Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc. c. Blais

2011 QCCS 919

 

JG 2247

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TROIS-RIVIÈRES

 

N° :

400-17-001878-095

400-11-003157-061

 

DATE :

16 février 2011

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

MICHEL GIROUARD, j.c.s.

______________________________________________________________________

 

ASSOCIATION PROVINCIALE DES CONSTRUCTEURS D'HABITATIONS DU QUÉBEC INC.

 

Demanderesse

c.

GUYLAINE BLAIS

 

Défenderesse

et

Dans l'affaire de faillite de :

 

9016-3593 Q uébec inc. (f.a.s.r.s. «  Construction Daniel Provencher  » et « Construction DP »)

 

Débitrice-défenderesse

et

ASSOCIATION PROVINCIALE DES CONSTRUCTEURS D'HABITATIONS DU QUÉBEC INC.

 

Créancière-demanderesse

et

CONSTRUCITON DANIEL PROVENCHER INC.

 

et

DANIEL PROVENCHER

 

Défendeurs

et

ROY MÉTIVIER ROBERGE INC.

 

Syndic-mis en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]            Le Tribunal est saisi de deux dossiers pour lesquels il y a eu réunion d'action.

[2]            Les parties ont donc présenté une preuve commune qui s'applique dans les dossiers.

[3]            Le Tribunal disposera premièrement du dossier numéro 400-17-001878-095 qui oppose la demanderesse, Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc., et la défenderesse, madame Guylaine Blais.

[4]            La demanderesse réclame une somme de 140 000 $ de la défenderesse. Au soutien de ses prétentions la demanderesse a déposé une convention produite sous la cote P-4, datée du 22 mars 2006, où 9016-3593 Québec inc., la demanderesse, la Caisse populaire de Ste-Madeleine et la défenderesse madame Blais sont parties.

[5]            Par cette convention la demanderesse s'était portée caution jusqu'à concurrence de 70 % d'un billet à demande de 275 000 $ contracté entre la Caisse populaire de Ste-Madeleine, créancière, et la compagnie 9016-3593 Québec inc.

[6]            La défenderesse, madame Blais, est l'unique administratrice et actionnaire de 9016-3593 Québec inc.

[7]            L'intervention de la défenderesse à la convention comporte le texte suivant :

INTERVENTION

AUX PRÉSENTES INTERVIENT MADAME GUYLAINE BLAIS, LAQUELLE DÉCLARE CE QUI SUIT :

·          elle a pris connaissance de la teneur de la présente convention;

·          elle est pleinement d'accord avec toutes et chacune des stipulations qui y sont énoncées;

·          elle s'engage en conséquence à donner effet à toutes et chacune desdites stipulations;

·          elle déclare expressément souscrire et assumer le cautionnement personnel prévu aux paragraphes 15 et 16 de la présente convention et s'engage en conséquence à le respecter intégralement.

SIGNÉ À Cap de la Madeleine , CE 22 MARS 2002

  Signé (Guylaine Blais)                               Signé (Liette Veilleux)             

Madame Guylaine Blais               Témoin

[8]            La défenderesse cautionnait plus particulièrement les articles 15 et 16 de ladite convention que nous reproduisons ici :

15.           Dans l'éventualité où les procédures judiciaires instituées et menées à terme par l'Entrepreneur auront comme résultat l'obtention d'un règlement ou d'un jugement portant condamnation à payer un montant d'argent à l'Entrepreneur, les conditions suivantes s'appliqueront entre les parties :

a)             tout montant obtenu par l'Entrepreneur servira d'abord à rembourser le cas échéant toute somme d'argent en capital, intérêts et frais déboursée par la Caisse en vertu du prêt à demande qu'elle a consenti;

b)             advenant que les montants obtenus par l'Entrepreneur soient insuffisants pour couvrir la totalité du prêt en capital, intérêts et frais, la Caisse accepte que le solde dû soit payable par l'Entrepreneur à défaut de quoi l'APCHQ sera responsable jusqu'à concurrence de 70% du solde dû;

c)             advenant que les montants obtenus par l'Entrepreneur soient supérieurs au montant du prêt en capital, intérêts et frais, l'Entrepreneur conservera toute somme d'argent qu'il aura récupérée en vertu dudit jugement ou du règlement, à la condition que l'entrepreneur ne soit pas en défaut de la présente convention;

