6) mois.
[…]
12. CESSION
12.1 La présente entente n’est pas cessible par la Compagnie, non plus que les charges hydrauliques et organiques des eaux usées réservées à la Compagnie dans le cadre de la présente entente;
12.2 Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas à toute vente, cession ou autre forme d’aliénation du droit de propriété dans l’usine faite par le propriétaire, dans la mesure où la Compagnie continue d’opérer l’usine.
13. AVIS
13.1 À moins que le contexte ne dicte un sens différent, tout avis expédié par une partie à l’autre doit être fait par écrit et transmis par poste recommandée ou par voie d’huissier. Tout avis verbal doit être donné à un représentant qualifié de la partie destinataire;
[…]
13.3 Tout avis doit être expédié aux adresses suivantes :
13.3.1 Pour la Compagnie : 2700, avenue de Bourgogne, Chambly, Québec
13.3.2 Pour la Municipalité : 1, place de la Mairie, Chambly, Québec
[…]
17. MODIFICATIONS
La présente entente ne peut être modifiée que par un écrit daté et dûment signé par un représentant autorisé de chacune des parties, lequel écrit est annexé à la présente entente pour en faire partie intégrante.
[…]
ET LES PARTIES ONT SIGNÉ :
Pour la Compagnie,
Signé à Chambly, ce 22 e jour de décembre 1992
Par : (signé) Gilles Lussier, vice-président exécutif
Par : (signé) Robert Thérien, directeur projet et entretien
Pour la Municipalité,
Signé à Chambly, ce 22 e jour de décembre 1992
Par : (signé) Louise Bouvier, greffière
Par : (signé) Pierre Bourbonnais, maire
c) Les événements post-contractuels et les modifications à l’entente P-1
[26] Lors de l’entrée en fonction du témoin Cholette à titre de directeur général en 2001, l’entente P-1 était en vigueur depuis neuf ans.
[27] Selon ce témoin, bien que sur papier les estimés prévus à l’entente P-1 paraissaient assez exacts, il semble que l’arrivée de parcs industriels par la suite ait accéléré significativement l’importance des charges polluantes additionnelles apportées aux usines de traitement des eaux.
[28] Dans ce contexte, la Ville fut avisée au début des années 2000 qu’un promoteur immobilier s’était vu refusé par le ministère de l’Environnement l’émission d’un certificat d’autorisation pour un projet de développement. Ce refus était lié aux capacités maximales de traitement des eaux de la Ville, lesquelles avaient été pratiquement atteintes.
[29] Un mandat fut donné à une firme de génie-conseil afin d’évaluer les capacités ainsi que les marges de manœuvre de la Ville.
[30] Il fut confirmé que trois industries principales implantées à Chambly, soit Unibroue (bière), Nabisco Brands Ltd (légumes) et la défenderesse (pâte de carton et autres), étaient particulièrement responsables de ce haut niveau de rejet.
[31] L’ancien directeur général explique que la problématique portait sur deux volets : d’abord le DB0 5 qui constitue la charge de pollution organique dans l’eau et qui se traite par oxygène, ensuite les résidus solides qui doivent être traités par décantation.
[32] Lors de son arrivée en poste en 2001, le témoin avait remarqué que l’usine de la Compagnie défenderesse était en infraction aux normes prévues à l’entente P-1.
[33] Malgré l’entente P-1 qui prévoyait des pénalités en cas de dépassement des charges polluantes rejetées par l’usine et bien qu’il y ait eu plusieurs tels excédents depuis le début de l’entente P-1, aucune pénalité n’avait encore été facturée, notamment à la défenderesse, pour ces infractions.
[34] Ainsi, le témoin, à titre de directeur général de la ville à cette époque, a eu mandat d’interpeller ce qu’on appelait alors les « partenaires industriels », pour les aviser que dorénavant les pénalités allaient être appliquées conformément à l’entente P-1.
[35] C’est dans ce contexte que le témoin a rencontré plusieurs partenaires industriels, dont les représentants de la défenderesse (ou de sa Filiale, selon la défenderesse) laquelle lui déléguait pratiquement à chaque rencontre Gilles Lussier, le vice-président, ainsi qu’à l’occasion Philippe Mayrand lorsque les questions étaient plus techniques.
[36] Après plusieurs négociations, il fut convenu que, plutôt que d’appliquer bêtement l’entente P-1, celle-ci serait ajustée pour tenir compte autant que possible des réalités des eaux usées générées par les trois compagnies tributaires du rejet des plus grandes charges polluantes dans le réseau de la ville.
[37] En effet, la Ville avait adopté une politique où l’on mettrait en œuvre une solution visant à tenter d’éviter aux partenaires industriels d’avoir à payer le maximum de pénalités : il fut convenu d’ajuster les débits à la hausse mais, parallèlement, il fut demandé à ces partenaires de s’impliquer davantage dans les immobilisations afin de permettre l’amélioration des ouvrages et les capacités de traitement de celles-ci.
[38] Ainsi, les partenaires industriels ont été invités à participer plus amplement au développement, à l’agrandissement et/ou à l’amélioration des usines de traitement.
[39] À ce sujet, de nouvelles formules mathématiques ont été créées pour tenir compte des besoins de chaque intervenant, de manière à ce que ceux-ci se répartissent proportionnellement les dépenses reliées à ces constructions.
[40] Ainsi, en 2005, un projet de 52 millions de dollars, dont la Ville était maître d’œuvre, a permis l’agrandissement de l’usine de traitement et d’épuration, notamment grâce à une subvention du Gouvernement de 1,8 million de dollars et à l’apport des trois industries principales, qui avaient été appelées à participer à cet investissement jusqu’à hauteur de 1 million de dollars pour Unibroue, 250 000 $ pour Nabisco Brands Ltd et 90 000 $ pour la défenderesse.
[41] Le témoin indique que la défenderesse n’aura finalement jamais participé financièrement à ce projet en raison de ses difficultés financières et que c’est la Ville qui a absorbé les 90 000 $ non payés par la défenderesse.
d) Les documents post-contractuels
[42] Suite aux négociations tenues entre les parties pour modifier l’entente P-1, la Ville transmet, le 12 février 2003, une proposition pouvant « servir de base en vue de modifier l’entente industrielle pour vos rejets d’eaux usées. » (D-17)
[43] Le destinataire de cette proposition rédigée par la Ville est « Bennett Fleet (Chambly) Inc. », soit la raison sociale de la Filiale de la défenderesse.
[44] Malgré l’envoi de cette lettre à la Filiale, tous les calculs font référence à la raison sociale de la Compagnie défenderesse, « Bennett Fleet Inc. »
[45] Il est prévu qu’advenant son acceptation par la défenderesse, elle « devrait obtenir l’approbation du conseil municipal par voie de résolution et pourrait s’appliquer rétroactivement à compter du 1 er janvier 2002. »
[46] En résumé, c’est cette proposition D-17 qui cristallisera les résultats des négociations visant à modifier les paramètres de base de l’entente existante P-1, pour tenir compte des besoins réels de l’industrie de la défenderesse (ou de sa Filiale, selon la défenderesse) et pour lui permettre d’étaler sur sept ans le paiement du solde de la facture visant l’année d’exploitation 2001.
[47] Cette proposition est acceptée trois mois plus tard par la Filiale, soit le 27 mai 2003 (D-18). L’en-tête de ce document d’acceptation est au nom de la Filiale.
[48] Le 2 juillet 2003, la Ville adopte la résolution 2003-07-490 autorisant le maire et la greffière à signer un addenda à l’entente industrielle P-1 (D-7).
[49] Un addenda est effectivement préparé mais, pour une raison quelconque, il ne sera jamais signé par les parties et l’entente P-1 ne sera jamais modifiée par écrit.
[50] Toutefois, malgré cette absence d’écrit « officiel », les parties admettent qu’à compter de ce moment tous les calculs des coûts d’immobilisation ou d’exploitation ont été ajustés et payés selon les nouveaux barèmes convenus aux documents D-17 et D-18.
[51] Bien que ce soit le nom de la Filiale qui apparaisse à la résolution D-7, la facturation préparée par la Ville sera cependant toujours adressée à la Compagnie défenderesse sous son ancien nom, soit « Bennett Fleet Inc. » (D-22)
2- La proposition aux créanciers selon la Loi de la faillite et l’insolvabilité
a) La proposition et la preuve de réclamation (2005)
[52]
Le 10 février 2005, deux ans après
l’échange des documents D-17 et D-18, la Filiale dépose un avis
d’intention de faire une proposition à ses créanciers (P-8), en vertu de
l’article
[53] La Filiale prépare la liste des créanciers jointe à l’avis d’intention et fait apparaître la Ville de Chambly à titre de créancière garantie pour une somme de 309 023 $ (P-8).
[54] Le 14 avril 2005, la Ville dépose sa preuve de réclamation.
[55] Elle comporte deux volets (D-3), soit :
a) à titre de créancière non garantie , une somme de 233 684,93 $ (toutefois la Ville revendique le droit à un rang prioritaire en vertu de l’article 136 de la loi),
b) à titre de créancière garantie , une somme de 135 202,78 $,
le tout pour un total de 368 887,71 $.
[56] La Ville joint à cette preuve de réclamation les états de compte adressés à la défenderesse à la raison sociale qu’elle portait en 1992, soit « Bennett Fleet Inc. » (D-3)
[57] Rappelons que l’ensemble des comptes adressés à la défenderesse jusqu’en 2007 l’a été spécifiquement au nom de « Bennett Fleet Inc. » (D-21)
b) Le rejet des réclamations de la Ville par le syndic
i) Quant à la réclamation de 233 684,93 $ :
[58] Le 18 juillet 2005, le syndic rejette la réclamation de la Ville en ces termes : « Les sommes réclamées découlent d’une entente de prestation de services conclue le 22 décembre 1992 [NDT : P-1] entre la compagnie débitrice (sic) [NDT : La compagnie « Bennett Fleet (Chambly) Inc. » n’est pas partie à l’entente P-1] et la Ville de Chambly . Les montants réclamés découlant de cette entente constituent la contrepartie de la prestation de services par ville de Chambly sous forme d’une participation prédéterminée au financement des coûts d’immobilisation et d’exploitation des ouvrages d’assainissement et, conséquemment, ne constituent pas une taxe; » (avis de rejet D-4)
[59] Cette somme de 233 684,93 $ a donc été colloquée à titre de créancière ordinaire (D-4).
ii) Quant à la réclamation de 135 202,78 $ :
[60] Par ailleurs, le syndic rejette en entier la réclamation garantie au montant de 135 202,78 $ au motif suivant : « Il s’agit d’une créance due par Groupe Bennett Fleet Inc., une entité légale distincte et propriétaire de l’immeuble quant auquel les taxes foncières sont imposées. La créance de la municipalité contre Groupe Bennett Fleet Inc. n’affecte pas les éléments d’actifs de la débitrice, Bennett Fleet (Chambly) Inc. Compte tenu de ce qui précède, nous avons colloqué votre réclamation garantie à néant. »
[61] Comme on l’a vu, c’est à ce moment, selon la version de la Ville, que celle-ci comprend que « Bennett Fleet (Chambly) Inc. » est une entité distincte de « Bennett Fleet Inc. » ou « Groupe Bennett Fleet Inc. » (D-4)
c) La faillite (2007)
[62] Deux ans plus tard, soit le 13 mars 2007, la Filiale fait définitivement cession de ses biens par le dépôt officiel d’un avis de faillite (D-3).
[63] La liste des créances préparée par la faillite et jointe à l’avis de faillite mentionne la Ville à titre de créancière non garantie pour une somme de 291 281 $ (D-3).
[64] La Ville ne produira aucune preuve de réclamation dans ce dossier.
3- La connaissance par la Ville du changement corporatif
[65] Comme on le verra tout au long de ce jugement, la défenderesse prétend que, depuis 1995, la Ville était parfaitement au courant que la Compagnie n’était plus « l’opérateur-utilisateur » des installations prévues à l’entente (P-1) car c’était plutôt sa Filiale qui avait pris le contrôle des opérations depuis 1995.
[66] De son côté, l’ancien directeur général de la ville, Cholette, indique que lorsqu’il faisait affaires avec des partenaires industriels au cours de sa carrière, il utilisait d’abord les coordonnées apparaissant sur les cartes d’affaires qu’on lui remettait pour communiquer avec les représentants en autorité des différentes compagnies et partenaires.
