Savard c. Gatineau (Office municipal d'habitation de) |
2011 QCCQ 679 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
HULL |
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LOCALITÉ DE |
GATINEAU |
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« Chambre civile » |
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N° : |
550-80-001934-104 |
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DATE : |
25 janvier 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
SERGE LAURIN, J.C.Q. |
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ALEXANDRE SAVARD |
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Locataire-Requérant |
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c. |
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OFFICE MUNICIPAL D'HABITATION DE GATINEAU |
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Locateur-Intimé Et
RÉGIE DU LOGEMENT
Mise-en-cause
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JUGEMENT Requête pour permission d'appeler d'une décision de la Régie du logement
(Art.
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INTRODUCTION
[1] Monsieur Savard demande la permission d'appeler de la décision rendue par le Régisseur Pierre C. Gagnon, le 9 novembre 2010 (22 070815 012S 100921) qui a résilié son bail à cause de son incapacité à contrôler ses chiens.
QUESTION EN LITIGE
[2] Est-ce que la question en jeu soulevée dans cette requête pour permission d'appeler e n est une qui devrait être soumise à la Cour du Québec ?
LES FAITS
[3] Monsieur Savard est locataire d'un logement au 24, Arthur Buies, appartement 4, Gatineau, dont le locateur est l'Office municipal d'habitation de Gatineau.
[4] En date du 19 novembre 2008, la Régie du logement a rendu exécutoire une entente entre les parties au terme de laquelle le locataire s'engage " à faire porter une muselière à son chien en tout temps lorsque l'animal quitte l'appartement du locataire.
[5] Monsieur Savard s'est départi de cet animal et son bail a été renouvelé depuis. Il est maintenant propriétaire d'un autre chien, un berger allemand.
[6] Lors d'une sortie de son logement avec son nouveau chien, sans laisse et sans muselière, le chien de monsieur Savard attaque un plus petit chien appartenant à un autre locataire du même complexe immobilier. Lors de cette attaque, le petit chien est blessé sérieusement. Les frais de vétérinaires dépassent mille dollars.
[7] Le Régisseur Gagnon rend une décision (le 11 novembre 2010). Il refuse d'appliquer l'ordonnance, car il ne s'agit pas du même chien et puisque le bail a été renouvelé depuis. Par contre, il résilie le bail et ordonne l'expulsion du locataire et le condamne à payer les frais judiciaires et de signification pour les motifs suivants:
«10. Quant au second motif du locateur, les règlements d'occupation de l'immeuble précisent (Art 7): " il est strictement interdit de garder des animaux qui causent des préjudices dans des lieux loués".
11. La preuve révèle que le chien du locateur, hors laisse et sans muselière, a attaqué et sérieusement blessé le chien d'un voisin. Il a fallu l'intervention de plusieurs personnes pour retirer ses crocs du cou de l'autre animal.
12. Le Tribunal n'hésite pas à conclure que le chien actuel du locataire constitue une menace sérieuse pour les résidants du complexe immobilier. De plus, le comportement du locataire démontre qu'il n'est manifestement pas en mesure de contrôler le comportement de ses animaux de compagnie.
13. Son bail sera donc résilié. Toutefois, les faits de la cause ne justifient pas l'exécution provisoire de la décision.»
PRÉTENTION DES PARTIES
[8] Monsieur Savard prétend que la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour du Québec.
[9] En effet, il prétend que le Régisseur a mal interprété l'article 7 du règlement d'occupation de l'immeuble de l'Office municipal d'Habitation de Gatineau (le «règlement»). Selon lui, les événements ne se sont pas produits sur le terrain de l'Office municipal de Gatineau, mais plutôt dans la rue.
[10] De son côté l'Office municipal soutient que la question en jeu n'en est pas une qui devrait être soumise en Cour du Québec.
[11] L'Office soutient que le Régisseur n'a pas seulement regardé l'article 7 du règlement. En effet, il y a un autre alinéa à cet article du règlement prévoyant que les animaux doivent être tenus en laisse dans les aires communes, ce qui n'a pas été respecté par monsieur Savard. L'Office soutient qu'à titre de locateur, elle doit procurer la jouissance paisible des lieux à tous ses locataires. Aussi, ce n'est pas le premier incident provoqué par les chiens de monsieur Savard. Également, la conjointe de monsieur Savard est incapable de tenir ce chien en laisse. Selon quatre autres témoins, l'incident se serait produit dans les aires communes du complexe immobilier. Finalement, monsieur Savard n'a offert, lors de l'audition devant le Régisseur, aucune mesure ou engagement à tenir son chien en laisse, à lui faire porter une muselière ou à défrayer les coûts du vétérinaire pour le chien blessé par le sien.
