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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N o de dépôt : |
2011-1339 |
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Date : |
Le 1 er mars 2011 |
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DEVANT L’ARBITRE :
Assesseur syndical : Assesseure patronale : |
Me Joëlle L’Heureux
Monsieur Guy Paradis Madame Danielle Tremblay |
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Syndicat de la fonction publique du Québec - fonctionnaires |
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Ci-après appelé « le syndicat » |
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Et |
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Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale |
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Ci-après appelé « l’employeur » |
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Plaignante : |
Linda Larivée
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Grief : |
n o du greffe |
01-03-005160 |
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n o du syndicat |
90233 |
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Convention collective : |
2003-2010 |
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SENTENCE ARBITRALE |
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[1] Lors de l’audience du 4 février 2011, la partie patronale a soumis au tribunal d’arbitrage deux objections préliminaires. Elle invoque, comme première objection, l’absence de compétence du tribunal d’arbitrage. Subsidiairement, la procureure patronale plaide que le grief n’a plus d’objet, qu’il est devenu théorique.
[2] Sous réserve des objections, les parties ont admis que la procédure de grief avait été respectée et que le tribunal avait été régulièrement constitué. Les parties demandent au tribunal de statuer préliminairement et par écrit sur les objections présentées.
[3] Le grief de mai 2008, rédigé par la plaignante, se lit comme suit :
« Le 3 mars 2008, M. Stéphane Racine (président syndical, section 307) m’informe que des agentes de bureau suivent une formation pour éventuellement être promues aux postes d’agentes d’aide socio-économique et m’invite à téléphoner à M. Gaétan Beauregard, directeur des Ressources humaines.
Le 4 mars 2008, message téléphonique dans la boîte vocale de M. Beauregard à ce sujet. Le même jour vers 17 :20, il laisse le message suivant dans ma boîte vocale « J’ai regardé sur la liste et votre nom n’y est pas. Pour plus d’informations, vous référer à Mme Marie-Josée Boisvert ».
Le 4 mars 2008, message téléphonique laissé à Mme Marie-Josée Boisvert. Retour d’appel dans ma boîte vocale « Effectivement, il y a une cohorte d’agentes de bureau en formation et elles terminent aujourd’hui. ».
Message téléphonique le 5 mars
2008 à Mme Denise Boileau (présidente syndicale régionale politique). Voici un
résumé de l’entretien téléphonique que nous avons eu le 6 mars 2008 : Elle
dit avoir rencontré Mme Diane Landriault et M. Gaétan Beauregard en février
2008 pour être informée qu’une cohorte de
9 personnes suivent une formation pour devenir agentes d’aide socio-économique.
Mme Boileau demande une copie de la liste LDA, ce qu’on lui refuse. On lui
répond « Il s’agit de 7 agentes de bureau, classe principale qui viennent de la
SQDM et comme nous n’avons pas ce genre de corps d’emploi au Ministère, ils
suivent la formation pour être classée 214. Ces personnes sont sur une liste
LDA. Les 2 autres personnes ne sont sur aucune liste ».
Je conteste la façon nébuleuse et les critères qui ont servi à la sélection des personnes qui ont participé à cette cohorte.
Je réclame la liste LDA et/ou les critères qui ont servi à cette sélection ainsi que tous les droits et avantages de la convention collective. » (sic)
[4] La réponse de l’employeur au grief dit ceci :
« Dans la situation à laquelle vous faites référence dans votre grief, les agents de bureau qui ont été choisis pour participer à la formation d’entraînement à la tâche d’agent d’aide socio-économique, l’ont été dans le but de préparer une relève afin de combler dans un premier temps divers remplacements provisoires ou temporaires et peut être éventuellement nommer certaines de ces personnes sur les postes d’agents d’aide socio-économique, et ce, dans le respect des conditions de travail des fonctionnaires.
Par ailleurs, puisque l’identification des besoins et la libération des personnes pour participer à une activité de formation relève d’un acte de gestion, nous ne pouvons répondre à votre demande.
Par conséquent, nous ne pouvons faire droit à votre grief. »
[5] L’avis d’arbitrage reprend les deux derniers paragraphes du grief.