16.           Advenant le versement d'une somme d'argent suite à un règlement ou jugement, le procureur de l'entrepreneur déposera les argents dans son compte en fidéicommis, et s'engage à distribuer les sommes conformément à la présente entente;

[9]            La preuve a révélé qu'il y a effectivement eu un règlement entre 9016-3593 Québec inc. demanderesse dans le dossier qu'il l'opposait à la défenderesse Béton Maskimo inc.

[10]         Le règlement était d'un montant d'environ 177 000 $, mais contrairement aux dispositions de l'article 15 et 16 de la convention le montant n'a pas été versé dans le compte en fidéicommis du procureur, mais a plutôt servi à rembourser des dettes alléguées par les défenderesses dans le dossier Construction Daniel Provencher inc. et Daniel Provencher personnellement.

[11]         La demanderesse a donc été dans l'obligation de respecter le cautionnement qu'elle avait contracté dans la convention P-4 auprès de la Caisse populaire de Ste-Madeleine et a donc effectué un paiement de 140 000 $ au moyen d'un chèque portant le numéro 30705 et daté du 9 novembre 2007 et confirmé par le reçu quittance de subrogation du 19 novembre 2007 déposé en liasse sous P-10.

[12]         La défenderesse avait invoqué deux (2) moyens au soutien de sa défense dans ce dossier, le premier moyen était que le paiement effectué par la demanderesse à la Caisse populaire de Ste-Madeleine qui a été substitué à la Caisse populaire du Cap-de-la-Madeleine était un paiement de complaisance puisqu'il était prescrit.

[13]         Or, dès le début de l'audience par le dépôt des pièces P-16, il a été établi clairement qu'il y avait eu renouvellement au terme du billet signé par 9016-3593 Québec inc. et que la réclamation n'était pas prescrite.

[14]         Le deuxième moyen de la défense doit également être rejeté à savoir que la requête introductive d'instance aurait été prématurée et mal fondée et principalement en raison du fait que les deux (2) dossiers ont été réunis et qu'un seul jugement est rendu pour ces deux (2) affaires.

[15]         La défenderesse n'a donc plus aucun moyen de défense et en vertu de la preuve les conclusions du présent jugement condamneront madame Blais défenderesse à payer la somme de 140 000 $ à la demanderesse.

[16]         Maintenant en ce qui concerne le deuxième dossier, les défenderesses invoquent un moyen de défense qui était non applicable dans le dossier où madame était la seule défenderesse.

[17]         Le principal moyen de défense voire même l'unique moyen de défense des défenderesses, Construction Daniel Provencher inc. et Daniel Provencher personnellement, invoque le délai de déchéance du recours de la demanderesse en vertu des articles 1631 et suivants du Code civil du Québec.

[18]         En effet, le 30 novembre 2006, la défenderesse c'est-à-dire 9016-3593 Québec inc. a fait cession de ses biens auprès du Syndic Roy, Métivier, Roberge.

[19]         La principale question en litige est de déterminer le point de départ de la computation du délai d'un an de l'article 1635 Code civil du Québec.

[20]         Les défenderesses prétendent être en mesure de faire la preuve que la demanderesse avait entre ses mains tous les éléments nécessaires pour entreprendre un recours en vertu de 1631 et suivants du Code civil du Québec.

[21]         Les défenderesses prétendent que la demanderesse APCHQ avait ses preuves bien avant le 19 décembre 2006, date de la première réunion des créanciers dans la faillite de 9016-3593 Québec inc.

[22]         Les prétentions de la demanderesse sont à l'effet qu'elle avait eu entre les mains tous les documents lui permettant de réunir l'ensemble des critères nécessaires pour entreprendre avec une chance de succès le recours en inopposabilité des articles 1631 et suivants du Code civil du Québec, qu'à l'automne 2007.

