Augustin c. Groupe CDH |
2011 QCCQ 1465 |
|||||
COUR DU QUÉBEC |
||||||
« Division des petites créances » |
||||||
CANADA |
||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||||
DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
|||||
« Chambre civile » |
||||||
N° : |
500-32-114530-092 |
|||||
|
||||||
DATE : |
Le 1 mars 2011 |
|||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
ALAIN BREAULT, J.C.Q. |
||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
|
||||||
LUCIEN P. AUGUSTIN […] Montréal (Québec) […] |
||||||
Demandeur |
||||||
c. |
||||||
GROUPE CDH 1000, rue Amherst - bureau 201 Montréal (Québec) H2L 3K5 |
||||||
Défenderesse |
||||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
JUGEMENT |
||||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
[1] Lucien P. Augustin, le demandeur, réclame 5 325$ à Groupe CDH ("CDH"), la défenderesse, en alléguant avoir subi des pertes pécuniaires à la suite de la vente de l'immeuble au sujet duquel, pendant plusieurs années, il fut employé à titre de concierge.
[2] Les dommages-intérêts réclamés concernent deux éléments: le paiement de 475$ qu'il a fait à un locataire dans le contexte de rénovations effectuées à l'immeuble et la valeur de biens meubles dont CDH s'est départie après l'achat de l'immeuble. Le demandeur affirme qu'il le seul propriétaire de ces biens meubles et les évalue à la somme de 4 850$.
[3] CDH conteste la réclamation en soulevant plusieurs moyens. En résumé, elle plaide les moyens qui suivent: elle n'est pas l'entité juridique ayant acheté l'immeuble, le paiement de 475$ fut effectué volontairement par le demandeur, ce dernier n'était pas le propriétaire des biens meubles en litige, lesquels de toute façon étaient vétustes et sans grande valeur et, enfin, le litige, du moins en ce qui concerne la réclamation de 475$, étant accessoire à un bail de logement résidentiel, seule la Régie du logement est compétente pour entendre le litige entre les parties.
[4] Jusqu'en 2008, pendant 21 ans environ, le demandeur a été le concierge d'un immeuble à logements résidentiels, situé sur la rue Bloomfield à Montréal, dont le propriétaire était monsieur Luftur Rahman.
[5] L'immeuble comportait 15 logements, tous d'une superficie restreinte, la plupart sinon la totalité étant des un et demi. Les loyers étaient modestes et le demandeur habitait l'un des logements.
[6] Le demandeur déclare que, cinq ans après qu'il eut commencé son travail dans l'immeuble, une entente verbale est intervenue entre lui et le propriétaire suivant laquelle il prenait dorénavant la responsabilité de meubler les logements. En fait, selon son témoignage, il achetait des meubles meublants afin de garnir les logements et percevait en retour 10$ par mois sur les loyers mensuels que chacun des locataires versait.
[7] Les meubles meublants comprenaient des frigos, des tables et chaises, des lits et autres biens de même nature. Les biens meubles étaient achetés usagés la plupart du temps, le demandeur consacrant, dit-il, le temps nécessaire pour faire des recherches dans les petites annonces. Lorsque la situation se présentait, il s'occupait de remplacer ceux dont la vie utile était expirée.
[8] En 2007, monsieur Rahman manifeste son intention de vendre l'immeuble. Sans que la preuve en expose toutes les circonstances, des discussions ont finalement lieu avec certains organismes ou autorités communautaires, sans but lucratif, intéressés à se porter acquéreur de l'immeuble pour le rénover et offrir par la suite en location des logements subventionnés.
[9] En 2007, CDH, une coopérative d'habitation sans but lucratif, entreprend un long processus de consultation auprès des locataires afin de vérifier leur intérêt à ce que l'immeuble dans lequel ils habitent soit rénové. Le processus s'étale sur une année.
[10] En particulier, CDH fait des représentations suivant lesquelles chaque locataire recevra une première indemnité de 475$ lors de la période d'évacuation des lieux et une deuxième, au même montant, s'ils acceptent de revenir habiter leur logement après les rénovations.