[67] En ce qui concerne la Compagnie défenderesse, le témoin Cholette a toujours pensé faire affaires indistinctement soit avec le propriétaire ou l’opérateur de l’usine « Groupe Bennett Fleet Inc. »
[68] Pour lui, à cette étape du dossier, l’important est de savoir que les responsables rencontrés « possèdent les pouvoirs décisionnels requis » pour permettre la signature des ententes éventuelles.
[69] Pour la Ville, tous les documents préalables échangés, dont les correspondances entre les parties, constituent des « documents de travail » qui permettront éventuellement l’adoption d’une résolution qui au final engagera la Ville.
[70] Toujours selon lui, les copies des résolutions corporatives autorisant les compagnies à s’engager par ses représentants ne sont exigées et vérifiées qu’au moment de la signature des transactions ou des contrats entres les parties.
[71] Selon le témoin, ces résolutions ne seront donc pas exigées au stade des discussions préalables à la signature des actes juridiques définitifs.
[72] En contre-interrogatoire, il niera catégoriquement avoir vu quelqu’organigramme que ce soit, comme le prétendra le représentant de la défenderesse. Il mentionne que si cela avait été fait, il s’en souviendrait.
[73] Il précise que dans ce dossier comme dans les autres, la structure corporative n’a jamais été une considération importante au stade des discussions préalables aux ententes écrites et définitives.
4- Le témoignage de la trésorière Annie Nepton (l’état de compte)
[74] La trésorière de la ville, Annie Nepton, est entendue et dépose l’état de compte à jour (P-14) qui confirme qu’une somme de 730 855,54 $ demeure due en date du 29 avril 2010.
[75] La trésorière confirme, en contre-interrogatoire, que les intérêts ont été comptabilisés à un taux de 15 % pour refléter les termes de l’entente P-1.
[76] Elle confirmera que sur tout compte de taxes, les intérêts sont fixés à 10 % en sus d’une pénalité de 5 % (P-4).
5- Le témoignage de la greffière Louise Boivin
a) L’interrogatoire en chef
[77] Mme Louise Boivin est greffière à la Ville depuis 1989.
[78] Elle était donc en poste lors de la négociation et la signature de l’entente P-1 le 22 décembre 1992, et lors des modifications de 2003.
[79] La témoin déclare que, sauf quant aux paramètres quantitatifs (D-17 et D-18), l’entente P-1 n’a jamais été modifiée depuis 1992.
[80] À sa connaissance, la Compagnie a toujours été propriétaire des immeubles et a toujours opéré les installations depuis 1992.
[81] À titre de dépositaire des archives de la ville, elle confirme n’avoir jamais reçu d’avis officiel ou tacite de quelque nature que ce soit relativement à un changement quelconque de l’opérateur ou du cocontractant prévu à l’entente P-1.
[82] Plus précisément, elle confirme n’avoir jamais reçu l’avis de résiliation prévu à l’article 11.3 de l’entente P-1.
[83] Elle produit le règlement 96-794 (P-1-A) adopté le 19 mars 1996 et entré en vigueur le 26 mars 1997, en confirmant que ce règlement n’a jamais été modifié et qu’il est toujours en vigueur. Ce règlement établit « la tarification pour le service des eaux usées » de la Compagnie défenderesse.
[84] Elle confirme qu’une résolution (D-7) a été signée le 2 juillet 2003, par laquelle la Ville acceptait de modifier certains paramètres quantitatifs de l’entente P-1 afin de permettre à la Compagnie défenderesse d’augmenter ses charges de rejet d’eaux usées traitées à l’usine d’épuration de la Ville (D-7).
[85] Elle confirme l’existence du projet d’addenda à l’entente P-1, qui avait été préparé par la Ville pour tenir compte de la décision politique de celle-ci d’accepter de modifier certains paramètres de calculs à la base de l’entente P-1.
[86] Elle indique cependant que bien que le Conseil municipal ait autorisé le maire et la greffière à signer l’addenda à l’entente P-1 (voir résolution D-7), ledit addenda n’a jamais été signé par les parties.
b) Le contre-interrogatoire
[87] En contre-interrogatoire, elle admet cependant que l’addenda a été mis en vigueur de facto, malgré l’absence d’un document légal officiel signé par les parties.
[88] Autrement dit, la Compagnie a dès lors profité des avantages des discussions cristallisées dans la proposition D-17 et acceptées par D-18, et ce, même si aucun autre document légal n’a officiellement reconnu ce fait par la suite.
[89] Elle confirme la résolution 2007-06-471 (D-6), à l’effet que le Conseil municipal autorisait une provision supplémentaire pour une mauvaise créance au montant de 178 325,51 $ aux états de la Ville se terminant le 31 décembre 2006, en raison de la réception d’un avis d’intention de la défenderesse de faire une proposition en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité l e 28 février 2006 (P-8).
[90] Elle confirme que le chèque de 11 551,28 $ émis le 24 septembre 2005 par la firme Raymond Chabot Inc. (D-5) à titre de dividendes intérimaires, dans le contexte de la proposition concordataire de la Filiale mentionnée plus haut, a bel et bien été encaissé par la Ville et déduit de la dette totale de la défenderesse (P-14).
[91] Elle explique que la « Ville est tombée des nues » lorsqu’elle et ses dirigeants ont réalisé que la Compagnie défenderesse et sa Filiale étaient deux entités distinctes.
[92] La Ville a pris conscience de cet état de fait le ou vers le 18 juillet 2005, suite à la réception de l’avis de rejet de la réclamation de la Ville par Raymond Chabot Inc. (D-4)
[93] La greffière mentionne qu’avant cette date, la Ville a toujours cru que l’entité corporative cocontractante à l’entente P-1 demeurait « Bennett Fleet Inc. » ou « Groupe Bennett Fleet Inc. », et que la raison sociale « Bennett Fleet (Chambly Inc.) » n’était qu’un nouveau nom de la Compagnie défenderesse.
[94] À la question de savoir la raison pour laquelle la Ville n’a pas retourné au syndic le chèque de 11 551,28 $ après qu’elle eut compris que les entités corporatives « Bennett Fleet Inc. » et/ou « Groupe Bennett Fleet Inc. » étaient distinctes de l’entité corporative « Bennett Fleet (Chambly) Inc. », elle explique que la Ville accepte toujours les paiements de taxes faits au nom d’un contribuable, qu’ils proviennent de celui-ci ou d’un tiers qui paie pour le contribuable.
[95] À la question de savoir la raison pour laquelle la Ville avait produit une preuve de réclamation dans la proposition concordataire de 2005 (D-3), la greffière indique qu’à cette époque la Ville croyait toujours que « Bennett Fleet Inc. », « Groupe Bennett Fleet Inc. » et/ou « Bennett Fleet (Chambly) Inc. » était la même entité corporative ayant changé de nom au cours des années.
[96] Cette réclamation a eu lieu en avril 2005 et la Ville n’a appris qu’en juillet 2005, par l’avis de rejet du syndic (D-4), qu’il existait une distinction corporative entre les deux raisons sociales.
[97] Le procureur de la défenderesse présente à la greffière une série de documents sur lesquels apparaît textuellement le nom de l’entité corporative « Bennett Fleet (Chambly) Inc. », soit les lettres émises par la Ville à la Compagnie (D-13, D-17 et D-19), les lettres émises par la Compagnie à la Ville (D-9, D-15 et D-18) ainsi que des documents émanant de tiers (D-16).
[98] Bien que la greffière ne se souvienne pas de la réception de certains documents, puisqu’elle n’en a pas retrouvé de trace dans les archives en raison de la durée de conservation de tels documents, celle-ci présume que la plupart des documents ont été adressés ou reçus par la Ville.
[99] Cependant, elle formule une déclaration claire à l’effet que les lettres qui sont adressées par la Compagnie ou sa Filiale à des tiers ou reçues de ces compagnies par des tiers n’ont pas été portées à la connaissance de la Ville, ainsi en est-il de la pièce D-16.
[100] Relativement à la résolution P-13, elle confirme à nouveau que si la Ville a produit une réclamation dans la proposition de 2005 c’est parce qu’elle croyait que les entités corporatives « Bennett Fleet Inc. », « Groupe Bennett Fleet Inc. » ou « Bennett Fleet (Chambly) Inc. » n’étaient que différentes raisons sociales de la même compagnie, raisons sociales qui avaient été modifiées dans le temps.
[101] C’est d’ailleurs pour cette raison que la Ville n’a pas fait de réclamation en 2007 lors de la faillite proprement dite de « Bennett Fleet (Chambly Inc.) », la Ville connaissant alors les distinctions corporatives entre les deux compagnies.
B) La preuve de la défense
1- Le témoignage de Gilles Lussier, vice-président de la Compagnie
[102] Le vice-président de la défenderesse reconnait qu’au début des années 1990, le rejet des eaux usées de la Compagnie passait par le système de traitement des eaux de la Ville, et qu’il y avait lieu à cette époque de limiter les concentrations de pollution et de les contrôler.
[103] À l’époque, la Compagnie était spécialisée dans la fabrication de carton-fibre à partir de carton recyclé. Pour ce faire, elle utilisait divers produits chimiques. Les produits servaient principalement à l’industrie de la chaussure (fausses semelles) ou au domaine de l’automobile (joints d’étanchéité).
[104] Le témoin donne un aperçu historique de sa corporation.
[105] De 1956 à 1984, la Compagnie portait la raison sociale « Entreprises R.G. Fleet Inc. » (D-1)
[106] De 1984 à 1999, la raison sociale devient « Bennett Fleet Inc. » (D-2)
[107] De 1999 à aujourd’hui, la Compagnie porte la raison sociale « Groupe Bennett Fleet Inc. » Le témoin précise qu’il s’agit d’un « holding » (compagnie de gestion) qui possède, ou a déjà possédé, 14 filiales dont « Bennett Fleet (Chambly) Inc. »
[108] Cette dernière a été incorporée en décembre 1995 (D-3) car, selon les dirigeants de la Compagnie, il était devenu nécessaire de faire une distinction corporative entre la « gestion » et « l’opération » des activités de l’entreprise. Cette opération s’est faite par l’échange d’actions privilégiées.
[109] Le témoin est vice-président, tant de la Compagnie (D-2) que de la Filiale (D-3).
[110] La Compagnie est actionnaire de la Filiale avec deux autres actionnaires (D-3).
[111] Suite à cette transformation corporative, « Groupe Bennett Fleet Inc. », anciennement « Bennett Fleet Inc. », s’occupait de la gestion des affaires de la Compagnie tout en demeurant propriétaire des immeubles et de ses filiales.
[112] Quant aux opérations proprement dites de l’entreprise, elles étaient dirigées par les filiales dont « Bennett Fleet (Chambly) Inc. »
[113] Selon le témoin, la Compagnie n’avait plus d’employés après 1995, puisqu’ils avaient tous été transférés à sa Filiale.
[114] La Compagnie défenderesse admet cependant être demeurée propriétaire d’un important lot d’équipements et de machinerie de l’entreprise. Il s’agit d’équipements et de machinerie qui étaient « financés » par la banque.
[115] La Compagnie a dès lors loué l’immeuble par bail (D-23) à sa Filiale, mais celui-ci n’a été signé que le 29 juillet 2002 (D-23), soit sept ans plus tard.
[116] Toutefois, dans les faits et malgré la signature tardive du bail, la Filiale a toujours payé de facto un loyer « triple net » à sa compagnie-mère, la défenderesse.
[117] Selon le témoin, la Ville était parfaitement au courant de ces distinctions corporatives internes.
[118] Il mentionne qu’à de multiples reprises, il en avait été question lors de rencontres entre les dirigeants de l’entreprise et la Ville, notamment lors des discussions visant à apporter des modifications à l’entente P-1, tant avec l’ancien directeur général de la ville, Cholette, qu’avec d’autres intervenants.
[119] Il mentionne aussi que cette question corporative était souvent la première question à laquelle il devait répondre : « c’est quoi la différence entre les deux noms ».
[120] Le témoin indique que ses collaborateurs et lui se présentaient toujours comme des représentants de la Filiale.
[121] Il mentionne que des organigrammes ont souvent été présentés aux représentants de la ville afin qu’ils connaissent et comprennent la situation corporative de la Compagnie.
[122] Le témoin démontre par la suite que la Ville ne pouvait ignorer cette distinction corporative, puisqu’elle recevait régulièrement des lettres ainsi que des documents dans lesquels il était clairement indiqué que l’entité ayant l’autorité pour discuter avec la Ville était la Filiale elle-même.
