Beaudry c. Carrier |
2011 QCCQ 1016 |
||||||
COUR DU QUÉBEC |
|||||||
« Division des petites créances » |
|||||||
CANADA |
|||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||||
DISTRICT DE |
LAVAL |
||||||
LOCALITÉ DE |
LAVAL |
||||||
« Chambre civile » |
|||||||
N°: |
540-32-020975-098 |
||||||
|
|
||||||
|
|||||||
DATE : |
Le 7 février 2011 |
||||||
_____________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
JEAN PIERRE ARCHAMBAULT, J.C.Q. |
|||||
_____________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
|
|||||||
MICHELINE BEAUDRY
|
|||||||
Partie demanderesse |
|||||||
c.
|
|||||||
LOUISE CARRIER
|
|||||||
Partie défenderesse |
|||||||
_____________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
JUGEMENT |
|||||||
_____________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
[1] La demanderesse, Micheline Beaudry, réclame une somme de 7 000 $ de la défenderesse, Louise Beaudry, à la suite de la découverte d’une fissure dans le solage de la résidence achetée de la défenderesse;
[2] Elle allègue qu’il s’agit d’un vice caché. Elle allègue que la défenderesse connaissait l’existence de cette fissure qui fut réparée en septembre 2000 et qu’elle ne l’a pas déclarée lors de la vente;
[3] La défenderesse conteste cette réclamation. Elle admet que la fissure avait été réparée en 2000 mais ajoute qu’elle ne causait aucune infiltration d’eau depuis sa réparation;
[4] Elle précise que la maison fut construite en 1979, selon les normes de la construction de l’époque. Elle ajoute que l’inspecteur engagé par la demanderesse pour procéder à l’inspection pré-achat ne lui a posé aucune question relativement aux réparations importantes à la maison ou quant aux particularités de celle-ci;
LES FAITS
[5] Les faits acceptés par le Tribunal comme prouvés par prépondérance de preuve et ce, malgré des versions contradictoires présentées lors de l'audition se résument comme suit;
[6] Le 30 août 2006, la demanderesse achète la résidence de la défenderesse, située au […] à Laval, avec la garantie légale de qualité contre les défauts cachés;
[7] Il est admis que cette résidence fut construite en 1979 et qu’elle est située à environ 180 pieds de la rivière des Mille Iles, sur un terrain inondable. Au moment de l’achat en 2006, elle était donc âgée de 27 ans. En raison de ceci, le sous-sol de la résidence n’est pas fini;
[8] Il est aussi admis qu’à l’origine le sous-sol n’était qu’un vide sanitaire qui ne comportait même pas de plancher à cause de la présence d’eau;
[9] C’est par la suite qu’il a été complété et une dalle de ciment y fut ajoutée avec la particularité que la dalle de béton ne touche pas aux murs, laissant un espace entre le mur et le plancher, tout le tour du sous-sol, tel qu’il appert d’un dessin produit par la défenderesse comme pièce D-1;
[10] Au moment de l’achat, les murs du sous-sol étaient recouverts de panneaux de styromousse;
[11] C’est en septembre 2007, alors qu’elle a décidé de refaire l’isolation du sous-sol qu’elle jugeait inadéquate, que la demanderesse a constaté la présence d’une fissure sur le mur latéral sud de la résidence en retirant les anciens panneaux de styromousse;
[12] Tel qu’il appert d’une photo produite comme pièce P-4-1, cette fissure avait déjà été réparée le 22 septembre 2000, selon l’inscription manuscrite y apparaissant;
[13] La demanderesse déclare que de l’eau suinte par cette fissure et dégoutte le long du mur dans l’espace situé entre le mur et la dalle de béton;
[14] Le 4 septembre 2007, elle laisse un message à la défenderesse qui la rappelle et laisse le message suivant sur son répondeur. Ce message fut entendu par le Tribunal lors de l’audition :
« Oui Mad Beaudry, c’est Louise Carrier
Je viens de parler à mon mari et puis, en effet, on se souvenait qu’il y avait eu une réparation là, on l’avait pas déclaré, mais faites faire un estimé et si on voit que le montant est raisonnable, à ce moment-là on paiera, on n’a pas le choix de toute façon : la seule chose par exemple qui pourrait changer c’est que après la réparation, la garantie sur cette craque là, ça va tomber sous votre responsabilité. Si vous voulez me rappeler pour quoi que ce soit, gênez-vous pas, je suis disponible; bonjour »
[15] Commentant le message, la défenderesse admet l’avoir laissé et avoir été prête à payer pour colmater la fissure mais ajoute qu’elle a changé d’idée par la suite, suivant la réception des lettres de mises en demeure de la demanderesse;
[16] Elle précise que, suite à la réception de la lettre de mise en demeure du 14 septembre 2007 (P-5), le ton de la demanderesse avait changé et qu’elle la tenait responsable de beaucoup d’autres choses;
[17] Elle lui a alors transmis la lettre du 20 septembre 2007 (P-6) en réponse à la mise en demeure du 14 septembre;
[18] Dans cette lettre, elle précise que la fissure en question ne causait aucune fuite d’eau depuis sa réparation. Elle précise que, selon elle, l’intervention par l’extérieur du bâtiment pour réparer la fissure risque d’endommager le drain français entourant la maison et causer un plus grand dommage;