[11] Le 25 août 2008, faisant suite à une promesse d'achat datée du 24 septembre 2007, Habitations populaires de Parc Extension (Projet Bloomfield), une association personnifiée elle-même sans but lucratif, se porte acquéreur de l'immeuble. Elle paie 307 000$. Elle prévoit investir 800 000$ pour les travaux de rénovation l'immeuble.
[12] Peu après l'acquisition de l'immeuble, une entente écrite intervient avec les locataires. La période d'évacuation est fixée au 1 octobre 2008,et ce, jusqu'au 1 juin 2009. L'indemnité pour couvrir les frais de déménagement (à la sortie et au retour) est consacrée dans l'entente. Tous les locataires, sauf un, signent l'entente et acceptent de quitter leur logement le 1 octobre 2008
[13] La preuve révèle que les employés ou représentants de CDH oeuvrent toujours à la réalisation du projet et sont systématiquement impliqués au cours des diverses étapes. En réalité, de ce qui ressort de la preuve, dans la mise en œuvre du projet communautaire, CDH s'occupe de tous les aspects matériels ou techniques menant à l'acquisition de l'immeuble et sa rénovation, tandis qu'une entité juridique distincte en devient le propriétaire.
[14] Dans la promesse d'achat, à l'article 3.5, la clause suivante était énoncée:
3.5. Les articles suivants, libres de toutes charges et appartenant au vendeur, sont compris dans le prix de vente:
a) toutes les installations électriques permanentes;
b) toutes les installations permanentes de chauffage incluant tous les chauffe-eau;
c) tous les appareils électroménagers et les meubles fournis par le locateur et présentement sur les lieux.
[15] Le 1 octobre 2008, les entrepreneurs se présentent sur les lieux en vue d'entreprendre leurs travaux. Tous les locataires délaissent leur logement, sauf le demandeur. Selon CDH, vers 11h00, un camion quitte finalement l'immeuble avec les biens meubles qui se trouvaient dans le logement. Le demandeur conteste cette prétention.
[16] Puis, les travaux commencent. Une visite des logements et des parties communes révèle que l'immeuble est dans une mauvaise condition, sinon dans un état d'insalubrité, de la moisissure et des coquerelles se trouvant même en quantité importante à plusieurs endroits. Les biens meubles sont éparpillés ici et là, ils sont fortement usés et dans une condition ne répondant pas selon CDH aux standards sanitaires minimaux.
[17] CDH, après consultation auprès d'un ingénieur civil et d'autres professionnels, choisit de se débarrasser de tous les meubles meublants ou autres biens meubles se trouvant dans l'immeuble. Elle entreprend aussi les opérations nécessaires afin que l'immeuble soit nettoyé et décontaminé. Ces travaux durent dix jours et tous les biens meubles sont placés dans quatre conteneurs.
[18] Par ailleurs, dans le contexte des démarches de CDH visant à obtenir le consentement des locataires pour qu'ils quittent leur logement, le demandeur l'informe qu'un logement est temporairement vacant parce que son locataire est hospitalisé. Un représentant de CDH tente de communiquer avec ce locataire, se rendant même à l'hôpital pour le rencontrer. Les démarches ne donnent rien, de telle sorte que ce locataire ne reçoit pas l'indemnité prévue à l'entente intervenue avec tous les autres locataires.
[19] La preuve révèle cependant que, de ses propres fonds, le demandeur a lui-même payé un montant de 475$ à ce locataire, soit la somme correspondant à l'indemnité à laquelle tous les locataires avaient droit en acceptant de quitter leur logement.
[20] En l'espèce, le demandeur réclame le remboursement de cette somme et, au surplus, des dommages-intérêts de 4 850$ représentant la valeur des meubles meublants et autres biens meubles dont CDH s'est départie dans le contexte exposé plus haut.
[21]
Les articles
2803 Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2862. La preuve d'un acte juridique ne peut, entre les parties, se faire par témoignage lorsque la valeur du litige excède 1 500$.
