COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossier:

AM-1003-0150

Cas :

CM-2010-2637

 

Référence :

2011 QCCRT 0113

 

Montréal, le

24 février 2011

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DEVANT LA COMMISSAIRE :

Arlette Berger, juge administratif

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Richard Exilus

 

Plaignant

c.

 

Syndicat de l’enseignement secondaire des Basses-Laurentides

Intimé

et

 

Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles

Mise en cause

 

 

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DÉCISION

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[1]            Le 9 juin 2010, Richard Exilus dépose à la Commission des relations du travail (la Commission ) une plainte en vertu des articles 47.2 et suivants du Code du travail , L.R.Q., c. C-27 (le Code ). Il soutient que le Syndicat de l’enseignement secondaire des Basses-Laurentides (le Syndicat ) a failli à ses obligations en refusant de déposer un grief contestant son congédiement.

[2]            Il demande à la Commission de l’autoriser à contester son congédiement devant un arbitre nommé par le ministre du Travail, comme s’il s’agissait d’un grief, et de condamner le Syndicat à payer ses frais de représentation devant l’arbitre.

[3]            Le Syndicat nie avoir failli à ses obligations.

[4]            La Commission explique à monsieur Exilus, qui se représente seul, la nature du recours dont elle est saisie, le fardeau de la preuve qui incombe à chaque partie, la nature des décisions qu’elle pourra rendre et les règles régissant le déroulement de la preuve. Ce dernier convient de procéder, sans autres formalités.

les faits

l’embauche du plaignant

[5]            La Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles (la Commission scolaire ) embauche Richard Exilus en septembre 2009, à titre d’enseignant à temps partiel, au secteur de l’adaptation scolaire de la polyvalente Deux-Montagnes. Il s’agit d’un remplacement.

[6]            La titulaire du poste visé par ce remplacement est absente pour diverses raisons au cours de l’année scolaire 2009-2010. Elle est d’abord remplacée, avant l’arrivée de monsieur Exilus, par une enseignante dont le nom apparaît sur la liste de priorité d’embauche. Cette dernière, qui est engagée pour l’année scolaire à titre d’enseignante à temps partiel, enseigne à compter du 31 août.

[7]            Elle s’absente toutefois à compter du 20 septembre, à la suite d’une recommandation de la Direction de la santé publique du Québec émise au cours de ce mois. Dans le cadre de la pandémie du virus de l’influenza A (H1N1), cet organisme recommande, suivant certaines conditions, un retrait préventif pour les travailleuses enceintes des commissions scolaires ayant des contacts rapprochés avec la clientèle étudiante. Ainsi, une centaine d’enseignantes de la Commission scolaire, dont la titulaire du poste et sa remplaçante, obtiennent un retrait préventif.

[8]            Cette situation oblige la Commission scolaire à embaucher de nombreux remplaçants. Pour ce faire, cette dernière offre prioritairement des remplacements, suivant les règles prévues à la convention collective, aux personnes dont le nom apparaît sur la liste de priorité d’embauche. Le nom de Richard Exilus ne peut apparaître à cette liste, puisqu’il ne remplit pas une des conditions. Il n’est pas, selon les termes de la convention collective, légalement qualifié, suivant les critères du ministre de l’Éducation.

[9]            La liste de priorité étant insuffisante pour pourvoir à tous les remplacements, la Commission scolaire réfère ensuite à sa banque de candidatures, soit une liste de noms de personnes intéressées à effectuer des remplacements. Le nom de Richard Exilus y apparaît.

[10]         Bien qu’elle n’ait aucune obligation d’embaucher les candidats dont le nom apparaît à cette banque et que ces derniers ne bénéficient d’aucun droit d’être appelés au travail, la Commission scolaire décide d’embaucher de préférence les candidats légalement qualifiés. Toutefois, vu le nombre de remplacements, elle embauche également des candidats qui ont une tolérance d’engagement autorisée par le sous-ministre de l’Éducation, ce qui est le cas de monsieur Exilus. Une telle tolérance n’est valable que pour une année d’enseignement.

[11]         C’est dans ce contexte que la Commission scolaire engage Richard Exilus pour remplacer l’enseignante qui, elle-même, remplaçait la titulaire du poste. Le contrat de travail de monsieur Exilus prend effet le 21 septembre 2009 et se termine, suivant l’article 3 de ce contrat, le 30 juin 2010 ou au retour de la personne remplacée, si celle-ci revient au travail avant cette date.

[12]         L’article 5-1.13 de la convention collective régissant les parties prévoit également que le contrat d’engagement de tout enseignant remplaçant se termine, automatiquement et sans autre avis, au retour de l’enseignant remplacé.