ANALYSE
Le droit
[12]
L'Article
"Art 91. Les décisions de la Régie du logement peuvent faire l'objet d'un appel sur permission d'un juge de la Cour du Québec, lorsque la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour du Québec."
[13] Voici les critères d'évaluation déterminés par la jurisprudence afin d'évaluer s'il s'agit d'une question qui doit être soumise à la Cour du Québec:
1- La question est-elle sérieuse, nouvelle ou d'intérêt général ?
2- S'agit-il d'une matière controversée ?
3- Y-a-il une faiblesse apparente de la décision attaquée ou la question met en cause les intérêts supérieurs de la justice ? [2]
Application des critères
[14] La question posée par monsieur Savard ne cadre pas dans les deux premiers critères déterminés par la jurisprudence. Il reste à savoir s'il y a une faiblesse apparente de la décision attaquée ou si la question met en cause les intérêts supérieurs de la justice.
[15] Le juge Audet dans l'arrêt, Boucher c. Office municipal d'habitation de Saint-Jérôme [3] , déclare:
«La question met en cause "les intérêts supérieurs de la justice»; sous cette expression sont visés les motifs suivants:
"La faiblesse apparente de la décision attaquée;
L'erreur manifeste, déterminante et grossière, dans l'appréciation des faits;
La mauvaise application des règles de preuve;
Le non-respect des règles de justice naturelle;
Le refus de la Régie d'exercer sa compétence;
La décision n'est pas suffisamment motivée, notamment. »
[16] La requête pour permission d'appeler de monsieur Savard se concentre seulement sur un élément de la décision du Régisseur à l'effet qu'il aurait mal interprété l'article 7 paragraphe 1 du règlement. Le Régisseur n'aurait pas dû appliquer ce règlement car l'incident aurait eu lieu dans la rue et non dans les lieux loués. Le Tribunal constate que cette version des faits est contradictoire. En effet, il y a d'autres témoins qui soutiennent que l'incident est survenu dans les aires communes du complexe immobilier. Aussi, l'interprétation de monsieur Savard est très restrictive. Cet article du règlement peu être interprété différemment. Finalement, il s'agit seulement d'un «obiter dictum» dans la décision; la «ratio decidendi» apparaît au paragraphe 12.
[17]
Le Tribunal réalise que le Régisseur n'a pas seulement traité de cet
article. En effet, la lecture du paragraphe 12 de la décision permet de
constater que le Régisseur a appliqué l'article
[18] La répétition d'événements, le fait que l'animal soit dangereux et le fait que le locataire ne respecte pas le règlement en ne tenant pas l'animal en laisse à l'extérieur sont des faits suffisants pour permettre au Régisseur de conclure que:
«12. (…) le chien actuel du locataire constitue une menace sérieuse pour les résidants du complexe immobilier. De plus, le comportement du locataire démontre qu'il n'est manifestement pas en mesure de contrôler le comportement de ses animaux de compagnie.»
[19] Même si l'incident s'était produit dans la rue, ceci n'affecterait pas la conclusion que tire le Régisseur de l'analyse des faits et de l'appréciation des témoignages.
[20] Le Tribunal conclut que le Régisseur n'a pas commis d'erreur manifeste déterminante et grossière dans l'appréciation des faits ni dans son interprétation du droit et qu'il n'y a pas de faiblesse évidente dans la décision attaquée. La question en jeu ne met pas en cause les intérêts supérieurs de la justice. En conséquence, le Tribunal constate constate que monsieur Savard n'a pas démontré qu'il s'agissait d'une question qui devrait être soumise à la Cour du Québec.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
REJETTE la requête pour permission d'en appeler d'une décision de la Régie du logement du Régisseur Pierre C. Gagnon, en date du 11 novembre 2010 (22 070815 012S 100921) locataire-requérant;
LE TOUT AVEC DÉPENS contre le locataire-requérant.
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__________________________________ SERGE LAURIN, J.C.Q. |
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Makhtar Sallami |
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Procureur du locataire-Requérant |
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Monique Bourgon Procureure du locateur-Intimé |
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Date d'audience: |
11 janvier 2011 |
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