[123] Le témoin explique à son tour le contexte de l’avènement de l’addenda (D-7, D-17 et D-18) visant à modifier les paramètres et les calculs prévus à l’entente P-1.
[124] Ainsi, à cette époque, la Compagnie défenderesse avait reçu une amende « salée » de la Ville, car celle-ci avait dépassé les niveaux de DB0 5 .
[125] Il confirme que de nombreuses rencontres ont eu lieu avec la Ville, afin de négocier notamment l’étalement du paiement ainsi que les niveaux limites maximums de rejet des eaux usées.
[126] Le témoin confirme que la Ville a accepté de modifier l’entente industrielle P-1, même si aucun document officiel n’a été signé entre les parties après l’offre (D-17) et l’acceptation (D-18).
[127] Le témoin précise que cette nouvelle entente, bien que non cristallisée dans un « addenda officiel », a toujours été mise en pratique depuis cette date puisque les comptes de la Ville reflètent fidèlement les nouveaux calculs établis par les documents D-17 et D-18.
[128] Toujours pour démontrer que la Ville était au courant des distinctions corporatives entre le gestionnaire propriétaire et l’opérateur de l’usine, les pièces D-9, D-10, D-11, D-12, D-13, D-14, D-16, D-17, D-18, D-19, D-24-1, D-24-2, D-24-3, D-24-4 et D-24-5 sont déposées.
[129] L’aventure de la proposition aux créanciers déposée en 2005 en vertu de la Loi sur la faillite par la Filiale se terminera deux ans plus tard par la cession des biens de la Filiale soit en mars 2007 (D-3). Cela permettra aux deux actionnaires de la Compagnie, M. Fleet et le témoin Lussier, de racheter tous les stocks de la Filiale par l’entremise d’une nouvelle compagnie à numéros, soit 9180-1134 Québec Inc.
[130] Ainsi, les opérations de la Filiale ont officiellement cessé le 22 décembre 2007.
[131] En contre-interrogatoire, le témoin confirme que toutes les négociations avec la Ville ont été menées par lui-même ainsi que par certains cadres spécialisés dont l’ingénieur Therrien.
[132] Le témoin admet qu’en aucun moment la défenderesse n’a avisé de quelque façon que ce soit la Ville par une lettre spécifique ou par quelqu’autre écrit que des distinctions corporatives étaient survenues en 1995 (D-3), réitérant cependant que plusieurs avis verbaux à ce sujet ont été faits par téléphone ou autrement par des contrôleurs ou par le comptable de la Compagnie.
[133] Le témoin admet cependant qu’il n’a lui-même jamais téléphoné à la Ville pour faire part de ces changements et que la Compagnie ou sa filiale n’ont jamais fait parvenir de copies des rapports CIDREQ (D1, D-2 et D-3) à la Ville.
[134] Le témoin admet au surplus que la Compagnie n’a jamais avisé la Ville concernant son changement de nom en 1999.
[135] Le témoin est catégorique quant au fait qu’il n’avait pas à aviser la Ville puisque les appellations corporatives sont publiques, étant inscrites au registre des entreprises, et qu’il était de la responsabilité de la Ville de s’assurer des tenants et aboutissants de la Compagnie avec laquelle elle faisait affaires : « c’est public un changement de nom : pas besoin d’envoyer de lettre sur ça. »
[136] À la question de savoir la raison pour laquelle le témoin ou d’autres représentants des compagnies avaient utilisé du papier portant l’en-tête de « Groupe Bennett » dans la correspondance de la Filiale avec la Ville, le témoin explique qu’en raison des coûts d’entreprise « on épuise d’abord le papier résiduel au nom de la compagnie-mère ». Pour le témoin, ce n’est pas l’en-tête de la correspondance qui est important, mais bien le contenu.
[137] À la question de savoir la raison pour laquelle le premier bail écrit entre la Compagnie et sa Filiale n’a été signé que sept ans après la création de cette dernière (D-23, 29 juillet 2002), le témoin répond qu’entre compagnies liées il est nécessaire de faire le moins de papier possible.
[138] À la question de savoir la raison pour laquelle la défenderesse n’avait pas envoyé à la Ville une copie du bail D-23, le témoin répond qu’il s’agit d’opérations internes qui n’avaient pas à lui être envoyées.
[139] Le témoin est interrogé au sujet de la compagnie responsable de payer les taxes foncières. Il admet que le débiteur des taxes est le propriétaire de l’immeuble, soit la Compagnie.
[140] Le témoin admet que tous les comptes préparés par la Ville à l’attention de la défenderesse ont été faits au nom de « Bennett Fleet Inc. » (D-21)
[141] Le témoin confirme que la nouvelle compagnie 9115-1134 Québec Inc. a également opéré l’usine après la faillite de la Filiale et qu’il y a eu des rejets dans les égouts de la Ville.
[142] Le procureur de la ville fait reconnaître au témoin son propre interrogatoire sur affidavit, lequel comporte 272 pages (P-15), qui est intervenu le 31 octobre 2007 dans le cadre d’une poursuite de la Compagnie défenderesse contre Hydro-Québec [2] .
[143] Le procureur de la ville fera ressortir certains passages de cet interrogatoire [3] pour tenter d’affecter la crédibilité du témoin.
[144] Le témoin confirme que la Compagnie défenderesse a un numéro de téléphone distinct de la Filiale. Ainsi, celui de la Compagnie porte le code régional 418 (Québec), alors que celui de la Filiale porte le 450 (Chambly).
[145] Le témoin affirmera que c’est également à la Ville de vérifier non seulement l’entité corporative de la Filiale mais également l’opérateur de l’usine. Selon lui, la défenderesse n’avait pas à en aviser la Ville, et ce, malgré l’existence de l’entente P-1 qui précise pourtant les procédures à ce sujet.
[146] Le témoin indique qu’il n’y a pas eu de nouveau bail entre la compagnie à numéros, ayant racheté la faillite de la Filiale, et la Compagnie défenderesse [4] .
[147] À la question de savoir si d’autres documents écrits avaient pu aviser la Ville, documents qui n’avaient pas été déposés en preuve, le témoin répond que malgré de multiples recherches effectuées à l’usine ils n’ont rien trouvé à cet effet.
[148] Le témoin fait l’analogie entre l’entente P-1 et un bail qu’on peut renouveler avec un nouveau locataire.
2- Le témoignage de Philippe Mayrand, cadre chez la défenderesse
[149] Le témoin a travaillé pour la défenderesse de 2001 à 2006.
[150] Il n’a aucun intérêt, ni dans la Compagnie ni dans sa Filiale.
[151] Ses fonctions principales étaient à titre de directeur de l’entretien et de projet pour la Filiale.
[152] Il mentionne avoir rencontré la Ville à plusieurs reprises, soit à raison de une à trois fois par année. Les rencontres avaient lieu avec des techniciens ou des administrateurs de la ville.
[153] C’est lui qui a hérité du dossier des pénalités pour rejet excédentaire (P-15).
[154] Il confirme que D-17 et D-18 ont cristallisé une nouvelle entente qui a été mise en application par la suite.
[155] Il précise qu’il a toujours travaillé pour la Filiale, qu’il s’agissait là de son employeur et qu’il a toujours parlé au nom de la Filiale. Il confirme que bon nombre de discussions portaient sur la structure de la Compagnie gestionnaire et celle opérant l’usine, soit la Filiale.
[156] Le témoin mentionne qu’il était responsable de vérifier le calcul des paramètres conduisant à la facturation par la Ville. Ainsi, c’est lui qui approuvait la conformité ou non du compte adressé par la Ville.
[157] Il indique qu’il ne sait pas ce qu’est une « mesure de mitigation ».
[158] Interrogé à savoir quel papier à en-tête il utilisait pour adresser sa correspondance, il mentionne qu’il ne faisait qu’en rédiger le texte et que c’est « l’administration » qui apposait le tout sur le papier en-tête de la Compagnie (P-6).
[159] Le procureur de la ville fait remarquer qu’au deuxième paragraphe de P-6, le « Groupe » fait référence à « notre usine de Chambly ».
[160] Interrogé à savoir combien de temps duraient les conversations sur la structure corporative de la Compagnie, le témoin mentionne qu’elles étaient d’une durée d’environ deux minutes et il ajoute que le directeur général Lussier ainsi qu’un dénommé Ponton étaient présents à ces réunions.
III. ARGUMENTATION
[161] L’argumentation des parties s’est terminée en septembre 2011.
[162] La Ville prétend :
a) qu’elle n’a jamais été avisée de l’incorporation d’une telle filiale et donc d’un tel changement avec son cocontractant,
b) que l’ensemble des termes de l’entente P-1, à part les modifications aux paramètres, sont demeurées inchangés,
c) que l’entente P-1 prévoit spécifiquement les procédures à suivre en cas de modifications aux termes de celle-ci,
d) qu’aucune « novation » au sens du C.c.Q. n’a été transigée,
e) que la Filiale n’est jamais devenue un nouveau cocontractant à ladite entente (P-1),
f) qu’au mieux, la Filiale ne s’est « qu’ajoutée » à titre de débitrice à la débitrice principale et,
g) que son cocontractant, aux termes de l’entente P-1 et de la résolution P-1-A, est toujours la Compagnie défenderesse « Groupe Bennett Inc. »
[163] De son côté, la Compagnie base son argumentation sur les points suivants :
a) depuis 1995, c’est la Filiale qui est responsable des opérations de l’usine de Chambly et qui est donc « l’opérateur-utilisateur » aux termes de l’entente (P-1), et non pas « Groupe Bennett Inc. »,
b) de multiples lettres et autres documents échangés entre les parties confirment, identifient et dénoncent régulièrement les parties comme étant la Ville et la Filiale « Bennett Fleet (Chambly) Inc. »,
c) au cours des multiples réunions tenues avec les représentants de la ville, les représentants de l’usine se sont toujours présentés au nom de la Filiale « Bennett Fleet (Chambly) Inc. » et,
d) particulièrement, la résolution municipale 2003-07-490 (D-7) institue, selon elle, une « nouvelle entente » et fait expressément mention de « Bennett Fleet (Chambly) Inc. »
[164] La question à déterminer par le Tribunal est donc de décider si l’ensemble des faits mis en preuve permet de conclure à la libération de la défenderesse débitrice par l’opération d’une novation au sens du C.c.Q. Si cette opération ne s’est pas faite expressément, s’est-elle produite tacitement?
[165] Dans ce contexte, quel est le poids juridique des multiples lettres et documents faisant référence à la raison sociale de la Filiale, eu égard aux dispositions spécifiques de l’entente P-1 quant aux procédures spécifiquement prévues en cas de modification à l’un ou l’autre de ses termes et dispositions?
IV. DISCUSSIONS ET MOTIFS
A) Le résumé
[166] La présente affaire est simple à résumer.
[167] La défenderesse signe une entente avec la Ville en 1992.
[168] L’entente comporte des dispositions spécifiques quant à toute modification à celle-ci, notamment sur la non-cessibilité des droits et obligations de la Compagnie défenderesse.
[169] En cours de route, la Compagnie défenderesse effectue des modifications corporatives importantes dans son entreprise.
[170] Elle crée, en 1995, une Filiale qui s’occupe des opérations de l’usine de Chambly, alors que la Compagnie demeure propriétaire des immeubles et d’une importante partie des équipements et est responsable de la gestion.
[171] Ces importants changements corporatifs ne sont jamais formellement dénoncés à la Ville par quelqu’avis écrit que ce soit.
[172] Toutefois, de multiples rencontres sont tenues au cours des années pendant lesquelles les représentants de la Compagnie, selon celle-ci, se présentent alors comme des représentants de la Filiale. Cette version est niée formellement par les témoins de la ville.
[173] De même, de multiples documents sont échangés dans lesquels apparaissent tantôt le nom de la Compagnie, tantôt le nom de la Filiale.
[174] Avec le temps et particulièrement au début des années 2000, il appert que les paramètres qui ont échafaudé tous les calculs des montants à payer et des quantités de rejet de contaminants admissibles et acceptables lors de la signature de l’entente P-1 en 1992 doivent être révisés.
[175] Une entente, que les parties ont intitulé « addenda », intervient en 2003 et de nouveaux paramètres sont appliqués de facto, sur la foi et l’acceptation de deux correspondances (D-17 et D-18) signées par les parties, et ce, même si « l’addenda » n’a jamais été signé et malgré l’absence de tout autre document modifiant « officiellement » l’entente P-1, sauf une résolution (D-7) par laquelle la Ville autorise le maire et la greffière à signer l’addenda avec l’appellation « Bennett Fleet (Chambly) Inc. », document qui ne sera jamais signé.