[23]         Il s'agit donc d'une question de fait où la crédibilité des différents témoins est primordiale.

[24]         La preuve des défenderesses est constituée de certains documents ainsi que du témoignage de madame Blais et de monsieur Provencher.

[25]         Dans un premier temps, madame Blais confirme tel que les documents du cidreq l'établissent qu'elle était la seule administratrice et la seule actionnaire de 9016-3593 Québec inc. et que cette compagnie a bel et bien fait cession de ses biens le 30 novembre 2006.

[26]         Madame Blais admet être partie à la convention déposée sous P-5 dans le dossier 400-11-003157-061. Elle confirme aussi lors de son témoignage que cette convention lui a été expliquée par le représentant de la Caisse populaire ainsi que par son mari monsieur Daniel Provencher qui était l'unique gestionnaire de 9016-3593 Québec inc.

[27]         Madame Blais confirmant qu'elle avait peu de connaissance en gestion et en administration alors que monsieur Provencher avait une formation universitaire en administration et que c'est lui qui voyait à gérer toutes les affaires de 9016-3593 Québec inc.

[28]         Madame Blais confirme également qu'il y a eu un règlement entre 9016-3593 Québec inc. et Béton Maskimo inc. pour un montant d'environ 177 000 $. Madame confirme également que le montant de 177 000 $ n'a pas été déposé dans le compte en fidéicommis de ses procureurs, mais qu'il a été déposé dans un compte ouvert temporairement au mois de juin 2006.

[29]         Ce compte ouvert à la CIBC contrairement à toutes les affaires bancaires de 9016-3593 Québec inc. qui étaient à la Caisse populaire a permis aux défenderesses Construction Daniel Provencher inc. et Daniel Provencher personnellement d'obtenir des paiements pour des créances alléguées totalisant 143 858 $.

[30]         Elle confirme également avoir procédé à la fermeture du compte de la CIBC à la demande de Provencher dès que ce compte a été vidé.

[31]         Le compte à la CIBC a été ouvert le 5 juin 2006 et a fait l'objet d'un dépôt de 144 805,94 $ le 6 juin. Le même compte a par la suite été fermé le 19 octobre 2006 avec un solde de fermeture à cette date de zéro.

[32]         Me Luc Séguin témoigne pour la demanderesse et fait un récit chronologique de ses interventions dans le dossier de 9016-3593 Québec inc.

[33]         Il confirme avoir été informé de l'existence de la convention déposée sous P-5 et que ladite convention avait pour but entre autres de cautionner en partie l'obligation de 9016-3593 Québec inc. contractée auprès de la Caisse populaire. L'APCHQ était représentée par monsieur Omer B. Rousseau qui était représentant dûment autorisé de l'APCHQ.

[34]         Il insiste également sur l'importance des clauses 15 et 16 qui avaient pour but de garantir la demanderesse qu'elle n'aurait pas de déboursé à faire dans l'éventualité d'un règlement entre 9016-3593 Québec inc. et Béton Maskimo inc. pour un montant supérieur à 140 000 $ ce qui a effectivement été le cas.

[35]         Vers le 15 juin 2006, monsieur Séguin reçoit un appel téléphonique de monsieur Daniel Provencher qui lui dit qu'il y a eu un règlement d'environ 144 000 $ dans le dossier qui oppose 9016-3593 Québec inc. à Béton Maskimo inc.

[36]         Lors du même appel téléphonique, il informe monsieur Séguin que 9016-3593 Québec inc. serait dans l'impossibilité de rembourser la totalité des sommes dues à la Caisse populaire qui s'élevait à environ 270 000 $.

[37]         Me Séguin a lors de la conversation téléphonique du 16 juin 2006 demandé une rencontre avec monsieur Provencher pour tenter d'obtenir plus de détails et d'explications sur le règlement intervenu.

[38]         Cette rencontre a finalement eu lieu le 8 août 2006, Me Séguin était accompagné de Me Marcoux aussi à l'emploi de la demanderesse.

