Gince c. Rousseau

2011 QCCQ 1428

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEDFORD

LOCALITÉ DE

GRANBY

« Chambre civile »

N° :

460-32-005899-108

 

 

 

DATE :

1 er février 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

FRANÇOIS MARCHAND

 

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MAXIME GINCE

Demandeur

c.

YVES ROUSSEAU

Défendeur

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JUGEMENT

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[1]            Le demandeur réclame $6,851.18 à titre de diminution de prix pour vices cachés reliés à un immeuble qu'il a acheté du défendeur.

[2]            Ce dernier conteste la réclamation, alléguant l'absence de vice caché, puisque le défendeur avait été informé de l'existence d'humidité et de moisissure dans une partie du sous-sol. Il affirme que le demandeur a acheté en toute connaissance de cause.

Les faits

[3]            Le 30 octobre 2009, le demandeur achète du défendeur une propriété située à St-Alphonse de Granby. Préalablement à la signature du contrat, le demandeur mandate la firme QuébecSpec, afin qu'elle examine et inspecte la maison.

[4]            Le rapport d'inspection ne relève aucune anomalie ou défaut majeur.

[5]            Le sous-sol est divisé en deux parties dont l'une est un logement comportant 3½ pièces. Il est constitué d'un faux plancher en bois recouvert de panneaux d'aggloméré sur lesquels repose du linoléum.

[6]            L'inspecteur constate la présence de moisissure sur le mur près du lavabo de la salle de bain du sous-sol. Il recommande de nettoyer et désinfecter.

[7]            Il n'a rien constaté d'anormal au plancher, ce qui l'a amené à conclure que la moisissure près du lavabo était due à l'humidité émanant de la salle de bain, laquelle n'est pas munie d'un système de ventilation.

[8]            Le demandeur prend donc possession de la maison.

[9]            À la fin du mois de décembre 2009, en effectuant des travaux au plafond du sous-sol, son pied passe à travers le plancher. Il constate alors la présence de pourriture. Il fait appel à un expert, pour connaître l'ampleur du problème et informe l'agent d'immeuble de ce fait. Ce dernier communique avec le défendeur et l'avise de la situation. Il le prie de se rendre sur les lieux, afin qu'il constate les dommages au plancher. Il refuse. Il est clair, dans son esprit, qu'il n'est pas responsable et il n'entend pas se rendre sur les lieux.

[10]         Toutefois, des négociations ont lieu entre le défendeur et le demandeur, par l'entremise de l'agent d'immeuble Patrice Dulude. Les tractations ne donnent  cependant pas de résultat concluant.

[11]         Le demandeur procède à des travaux de réfection, lesquels s'élèvent à $4,426.40. Ces travaux ne comprennent pas le recouvrement du plancher. Les Tapis Eddy mentionne qu'un plancher flottant pourrait coûter $2,838.58. En plus, le coût de remplacement des moulures autour de la salle s'élève à $185.96.

[12]         La preuve révèle que la maison fut construite en 1978.

[13]         En 1981, le propriétaire a fait des travaux d'aménagement du sous-sol. Il a reçu l'aide d'un ami qui connaissait quelque peu la construction. Le plancher de bois était fait de la façon suivante: directement sur le plancher de béton, on retrouve des pièces de 2" X 3" sur lesquelles on a apposé des panneaux d'aggloméré. Le tout a été recouvert d'un prélart.

[14]         La preuve révèle qu'une partie du plancher était à refaire, mais qu'une autre était récupérable. Il appert que la partie à refaire se trouvait principalement à l'endroit où reposait un congélateur. Or, ledit congélateur s'égouttait sur le plancher.

[15]         La preuve révèle aussi que la présence de moisissure dans la salle de bain n'a aucun lien avec le problème découvert au plancher.

[16]         Aucune mise en demeure n'a été adressée au défendeur, afin que ce dernier puisse constater  les problèmes et procéder aux corrections nécessaires.

Analyse et décision

[17]         L'article 1726 du Code civil du Québec stipule:

1726.  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[18]         Pour être couvert par la garantie légale, le vice doit être nuisible à l'usage de la chose vendue, avoir une certaine gravité, être caché et inconnu de l'acheteur et être antérieur à la vente. [1]

[19]         Un plancher pourri doit être remplacé et constitue un inconvénient majeur pour les occupants d'un immeuble.