[6] L’employeur a déposé en preuve une lettre du 5 novembre 2009, transmise par la plaignante à madame Pierrette Brie, responsable ministérielle de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels au Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale :
« Madame,
En vertu de l’article
Vous trouverez en annexe le document « développement des compétences préparation d’une relève d’AASE » afin de vous assister dans votre recherche. »
[7] Le document annexé à cette lettre, qui s’intitule « Développement des compétences - préparation d’une relève d’AASE », émane de l’employeur. Il indique ceci :
« Développement des compétences - préparation d’une relève d’AASE
Proposition d’offre de formation d’entraînement à la tâche d’agent d’aide
Novembre 2007
Ø À tous nos agents de bureaux qualifiés sur LDA (11 au total)
Ø À tous nos agents de bureaux classe principale (9 au total)
Ø Tous les ABU intéressés seraient inscrit à une formation aide financière (PANASE adapté de moins longue durée) dès le début de janvier 2008 / ou une formation d’aide à l’emploi (si jugé plus pertinent selon les besoins et le profil) en janvier 2008 également
Ø Une fois la formation complétée et une période d’essai effectuée, certain pourraient se voir offrir une promotion à court ou moyen terme ou encore se voir confier un remplacement intérimaire en attendant la possibilité de les nommer AASE
Ø Le choix de suivre ou non la formation appartient à l’employé
Ø Le choix de nommer ou de confier un intérim à titre d’agent d’aide appartient aux gestionnaires (en fonction également des besoins de l’organisation et des $$$)
Ø Préalables : (Marie-Josée effectue actuellement une tournée téléphonique des gestionnaires concernés)
- valider l’intérêt des personnes concernées
- valider le profil (aide financière ou emploi)
- évaluer le besoin de remplacement d’agent de bureau vs les disponibilités budgétaires
- recruter des agents de bureaux (contrats de trois mois : janv., fév., mars renouvelable (plus facile de recruter en suppléance)
Ø Obtenir l’aval du comité de gestion »
[8] Le 19 novembre 2009, madame Brie répond à la plaignante et lui fournit la liste des agentes de bureau inscrites pour cette formation, en masquant certaines informations de la liste, pour les motifs suivants :
« Vous trouverez ci-joint la liste des agentes de bureau inscrites pour la formation d’agentes d’aide. Vous noterez que des renseignements ont été masqués puisque leur divulgation vous révélerait des renseignements personnels sur d’autres personnes, et ce, sans le consentement des personnes concernées.
Cette décision s’appuie sur
l’article
Art. 53 Les renseignements personnels sont confidentiels sauf dans les cas suivants :
1° la personne concernée par ces renseignements consent à leur divulgation. »
[9] La liste fournie le 19 novembre s’intitule « Déploiement des ABU en formation d’agent d’aide ». On y retrouve le nom de 17 personnes, leur lieu de travail, leur corps d’emploi, et la formation choisie. Sur les 17 personnes, quatre proviennent du corps d’emploi 214-10, six du corps d’emploi 200-10 et sept du corps d’emploi 200-05. La plaignante appartient au corps d’emploi 200-10. Madame Larivée n’a pas demandé la révision de cette décision.
L’ARGUMENTATION
[10] La procureure patronale distingue deux volets au grief soumis et scinde son argumentation en conséquence.
[11] Le premier volet au grief serait relié aux critères de sélection. La procureure patronale souligne que les critères de sélection pour une formation ne sont pas une matière prévue à la convention collective. Selon l’article 3-13.06, les pouvoirs de l’arbitre se limitent à l’application de la convention collective. Le tribunal d’arbitrage n’a pas compétence si l’objet du grief ne découle pas de la convention collective.
[12] Si toutefois le tribunal devait considérer que l’objet du grief était couvert par la convention collective, la procureure patronale plaide que le grief est maintenant devenu théorique et sans objet, car l’employeur a remis à la plaignante ce qu’elle demandait, c’est-à-dire les critères qui ont servi à la sélection. Il s’agit, selon la procureure patronale, du document « Développement des compétences - préparation d’une relève d’AASE » que la plaignante a joint à sa demande d’accès du 5 novembre 2009. En contestant les critères, la plaignante confirme d’ailleurs qu’elle détenait lesdits critères.
[13] La procureure dépose l’arrêt Borowski [1] de la Cour suprême, décision de principe sur la question du caractère théorique d’un recours :
« La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu’un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu’une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s’applique quand la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l’affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l’action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l’introduction de l’action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu’il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s’applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n’exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l’appliquer. J’examinerai plus loin les facteurs dont le tribunal tient compte pour décider d’exercer ou non ce pouvoir discrétionnaire. » (p. 15)
[14] Elle conclut que le tribunal ne pourrait rien ordonner de plus, car il n’y a pas d’autre critère. Aussi, selon la procureure patronale, il n’y a eu aucune perte de droit qui ferait en sorte que le tribunal doive se saisir du fond du litige.