[19] Elle ajoute, qu’au moment de la vente, elle a informé la demanderesse que les fondations n’étaient pas hydrofuges et de la présence d’eau souterraine, dont le niveau fluctue selon le niveau de la rivière. Elle précise que c’est la raison pour laquelle « vous ne pouvez pas faire d’aménagement dans le sous-sol »;
[20] Finalement, elle la réfère aux plans du sous-sol qu’elle lui avait remis pour lui expliquer la construction de la dalle de plancher et de la présence de tuyaux en forme d’éventail sous celle-ci pour évacuer le maximum d’eau dont on aperçoit la présence dans le puisard qui abrite les pompes d’évacuation d’eau;
[21] Elle nie donc toute responsabilité;
[22] Le 26 septembre 2007, la demanderesse transmet une nouvelle mise en demeure à la défenderesse en réponse à sa lettre du 20 septembre. Dans sa lettre, elle réitère que c’est derrière le styromousse que l’eau s’infiltrait par la fissure;
[23] Par la suite, la demanderesse contacte Colmatec Inc., le 28 septembre 2007, en vue de faire évaluer le coût des travaux;
[24] Colmatec lui remet l’offre de service no. 20893-0 visant la réparation de deux fissures dont celle faisant l’objet du présent dossier (P-8);
[25] Relativement à cette dernière, on peut y lire :
« - Solage en béton coulé
- Fissure localisée de l’extérieur
- Largeur de la fissure : = 3/8 po.
- Infiltration active
- Travaux réalisés par l’extérieur
- L’enlèvement des surplus de roches et de terre (si nécessaire) sera au frais du client
- Garantie de 20 ans contre l’infiltration d’eau, 100% transférable
- Profondeur à creuser : 5 pi.
- Largeur libre : 36 po.
- LA GARANTIE EST CONDITIONNELLE AU BON FONCTIONNEMENT DU DRAIN FRANÇAIS.
Prix unitaire 650 $ »
[26] Quant à la deuxième fissure, elle n’est pas active et ne nécessite pas l’intervention par l’extérieur. Le coût de cette réparation est 125 $. Le coût de l’inspection par mini-caméra est de 615 $, le tout pour un total de 1 390 $;
[27] Le 6 octobre 2007, la demanderesse retient les services de Technodrain pour l’inspection du drain français;
[28] Technodrain conclut que celui-ci est écrasé, soit à 26 pieds d’un côté et à 33 pieds de l’autre côté et recommande qu’il soit remplacé sur les côtés à +ou- 26 pieds;
[29] Le rapport précise qu’on ne peut vérifier l’avant de la maison pour l’instant mais que l’arrière reste fonctionnel (P-9). Le coût de cette inspection est de 188,02 $;
[30] Le 23 octobre 2008, la demanderesse transmet une mise en demeure à la défenderesse l’informant qu’elle avait procédé à l’exécution des travaux engendrés par le vice caché (P-10);
[31] Dans sa lettre, elle précise que la fissure ne pouvait être réparée avec garantie sans que le drain français ne soit d’abord garanti fonctionnel;
[32] Elle précise que son assurance a payé les coûts d’excavation et de pose du nouveau drain français, soit 12 000 $ plus taxes;
[33] Elle ajoute que son assurance n’avait pas couvert les coûts de réparation de la fissure elle-même, ni des matériaux, ni les dommages causés au terrain par ces travaux, ni la chute du muret séparant la propriété de celle de l’un de ses voisins, ni le bris de l’asphalte et du circuit électrique extérieur;
[34] La demanderesse déclare qu’elle assume elle-même les coûts de réfection de l’entrée d’asphalte, du travail du côté du garage et des nombreux végétaux dans la plate-bande à l’avant de la maison, mais elle réclame les sommes suivantes :
§ Inspection par caméra de drain
français $165 + taxe = $ 188.02 (P-9)
§ Réparation de fissure et de
cheminée d’accès $ 575.00 (P-12)
§ Réparation de l’électricité extérieure avant
300 de facture de 737) $ 300,00 (P-13)
§ Reconstruction de muret avec matériaux
existants $3500 + taxes= $ 3 988,25 (P-14)
§ Réfection de terrain avec plate-bande avant et
côté Est $2500 + taxes= $ 2 848,75 (P-16)
TOTAL $ 7 900.02
[35] La demanderesse a convenu de réduire sa réclamation à 7 000 $ afin de profiter des dispositions du Code de procédure civile relatives aux Petites créances;
RÈGLES DE DROIT APPLICABLES
[36] Afin de faciliter une meilleure compréhension du jugement par les parties, le Tribunal reproduit ci-dessous les articles pertinents du Code Civil du Québec qui reçoivent application dans le présent dossier;
[37] L'article 2803 C.c.Q énonce:
« Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »
[38] Cet article impose, sur les épaules de la demanderesse, le fardeau de prouver les allégations contenues dans sa demande, par prépondérance de preuve;
[39]
L'article
« La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »
[40] Cet article fait en sorte de permettre au Tribunal d'apprécier la preuve présentée de part et d'autre par les parties, afin de conclure que l'existence d'un fait est plus probable que son inexistence;
[41]
La demanderesse allègue que la fissure qu’elle a découverte constitue un
défaut caché au sens de l’article
« 1726 . Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. »
[42]
Les articles
« 1595. La demande extrajudiciaire par laquelle le créancier met son débiteur en demeure doit être faite par écrit.