[176] En 2005, la Filiale fait une proposition « concordataire » à ses créanciers et fait cession de ses biens en 2007.
[177] En 2005, la Ville vote une résolution (P-13) pour autoriser une provision pour mauvaise créance, vu la proposition de l’appellation « Bennett Fleet (Chambly) Inc. »
[178] Entre-temps, la totalité des comptes et des factures préparés par la Ville sont toujours faits au nom de la Compagnie défenderesse, soit la raison sociale de la Compagnie au moment de la signature de l’entente P-1 en 1992 (« Bennett Fleet Inc. »).
[179] La Ville explique qu’elle ne sera avisée des changements corporatifs et des distinctions corporatives entre la Compagnie et sa Filiale que vers le 18 juillet 2005, lorsqu’elle recevra l’avis de rejet du syndic (D-4) relativement à ses preuves de réclamation.
[180] La Compagnie défenderesse prétend que, depuis 1995 (D-3), le nouveau débiteur responsable de l’entente P-1 est la Filiale et que la Compagnie s’est libérée de toutes ses obligations envers la Ville depuis cette date. À cet effet, la Ville ne pouvait ignorer la distinction entre la Compagnie et la Filiale, puisque de nombreuses rencontres et correspondances ont confirmé ce fait.
B) L’état du droit (loi, doctrine et jurisprudence)
[181] La validité ou non d’un changement ou d’une substitution de débiteur eu égard à son créancier, ainsi que les conséquences de cet acte juridique entre les parties sont spécifiquement prévues aux articles 1660 à 1671 du C.c.Q. [5] : il s’agit de la novation et de la délégation de débiteur.
[182] Voici les articles pertinents du code, lesquels se trouvent au chapitre 7 portant sur les transmissions et les mutations des obligations [6] :
1660. La novation s'opère lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte, ou lorsqu'un nouveau débiteur est substitué à l'ancien, lequel est déchargé par le créancier; la novation peut alors s'opérer sans le consentement de l'ancien débiteur.
[…]
1661. La novation ne se présume pas; l'intention de l'opérer doit être évidente.
[…]
1667. La désignation par le débiteur d'une personne qui paiera à sa place ne constitue une délégation de paiement que si le délégué s'oblige personnellement au paiement envers le créancier délégataire; autrement, elle ne constitue qu'une simple indication de paiement.
1668. Le créancier délégataire, s'il accepte la délégation, conserve ses droits contre le débiteur délégant, à moins qu'il ne soit évident que le créancier entend décharger ce débiteur.
[…]
[183]
La novation est une cause d’extinction
des obligations contractuelles selon l’article
SECTION
I
DISPOSITION GÉNÉRALE
1671. Outre les autres causes d'extinction prévues ailleurs dans ce code, tels le paiement, l'arrivée d'un terme extinctif, la novation ou la prescription, l'obligation est éteinte par la compensation, par la confusion, par la remise, par l'impossibilité de l'exécuter ou, encore, par la libération du débiteur.
[184] La novation ne se présume pas (art. 1661). Il doit donc y avoir une volonté claire du créancier de libérer son débiteur. Cette volonté peut être expresse ou tacite.
[185] Un passage revient régulièrement dans la jurisprudence consultée sur le sujet. Il s’agit d’un extrait du livre Les Obligations, édition 2005, rédigé par l’honorable Jean-Louis Baudouin :
« L'intention de nover, qui est à la fois la volonté d'éteindre une obligation et d'en créer une nouvelle, peut résulter d'une stipulation expresse qui l'indique clairement. Dans ce cas, point n'est besoin que les parties à l'acte emploient d'expression sacramentelle, même si les tribunaux se montrent exigeants dans les critères d'interprétation de cette intention. L'intention de nover peut aussi être tacite et s'inférer des circonstances. Le tribunal peut ainsi déduire l'intention de nover de l'analyse de la conduite des parties, ou encore en constatant l'incompatibilité des deux obligations ou des recours qui en résultent pour le créancier. La Cour d'appel a néanmoins été amenée à rappeler, dans un arrêt de principe, que, pour trouver une novation dans la conduite ou le comportement du créancier, l'intention d'effectuer une telle novation doit être claire et non équivoque. Le fardeau de prouver l'intention de nover incombe à celui qui l'allègue. Tout moyen de preuve est cependant admissible, y compris la preuve par présomptions de faits, lorsqu'elles sont graves, précises et concordantes (article 2849). [7] »
[186] Dans l’affaire Calce c. Brescia [8] , la Cour d’appel cite à nouveau ce qu’elle avait déjà écrit à l’unanimité dans l’affaire Banque Laurentienne du Canada c. Alain Mackay et Attilio Leone , le 20 février 2002 dans un jugement rendu par l’honorable Jean-Louis Baudouin :
« 19 Dans l'arrêt Banque Laurentienne du Canada c. Alan Mackay, la Cour, sous la plume de mon collègue le juge Baudouin, traite ainsi des exigences de la preuve en matière de novation :
[22]
La doctrine
sur le sujet est claire. La novation ne se présume pas
(J. PINEAU, D.
BURMAN ET S. GAUDET, Théorie des obligations, op. cit., supra, no 512, p. 850
et s.; V. KARIM, Commentaires sur les obligations, op. cit., supra, p. 468 et
s.). On imagine, en effet, difficilement qu'un créancier renonce à son débiteur
d'origine, sauf s'il y trouve son intérêt, en y substituant un plus solvable.
La novation entraîne, rappelons-le, la perte d'un droit par extinction d'une
obligation. Il faut donc une preuve claire de l'intention du créancier, par
exemple lorsque le créancier intervient à la vente et donne au premier débiteur
quittance de sa dette. En cas contraire, l'opération s'analyse comme une
délégation imparfaite de paiement (art.
[23] L'arrêt,
probablement le plus cité à cet égard, est celui de la Cour suprême dans Proulx
c. Leblanc
[24]
Certes, si la
novation ne se présume pas, elle peut, malgré tout, être tacite (par exemple,
résulter du comportement ou de la conduite du créancier qui démontre clairement
son intention de décharger le débiteur original.
(Voir: Rémy c. Gagnon
[25] Je remarque cependant que certaines décisions récentes paraissent avoir été sensiblement moins exigeantes dans la preuve requise et ont peut-être eu tendance à trouver des intentions de nover là où, à mon humble avis, il n'y en avait pas vraiment. Je suis conscient que chaque cas est un cas d'espèce et doit être tranché d'après la situation factuelle en cause. Je ne pense pas, toutefois, qu'il soit conforme à la volonté législative de voir trop facilement de la novation tacite.
[26] Je ferai remarquer également qu'il me semble particulièrement important de ne pas mélanger deux questions qui m'apparaissent pourtant distinctes et ne pas devoir être confondues dans leurs effets. La première est la détermination de l'existence d'une novation tacite. Pour en être convaincue, la preuve doit révéler l'intention de nover de la part du créancier, intention qui, même si elle résulte de sa conduite ou de son comportement, doit être claire et non équivoque. La seconde est l'identification de l'existence d'une fin de non-recevoir qui me paraît une tout autre question et un problème de nature différente. Il s'agit, en effet, alors non pas tant de rechercher l'intention de nover, mais plutôt de sanctionner un comportement jugé inacceptable dans les circonstances. Autrement dit, même si la preuve ne révèle pas d'intention de nover, un tribunal peut légitimement déceler de la part du créancier une conduite contraire, soit à la bonne foi, soit en rupture avec une obligation de renseignement et dont l'effet juridique sera d'empêcher celui-ci de recourir contre le premier débiteur, ou dans certains cas contre une caution. La différence entre ces deux problèmes est que, dans le premier cas, il s'agit de procéder à une analyse factuelle pour établir l'existence d'une novation, alors que, dans le second, il s'agit d'évaluer la conduite du créancier pour déterminer, s'il y a faute de sa part, l'opportunité d'une sanction juridique [9] . »
(Les soulignements sont de la Cour d’appel dans l’affaire Calce. )
[187] Dans Crown Life Insurance Company c. 2329-7294 Québec Inc . [10] , l’honorable Jean-François DeGrandpré écrit :
« La doctrine enseigne que la novation nécessite deux opérations juridiques distinctes : L’extinction d’une dette et la création d’une nouvelle. Un simple changement à une obligation existante ne suffit pas . Ainsi, la prorogation du terme, le changement du mode de paiement ne sont pas suffisants pour conclure à la novation. De même, vu qu’elle ne se présume pas, l’intention du créancier doit être claire. Pour cette raison, le Code prévoit que la délégation de paiement acceptée par le créancier ne lui fait pas perdre son recours contre le débiteur original .
Mais les défendeurs ont le fardeau de la preuve et elle peut se faire par présomption . » [11]
(Les soulignements ci-dessus et ci-après sont du présent Tribunal.)
[188] Dans cette affaire, le juge écrit à la page 14 de son jugement :
« Ce n’est pas parce que Crown Life était prête à libérer les débiteurs originaux, si Gestion Darbari acceptait de s’engager qu’il faut y voir l’intention dont parle 1661 C.c.Q. L’engagement du nouveau débiteur doit exister. Sans cela, aucune discussion ou négociation ne serait possible. Tous les créanciers perdraient leurs recours du simple fait d’avoir manifesté l’intention de renouveler un prêt avec un nouveau débiteur avant l’expiration du terme ou pendant une prorogation accordée justement pour pouvoir explorer cette possibilité (voir Compagnie générale d’assurance de commerce c. Procureur général du Québec 1973 ca 124). Le Tribunal conclut donc qu’il n’y a eu aucun renouvellement de la dette originale donc, pas de novation. » [12]
[189] Dans l’affaire Location Les développements Iberville et Riocan Acquisitions Inc. c. 9074-9508 Québec Inc. et Michel Mecteau et 3090-0591 Québec Inc. et Donald Gagnon [13] , le juge refuse de reconnaître une novation alors que le créancier n’a jamais avisé l’ancien débiteur que son nouveau débiteur avait été en retard dans les paiements de ses loyers pendant huit ans :
« [25] Les défendeurs font grand cas du fait que les Benlarbi ont payé leur loyer en retard durant huit années sans en être jamais informés par Iberville. Selon eux, il faudrait en déduire que cette dernière avait l’intention de les libérer et de considérer uniquement les Benlarbi comme ses seuls débiteurs.
[26] Le Tribunal n’est pas d’accord. La novation ne se présume pas et l’intention de nover doit être évidente (art. 1661 C.c.Q). Ceci signifie que le créancier doit manifester clairement son intention de libérer le premier débiteur en éteignant son obligation . »
[190] Ce fardeau de la preuve d’intention de nover, expressément ou tacitement, doit être établi par preuve prépondérante. [14]
[191] Donc, en quelques mots, l’intention de libérer le créancier, si elle est tacite, ne doit pas être équivoque et en cas de doute on doit préférer, selon l’honorable juge et auteur Baudouin, « la solution qui préserve les droits des créanciers. »
C) Analyse de la preuve et discussion
[192] Qu’en est-il dans la présente affaire? Y a-t-il eu novation entre les parties? Si oui, fut-elle expresse ou tacite?
[193] Cette analyse ne pourra évidemment être faite sans considérer les dispositions de l’entente P-1 qui prévoient certaines procédures spécifiques et d’importantes restrictions, en ce qui concerne notamment la cession des droits dans l’entente (prohibition de cession, art. 12.1), la nécessité de résilier l’entente après un préavis de six mois en cas de cessation des opérations (art. 11.3 ) et la durée de l’entente qui en prévoit la fin automatique en cas de cessation des opérations de l’usine par la défenderesse (article 11.2).
[194] Finalement, le fardeau de la preuve de l’intention de nover repose sur celui qui l’allègue, dans ce cas-ci la Compagnie débitrice. [15]
1- La novation expresse
[195] D’abord, la preuve a révélé, tant par la déclaration des témoins que par l’aveu même du représentant de la défenderesse Gilles Lussier, qu’aucun document ou avis officiel n’avait été adressé à la Ville par la défenderesse ou sa Filiale pour dénoncer la modification de la raison sociale du cocontractant « Bennett Fleet Inc. » pour « Groupe Bennett Fleet Inc. » en 1999 ou lors de la création de la nouvelle Filiale « Bennett Fleet (Chambly) Inc. » en 1995.