[15] Le deuxième volet au grief serait la demande par la plaignante de la liste LDA ou des listes LDA.
[16] Comme pour le premier volet, cette demande ne peut être matière à grief, car les listes d’aptitudes sont du ressort de la Loi sur la fonction publique . La procureure réfère à l’article 70 de cette loi qui dit, entre autres, qu’aucune disposition d'une convention collective ne peut restreindre ni les pouvoirs de la Commission de la fonction publique, ni ceux du président du Conseil du trésor relativement à la tenue de concours de recrutement et de promotion et à la déclaration d'aptitudes des candidats. Le tribunal ne pourrait donc ordonner à l’employeur de fournir les listes de déclaration d’aptitude.
70. (
Loi sur la fonction
publique
)
Les fonctionnaires sont régis par les dispositions de la
convention collective qui leur sont applicables ou, à défaut de telles
dispositions dans une telle convention collective, par les dispositions de la
présente loi et de la Loi sur l'administration publique (chapitre A-6.01).
Toutefois, aucune disposition d'une convention collective ne peut restreindre
ni les pouvoirs de la Commission de la fonction publique, ni ceux du président
du Conseil du trésor relativement à la tenue de concours de recrutement et de
promotion et à la déclaration d'aptitudes des candidats. En outre, aucune
disposition d'une convention collective ne peut restreindre les pouvoirs d'un
sous-ministre, d'un dirigeant d'organisme, du gouvernement ou du Conseil du
trésor à l'égard de l'une ou l'autre des matières suivantes:
1° la nomination des candidats à la fonction publique ou la promotion des fonctionnaires;
2° la classification des emplois y compris la définition des conditions d'admission et la détermination du niveau des emplois en relation avec la classification;
3° l'attribution du statut de fonctionnaire permanent et la détermination de la durée d'un stage probatoire lors du recrutement ou de la promotion;
4° l'établissement des normes d'éthique et de discipline dans la fonction publique;
5° l'établissement des plans d'organisation et la détermination et la répartition des effectifs. (…)
[17] La procureure réfère aussi à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels . La demande d’accès aux listes doit être faite conformément à cette loi. Il y a d’ailleurs eu une telle demande d’accès à l’information et la décision de l’employeur n’a pas été portée en révision. Le tribunal ne peut ordonner la production de documents confidentiels [2] .
[18] Le procureur syndical souligne que le grief conteste la façon dont l’employeur a établi les critères d’admissibilité à une formation.
[19]
La convention prévoit de façon explicite, à l’article 1-4.15, que chaque
employé a droit à un traitement équitable. Les articles
6. (C.c.Q.) Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.
7. (C.c.Q.) Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.
1375. (C.c.Q.) La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.
[20] Le litige vise l’établissement des critères pour être admissible à une formation. Le tribunal a compétence pour déterminer si l’employeur a, en se faisant, abusé de ses droits, compte tenu de la convention, du Code civil du Québec et de la Charte. Pour être en mesure de décider de cette question, le tribunal doit se saisir du dossier et entendre la preuve au fond. Le procureur réfère à la décision de la Cour d’appel dans l’affaire de Commission scolaire de la Capitale [3] .
[21] Le syndicat a l’intention de démontrer que l’employeur a exercé ce droit de gérance de façon abusive, arbitraire, discriminatoire, et à l’encontre des critères de la bonne foi.
[22] Le procureur réfute aussi l’allégation que le grief soit purement théorique, et dépose deux décisions [4] qui discutent de l’arrêt Borowski précité. Le fait d’avoir remis le document « Développement des compétences - préparation d’une relève d’AASE » ne clôt pas le débat. Le fait de savoir si l’employeur peut exclure des employés parce qu’ils ne sont pas sur une liste de déclaration d’aptitude n’est pas une question théorique. Le fait de confier à ces employés admis à une formation les remplacements provisoires ou temporaires, contrairement à l’article 5-20.18 de la convention, n’est pas une question théorique. L’employeur crée ainsi une catégorie d’employés qui auront un avantage particulier. L’établissement des critères de sélection conduit à une perte de droits.