[39]         Pendant cette rencontre, monsieur Provencher informe monsieur Séguin qu'il reste environ 90 000 $ du règlement et qu'il fait une offre de payer un tiers, un tiers, un tiers jusqu'à concurrence de 90 000 $ soit à l'APCHQ, à la Caisse populaire et à Daniel Provencher lui-même.

[40]         À ce moment, monsieur Séguin informe monsieur Provencher d'aller rencontrer la Caisse et que si cette dernière acceptait ce règlement et que l'APCHQ était dégagée de son cautionnement, il y aurait possibilité de régler le dossier selon la proposition de monsieur Provencher.

[41]         Ce n'est qu'à la fin d'août du même été que Me Séguin est informé par monsieur Gélinas de la Caisse que la Caisse n'a pas accepté ce règlement.

[42]         Au mois de novembre 2006, madame Josée Beaulieu a pris la relève de monsieur Gélinas pour son employeur la Caisse Desjardins.

[43]         Le 20 novembre 2006, madame Beaulieu a eu une rencontre avec madame Blais et monsieur Provencher.

[44]         Monsieur Provencher dit que l'offre d'un tiers, un tiers, un tiers est à prendre ou à laisser et madame Beaulieu pendant cette conversation demande des documents supplémentaires pour évaluer la situation.

[45]         Lors de son témoignage, elle a également affirmé n'avoir reçu aucun document de monsieur Provencher. Suite à cette rencontre, elle ignorait toujours qu'il détenait une garantie hypothécaire sur le même montant qui faisait l'objet des clauses 15 et 16 de la convention P-5.

[46]         Le 30 novembre, 9016-3593 Québec inc. fait cession de ses biens et ce n'est que le 4 décembre que monsieur Séguin est informé de la faillite.

[47]         Il reçoit un avis de surseoir qui concerne d'autres procédures qui existaient entre 9016-3593 Québec inc. et la demanderesse et constate dans le bilan qu'il n'y a aucun actif faisant référence à une somme d'argent d'au moins 90 000 $, qui devrait être détenue dans un compte en fidéicommis du procureur de 9016-3593 Québec inc.

[48]         Monsieur Séguin confirme également lors de son témoignage que jamais les actes hypothécaires ou encore les factures ou les bilans de 9016-3593 Québec inc. ne lui avaient été remis avant la faillite de 9016-3593 Québec inc.

[49]         Le 19 décembre 2006, monsieur Séguin se présente à l'assemblée des créanciers de la faillite de 9016-3593 Québec inc. pour obtenir plus d'informations et avec l'intention de se faire nommer administrateur à la faillite.

[50]         C'est lors de cette réunion que monsieur Séguin apprend que 9016-3593 Québec inc. a eu un compte bancaire à la CIBC et qui avait été ouvert en juin 2006.

[51]         Ce n'est que le 28 février 2007 que la Caisse met en demeure la demanderesse de lui payer la somme de 140 000 $.

[52]         Le 12 mars, par courrier recommandé, monsieur Séguin pour la demanderesse demande l'exécution du cautionnement de madame Blais.

[53]         Selon le témoignage de monsieur Séguin à ce moment, il n'a pas encore en main les informations concernant les détails des différentes transactions et paiements effectués entre 9016-3593 Québec inc., Construction Daniel Provencher inc. et Daniel Provencher personnellement.

[54]         Ce n'est qu'en novembre 2007, que Me Séguin reçoit toutes les précisions demandées, qu'il prend connaissance des hypothèques consenties par 9016-3593 Québec inc. à Construction Daniel Provencher inc. et à Daniel Provencher lesdits documents ayant été déposés sous la cote P-9.

[55]         Nous reproduirons ici la description du bien hypothéqué par ces hypothèques consenties le 26 octobre 2005 à monsieur Daniel Provencher ainsi qu'à Construction Daniel Provencher inc. :

- une créance au montant de deux cent soixante-seize mille huit cent soixante-neuf dollars (276 869,00 $), avec intérêt au taux légal, depuis le 1 er juillet 2001, découlant d'une réclamation faite par 9016-3593 Québec inc. à Béton Maskimo inc., déposée à la Cour supérieure du district de Trois-Rivières le 31 juillet 2002, dossier numéro 400-05-003774-024.