Néanmoins, en l'absence d'une preuve écrite et quelle que soit la valeur du litige, on peut prouver par témoignage tout acte juridique dès lors qu'il y a commencement de preuve; on peut aussi prouver par témoignage, contre une personne, tout acte juridique passé par elle dans le cours des activités d'une entreprise.
[22] En l'espèce, le Tribunal ne peut retenir la réclamation de 4 850$ au sujet de la perte des meubles meublants et autres biens meubles dont le demandeur affirme en être le propriétaire.
[23] D'une part, le demandeur n'a produit aucun écrit faisant voir ou confirmant, en tout ou en partie, son titre de propriété au sujet des biens meubles. La prépondérance de la preuve indique que CDH ne fut jamais informé en temps utile de la prétention du demandeur à cet égard. La position du demandeur est du reste contredite par les représentations contenues dans la promesse d'achat selon lesquelles le propriétaire de tous les biens meubles était monsieur Rahman.
[24] D'autre part, quant à la valeur des biens meubles, la preuve du demandeur est manifestement insatisfaisante. Aucune preuve documentaire ne soutient l'évaluation qu'il a verbalement présentée. En fait, il n'a offert en preuve aucune facture démontrant la date des achats ou le prix payé, ni une preuve indépendante ou par expertise justifiant les dommages-intérêts qu'il réclame en l'instance.
[25] En somme, sur ce point, le demandeur, si tant est qu'il maintienne sa position quant à la perte des meubles meublants et autres biens meubles, devra la faire valoir en exerçant un recours contre monsieur Rahman.
[26] En effet, celui-ci s'est décrit dans la promesse d'achat comme étant le propriétaire de tous les biens meubles se trouvant dans l'immeuble et, dans les circonstances révélées par le procès, aucun reproche ne peut être attribué à CDH. Cette dernière, de bonne foi, s'est comportée seulement comme un propriétaire véritable agissant de façon raisonnable aux fins de protéger ses biens et son investissement.
[27] Ceci étant dit, il y a lieu d'accueillir la réclamation du demandeur en ce qui concerne le paiement de 475$ fait au tiers locataire. De la preuve, il ressort que, du point de vue du demandeur, CDH et ses employés ont toujours agi comme s'ils étaient les seuls directement impliqués dans les diverses étapes menant à la rénovation de l'immeuble et à l'entente intervenue avec les locataires. De fait, la preuve ne révèle pas que le demandeur ait été informé à quelque moment que ce soit que l'acheteur de l'immeuble devait être une entité juridique autre que CDH.
[28] CDH admet qu'elle détenait les fonds nécessaires pour que ce locataire soit indemnisé conformément à l'entente convenue avec les autres locataires. Dans les circonstances, il serait inéquitable que le demandeur subisse une perte pécuniaire seulement en raison des obstacles vécus par CDH au moment où elle a tenté d'entrer en communication avec ce locataire.
[29] En définitive, la réclamation du demandeur sera accueillie mais seulement à l'égard du paiement de 475$. Le Tribunal précise, s'il est nécessaire de le dire, que le moyen avancé par CDH quant à l'exclusivité de la compétence de la Régie du logement est rejeté.
[30] En l'espèce, le litige dont il s'agit ne s'inscrit pas simplement dans le cadre d'une entente accessoire à un bail de logement, plutôt globalement dans le contexte de la vente d'un immeuble. L'immeuble comportait certes des logements résidentiels, mais l'objet et les conséquences juridiques de la vente relevaient davantage du droit général des obligations.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
ACCUEILLE en partie la réclamation du demandeur;
CONDAMNE
la défenderesse à payer au demandeur la
somme de 475$, avec les intérêts au taux de 5% l'an et l'indemnité
additionnelle prévue à l'article
|
|
|
__________________________________ ALAIN BREAULT, J.C.Q. |
|
|
|
|
Date de l'audience: Le 23 décembre 2010 |
|