[23] Quant à la question des listes d’aptitudes, le procureur syndical est d’avis que le droit ou non d’obtenir les listes de déclaration d’aptitude n’est pas de la nature d’une objection préliminaire. Les arbitres ont retenu diverses positions sur la question de l’accès à des documents contenant des informations confidentielles. Par exemple, il est possible d’émettre une ordonnance garantissant la confidentialité. Il s’agit d’une question qui doit être plaidée au fond.
[24]
Il considère aussi que l’article
[25] La procureure patronale considère que le syndicat dénature le grief, dans lequel on ne parle pas d’abus de droit. De plus, la plaignante ne conteste pas le fait de ne pas avoir été choisie pour la formation.
[26] Le procureur invite le tribunal à ne pas se limiter à l’avis d’arbitrage, et cite l’article 3-12.04 de la convention qui réfère au formulaire de grief, qui « doit contenir un exposé sommaire des faits de façon à pouvoir identifier le problème soulevé et le correctif recherché ». Il ajoute que l’employeur a transmis à la plaignante une copie de l’invitation faite à une catégorie d’employés, mais non les critères ayant servi à établir cette catégorie d’employés.
[27] Le tribunal est saisi de deux objections préliminaires, qui ont toutes deux pour but de conduire au rejet immédiat du grief.
[28] La première objection vise la compétence du tribunal d’arbitrage et a deux volets. Le tribunal ne serait pas compétent, car la convention ne prévoit pas de modalités spécifiques pour établir les critères d’admissibilité à une formation. Il s’agit donc d’un droit de gérance. Le tribunal n’aurait pas non plus la compétence pour ordonner la production d’une liste de déclaration d’aptitude.
[29] Il faut, pour répondre au premier volet de cette objection, cerner l’objet du litige. Essentiellement, l’employeur a mis sur pied une formation d’agent d’aide socio-économique. Le document « Développement des compétences - préparation d’une relève d’AASE » déposé au soutien de cette objection établit que l’employeur a offert ladite formation aux agents de bureau classe principale et aux agents de bureaux qualifiés sur LDA.
[30] La procureure patronale soumet que l’objet du litige est l’obtention des critères d’admissibilité à une formation. Les critères relèvent du droit de gérance. Le procureur syndical argumente que l’objet du litige est plutôt la façon dont l’employeur a établi les critères d’admissibilité à la formation. Il considère que l’employeur a exercé ce droit de gérance de façon abusive, arbitraire, discriminatoire et à l’encontre de la bonne foi.
[31] Le grief, dans son libellé, conteste « la façon nébuleuse et les critères qui ont servi à la sélection ». La conclusion demandée, si le grief devait être accueilli, est de se voir reconnaître les droits et avantages de la convention collective.
[32] S’il faut admettre que le libellé du grief aurait pu être plus détaillé, il faut aussi admettre qu’il demande davantage que l’accès à une liste de critères. Il conteste la façon dont ces critères ont été établis. Le grief conteste donc l’exercice par l’employeur de son droit de gérance dans l’établissement des critères. Il s’agit là de l’objet du litige.
[33] La convention 2003-2010 qui lie les parties contient les clauses assez standards sur le droit de gérance de l’employeur, le respect des lois d’ordre public et la limite de la compétence de l’arbitre. Ces clauses ont été soulignées par les procureurs.
1-3.01 L’employeur conserve le libre exercice de tous ses droits comme employeur sauf dans la mesure où la présente convention collective contient une disposition expresse à l’effet contraire.
1-4.15 Les parties conviennent que tout employé a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne et qu’à cette fin il n’y aura aucune menace, contrainte, discrimination, harcèlement ou violence physique par l’employeur, le syndicat ou leurs représentants respectifs ou par un employé, pour l’un ou l’autre des motifs prévus à la Charte des droits et libertés de la personne ou pour l’exercice d’un droit que lui reconnaît la présente convention collective.
Malgré ce qui précède, une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou les qualités requises par un emploi est réputée non discriminatoire.
3-13.06 L’arbitre décide des griefs conformément aux dispositions de la présente convention collective. Il n’a pas le pouvoir de la modifier, d’y ajouter, d’y soustraire ou d’y suppléer. L’arbitre ne peut accorder de dommages-intérêts dans le cas de congédiement administratif ou de mesures disciplinaires.