[196] De même, aucun document ou avis écrit n’a dénoncé expressément à la Ville à quelque moment que ce soit après le 20 décembre 1995, que l’opérateur, l’utilisateur ou le cocontractant de la Ville était dorénavant la Filiale en lieu et place de la Compagnie défenderesse.
[197] Aucun des extraits du Registraire des entreprises (CIDREC) (D-2 et D-3) n’a été adressé ou notifié à la Ville de quelque façon que ce soit.
[198] De même, bien qu’il n’y avait aucune obligation pour la défenderesse de le faire, il ressort de la preuve, par l’affirmation des témoins de la ville et par l’aveu du témoin de la défenderesse lui-même, qu’aucune copie du bail (D-23) conclu entre la Compagnie et sa Filiale le 22 juillet 2002 n’avait été transmise à la Ville.
[199] Par ailleurs, il n’y a aucune preuve d’une intention clairement exprimée par la Ville de libérer expressément de ses obligations la Compagnie défenderesse cocontractante à l’entente P-1 de 1992, en tout temps pertinent au présent litige.
[200] Au contraire, la Ville affirme qu’elle ne savait pas que la Filiale était une entité distincte, croyant plutôt à un simple changement de raison sociale de la Compagnie débitrice.
[201] La pièce P-13 (résolution rédigée le 19 avril 2005) confirme de façon convaincante les témoignages du directeur général et de la greffière de la ville à ce sujet : « Considérant que Bennett Fleet Inc. a déposé une proposition le 30 mars 2005 […].
[202] Déjà, Mme Louise Bouvier, interrogée le 6 novembre 2008 dans le cadre du litige avec Hydro-Québec, répondait ainsi à une question de la défense :
Q/ « Vous dites que la Ville a jamais su. Mais avez-vous vu toute la correspondance que je vous ai montrée où on parle de Bennett Fleet Chambly Inc.? »
R/ « Mais pour nous, comme Bennett Fleet Incorporée n’a jamais rien changé, nous a jamais avisés de quoi que ce soit concernant un changement de propriété, un changement d’entité ou de personne morale ou quoi que ce soit, c’est certain qu’on a vu apparaître, effectivement, au cours des correspondances le mot « Chambly », le nom « Chambly ». Mais comme il y a jamais eu d’avis à la Ville comme quoi que c’était vraiment un changement de personne morale, on a présumé que c’était uniquement un changement de nom. [16]
[203] Sa version n’a pas changé au cours du présent procès.
[204] La Ville ne peut certes pas libérer un débiteur, si elle ne sait même pas qu’un nouveau débiteur a été substitué au premier.
[205] Il n’y a donc aucune preuve de novation expresse au dossier.
2- La novation tacite
[206] Y a-t-il eu novation tacite?
[207] L’entente P-1 ne prévoit pas ce type de novation, toutefois les avis prévus à l’entente peuvent être verbaux dans la mesure où ils sont « donné[s] à un représentant qualifié de la partie destinataire. » [17]
[208] L’analyse de l’existence ou non de novation tacite doit être faite dans la perspective où la jurisprudence et la doctrine enseignent non seulement que le fardeau de la preuve repose sur les épaules du débiteur, mais également que la libération d’un débiteur par un créancier doit avoir un caractère non ambigu et non équivoque (« claire et non équivoque »). [18]
[209] Cette preuve peut être faite par une présomption de faits.
[210] Le C.c.Q. définit la présomption de faits ainsi :
2846. La présomption est une conséquence que la loi ou le tribunal tire d'un fait connu à un fait inconnu .
[211] De même le code établi le niveau de qualité requis pour servir aux fins de preuve :
2849. Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont laissées à l'appréciation du tribunal qui ne doit prendre en considération que celles qui sont graves, précises et concordantes.
[212] Deux éléments de preuve permettent au Tribunal d’analyser l’existence ou non d’une novation tacite : les rencontres entre les parties et les correspondances entre elles.
a) Les rencontres entre les parties
[213] D’abord, le représentant de la défenderesse, Gilles Lussier, affirme avoir discuté en plusieurs occasions avec les représentants de la Ville du fait qu’il représentait la Filiale.
[214] Il a affirmé que des organigrammes de la Compagnie avaient été déposés lors de ces rencontres. La Ville a nié avec véhémence cette affirmation.
[215] Le Tribunal ignore s’il y a eu ou non dépôt d’organigrammes, mais constate que les discussions quant aux distinctions corporatives de la Compagnie défenderesse et de sa Filiale ont été vigoureusement contestées par la Ville.
[216] Le débat et les discussions au sujet de la compréhension par la Ville desdites entités corporatives de la défenderesse sont diamétralement opposés et contradictoires.
[217] Ce n’est certainement pas sous l’angle de cette preuve que le Tribunal peut déceler le caractère non ambigu et non équivoque de l’intention de nover par un créancier.
[218] Qui plus est, aucun des « organigrammes » qui auraient été présentés à la Ville n’a été produit au Tribunal et le fardeau de la preuve de la défenderesse à ce sujet n’a certainement pas été rencontré.
b) Les correspondances écrites
[219] Ce deuxième élément de preuve est constitué de l’ensemble des écrits échangés entre les deux parties au cours des années, portant des en-têtes ou des signatures dénonçant la provenance ou la destination de ceux-ci.
[220] Comme ces écrits avec leur en-tête, contenu et signature comportent l’essentiel de la preuve de la défenderesse, il y a lieu d’en traiter de façon ordonnée.
[221] Ainsi, dans le but de synthétiser l’ensemble de ces documents et dans le contexte où l’intention « tacite » de nover doit être claire et non équivoque, le Tribunal a classé cette liasse de documents en deux catégories :
i) d’abord, ceux qui, à leur lecture même, peuvent jeter dans l’esprit d’un lecteur raisonnable une certaine confusion par rapport aux prétentions des parties lors de leur témoignage et qui par conséquent peuvent démontrer un caractère ambigu ou équivoque,
ii) ensuite, ceux qui sont clairs et précis et qui ne soulèvent aucune confusion.
[222] Le moins que l’on puisse dire est que dans la première catégorie, la preuve révèle que les ambigüités ressortant de ces documents, à la suite d’une lecture par un lecteur raisonnable, ont été entretenues tant par la défenderesse que par la Ville.
[223] L’ensemble de cette analyse doit être réalisée dans le contexte où le fardeau de la preuve repose sur la débitrice, soit la défenderesse.
[224] Le Tribunal traitera donc de ces documents un par un, en commentant les raisons qui amènent un lecteur raisonnable à croire que la Ville connaissait (ou non) l’identité distincte de la Filiale et qu’elle a clairement (ou non) eu l’intention de nover la dette ou d’y substituer un nouveau débiteur en lieu et place de la défenderesse.
[225] Le Tribunal analysera ces documents par ordre chronologique, et rappelle que leur pertinence ne vaut principalement qu’entre les années 1995, date de l’incorporation de la Filiale, et le 18 juillet 2005, date où selon la preuve la Ville réalise que la Filiale est totalement distincte de la défenderesse. Il sera cependant nécessaire à l’occasion de déborder cette période pour comprendre le contexte.
i) Documents ambigus ou équivoques
1° émanant de la Ville :
[226] La Ville soutient ne pas avoir été mise au courant des distinctions corporatives entre la raison sociale de la Compagnie et de la Filiale. Selon la défenderesse, la Ville a admis sa connaissance lorsqu’elle a rédigé elle-même ou reçu des documents au nom de la Filiale.
a) D-13 : Lettre de la Ville à la Filiale le 22 novembre 2001 .
[227] Il s’agit d’une mise en demeure clairement adressée au nom de la Filiale afin de normaliser « les dépassements importants » de rejet d’eaux usées dans les installations de la Ville. À première vue, cette lettre semble effectivement engager la Ville avec la Filiale. Toutefois, les témoignages des représentants de la Ville sont à l’effet qu’en 2001, la Ville croyait que la raison sociale de la Filiale n’était qu’un nouveau nom de la Compagnie défenderesse. Le Tribunal rappelle qu’on cherche ici une intention claire et non ambigüe de nover.
b) D-17 : Lettre de la Ville à la Filiale le 12 février 2003.
[228] Cette lettre présente une proposition qui vise à modifier les paramètres de base de l’entente P-1 et à régler les montants déjà facturés à la défenderesse ou ses compagnies. Bien que cette lettre soit adressée au nom de la Filiale, il appert que l’addenda et les calculs contenus dans cette lettre font tous référence au nom de la Compagnie défenderesse. Ainsi, les mots « Bennett Fleet Inc. » apparaissent à pas moins de quatre reprises dans ces calculs. Ceci est ambigu et équivoque quant aux intentions de la Ville de libérer la Compagnie défenderesse débitrice.
c) D-7 : Résolution 2003-07-490 adoptée le 2 juillet 2003 .
[229] Cette résolution fait indistinctement référence à un « addenda » à l’entente industrielle avec « Bennett Fleet Chambly Inc. » », comme si l’entente P-1 avait originalement été signée avec la Filiale en 1992 :
« ATTENDU QUE la Ville a révisé l’entente industrielle [NDT P-1] relative au financement et à l’utilisation des ouvrages d’assainissement des eaux usées intervenue avec la compagnie Bennett Fleet Chambly inc. en 1992; […]
[230] Bien que cet attendu semble a priori indiquer clairement que la Ville faisait affaires avec la Filiale, il tend aussi à confirmer les témoignages à l’effet que la Ville croyait toujours, en 2003, que le nom de la Filiale n’était qu’une autre modification de la raison sociale de la Compagnie défenderesse, et que ces deux noms constituaient la même entité corporative puisqu’il ne fait aucun doute que la « Compagnie Bennett Fleet (Chambly) Inc. » n’était pas la cocontractante en 1992. [19]
[231] Par ailleurs, cet extrait est ambigu et équivoque :
[…] Que le conseil municipal autorise le maire et la greffière à signer l’addenda à l’entente industrielle avec Bennett Fleet Chambly inc . relative au financement et à l’utilisation des ouvrages d’assainissement des eaux usées conformément au projet soumis, lequel fait partie intégrante des présentes comme s’il y était entièrement retranscrit. »
[232] Cet attendu doit recevoir du Tribunal les mêmes commentaires que le précédent et confirme le caractère ambigu ou équivoque du propos, puisqu’on réfère à la Filiale à titre de cocontractante de l’entente P-1 « en 1992 » alors que ce n’était pas le cas.
d) D-19 : Lettre de la Ville à la Filiale le 1 er avril 2004.
[233] Cette lettre est clairement adressée au nom de la Filiale « Bennett Fleet (Chambly) Inc. » mais elle est rédigée avant juillet 2005, date à laquelle la preuve révèle que la Ville a pris connaissance des distinctions corporatives entre les deux compagnies.
e) P-9 et D-3 : La preuve de réclamation dans la proposition de la Filiale le 14 avril 2005 .
[234] Bien que cette preuve de réclamation soit faite au nom de la Filiale, il appert que tous les états de compte annexés à ladite preuve de réclamation sont au nom de la Compagnie défenderesse « Bennett Fleet Inc. » Il appert qu’aucun compte, état de compte ou facture n’a été préparé au nom de la Filiale . Ce document est également ambigu ou équivoque et ne dénote aucunement que la Ville connaissait la distinction corporative entre les deux compagnies ni qu’elle avait clairement l’intention d’en libérer la débitrice défenderesse.
[235] Au contraire, on voit mal comment la Ville aurait pu réclamer une créance d’une compagnie faillie à l’aide de factures adressées et liant une autre compagnie.
[236] On comprend d’ailleurs mieux l’avis de rejet de réclamation préparé par le syndic (D-4), à l’effet que la réclamation de garantie réclamée par la Ville (135 202,78 $) soit « une créance due par Bennett Fleet Inc. une entité légale distincte et propriétaire de l’immeuble quant auxquelles les taxes foncières sont imposées. […] » (D-4)
[237] Cette confusion n’a pas été que l’apanage de la Ville.
[238] À moins d’un lapsus involontaire, il appert que le syndic lui-même entretient une certaine confusion lorsqu’il écrit à la Ville : « Les sommes réclamées découlent d’une entente de prestation de services conclue le 22 décembre 1992 entre la compagnie débitrice et la ville de Chambly » , alors que de toute évidence la « compagnie débitrice », qui est la Filiale pour le syndic (voir le nom des parties à l’en-tête des procédures (D-4)) n’a jamais signé l’entente de prestation de services conclue le 22 décembre 1992 (P-1).