LA mesure disciplinaire

[13]         Certains événements survenus au cours du mois de décembre 2009, qu’il est inutile de rapporter dans le cadre du présent litige, amènent la  Commission scolaire à formuler certains reproches à monsieur Exilus. Ce dernier considère ces reproches non-fondés.

[14]         La Commission scolaire invite alors monsieur Exilus à quitter son poste, s’il veut continuer à effectuer des remplacements. Ce dernier se dit prêt à envisager une telle solution, à la condition que son employeur lui trouve un autre poste jusqu’à la fin de son contrat, soit jusqu’au 30 juin 2010.

[15]         Monsieur Exilus discute de cette situation avec le délégué syndical Jean Bellavance. Ce dernier assiste monsieur Exilus lors d’une rencontre avec la direction de la Commission scolaire le 21 décembre 2009 au cours de laquelle celle-ci invite à nouveau monsieur Exilus à démissionner. Devant son refus, elle lui remet un avis de convocation à une rencontre le lendemain pour l’imposition d’une mesure disciplinaire, soit un avertissement écrit pour «  incapacité à travailler avec des élèves en difficulté d’apprentissage et de comportement et négligence à vos devoirs d’enseignant  ».

[16]         Le 22 décembre 2009, Richard Exilus se présente à cette rencontre avec le délégué syndical. La Commission scolaire lui remet l’avertissement écrit qu’il refuse de signer. Le même jour, le vice-président du Syndicat, Pierre St-Jacques, indique à monsieur Exilus qu’un grief sera déposé pour contester cette mesure disciplinaire.

[17]         Le 5 janvier 2010, Richard Exilus consulte son médecin. Il se dit stressé, abattu, à la suite des événements survenus au travail. Son médecin lui prescrit un arrêt de travail du 6 au 27 janvier 2010.

[18]         Le 6 janvier 2010, monsieur Exilus rencontre M e Bernard Provencher, conseiller syndical. Il lui fait part de tous les faits survenus en décembre et lui remet une copie du certificat médical. Il lui mentionne qu’il est prêt à accepter un autre poste d’enseignant lors de son retour au travail. M e Provencher lui explique que le Syndicat déposera un grief demandant le retrait de l’avis disciplinaire à son dossier et  tentera de lui trouver un autre poste lors de son retour au travail.

[19]         Le 13 janvier 2010, la Commission scolaire convoque monsieur Exilus à un rendez-vous avec un médecin le 19 janvier suivant. Le 18 janvier 2010, Richard Exilus demande au Syndicat d’intervenir pour que ce rendez-vous soit reporté à une date ultérieure, vu le séisme en Haïti impliquant certains membres de sa famille. Le Syndicat obtient de la Commission scolaire un report de l’examen médical au 26 janvier 2010.

[20]         Le 26 janvier 2010, monsieur Exilus rencontre le médecin de l’employeur en matinée. Il se dit étonné du fait que ce dernier lui pose des questions concernant sa situation à la Commission scolaire. En après-midi, il revoit son médecin qui prolonge son arrêt de travail jusqu’au 1 er mars 2010. Il en avise le Syndicat et réitère sa demande de lui trouver un autre poste lors de son retour au travail. Il est informé que le grief contestant l’avis disciplinaire sera déposé sous peu. Il est déposé le surlendemain.

[21]         Entre les 6 et 27 janvier 2010, des suppléants remplacent monsieur Exilus.

LA FIN D’emploi du plaignant

[22]         En janvier 2010, la Direction de la santé publique du Québec émet une nouvelle recommandation en lien avec le virus pandémique A (H1N1) en milieu scolaire. Vu la proportion élevée de la population, notamment celle des enfants de 5 à 12 ans ayant été vaccinée et vu la proportion de la population ayant contracté la maladie, les autorités de la santé publique sont d’avis que la probabilité de nouvelles éclosions ou d’une augmentation de cas est maintenant faible. Aussi, elle met fin à ses recommandations relatives au retrait préventif des travailleuses enceintes.

[23]         Le 18 janvier 2010, la Commission de la santé et de la sécurité du travail avise par écrit les travailleuses enceintes de la Commission scolaire, dont la titulaire du poste et sa remplaçante, qu’elle met fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu à la date de leur retour au travail ou au plus tard le 6 février 2010, compte tenu des nouvelles recommandations de la Direction de la santé publique du Québec, et qu’elles doivent communiquer avec leur employeur pour convenir des modalités de retour au travail.