Malgré l’alinéa qui précède, dans le cas d’un grief relatif à du harcèlement psychologique, les pouvoirs de l’arbitre sont ceux qui lui sont dévolus en cette matière en vertu de la Loi sur les normes du travail .
[34] L’exercice par l’employeur de son droit de gérance dans la détermination de critères pour accéder à une formation est une matière qui, dans son essence, découle de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou de l’inexécution de la convention collective [5] . Le forum approprié est nécessairement le tribunal d’arbitrage.
[35] Le syndicat conteste la façon dont les critères ont été établis. Cette contestation est possible, même si elle vise l’exercice d’un droit de gérance. Le tribunal d’arbitrage est le tribunal compétent pour déterminer si, comme l’allègue le syndicat, il y a eu une forme d’abus de droit dans l’exercice par l’employeur de son droit de gérance.
[36] Les principes retenus par la Cour d’appel dans l’affaire précitée de Commission scolaire de la Capitale s’appliquent ici. Le geste reproché à l’employeur dans ce dossier consistait à ne pas avoir ajouté le nom d’une enseignante légalement qualifiée à la liste de priorité d’emploi au secondaire. L’employeur, comme dans le présent dossier, soulève l’absence de compétence de l’arbitre, car la décision est discrétionnaire. L’arbitre conclut qu’il ne peut évaluer si la décision a un caractère abusif ou déraisonnable, mais qu’il peut se saisir de l’aspect de la discrimination. La Cour d’appel casse cette décision et s’exprime ainsi :
« [36] L’arbitre aurait plutôt dû se demander si l’arbitrage d’un grief constitue le forum compétent pour débattre de l’allégation du caractère abusif ou déraisonnable de décisions discrétionnaires de la Commission scolaire. Il le sera si ce débat découle implicitement de la convention collective. (…)
(…)
[45] Les appelants invoquent, à bon droit, les articles 3,6 et 7 C.c.Q . Le devoir de toute personne d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi (art. 6) et de ne pas exercer ses droits d’une manière excessive et déraisonnable (art. 7) sont plus particulièrement en cause.
(…)
[49] À mon avis, l’exigence de la bonne foi participe de l’ordre public dans le contexte du contrat de travail. »
[37] Le tribunal se considère donc compétent à entendre le présent grief.
[38] Le deuxième volet de l’objection sur la compétence du tribunal vise la compétence du tribunal à ordonner la production d’une liste de déclaration d’aptitude.
[39] Sans vouloir esquiver la question, le tribunal est d’avis de reporter ce débat lors de l’audience au mérite, pour deux motifs. Principalement, cette question n’affectera pas la compétence du tribunal à se saisir au mérite du grief, tel qu’énoncé précédemment. De plus, il apparaît prématuré de décider maintenant de la compétence du tribunal à émettre une telle ordonnance. Cette question soulève plusieurs aspects qui ont été abordés de façon rapide par les procureurs et qui méritent d’être approfondis.
[40] La deuxième objection présentée par l’employeur est à l’effet que l’objet en litige est théorique. Cette objection s’appuie sur la prétention de l’employeur que tout ce que demande le grief est la liste des critères, et que ces critères ont déjà été remis à la plaignante.
[41] Les deux fondements de cette affirmation ne sont pas démontrés. Le tribunal a déjà conclu que le grief demande plus que seulement une liste de critères. Cela règle en soi la question du caractère théorique du recours. De plus, le syndicat ne considère pas, pour sa part, que les critères aient été remis à la plaignante. Il en résulte qu’à sa face même, le litige n’a pas disparu. L’objection sur le caractère théorique du recours doit être rejetée.
REJETTE les objections préliminaires;
RECONVOQUE les parties pour l’audience au mérite à une date à être déterminée.
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________________________________ __ Joëlle L’Heureux, arbitre |
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Pour le syndicat : |
Me Pierre Leblanc |
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Pour l’employeur : |
Me Nathasha LaPointe |
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Date(s) d’audience : |
4 février 2011 |
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Date(s) de délibéré : |
17 février 2011 |
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Date de la décision : |
1 mars 2011 |
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[1]
Borowski c. Canada (Procureur général)
,
[2]
Leblanc et Ministère du revenu du Québec
, (C.A.I., 2005-02-17),
[3]
Syndicat de l’enseignement de la région de Québec c. Ménard
,
[4]
Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval et
Université Laval
, 23 novembre 2004, arbitre Claude H. Foisy,
[5]
Weber c. Ontario Hydro