[56]         C'est à ce moment que Me Séguin est d'avis qu'il a en main tous les éléments qui lui permettent d'établir que les défenderesses ont effectué des transactions à caractères frauduleuses qui avaient pour but de favoriser Construction Daniel Provencher inc. et Daniel Provencher et d'évincer les autres créanciers de 9016-3593 Québec inc.

[57]         La requête introductive d'instance a été déposée le 19 décembre 2007 et la demanderesse prétend donc qu'il n'y avait pas eu déchéance des recours.

[58]         Monsieur Provencher témoigne lorsqu'il est appelé à témoigner par la demanderesse ainsi qu'à une deuxième occasion lors de la présentation de la preuve des défenderesses.

[59]         Le Tribunal retient les éléments suivants de son témoignage, monsieur Provencher confirme qu'il y avait peu d'actifs dans 9016-3593 Québec inc. sauf en juin 2006 où elle a bénéficié du montant de 144 805,94 $ qui était le solde du règlement dans l'affaire Béton Maskimo inc. après le paiement des honoraires extrajudiciaires à ses procureurs.

[60]         Il confirme dans son témoignage que si 9016-3593 Québec inc. a ouvert un compte à la CIBC au mois de juin 2006 c'était entre autres pour éviter que les deux ministères du Revenu puissent récupérer leurs créances.

[61]         De plus, il confirme qu'en encaissant les chèques qu'il avait lui-même préparés qu'il vidait complètement de tout actif 9016-3593 Québec inc.

[62]         Il est important de reproduire une partie des pièces déposées en liasse sous P-8 :

 

Détails des opérations

Date

Description

Débits ($)

Crédits ($)

Solde ($)

 

Jun 5

 

SOLDE REPORTE

 

 

 

0.00

Jun 6

DEPOT

 

144,805.94

144,805.94

Jun 12

CHEQUE 901      14656594

37,350.00

 

107,455.94

 

CHEQUE 902      15506260

35,818.67

 

71,637.27

Jun 30

FRAIS FIXES

9.00

 

71,628.27

 

FRAIS OPTION ADD      

2.00

 

71,626.27

 

FRAIS DEPOT EFFETS

1 AT 13

0.13

 

71,626.14

 

SOLDE DE FERMETURE AU 30 JUN

 

 

71 626.14

 

Détails des opérations

Date

Description

Débits ($)

Crédits ($)

Solde ($).

 

Aug 1

 

SOLDE REPORTE

 

 

 

925.81

Aug 31

FRAIS FIXES

9.00

 

916.81

 

FRAIS OPTION ADD      

2.00

 

914.81

 

SOLDE DE FERMETURE AU 31 AOÛ

 

 

914.81


Détails des opérations

Date

Description

Débits ($)

Crédits ($)

Solde ($)

 

Oct 1

 

SOLDE REPORTE

 

 

 

903.81

Oct 19

FRAIS service

11.00

 

892.81

 

AVIS DE DEBIT

retrait cash pour fermeture du compte

892.81

 

 

0.00

 

SOLDE DE FERMETURE AU 19 OCT

 

 

0.00

 

[63]         Les chèques pour vider ce compte bancaire sont aussi déposés sous la même cote et sont tous faits à Construction Daniel Provencher inc. ou à Daniel Provencher personnellement et totalisent 143 858,00 $.

[64]         Lors de son témoignage Monsieur Provencher affirme également à plusieurs reprises avoir remis tous les documents hypothécaires ainsi que les états financiers de 9016-3593 Québec inc. ainsi qu'à certaines occasions les factures de Daniel Provencher ou de Daniel Provencher inc. à l'endroit de 9016-3593 Québec inc. à trois (3) personnes qui sont venues témoigner devant le tribunal.