Elle doit accorder au débiteur un délai d'exécution suffisant, eu égard à la nature de l'obligation et aux circonstances; autrement, le débiteur peut toujours l'exécuter dans un délai raisonnable à compter de la demande.
1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.
Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice. »
ANALYSE et DÉCISION
[43] Considérant la preuve documentaire et testimoniale présentée de part et d'autre, par les parties;
[44] D’entrée de jeu, le Tribunal est d’opinion que la fissure, découverte sous le styromousse et par laquelle l’eau suintait, constitue un vice caché;
[45] Ni la demanderesse, ni son inspecteur ayant procédé à l’inspection pré-achat de la résidence ne pouvait la constater;
[46] Le Tribunal est aussi d’opinion que la défenderesse elle-même ne pouvait, non plus, savoir que la fissure qu’elle avait fait réparer en septembre 2000, laissait infiltrer l’eau;
[47] À défaut de preuve contraire, elle n’a pas fait de fausses déclarations puisqu’elle croyait de bonne foi que celle-ci était réparée depuis septembre 2000;
[48]
Tant la jurisprudence que les articles
[49] C’est ce qu’a fait la demanderesse, d’abord par téléphone, le ou vers le 4 septembre, puis par ses mises en demeure du 14 septembre 2007 (P-5) et du 26 septembre 2007 (P-7);
[50] Par ailleurs, le Tribunal note que ces mises en demeure font état de deux fissures dont celle qui avait été réparée en septembre 2000 et qui laissait infiltrer l’eau et de marques d’humidité et de champignons;
[51] Mais, il note également qu’aucune de ces mises en demeure ne fait état du fait que les travaux de colmatage de la fissure ne sont garantis que si le drain français est fonctionnel;
[52] Aucune d’entre elles ne dénonce, non plus, le fait que le drain français de la résidence est écrasé et qu’il doit être remplacé;
[53] Dans les faits, c’est le 6 octobre 2007 que Technodrain a constaté ce fait lors de l’inspection, par caméra, du drain français (P-9);
[54] Ce fait n’a jamais été dénoncé à la défenderesse avant que les travaux ne soient exécutés;
[55] C’est seulement dans sa mise en demeure du 23 octobre 2008 que la demanderesse dénonce, pour la première fois, ce fait à la défenderesse alors que les travaux ont déjà été exécutés (P-10);
[56] Dans sa lettre, elle l’invite même à visionner le CD de l’examen par caméra;
[57] Le fait, que ces travaux aient été couverts par ses propres assurances, ne libérait pas la demanderesse de son obligation de dénoncer le problème du drain français à la défenderesse;
[58] Dans les circonstances, le Tribunal est d’opinion que toute la partie de la réclamation de la demanderesse, reliée aux travaux relatifs au remplacement du drain français et à la remise en état des lieux, n’est pas accueillie, puisque la demanderesse a omis de dénoncer à la défenderesse les problèmes allégués avec le drain français avant d’effectuer les travaux;
[59] Dans les circonstances, seuls les travaux reliés au colmatage de la fissure sont alloués, soit la somme de 575 $ pour la réparation de la fissure et cheminée d’accès (P-12);
[60] À cette somme, le Tribunal ajoute une somme de 325 $ pour la réfection du terrain à cet endroit, le tout pour une somme totale de 900 $;
POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
ACCUEILLE partiellement l’action de la demanderesse;
CONDAMNE
la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 900 $ avec intérêts au
taux légal de 5 % l’an ainsi que l’indemnité additionnelle prévue à l’article
CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse les frais judiciaires de 155 $.
|
||
|
__________________________________ JEAN PIERRE ARCHAMBAULT, J.C.Q. |
|
|
||
|
||
Date d’audience |
Le 28 janvier 2011 |
|