2° émanant de la défenderesse :
[239] Par ailleurs, l’ambigüité a également été entretenue par la défenderesse elle-même, et ce, même après l’incorporation de sa Filiale le 20 décembre 1995 (D-3).
a) D-9 : Lettre de la défenderesse à la Ville le 3 juin 1996 demandant un certificat de conformité pour le projet.
[240] Malgré l’incorporation de sa Filiale en 1995 (D-3), cette lettre porte l’en-tête de la Compagnie défenderesse « Bennett Fleet Inc. » et traite dans le texte de la Filiale en plus d’être adressée en copie conforme à M. Gilles Lussier, qualifié de « vice-président Bennett Fleet Inc. »
b) D-10 : Lettre de la défenderesse à la MRC le 9 juillet 1996 demandant un certificat de conformité pour le projet.
[241] Cette lettre porte l’en-tête de la Compagnie « Bennett Fleet Inc. » , mais son texte parle d’une demande pour la Filiale. Par ailleurs, « Bennett Fleet Inc. » adresse cette lettre en copie conforme à M. Gilles Lussier, qualifié de « vice-président Bennett Fleet Inc. »
c) P-6 : Lettre de la Compagnie à André Boisclair, ministre d’état aux Affaires municipales dans la Métropole le 22 novembre 2002 .
[242] Cette lettre porte en en-tête le nom « Groupe Bennett Fleet Inc. » et indique dans son texte : « la réalisation de ce projet nous permettra de consolider nos opérations à notre usine de Chambly , garantissant ainsi les emplois de notre personnel . Nous vous informons également de notre volonté de contribuer financièrement à sa réalisation. » Pour clore le tout, malgré son en-tête, la lettre est signée par la Filiale sans autre distinction.
d) D-18 : Note de service adressée par la Filiale à la Ville pour transmettre l’acceptation de la Compagnie aux modifications des charges réservées, tel que proposé dans la lettre du 12 février 2003 (D-17).
[243] Cette note de service porte l’en-tête de la Filiale mais tous les documents qui y sont annexés sont au nom de la Compagnie défenderesse « Bennett Fleet Inc . » Ces documents annexés, qui sont en fait une copie des documents annexés à la proposition D-17, n’ont pas été corrigés par la défenderesse ou sa Filiale de quelque façon que ce soit et s’intitulent toujours « addenda proposé à l’entente industrielle avec Bennett Fleet » ainsi que « simulation des coûts industriels avec Bennett Fleet (pour 2001) », le tout sans aucune distinction avec la Filiale .
[244] Il va de soi que pour un lecteur raisonnable, tous ces documents qui s’étalent de 1996 à 2003 peuvent causer une certaine confusion dans son esprit. On ne peut certainement pas prétendre que la défenderesse a prêché par l’exemple en indiquant clairement ses entités corporatives dans sa correspondance.
[245] La preuve révèle, de la part de la Compagnie défenderesse, une absence totale de souci d’aviser positivement la Ville des changements corporatifs intervenus en temps opportun, et l’échange de ces documents où la Filiale s’identifie avec du papier à l’effigie de la Compagnie défenderesse ne contribue certes pas à attirer l’attention sur l’identité distincte des compagnies.
[246] Ces documents suscitent l’ambigüité et ne prouvent absolument pas l’intention claire et non équivoque de la Ville de libérer la Compagnie défenderesse débitrice.
[247] En contre-interrogatoire, le représentant de la Compagnie défenderesse indiquera laconiquement que cette situation était normale puisqu’il fallait épuiser l’ancien papier à lettre de « Bennett Fleet Inc. » ou « Groupe Bennett Fleet Inc. » avant d’engager des frais supplémentaires pour la nouvelle papeterie.
ii) Documents ne suscitant aucune ambigüité
1° émanant de la Ville :
[248] Bien qu’il ne soit pas pertinent d’établir la situation antérieurement à 1995 pour connaître l’intention ou non de la Ville de libérer son débiteur « Bennett Fleet Inc. » devenu « Groupe Bennett Fleet Inc. », il demeure que certains documents antérieurs à cette date sont pertinents pour dégager le contexte des intentions de la Ville quant au débiteur de sa créance.
a) D-8 : Résolution 92-12-856 du 1 er décembre 1992.
[249] Cette résolution autorise la Ville à signer l’entente industrielle P-1 avec « Bennett Fleet Inc . »
b) P-1 : L’entente industrielle du 22 décembre 1992 .
[250] Cette entente définit clairement les obligations des parties. C’est la loi des parties :
« Article
[251] Cette entente vise des investissements financiers majeurs pour lesquels chaque intervenant est responsable financièrement. En effet, si l’un des intervenants se retire, le solde des coûts à payer doit se répartir et être assumé par les autres.
[252] Dans ce contexte, il est raisonnable que les parties aient stipulé à l’entente P-1 certaines dispositions très précises et restreignantes, dans l’éventualité du retrait d’un intervenant par la cessation de ses opérations ou lors d’une cession à un tiers, ce qui est carrément prohibé.
[253] De façon plus particulière, il y a lieu d’analyser les faits mis en preuve dans la présente affaire en regard des prétentions de la défenderesse au cours du procès.
[254] Dans un premier temps, l’argumentation de la défenderesse à l’effet que le propriétaire de l’usine (la Compagnie) n’était plus l’opérateur (la Filiale) est surprenante eu égard aux dispositions précises de l’entente P-1.
[255] D’abord, le premier attendu précise que « La Compagnie opère une usine sise au 2700, rue de Bourgogne à Chambly… »
[256] De même, les définitions prévues à l’article 2.21 indiquent que le propriétaire est : « le propriétaire de l’usine à savoir : Bennett Fleet Inc. corporation dûment constituée ayant une place d’affaire au 2700, rue de Bourgogne… »
[257] De même, l’article 2.25 définit l’usine comme étant : « L’usine appartenant au propriétaire et opérée par la Compagnie sise au 2700, rue de Bourgogne… », de même que l’immeuble sur lequel se trouve cette usine.
[258] L’article 11 indique clairement que la défenderesse est à la fois propriétaire de l’immeuble et opérateur de l’usine. D’abord, il est prévu que l’entente demeure en vigueur tant que « la compagnie opère l’usine. » (art. 11.2)
[259] La seule façon légale de sortir du cadre prévu à l’entente est de respecter les conditions prévues aux articles 11 et 12 :
« 11.2 Sous réserve des conditions prévues aux articles 11 et 12, la présente entente demeure en vigueur tant que la Compagnie opère l’usine. »
[260] L’une de ces conditions est de donner un avis à la Ville d’au moins six mois :
« 11.3 La Compagnie doit, avant de cesser l’opération de l’usine ou avant de cesser le déversement de ses eaux usées de procédé dans les ouvrages d’assainissement en autant qu’elle se soit dotée d’un système de traitement complet de ses eaux usées de procédé approuvé par le ministère de l’Environnement du Québec, résilier la présente entente en donnant un avis à la Municipalité d’au moins six (6) mois. »
[261] Dans la mesure où la Compagnie respecte cette disposition, elle sera libérée de tout paiement quant à l’avenir tout en demeurant responsable des sommes dues par le passé (art. 11.5).
[262] On ne peut demander au Tribunal d’opérer la résiliation rétroactive de l’entente P-1.
[263] Si une telle résiliation avait eu lieu, la Compagnie n’aurait plus été responsable des sommes à verser pour l’avenir mais n’aurait été responsable que des sommes à verser avant la résiliation (art. 11.5) :
[…]
« 11.5 : La résiliation de la présente entente par l’une ou l’autre des parties libère la Compagnie, quant à l’avenir, du paiement de sa part des coûts d’immobilisation calculée selon les termes de l’article 5, ainsi que de sa part des coûts d’exploitation calculée selon les termes de l’article 7; la Compagnie demeure néanmoins responsable de toute somme à être versée par elle, découlant des obligations imposées à la Compagnie dans le cadre de la présente entente, ainsi que des faits et gestes de la Compagnie, de ses employés ou de ses mandataires, tel que mentionné à l’article 9.1 de la présente entente; »
[264] Évidemment, une nouvelle entente avec une autre compagnie (la Filiale) aurait pu prévoir des dispositions spécifiques quant au fait que la Compagnie n’aurait plus été responsable des dettes et des sommes dues par le passé et que la Filiale assumait celles-ci.
[265] Cet avis de résiliation aurait démontré, d’une part, le souci de la défenderesse de respecter en tout temps pertinent les dispositions de l’entente P-1, tout en donnant ouverture à sa libération à toute fin que de droit.
[266] On comprendra que le Tribunal ne peut certes pas présumer d’une telle libération tant d’années après le fait.
[267] Dans un deuxième temps, tel que mentionné plus haut, la cession de l’entente P-1 est prohibée :
« 12.1 La présente entente n’est pas cessible par la Compagnie non plus que les charges hydrauliques et organiques des eaux usées réservées à la Compagnie dans le cadre de la présente entente; »
[268] Toutefois, la Compagnie a droit de vendre, céder ou aliéner son droit de propriété dans la mesure où elle continue d’opérer l’usine :
« 12.2 Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas à toute vente, cession ou autre forme d’aliénation du droit de propriété dans l’usine faite par le propriétaire, dans la mesure où la Compagnie continue d’opérer l’usine. »
[269] L’article 13, quant à lui, précise que tout avis doit être fait par écrit et transmis par poste recommandée ou par voie d’huissier.
[270] Un avis verbal est également possible en autant qu’il soit donné à un représentant qualifié de la partie destinataire.
[271] Finalement, l’article 17 précise que l’entente ne peut être modifiée que par un écrit annexé à l’entente P-1 pour en faire partie intégrante.
[272] Cette entente (P-1) est claire et démontre sans ambigüité la nécessité d’une procédure spécifique et prédéterminée advenant des changements avec l’opérateur ou la Compagnie défenderesse.
[273] Ceci nous amène à l’argumentation de la défenderesse selon laquelle les lettres D-17 et D-18 (qu’on a qualifiées « d’addenda » lors du procès) ont apporté des changements tels que ceux-ci ont constitué une « nouvelle entente » remplaçant l’entente P-1.
[274] Il ne fait aucun doute que l’addenda constitue minimalement une modification à l’entente.
[275] Bien qu’il n’ait jamais été signé de façon formelle, la preuve révèle sans aucune contradiction de part et d’autre, la Ville admettant ces faits, que l’addenda a été mis en vigueur et que toutes les factures, suite au document d’acceptation D-18, ont été faites conformément aux calculs annexés aux documents D-17 et D-18.
[276] Rappelons que tous ces documents ont été rédigés avant juillet 2005 (date à laquelle la Ville prend connaissance des distinctions corporatives entre les deux compagnies). À tout événement, toutes les annexes et tous les calculs sont faits au nom de la Compagnie défenderesse.
[277] Pour le procureur de la défenderesse, non seulement ces documents ne suggèrent aucune ambigüité mais il ajoute que ces modifications, étant donné qu’elles ont été conclues avec des documents mentionnant le nom de la Filiale (D-17 et D-18), ont constitué une nouvelle entente impliquant la Ville et la Filiale sinon, à tout le moins, elles auraient modifié l’entente P-1 de manière à ce que la partie cocontractante de la Ville soit devenue la Filiale en lieu et place de « Bennett Fleet Inc. » ou de la Compagnie.
[278] Cette suggestion ne tient pas la route.
[279] D’abord, on a vu que les documents D-17 et D-18 sont eux-mêmes ambigus et équivoques quant à l’intention de libérer la Compagnie défenderesse débitrice.
[280] Les noms des deux compagnies y apparaissent toujours, sans aucune distinction ou précision quant à une responsabilité spécifique pour chacune d’elle.
[281] Ensuite, les documents D-17 et D-18 ne portent que sur la partie « caractéristiques » (art. 4) et « financement » (art. 5) de l’entente P-1. Serait-ce à dire qu’il faut laisser tomber toutes les autres sections de l’entente P-1 qui comporte 19 articles?
[282] De même, la proposition D-17 indique elle-même les limites des modifications aux premier et deuxième paragraphes :
« Tel que convenu lors de notre dernière rencontre le 31 octobre 2002, nous vous transmettons une proposition qui pourrait servir de base en vue de modifier l’entente industrielle pour vos rejets d’eaux usées. Évidemment, si une telle proposition vous apparaissait acceptable, elle devrait obtenir l’approbation du Conseil municipal par voie de résolution et pourrait s’appliquer rétroactivement à compter du 1 er janvier 2002.