[65]         Monsieur Provencher prétend avoir remis ces documents à monsieur Séguin à l'été 2006 soit lors de la réunion du 8 août. Il affirme par la suite avoir également donné ces documents à monsieur Gélinas lors d'une rencontre à l'automne 2006 et à une troisième reprise, il prétend avoir remis les mêmes documents ou à peu près à madame Beaulieu en charge du recouvrement pour la Caisse Desjardins, et ce, vers le 20 novembre pour ce qui est des hypothèques et le lendemain pour ce qui est des états financiers.

[66]         Or, ces trois (3) témoins viennent nous dire qu'à aucun moment monsieur Provencher ne leur a exhibé les documents. De plus, ces trois (3) témoins sont catégoriques voulant que s'ils avaient connu la description des hypothèques consenties par 9016-3593 Québec inc. à Daniel Provencher inc. ou encore à Daniel Provencher personnellement, combiné à la nature des créances invoquées au soutien des reconnaissances de dettes faisant l'objet du paragraphe un (1) de chacun des actes hypothécaires, ils seraient intervenus immédiatement.

[67]         Dans les montants formant les reconnaissances de dette, pour ces deux (2) hypothèques, il y avait au moins une facture qui était postérieure aux actes hypothécaires, mais curieusement incluse dans le calcul des créances de Daniel Provencher inc. ou de Daniel Provencher envers 9016-3593 Québec inc.

[68]         Il n'est pas plausible que monsieur Provencher ait remis à trois (3) personnes différentes les documents pertinents et essentiels à établir la nature frauduleuse de la transaction sans qu'aucune de ces personnes n'en ait souvenir ni n'en ait conservé copie.

[69]         Monsieur Pierre Gélinas confirme qu'il y a eu une rencontre avec monsieur Provencher en fin août 2006 ou début septembre et qu'à ce moment aucun document ne lui a été remis par monsieur Provencher.

[70]         Madame Beaulieu confirme qu'elle a rencontré monsieur Provencher et madame Blais le 20 novembre et qu'elle n'a reçu aucun document.

[71]         Le témoignage de monsieur Provencher n'est pas crédible et ne peut être retenu par le Tribunal.

[72]         Le Tribunal est d'avis que c'est donc seulement qu'au début de novembre 2007 que la demanderesse a une connaissance acquise des manœuvres frauduleuses des défenderesses et ce n'est qu'à partir de ce moment qu'elle peut véritablement croire en ses chances de réussite d'une action en inopposabilité.

[73]         Exiger d'un créancier qu'il prenne des procédures judiciaires à compter du moment où il soupçonne ou encore ou il a certains doutes sur des transactions effectuées par le failli ne serait pas raisonnable.

[74]         En effet, ce serait d'aller à l'encontre d'une saine administration de la justice que d'imposer au créancier d'entreprendre un recours alors qu'il ne possède pas tous les éléments pour évaluer ses chances de réussite.

[75]         Ce serait même d'encombrer inutilement le greffe de la Cour que de déposer des procédures en inopposabilité au cas ou le créancier réussirait à réunir tous les éléments essentiels à la réussite de son recours.

[76]         Dans l'affaire de Guy Berthiaume c. Ginsberg Gingras [1] notre Cour d'appel le 22 janvier 2007 rendait une décision où elle rappelait les conditions d'exercice du recours en opposabilité, paragraphe 18 à la page 3 de 5 :

Dans Duchesne c. Labbé, la Cour a déterminé les conditions présidant à l'exercice de l'action en inopposabilité :

Pour que ce recours puisse être exercé, il faut que les conditions suivantes soient réalisées :

1.              le demandeur doit avoir, contre son débiteur qui aliène, une créance valable et antérieure à l'acte d'aliénation;

2.              l'acte d'aliénation doit causer préjudice au créancier demandeur;

3.              le débiteur doit avoir agi avec l'intention de frauder;

4.              celui qui a contracté avec le débiteur n'était pas de bonne foi.

