Laferrière c. Rofrex Hydraulique ltée
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2011 QCCQ 1325 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE SAINT-FRANÇOIS |
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LOCALITÉ DE MAGOG |
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« Chambre civile » |
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N° : |
470-32-000067-098 |
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DATE : |
16 février 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE PAUL DUNNIGAN, J.C.Q. |
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ALAIN LAFERRIÈRE
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Partie demanderesse |
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c.
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ROFREX HYDRAULIQUE LTÉE
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Alain Laferrière réclame 7 000 $ à Rofrex Hydraulique ltée [1] alléguant avoir acheté de cette entreprise un moteur diesel marin usagé qui s'est avéré ne pas être fonctionnel.
[2]
JD 2570
Rofrex
conteste la réclamation plaidant que
Laferrière
a été négligent en ne préparant pas correctement le moteur pour un
entreposage à long terme et soulève la question du délai.
[3] Rofrex ajoute qu'une « clause de garantie de matériel » était clairement énoncée dans le contrat.
[4] Rofrex se porte demanderesse reconventionnelle et réclame 2 445 $ à Laferrière pour « inspection, entreposage, expertise externe et avis légaux ».
LES FAITS
[5] Au printemps 2005, Laferrière est à la recherche d'un moteur usagé pour son voilier alors en construction.
[6] Il se rend pour cette raison à l'établissement de Rofrex et rencontre un de ses préposés qui lui montre un moteur Yanmar diesel qu'il dit être entièrement vérifié et en parfait état.
[7] Laferrière précise alors à son interlocuteur que le moteur ne sera utilisé que dans deux ou trois ans, soit la période pendant laquelle son voilier sera en construction.
[8] Le prix alors convenu est de 4 000 $ plus les taxes et 500 $ en espèces.
[9] Un contrat d'achat [2] est signé par les parties le 21 mai 2005; cette convention indique notamment quant à la garantie que :
B) MATÉRIEL USAGÉ
Le matériel usagé décrit au présent contrat est vendu sans garantie légale ou conventionnelle. Le vendeur n'étant d'aucune façon responsable dudit matériel vendu même au cas de vices cachés.
[10] Le moteur est livré à Laferrière le 20 juillet 2005, date à compter de laquelle, il l'entrepose dans l'atelier où il exerce son métier d'ébéniste spécialisé en restauration dans des conditions « quasi muséales ».
[11] En 2008, Laferrière suit un cours de mécanique diesel marin où il rencontre Robert Grappin , professeur possédant une vaste expérience dans le domaine.
[12] Ce dernier qui enseigne la mécanique diesel depuis 18 ans à l'Institut maritime du Québec accepte d'examiner le moteur de Laferrière dont il ne s'est pas encore servi.
[13] Grappin apprend alors que le moteur a été repeint avant que Laferrière en fasse l'acquisition; cette information lui laisse soupçonner qu'il pourrait avoir chauffé.
[14] Grappin constate également qu'il n'y a pas de thermostat, ce qui corrobore ses doutes.
[15] Grappin procède au démontage du moteur et remarque qu'il est « très très difficile » de sortir l'échangeur de chaleur qui s'est avéré ne plus être fonctionnel et colmaté par la sédimentation de minéraux.
[16] Le 25 novembre 2008, Grappin signe un rapport [3] destiné à Laferrière confirmant avoir procédé à une inspection du moteur et précisant, outre ce que susmentionné, qu'il a pu constater « que le piston numéro 1 avait tellement eu chaud qu'il s'était dilaté et que cette dilatation avait grippé le cylindre ».
[17] Il indique à son rapport que le moteur « n'est absolument pas en état de fonctionner ».
[18] Le 17 janvier 2009, et à la suggestion de Robert Frenière , dirigeant de Rofrex , Laferrière rapporte le moteur dont certaines pièces sont démontées; Frenière affirme alors que le moteur est « rellé » et conclut que Laferrière l'a utilisé, ce que ce dernier nie.