Cette proposition consiste à modifier les paramètres de base de l’entente actuelle, tel que mentionné à l’addenda proposé à la page suivante. Cette modification aurait essentiellement deux effets que nous avons illustrés en faisant une simulation avec les chiffres réels de 2001, et en les comparant avec la facturation 2001. »
[283] En sus, cette argumentation de la défenderesse ne peut faire fi de la logique de l’entente P-1 qui est la loi des parties.
[284] En vertu de P-1, le propriétaire est défini comme étant « l’opérateur » de l’usine de Chambly, et il s’agit de la Compagnie défenderesse. Tout changement d’opérateur met un terme à l’entente. Toute cessation d’opération par la défenderesse doit être précédée d’un préavis de six mois et il doit y avoir résiliation de l’entente. De plus, l’entente n’est pas cessible à qui que ce soit.
[285] Il n’était pas possible de modifier l’entité corporative cocontractante pour y en substituer une autre sans passer par ce mécanisme. Si les entités corporatives sont distinctes, comme le prétend justement la défenderesse, elle devait, pour substituer un nouveau contractant à l’entente, mettre en branle le processus qu’elle avait elle-même accepté en signant l’entente P-1, et ce, malgré la proximité corporative très rapprochée des deux entités (Compagnie-mère et Filiale).
c) P-1-A : Règlement 96-794 décrétant la tarification pour le service d’épuration des eaux usées des compagnies Nabisco Brands Ltd et Bennett Fleet Inc. entré en vigueur le 26 mars 1996.
[286] Ce document est important puisqu’il s’agit d’un règlement municipal adopté en bonne et due forme et qu’il a force de loi. Ce règlement n’a jamais été abrogé. Il détermine les proportions à payer par les deux compagnies visées, soit la défenderesse et Nabisco Brands Ltd, tant au titre du financement des coûts d’immobilisation qu’à celui du financement des coûts d’exploitation.
[287] Il est exact que la proposition de modification des paramètres (D-17), son acceptation (D-18) ainsi que l’application pratique de ces modifications par la Ville, à savoir que la Compagnie a été facturée selon les nouveaux paramètres adoptés à la suite des ententes D-17 et D-18, ont modifié les données et les formules de calcul mathématiques et, par conséquent, les coûts mais non les principes prévus au règlement P-1-A.
d) P-2, P-2-A, D-21 : Comptes, état de comptes et factures pour les années 2001 à 2008.
[288] Tous et chacun des documents déposés sous la cote D-21 par la défenderesse sont adressés au nom de la Compagnie, soit « Bennett Fleet Inc . » Ceci constitue pas moins de 68 pages, où le nom « Bennett Fleet Inc. » apparaît au moins une fois par page. La défenderesse n’a jamais demandé de quelque manière que ce soit à la Ville de modifier ou corriger la facturation de manière à ce qui y apparaisse d’une façon ou d’une autre le nom de sa Filiale.
[289] La présente poursuite est basée sur une réclamation de comptes fondée sur des comptes et factures dont la destinataire débitrice apparaît comme étant « Bennett Fleet Inc . »
[290] Malgré l’envoi systématique de tous ces comptes, année après année, la Compagnie défenderesse n’a jamais jugé pertinent d’aviser la Ville de modifier le nom du destinataire de ces comptes. Elle n’a même pas jugé pertinent de demander la modification de la partie du compte qui ne serait pas exclusivement des « taxes » foncières payables par le propriétaire des immeubles, soit les coûts rattachés aux immobilisations et à l’exploitation de l’usine de traitement des eaux calculés selon les paramètres de l’entente P-1 et de ses modifications.
[291] Ce laxisme semble s’être également répété à au moins une autre reprise avec Hydro-Québec qui a adressé ses factures au nom de la défenderesse pendant des années (18 ans) sans qu’on ne lui demande de modifier le nom du destinataire par celui de la Filiale, bien que ce soit cette dernière qui en acquittait les comptes. [20]
[292] Pour revenir à l’affaire sous étude, ce n’est certainement pas avec ce laxisme que la défenderesse démontre qu’elle a tenté ou qu’elle a eu le souci sincère d’aviser clairement la Ville que son débiteur n’était plus « Bennett Fleet Inc. » mais bien la Filiale.
e) P-13 : Résolution 2005-04-296 adoptée le 19 avril 2005.
[293] Cette résolution a été adoptée cinq jours après que la Ville eut préparé sa preuve de réclamation (D-3), dans le cadre de la proposition concordataire de la Filiale. La résolution autorise une provision pour mauvaise créance au 31 décembre 2004 et indique dans ses considérants :
« Considérant que Bennett Fleet Inc . a déposé le 30 mars 2005 une proposition en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.»
[294] Comme on l’a vu plus haut, ce document à lui seul démontre clairement, qu’effectivement au 19 avril 2005, la Ville croyait toujours que c’était bien la Compagnie « Bennett Fleet Inc . » qui avait déposé une proposition concordataire et qu’elle ne faisait encore aucune distinction avec la Filiale.
[295] En fait, ce document tend à confirmer, à l’instar de la résolution D-7, le témoignage de la greffière à l’effet que ce n’est que suite à l’avis de rejet D-4 que la Ville a compris que les deux raisons sociales constituaient des entités corporatives distinctes.
2° émanant de la défenderesse :
[296] La défenderesse soutient que les documents suivants constituent une dénonciation à l’effet que la Filiale était une entité distincte venant aux droits et obligations de la défenderesse relativement à l’entente P-1 et son addenda.
a) D-1, D-2 et D-3 : Les documents du CIDREQ démontrant les enregistrements de raisons sociales.
[297] Selon la défenderesse, il appartenait à la Ville de vérifier l’identité corporative des raisons sociales qui apparaissaient à même les correspondances échangées. Ainsi, il appartenait à la Ville, toujours selon la défenderesse, de vérifier auprès du CIDREQ la qualité corporative de l’une ou l’autre des raisons sociales qu’on lui soumettait. Ainsi, ces registres étant publics, la Ville ne peut soulever sa propre turpitude quant au fait qu’elle n’ait pas consulté ces documents.
[298] Le Tribunal retient la distinction apportée par l’ancien directeur général de la ville, Cholette, entre la vérification de l’identité d’un signataire par la Ville au moment de signer des actes juridiques formels et définitifs , tels que contrat, bail ou autre acte juridique formel engageant la Ville, et la vérification sommaire que la Ville dit faire au stade des pourparlers et des échanges de correspondances préalables à la négociation de l’acte juridique éventuel.
[299] L’ancien directeur général de la ville a déclaré qu’au moment des discussions préalables à la signature des actes juridiques formels, il s’assure que l’interlocuteur a un certain pouvoir d’engager éventuellement sa compagnie, de manière à ce qu’il n’y ait pas de perte de temps. En contre-preuve, le témoin a indiqué qu’il allait de soi qu’au moment de la signature des actes il y avait une vérification des entités corporatives impliquées.
[300] Or, dans le cas qui nous occupe, force est de constater qu’en vertu de la preuve, le seul acte juridique formel bilatéral écrit et signé par les deux parties est l’entente industrielle P-1.
[301] Quant aux correspondances D-17 et D-18, elles constituent un échange de volonté qui a créé des effets juridiques contractuels, mais elles n’ont jamais donné lieu à la signature bilatérale d’une nouvelle entente ni même d’un addenda.
[302] Les parties ont donc décidé de ne pas se formaliser de l’absence de cet « addenda » officiel bilatéral en donnant effets aux discussions cristallisées par la proposition D-17 et l’acceptation D-18. On ne peut reprocher à la Ville de ne pas avoir vérifié le registre des entreprises du CIDREQ à la suite ou au cours des discussions ayant mené à la rédaction des documents D-17 et D-18.
b) D-3 : Avis de faillite (cession des biens) le 15 mars 2007 par la Filiale.
[303] Ce document survient plus d’un an et demi après que la Ville eut réalisé les distinctions entre « Bennett Fleet Inc. » et sa filiale et n’est donc plus pertinent pour connaitre les intentions de la Ville quant à la libération de la Compagnie à titre de débitrice. Au mieux, il démontre que la Ville savait à cette époque que la Filiale était une entité corporative distincte de la défenderesse, puisqu’elle n’a même pas produit de preuve de réclamation à la faillite.
c) D-11 : Lettre du ministère de l’Environnement à la Filiale le 4 septembre 1997.
[304] Il ne fait aucun doute que ce document est adressé à la Filiale, par contre il émane d’un tiers par rapport à la Ville.
d) D-24-4 : Lettre du ministère de l’Environnement à la Filiale le 25 septembre 1997 concernant une demande d’attestation d’assainissement.
[305] Cette lettre émane d’un tiers par rapport à la Ville.
e) D-24-3 : Formulaire de mise à jour de la demande d’attestation d’assainissement préparé par la Filiale le 15 octobre 1997.
[306] Ce document émane de la défenderesse mais constitue un formulaire adressé à un tiers.
f) D-25-5 : L’ordre du jour d’une rencontre entre le Ministère et la Filiale le 15 octobre 1997.
[307] Ce document émane d’un tiers par rapport à la Ville.
g) P-7 : L’ensemble des chèques payables à la Ville qui sont tirés du compte de la Filiale, de 1998 à 2003.
[308] Ces documents démontrent qu’effectivement les chèques adressés à la Ville pour le paiement des comptes et des factures sont tirés du compte de la Filiale . Ceci ne fait toutefois pas la preuve que la Ville connaissait la distinction entre les différentes entités de la défenderesse. Par ailleurs, la preuve démontre que la Ville accepte en tout temps les chèques provenant de tiers pour le paiement des comptes de l’un ou l’autre de ses contribuables.
[309] Au surplus, il n’y a aucune preuve à l’effet qu’en acceptant ainsi des chèques provenant de tiers, la Ville aurait expressément libéré son débiteur principal.
h) D-12 : Lettre du ministère de l’Environnement à la Filiale le 4 septembre 1997 pour organiser une rencontre de démarrage.
[310] Ce document émane d’un tiers et il n’est pas en preuve que la Ville en ait reçu copie.
i) D-12: Attestation d’assainissement en milieu industriel no 199916002 en 1999 .
[311] Bien que la date ne soit pas précisée, il appert du document qu’il survient en 1999. Toutefois, il émane d’un tiers et il n’est pas en preuve que la Ville en ait reçu copie.
j) D-15 : Note de service de la Filiale à la Ville le 27 juin 2002.
[312] Ce document est adressé à la Ville et provient de la Filiale, à l’époque (en 2002) où la Ville croyait que ce nom n’était qu’une modification de la raison sociale de la défenderesse.
k) D-14 : Rapport d’ingénieur préparé le 19 juillet 2002 au nom de la Filiale;
[313] Ce rapport identifie clairement la Filiale, à l’époque (en 2002) où la Ville croyait que ce nom n’était qu’une modification de la raison sociale de la défenderesse.
l) D-23 : Bail intervenu entre la Compagnie et la Filiale le 29 juillet 2002.
[314] La preuve révèle, selon les deux parties, que ce document n’a jamais été porté à l’attention de la Ville.
m) D-16 : Lettre du groupe-conseil BPR à la Filiale le 30 octobre 2002 .
[315] Cette lettre énonce clairement que des démarches sont entreprises avec la Ville afin de proposer un amendement à la demande de subvention et pour obtenir de l’information concernant l’actuelle usine et les agrandissements proposés. Il est donc fort possible que cette lettre, ou à tout le moins les démarches qui y sont mentionnées, ont été portées à la connaissance de la Ville. Toutefois, cette lettre est adressée à la Ville à l’époque où la Ville croyait que ce nom n’était qu’une modification de la raison sociale de la défenderesse.
n) P-8 : Avis d’intention de faire une proposition concordataire par la Filiale le 15 février 2005.
[316] Le Tribunal a déjà traité cette question plus haut.
o) P-10 : Lettre des procureurs de la ville adressée au syndic Raymond Chabot le 5 avril 2007, indiquant les raisons pour lesquelles la Ville ne produira pas de preuve de réclamation dans le dossier de la faillite.
[317] Ceci confirme tout le témoignage de la Ville durant le présent procès.
c) Conclusions sur la novation tacite
[318] À la lecture de tous ces éléments de preuve, peut-on en conclure qu’il y a eu novation tacite?