[77]         Maintenant en ce qui concerne le point de départ de la computation du délai, notre collègue le juge Marc Lesage, dans un jugement rendu le 22 août 2007 et impliquant le Sous-ministre du Revenu du Québec c. Lucette Elliott et al [2] s'exprimait ainsi :

[18]  Le point de départ du délai de déchéance, donc dans lequel l'action doit être intentée, est le « jour où le créancier a eu connaissance du préjudice ». La découverte de l'acte et le caractère frauduleux de ce dernier se faisant généralement de façon concomitante, le point de départ du délai est souvent considéré comme étant le moment de la découverte de l'acte. Cependant, il peut arriver que ces deux éléments ne soient pas découverts en même temps. Le créancier peut avoir connaissance du préjudice qui résulte d'un acte juridique conclu par son débiteur, tout en ignorant que cet acte a un caractère frauduleux. Tout acte diminuant le gage commun des créanciers leur est préjudiciable en soi mais il n'est pas nécessairement frauduleux. Étant donné la nécessité de prouver le caractère frauduleux de l'acte, il ne faut pas priver de son recours un créancier ignorant cet élément. La jurisprudence a établi que la connaissance d'un acte ne signifiait pas nécessairement la connaissance de son caractère frauduleux :

« Pour ce qui est de l'action paulienne exercée par un créancier, que ce soit ou non à propos d'une faillite, la jurisprudence considère que la connaissance visée à l'article 1040 (C.c.B.C.), alinéa premier, ne résulte pas nécessairement de l'enregistrement d'un contrat, ni même de la simple connaissance de son existence, seule la connaissance du caractère frauduleux du contrat ou du paiement marque le point de départ du délai d'un an. »

[78]         Dans le même jugement, l'honorable Lesage cite l'affaire Crépeault c. Ville d'Anjou [3] et le Tribunal retiendra principalement le passage suivant :

« En matière d'action paulienne, pour le tiers poursuivant, il aura connaissance du contrat lorsqu'il apprendra la véritable nature de l'entente survenue entre les parties. Le document peut être incomplet, contenir des déclarations fausses, ne pas être conforme à l'entente ou même être fictif. La connaissance requise n'aura lieu que lorsque ce qui y manque, si pertinent à la question de fraude, sera connu, lorsque la fausseté des déclarations ou la nature de l'entente qui y est décrite sera découverte, en d'autres termes, c'est la découverte de la fraude, si fraude il y a eu. »

[79]         Dans une autre décision de notre Cour d'appel rendue le 13 avril 2007, dans l'affaire de faillite de Christopher Stone [4] l'honorable Marie-France Bich :

De tout cela, il résulte que le créancier autorisé à agir en vertu de l'article 38 LFI intente un recours qui lui est personnel et doit donc introduire son action avant l'expiration du délai de déchéance que fixe ordinairement l'article 1635 C.c.Q., c'est-à-dire dans l'année « à compter du jour où [il] a pris connaissance du préjudice résultant de l'acte attaqué », sans égard au délai dont jouirait le syndic. Selon la jurisprudence et la doctrine, le jour où le créancier prend connaissance du préjudice est celui à compter duquel il prend connaissance du caractère frauduleux de l'acte qu'il souhaite attaquer ou s'en rend compte.

[80]         Et finalement, toujours dans un jugement rendu par notre Cour d'appel le 27 octobre 2003 dans l'affaire de la faillite de 9022-8818 Québec inc. [5] , l'honorable Benoît Morin s'exprimait de la façon suivante au paragraphe 34 et suivants de cette décision :

[34] Enfin, en s'appuyant sur l'affaire Alepin c. M.Be., les appelants affirment que la réalisation d'une garantie hypothécaire ne constitue pas un acte visé par l'article 1631 C.c.Q.

[35] À mon avis, les appelants ont tort. En effet, l'octroi d'une hypothèque est un acte juridique visé par l'article 1631. Or, c'est précisément l'invalidité de l'octroi des hypothèques relatives aux certificats d'actions SB-5 et CA-1 que l'intimé cherchait à faire déclarer par sa contestation et sa demande reconventionnelle;

[36] Je ne peux voir en vertu de quel principe un tel recours serait interdit dans le cadre d'une requête en délaissement forcé et en prise en paiement fondée sur ces hypothèques. Il irait à l'encontre des règles de la bonne administration de la justice d'exiger de l'intimé qu'il exerce un recours distinct dans une autre instance pour faire valoir ses prétentions.