[20]         La jurisprudence a déjà reconnu que la présence de pourriture à l'intérieur d'une maison peut constituer un vice caché, si celle-ci ne peut être détecter lors d'un examen minutieux.

[21]         Le Tribunal conclut qu'il s'agit d'un vice caché. L'inspecteur n'a pu détecter une défectuosité ou une anomalie au plancher. La présence d'un prélart cachait le bois et l'acheteur ou l'inspecteur n'avait pas l'obligation d'enlever le recouvrement.

[22]         La Cour n'a aucune hésitation à conclure que le défaut constaté par le demandeur constitue un vice caché au sens de la loi et qu'en conséquence, ce dernier a droit de recevoir une indemnité.

Mise en demeure

[23]         L'article 1739 du Code civil du Québec énonce:

1739.  L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.

Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.

[24]         Le défendeur n'a reçu aucune mise en demeure dénonçant les vices ni sommation d'effectuer les réparations à ses frais.

[25]         Le défendeur refusé de se rendre sur les lieux et a négocié exclusivement par l'entremise de l'agent d'immeuble. Il a toujours réfuté sa responsabilité.

[26]         La jurisprudence a reconnu que la répudiation de toute responsabilité par le vendeur constitue une exception à l'obligation de dénonciation. [2]

[27]         Une mise en demeure écrite n'est pas nécessaire, lorsque la preuve démontre qu'elle n'aurait rien changé dans les circonstances, puisque le défendeur savait déjà tout ce qu'il fallait savoir et qu'il n'a pas donné suite. [3]

Montant des dommages

[28]         Une stricte équivalence entre le montant des réparations et la diminution du prix de vente auquel un acheteur peut avoir droit en cas de vice caché n'est pas toujours une base adéquate de calcul. [4]

[29]         L'évaluation des dommages en cas de vice caché doit tenir compte des coûts de réparation, mais également de l'âge et de la valeur dépréciée du bien, afin d'éviter l'attribution d'une plus value qui constituerait une forme indirecte d'enrichissement sans cause. [5]

[30]         Selon l'expert du demandeur, un plancher de bois dans un sous-sol sera, à la longue, affecté par l'humidité provenant du béton. Il était donc prévisible que dans un délai plus ou moins long, le plancher de bois devait être réparé ou remplacé.

[31]         Le plancher du sous-sol avait 28 ans d'âge, au moment de la découverte du vice. Ainsi, en procédant au remplacement de son recouvrement, le demandeur se retrouve dans une meilleure situation qu'au moment de l'achat. Le Tribunal doit donc appliquer une dépréciation, tel que le reconnaît la jurisprudence.

[32]         En prenant en considération l'ensemble de la preuve ainsi que le détail des travaux exécutés par le demandeur, le Tribunal conclut que le sous-sol de la propriété est en meilleure condition qu'au moment de l'achat.

[33]         En conséquence, la Cour arbitre à $3,000.00 l'ensemble des dommages subis par le demandeur.

PAR CES MOTIFS, LA COUR:

ACCUEILLE EN PARTIE la demande;

CONDAMNE le défendeur à payer au demandeur la somme de $3,000.00 avec intérêts au taux légal en plus de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 10 mars 2010 et les dépens.

 

 

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François Marchand, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

06 janvier 2011

 



[1] ABB Inc. C. Domtar Inc. , C.S.C., AZ-50459657 ; Marcoux c. Picard , C.A., AZ-50472474

[2] Quincaillerie Côté & Castonguay Inc. c. Castonguay , AZ-50522574 , C.A.

[3] Fortier c. Michaud , AZ-50341455 , C.Q.; 9068-4408 Québec Inc. c. 9077-1585 Québec Inc. , C.Q., AZ-50236658

[4] Caron c. Centre Routier Inc. , C.A., AZ-90011137 ; Lebel   c. Terroux , AZ-50288003 , C.S.

[5] Verville c. 9146-7308 Québec Inc. , AZ-50510387 , C.A.