[319] En d’autres termes, les multiples échanges entre les parties, tant verbaux qu’écrits, sont-ils suffisants pour libérer à toute fin que de droit la défenderesse à l’égard de la réclamation de la poursuivante?
[320] À la lumière des principes rédigés par la Cour d’appel dans l’affaire Mackay [21] , peut-on trouver dans l’ensemble de la preuve un comportement ou une conduite claire de la créancière, soit la Ville, démontrant son intention de décharger la débitrice originale « Bennett Fleet Inc. » ou « Groupe Bennett Fleet Inc. » et d’y substituer un nouveau débiteur?
[321] Comme le mentionne le juge Baudouin au paragraphe 24 de ladite cause, les messages ne doivent pas être équivoques : ils doivent être clairs et sans ambigüité. La Cour écrit qu’en cas de doute, on doit préférer la solution qui préserve les droits au créancier :
« On imagine, en effet, difficilement qu’un créancier renonce à son débiteur d’origine, sauf s’il y trouve son intérêt en y substituant un plus solvable . » [22]
[322] Mais allons plus loin.
[323] Le juge Baudouin fait remarquer qu’il ne faut pas mélanger deux questions, la première étant la détermination de l’existence d’une novation tacite et la deuxième étant l’identification de l’existence d’une fin de non recevoir, qui même si elle est de nature différente permet d’aller plus loin dans la recherche de l’existence ou non d’une novation.
[324] Il s’agit d’un cas où par son comportement, dans l’éventualité où le créancier aurait adopté une conduite contraire, soit à la bonne foi soit en rupture avec une obligation de renseignement, il y aurait création d’un effet juridique empêchant celui-ci de recourir en justice contre son premier débiteur.
[325] Cette deuxième question présuppose l’existence d’une faute de la part du créancier, or dans le cas présent la preuve ne révèle aucune faute de sa part.
[326] Au contraire, c’est plutôt la défenderesse qui a fait défaut de respecter les termes non équivoques de l’entente industrielle P-1 qu’elle a signée en 1992. Elle ne pouvait ignorer qu’avant de cesser l’opération de son usine elle devait en aviser la Ville par avis d’au moins six mois (P-1, art. 11.3). De même, elle ne pouvait ignorer que l’entente P-1 n’était pas cessible par la Compagnie.
[327] On ne peut plaider une chose et son contraire : si la Compagnie a créé une nouvelle entité juridique totalement distincte de sa corporation originale pour « opérer » l’usine, il s’agit là, selon les termes-mêmes de l’entente P-1, d’une cession de l’entente P-1 à sa Filiale, ce qui est défendu (P-1, art. 12.1).
[328] Or, toute l’argumentation de la défense est basée sur le fait que la Compagnie n’étant plus l’opératrice de l’usine ou l’utilisatrice, n’était plus ni débitrice, ni soumise à l’entente P-1.
[329] Cette façon de faire est contraire aux termes de l’entente P-1.
[330] Dans les circonstances d’une résiliation, une seconde entente aurait parfaitement pu avoir lieu avec la Filiale, sans que la Ville n’ait à reprendre l’ensemble des charges hydrauliques et organiques réservées à la défenderesse (P-1, art. 11.5).
[331] Il y a absence de preuve de toute intention claire de la Ville de libérer son cocontractant prévu à l’entente P-1, et l’ensemble des documents déposé en preuve est ambigu et équivoque quant à l’intention claire de la Ville de libérer sa débitrice principale, la Compagnie défenderesse.
[332] Il faut conclure qu’il n’y a eu ni novation expresse, ni novation tacite.
[333] Tout au plus, comme l’indique le juge Baudouin [23] , il y a eu délégation imparfaite de paiement (art. 1668, C.c.Q) et le second débiteur, la Filiale, vient simplement s’ajouter au premier qui reste lié et tenu de la dette.
3- L’effet du règlement 96-794 (P-1-A)
[334] Mais il y a plus. Le règlement 96-794 (P-1-A) décrète une tarification spécifique pour la défenderesse Bennett Fleet Inc., lequel règlement n’a jamais été modifié ou abrogé.
[335] Or, pour engager ou « désengager » une municipalité, il est nécessaire d’abroger le règlement antérieur puisqu’une municipalité est une personne morale qui ne peut s’exprimer que par règlement ou résolution adoptés en séance du conseil [24] .
[336]
L’article
« Durée des règlements :
364. Les règlements sont exécutoires et restent en vigueur jusqu’à ce qu’ils soient remplacés, abrogés ou cassés par une autorité compétente, ou jusqu’à l’expiration de la période pour laquelle ils ont été adoptés.
Abrogation, modification.
366. L’abrogation ou la modification d’un règlement ne peut se faire que par un autre règlement . »;
[337] C’est pour cette raison qu’un fonctionnaire municipal ne peut engager une municipalité :
« Selon une jurisprudence constante, un fonctionnaire municipal ne lie pas en principe sa municipalité. Ainsi, un fonctionnaire ne peut permettre à quelqu’un d’enfreindre la réglementation municipale. La municipalité pourra révoquer un permis émis illégalement par son fonctionnaire. De même, les promesses faites par un fonctionnaire n’engagent aucunement la municipalité . ».
[…]
« Les
fonctionnaires municipaux ne peuvent faire une remise de taxes ni transiger en
cette matière (Ville de St-Laurent c. Manufacture de meubles Candex, J.I.
97-803 (cour municipale)) (Construction Gaétan et Gilles Lamadeleine Inc. c.
Ville de Bourcherville,
[338] Il aurait donc fallu abroger le règlement 96-794 (P-1A) pour le remplacer par un nouveau décrétant une tarification avec un nouveau cocontractant, soit la Filiale.
[339] Certes, la proposition de la Ville du 12 février 2003 (D-17) émane d’un haut fonctionnaire de la ville, mais elle indique de toute façon clairement : « Cette proposition consiste à modifier les paramètres de base de l’entente actuelle , tel que mentionné à l’addenda proposé à la page suivante… » (D-17)
[340] Addenda vient du mot latin addere qui signifie « ajouter ». Selon plusieurs dictionnaires consultés, un addenda est une note apportée à la fin d’un ouvrage [26] .
[341] À moins d’une définition claire dans une loi, ou plus particulièrement dans l’entente P-1, on ne peut faire dire aux mots autre chose que leur sens commun.
[342] Dans ce contexte, et à plus forte raison à la lecture de l’entente P-1, cet addenda ne pouvait certes pas modifier le débiteur cocontractant original puisqu’il aurait fallu, comme on l’a vu plus haut, la rédaction d’une nouvelle entente similaire à l’entente P-1 avec un nouveau cocontractant : la Filiale.
[343] Finalement, non seulement la substitution de débiteur aurait été rendu nécessaire par la signature d’une nouvelle entente et par l’adoption d’un nouveau règlement similaire au règlement P-1-A, mais il aurait fallu également une résolution du conseil de ville autorisant expressément la libération de la débitrice originale, soit la Compagnie défenderesse.
4- Loi sur la fiscalité municipale
[344] Il y a lieu également de citer ici certaines dispositions de la Loi sur la fiscalité municipale (L.R.Q., chap. F-2.1).
[345] Au chapitre de la tarification (Section III.I - Financement des biens et services), l’article 244.1 se lit comme suit :
« 244.1 Dans la mesure où est en vigueur un règlement du gouvernement prévu au paragraphe 8.2 de l’article 262, toute municipalité peut, par règlement, prévoir que tout ou partie de ses biens, services ou activités sont financées au moyen d’un mode de tarification.
…
244.7 Taxes foncières
Toute compensation exigée d’une personne en vertu de la présente section en raison du fait qu’elle est propriétaire d’un immeuble est assimilée à une taxe foncière imposée sur l’unité d’évaluation comprenant celui-ci.
Exception
Toutefois, cette assimilation ne s’applique pas si le propriétaire de l’immeuble n’est pas la personne au nom de laquelle est inscrite l’unité d’évaluation comprenant celui-ci. »
[346] Or, la défenderesse propriétaire de l’immeuble est la personne au nom de laquelle est inscrite l’unité d’évaluation comprenant cet immeuble.
D) Les causes d’extinction des obligations
[347] Finalement, il demeure un dernier aspect à vérifier, à savoir si subsidiairement la défenderesse aurait pu être libérée de son obligation envers la Ville par l’une ou l’autre des causes prévues par le C.c.Q. relativement à l’extinction des obligations.
[348] Le C.c.Q. mentionne ceci à ce chapitre :
« 1671. Outre les autres causes d'extinction prévues ailleurs dans ce code, tels le paiement, l'arrivée d'un terme extinctif, la novation ou la prescription, l'obligation est éteinte par la compensation, par la confusion, par la remise, par l'impossibilité de l'exécuter ou, encore, par la libération du débiteur. »
[349] La preuve révèle qu’aucune des autres causes d’extinction prévues par cet article ne permet de libérer la défenderesse de ses obligations envers la demanderesse.
E) Conclusion
[350] L’argumentation de la défenderesse consiste à demander au Tribunal d’entériner l’existence d’une nouvelle entente entre la Ville et un autre cocontractant pratiquement 15 ans après l’incorporation de la Filiale, alors que la preuve révèle qu’il n’y a eu aucune telle discussion au cours des années 1995 à 2007 (date de la faillite) et qu’elle démontre de façon très fortement prépondérante que les discussions survenues au cours des années 2000 pour modifier l’entente P-1 n’ont porté que sur des modifications à apporter aux paramètres de base de l’entente (voir notamment D-17).
[351] Dans les circonstances et pour les motifs mentionnés plus haut, le Tribunal conclut en l’absence de novation et n’a d’autre choix que de constater que la débitrice de la poursuivante a toujours été et demeure la défenderesse.
V. DISPOSITIF
[352] Le Tribunal :
[353] ACCUEILLE la requête de la poursuivante.
[354] CONDAMNE la défenderesse à payer à la poursuivante la somme de 435 336 $, représentant la somme due en capital, plus une somme de 169 916,76 $, représentant les intérêts calculés jusqu’au 10 juin 2008, pour un total de 605 252,72 $, le tout avec intérêt continuant de s’accumuler au taux de 15 % l’an depuis le 10 juin 2008.
[355] Le tout avec dépens.
________________________________
Pierre-Armand Tremblay, j.c.m.
Procureur de la municipalité :
Me Paul Adam, Dufresne Hébert Comeau Inc.
Procureur de la défense :
Me Louis Duquet, O’Brien Avocats, S.E.N.C.R.L.
[1] L.Q., 1991, c. 64.
[2] Groupe Bennett Fleet Inc. c. Hydro-Québec et als , C.S., no 500-17-039119-071.
[3] Op. cit., note 2, p. 26, question 100.
[4] Op. cit., note 2, p. 35, question 138.
[5] Op. cit . , note 1.
[6]
Articles
[7] Jean-Louis BAUDOUIN, Les Obligations , 6 e édition, Cowansville, Les éditions Yvon Blais, 2005,
p. 1019-1020, par. 1005.
[8]
Calce c. Brescia
, Cour d’appel, 20 novembre 2008,
[9]
Banque Laurentienne du Canada c. Alan Mackay
,
[10]
Crown
Life Insurance Company c.
2329-7294 Québec Inc., C.S., le 16 septembre 1999
(
p.11)
[11] Op. cit. note 10.
[12] Op. cit. note 10, p. 14.
[13]
C.S., 13 septembre 2006, Honorable juge Jean Bouchard,
[14]
Gaz métropolitain Inc. c. Pierre Giguère
, Honorable juge Danielle Côté,
C.Q.,
[15] Op. cit., notes 14, 10 et 7.
[16] Interrogatoire de Louise Bouvier, 6 novembre 2008, p. 82, lignes 7 à 22.
[17] Article 13.1 de l’entente P-1.
[18] Op. cit., note 7.
[19] Voir la raison sociale qui apparaît en première page de l’entente P-1.
[20] Op. cit., note 16, p. 56, questions 242 à 245 incluses et p. 81 à 85, question 333.
[21] Op. cit., note 9.
[22] Op. cit., note 9, par 22.
[23] Op.cit., note 7.
[24] Droit municipal, Principes généraux et contentieux, Jean Hétu et Yvon Duplessis, 2 e édition, Brossard,
Publications CCH, édition à jour au 1 er janvier 2010, CCH, p. 2.003.
[25] Op, cit., note 24, p. 5.251.
[26] Littré électronique , application mobile Apple pour iPad, Larousse électronique , idem, Robert
électronique Dixel Mobile , idem.