[81]         L'acte d'aliénation, soit les hypothèques, cause sans aucun doute un préjudice à la demanderesse.

[82]         Le débiteur a agi avec l'intention de frauder et d'évincer certains de ses créanciers, même le Ministère du Revenu par aveu de monsieur Provencher et les cocontractants de ces actes hypothécaires n'étaient pas de bonne foi puisqu'ils connaissaient très bien la situation.

[83]         Ils savaient très bien que le produit d'un règlement hors cour ou d'un jugement entre 9016-3593 Québec inc. et Béton Maskimo inc. faisait l'objet de la convention P-5.

[84]         En confectionnant des factures qui de toute façon n'ont pas fait la preuve de leur contenu et en s'octroyant des garanties hypothécaires, les défenderesses Construction Daniel Provencher inc. et Daniel Provencher ont donné ouverture au recours de la demanderesse.

[85]         L'APCHQ avait également un jugement pour un montant d'environ 21 000 $ contre 9016-3593 Québec inc.

[86]         Donc, les transactions de Provencher ont empêché la demanderesse d'exécuter son jugement pour au moins 3 856 $ soit la différence entre 140 000 $ et 143 856 $.

[87]         La demanderesse a fait la preuve de chacun des critères essentiels à la réussite de son recours.

[88]         La demanderesse a également démontré qu'il n'y avait pas eu déchéance de son recours.

[89]         PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[90]         Dans le premier dossier numéro 400-17-001878-095 qui oppose l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc., et madame Guylaine Blais :

[91]         ACCUEILLE la requête introductive d'instance de la demanderesse contre la défenderesse Guylaine Blais, avec dépens;

[92]         Dans le dossier numéro 400-11-003157-061 dans l'affaire de faillite de 9016-3593 Québec inc.

[93]         ACCUEILLE la requête introductive d'instance de la demanderesse;

[94]         DÉCLARE inopposables à la demanderesse les actes, d'hypothèque conventionnelle sans dépossession inscrite le 31 octobre 2005 au Registre des droits personnels et réels mobiliers sous le numéro 05-0619761-0001 et l'hypothèque conventionnelle sans dépossession inscrite le 31 octobre 2005 au Registre des droits personnels et réels mobiliers sous le numéro 05-0619761-0003;

[95]         DÉCLARE que la remise de la somme de 51 542 $ à la défenderesse Construction Daniel Provencher inc. est inopposable à la demanderesse;

[96]         DÉCLARE que la remise de la somme de 92 316 $ au défendeur Daniel Provencher est inopposable à la demanderesse;

[97]         CONDAMNE conjointement et solidairement les défenderesses Construction Daniel Provencher inc., Daniel Provencher et madame Guylaine Blais, toutefois jusqu'à concurrence de 140 000 $ à payer à la demanderesse la somme de 143 856 $;

[98]         LE TOUT avec les intérêts, l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter de la signification de la présente procédure, soit le 19 décembre 2007, avec dépens.

[99]         LE TOUT avec dépens.

 

 

__________________________________

MICHEL GIROUARD, j.c.s.

 

Me Raymond Daoust

Savoie Fournier

Avocat de la demanderesse et créancière- demanderesse

 

Me Stéphane Grenier

Me Bertrand Lamothe

Lamothe, Ayotte & Grenier

Avocats des défendeurs

 

Roy Métivier Roberge inc.

Avocat de la débitrice-défenderesse et du syndic-mis en cause

 

Date d’audience :

Les 26 et 27 janvier 2011

 



[1] Berthiaume c. Gervais Dodge Chrysler Jeep inc. (Faillite de) (C.A., 2007-01-22), EYB 2007112493)

[2] Québec (sous-ministre du revenu) c. Elliott, (C.S. 2007-08-22), CanLIIQCCS 4274

[3] J.E. 85-223 , p. 3.

[4] Stone (Faillite de), C.A., 2007-04-13), EYB 117914, par. 127

[5] 9022-8818 Québec inc. (Faillite de) C.A., 2004-06-28), REJB 2004-68110 .