[19] Le moteur est laissé sur place pour une évaluation mécanique [4] .
[20] Le 2 mars 2009, l'avocate de Laferrière transmet une mise en demeure [5] à Rofrex exigeant le remboursement pour son client d'une somme de 5 101 $, soit le prix payé pour le moteur.
[21] Quelques jours plus tard, l'avocat de Rofrex écrit [6] à celle de Laferrière alléguant « des signes évidents de mauvais entreposage, plusieurs composantes du moteur étant affectées par la corrosion ».
[22] Au jour du procès, Grappin indique que le moteur apparaît avoir été utilisé de façon prolongée avec un liquide de refroidissement inadéquat ou de mauvaise qualité et que c'est pour lui une « certitude absolue » que sa détérioration datait de bien avant la vente à Laferrière .
[23] Grappin conclut que pour rendre le moteur fonctionnel, il faudrait tout démonter, « détartrer » et que cette tâche serait tellement coûteuse, qu'il serait plus économique d'en ach eter un autre.
[24] M. Michel Roy , a quant à lui témoigné pour Rofrex , et confirme que le système de refroidissement était en très mauvais état, et ce, à la suite de l'usage d'un antigel qui n'était pas compatible.
[25] Selon lui, le liquide de refroidissement pourrait s'être « acidifié » ou avoir été contaminé par des minéraux d'où la présence de rouille.
[26] Roy affirme cependant que la situation n'est pas irrémédiable, mais qu'il faudrait prévoir un budget « dans les milliers de dollars » pour « rincer » le moteur et procéder au remplacement nécessaire de certaines pièces tel l'échangeur de chaleur.
ANALYSE
[27]
Laferrière
devait établir le bien-fondé de sa réclamation tel que
l'indique le premier alinéa de l'article
Art. 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
[28]
L'article
Art. 1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[29]
Les articles
37
,
38
,
53
et
Art. 37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.
Art. 38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.
Art. 53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l'objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.
Il en est ainsi pour le défaut d'indications nécessaires à la protection de l'utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.
Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu'ils ignoraient ce vice ou ce défaut.
Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
Art. 272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
[…]
e) la résolution du contrat; ou
[…]
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
[30] La Loi sur la protection du consommateur étant d'ordre public, Laferrière bénéficiait des protections qui y sont prévues nonobstant l'exclusion explicite de garantie indiquée au contrat; cette clause est sans effet quant aux clients de Rofrex qui ont la qualité de consommateur et ne leur est pas en conséquence opposable.
[31] Le tribunal est d'avis que la preuve est prépondérante quant à l'existence d'un vice grave du moteur déjà existant à la date de l'achat et sans lien aucun avec les conditions dans lesquelles il a ensuite été entreposé.
[32] Ce bien ne pouvait manifestement pas servir à l'« usage auquel il était normalement destiné » puisqu'il n'était pas en état de fonctionner.
[33]
L'article
[34] Considérant que le moteur est en possession de Rofrex et que la restitution est déjà effectuée, Laferrière a droit au remboursement du prix par lui payé, soit 5 101 $.
[35] Aucune preuve n'a été faite quant au droit de Laferrière à une indemnisation supérieure à cette somme.
[36] Quant à la demande reconventionnelle de Rofrex et considérant la conclusion précitée quant au recours de Laferrière , il n'a pas été prouvé que ce dernier est redevable de quelque somme que ce soit.
Pour ces motifs, le tribunal :
ACCUEILLE partiellement la demande de la partie demanderesse;
RÉSOUT le contrat d'achat du moteur Yanmar usagé intervenu entre les parties le 21 mai 2005;
CONDAMNE
la partie défenderesse à payer à la
partie demanderesse la somme de
5 101 $
,
plus intérêts au taux légal de 5 % l'an et l'indemnité additionnelle prévue à
l'article
CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme de 157 $ en remboursement de ses frais judiciaires;
REJETTE la demande reconventionnelle de la partie défenderesse, sans frais.
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PAUL DUNNIGAN, J.C.Q. |
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