Simard c. Carmichael

2011 QCCQ 1223

 

 

JR-1213

 
 COUR DU QUÉBEC

Division des petites créances

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE CHICOUTIMI

 

Chambre civile

 

 

N° :

150-32-007494-103

 

DATE :

25 janvier 2011

 

 

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE MADAME LA JUGE JOHANNE ROY, J.C.Q.

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JEAN-FRANÇOIS SIMARD

et

NANCY TREMBLAY

 

Partie demanderesse

 

c.

 

DAVE CARMICHAEL

et

CLAUDINE GAGNON

 

Partie défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]            La vente d'un bateau fabriqué en 2003 plutôt qu'en 2005, contrairement aux représentations faites aux acheteurs, peut-elle donner lieu à une réduction de prix même si les vendeurs ont commis l'erreur de bonne foi?

LES FAITS

[2]            M. Jean-François Simard et M me Nancy Tremblay ont acheté un bateau sea-doo utopia de M me Claudine Gagnon et M. Dave Carmichael.

[3]            Au moment de la négociation du prix, les vendeurs ont représenté qu'il s'agissait d'une embarcation mise en marché en 2005.

[4]            Le prix a été établi à 18 500 $, après que les acheteurs se soient informés auprès d'un commerçant en semblable matière de la valeur réaliste d'un tel bien.

[5]            Certaines pièces d'équipement ont été incluses à la vente, ces dernières ayant été évaluées à la somme de 500 $.

[6]            Après la transaction, le temps venu d'assurer l'embarcation, les acheteurs ont appris qu'il s'agissait plutôt d'un bateau de l'année 2003.

[7]            Selon leurs vérifications, effectuées sur un site internet de vente, la valeur doit être établie à 14 800 $ et ils réclament le remboursement de la différence, de 3 700 $.

[8]            Les vendeurs contestent la réclamation bien qu'ils admettent l'erreur quant à l'année, affirmant qu'ils n'en étaient pas conscients au moment de la vente.

[9]            La preuve ne permet pas de douter de leur bonne foi.

[10]         Ils plaident qu'une embarcation ne doit pas être dévaluée comme un véhicule automobile, qu'ils ne l'ont utilisée qu'une douzaine de fois au cours de l'été et qu'ils ne s'en seraient jamais départis pour la somme de 13 000 $ ou 14 000 $.

[11]         Leurs propres recherches révèlent que certaines embarcations, aux caractéristiques comparables, sont offertes en vente au prix payé et même à plus de 21 000 $.

ANALYSE ET DÉCISION

[12]         Le contrat intervenu entre les parties est le résultat d'un échange de consentements sur les modalités du bien transigé.

[13]         L'année véritable de mise en marché du bateau est un élément essentiel de la transaction.

[14]         Or, les négociations ont porté sur un objet erronément décrit.

[15]         Il s'agit d'un manquement aux obligations du vendeur de délivrer le bien correspondant aux caractéristiques convenues entre les parties (art. 1561 et 17l6  C.c.Q.), ce qui a pour effet d'engager sa responsabilité contractuelle (art. 1458 C.c.Q).

[16]         La Cour d'appel du Québec a opté pour cet angle d'analyse dans Labrie c. Vanasse [1] , alors que l'acheteur d'un immeuble se plaignait de l'inexistence d'installations sanitaires, contrairement aux représentations du vendeur:

             Le premier juge conclut que l'immeuble était dépourvu des installations sanitaires représentées lors de la vente. Il ajoute que ce défaut invisible, indétectable et indétecté était de nature à affecter sérieusement l'usage de la maison et constituait un vice caché dont le vendeur est garant selon l'article 1726 C.c.Q. Cependant, selon le premier juge, le vendeur ne connaissait pas l'existence du vice caché et ne serait pas tenu de tous les dommages selon l'article 1728 C.c.Q.

             À proprement parler, il ne s'agit pas d'une situation de vice caché, mais bien d'un manquement du vendeur à l'obligation de délivrance que lui imposent les articles 1561 et 1716 C.c.Q. Cette obligation comprend celle de délivrer un bien rigoureusement conforme à celui qui a été convenu.

[17]         Selon l'auteur Jobin, les critères de conformité s'apprécient ainsi [2] :

Identité du bien délivré - Le vendeur a l'obligation de délivrer un bien rigoureusement conforme à celui qui a été convenu. Cette règle touche principalement l'identité, la quantité et, dans une certaine mesure, la qualité du bien.  …

Le bien délivré doit être identique à celui sur lequel les parties se sont entendues. Il doit notamment posséder toutes les caractéristiques (couleur, dimension, modèle, par exemple) précisées par l'acheteur lors de la vente. Cette obligation du vendeur en est une de résultat.

Le bien délivré doit avoir toutes les qualités convenues.

[18]         Les 2 parties admettent qu'il y a un écart de valeur autour de 3 500 $ pour 2 années supplémentaires de mise en service.

[19]         Là où leurs versions diffèrent c'est sur le montant exact de ces valeurs.

[20]         L'existence avouée d'une dépréciation liée à l'âge confirme le droit à une réduction des obligations des acheteurs.

[21]         Toutefois et compte tenu de la preuve de valeur faite par des offres de vente qui n'ont pas la même valeur qu'une vente complétée, compte tenu de l'inclusion à la vente de pièces d'équipement, l'indemnité payable par les vendeurs est établie à 2 500 $.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[22]         ACCUEILLE partiellement la demande;

[23]         CONDAMNE M me Claudine Gagnon et M. Dave Carmichael à payer à M me  Nancy Tremblay et M. Jean-François Simard, la somme de 2 500 $ avec l'intérêt au taux légal de  5 % et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 17 août 2010, date de la mise en demeure et les dépens établis à 129 $.

 

 

 

 



 

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Johanne Roy,

Juge à la Cour du Québec

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

10 janvier 2011

 



[1] C.A. Montréal, 500-09-013541-032 , 4 février 2005, paragr. 7 et 8

[2] Pierre-Gabriel JOBIN, La vente , Les Éditions Yvon Blais, 2 e édition, 2001, page 108, paragr. 98 (les références ont été omises)