[24]         Le même jour, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport transmet un bulletin aux commissions scolaires concernant les modalités de transition pour les travailleuses enceintes. Celles dont la date d’accouchement est prévue avant le 15 mars 2010 demeurent en retrait préventif ou en affectation. Les autres, qui doivent accoucher après cette date et dont le virus A (H1N1) est le seul motif de retrait préventif, doivent retourner au travail au plus tard le 6 février 2010.

[25]         La Commission scolaire discute avec le Syndicat des modalités de retour au travail. Ils organisent des rencontres avec toutes les travailleuses enceintes touchées par le retrait préventif afin de leur expliquer la procédure de retour au travail.

[26]         La majorité des retours au travail s’effectue le 28 janvier 2010, dont ceux de la titulaire du poste et de sa remplaçante.

[27]         Afin de privilégier la stabilité des élèves en classe, la Commission scolaire préfère affecter la titulaire du poste à un projet école et sa remplaçante à l’enseignement, parce que celle-ci avait déjà débuté l’année scolaire avec les élèves.

[28]         La titulaire accepte l’offre de la Commission scolaire. Elle revient au travail le 28 janvier, dans le cadre d’un projet école, et quitte le 28 février, pour son congé de maternité.

[29]         Sa remplaçante reprend son poste d’enseignante au secteur de l’adaptation scolaire le 28 janvier. Elle s’absente toutefois à compter du 9 février pour des raisons médicales, soit des complications liées à sa grossesse, et par la suite, à compter du 28 mars 2010, pour son congé de maternité, et ce, jusqu’à la fin de l’année scolaire.

[30]         Son retour au travail le 28 janvier a pour effet de mettre fin au contrat de celui qui la remplaçait, soit Richard Exilus. Ainsi, le contrat de travail de ce dernier s’est terminé automatiquement le 27 janvier 2010, sans autre avis, tel que le prévoit la convention collective.

[31]         Le 5 février 2010, la Commission scolaire fait parvenir une lettre à monsieur Exilus l’avisant que suite à l’avertissement écrit pour manquement à ses devoirs, son nom est retiré de la banque de candidats disponibles et que, conséquemment, il ne travaillera plus dans ses établissements. Le président et le vice-président du Syndicat, Martin Lauzon et Pierre St-Jacques, affirment que monsieur Exilus ne les a jamais avisés de cette lettre. Ce n’est qu’à l’audience qu’ils en prennent connaissance.

[32]         Lorsque la remplaçante s’absente à nouveau le 9 février 2010, la Commission scolaire a l’obligation d’embaucher les enseignants sur la liste de priorité, sinon d’embaucher d’abord une personne légalement qualifiée. Elle ne retient pas le nom de monsieur Exilus, le nom de ce dernier n’étant plus dans sa banque de candidats.

la conduite du syndicat

[33]         Le 19 février 2010, le vice-président du Syndicat, Pierre St-Jacques, reçoit un appel de monsieur Exilus lui indiquant qu’il ne reçoit plus de paie. Il avise ce dernier de sa fin de contrat, vu le retour de la travailleuse enceinte qu’il remplaçait.

[34]         Quant à Richard Exilus, il dit apprendre par Emploi Canada, le 22 février 2010, qu’il a perdu son emploi le 27 janvier précédent. Étant en congé maladie, il n’a pas connaissance du retour de nombreuses travailleuses enceintes et du départ de plusieurs remplaçants.

[35]         Le 22 février 2010, il demande à Pierre St-Jacques de prendre les mesures nécessaires pour que son dossier disciplinaire soit vierge. Ce dernier lui répond que le Syndicat fera des démarches en ce sens.

[36]         Le 23 février 2010, Richard Exilus rencontre Martin Lauzon, Pierre St-Jacques et M e Bernard Provencher au bureau du Syndicat. Il leur fait part de la série d’événements survenus en décembre et du fait que la Commission scolaire lui a demandé de quitter son poste. Monsieur Exilus leur dit qu’il est prêt à démissionner s’il a l’assurance d’obtenir un autre poste d’enseignement. Monsieur Lauzon lui explique que de nombreuses enseignantes sont revenues au travail, ce qui a mis fin à plusieurs contrats de travail de remplacement, dont le sien. Il mentionne également que le fait que les remplaçants aient eu des mesures disciplinaires ou non ne changeait rien à cette situation. Les contrats de travail et la convention collective sont clairs. Les contrats se terminent au retour des enseignantes.

[37]         Monsieur Martin Lauzon comprend de cette rencontre que Richard Exilus est insatisfait de la mesure disciplinaire. Il est d’avis que ce dernier n’a aucune chance de succès s’il conteste la fin d’emploi et lui indique qu’il demandera le retrait de l’avertissement écrit du 22 décembre 2009.

[38]         Le même jour, le Syndicat demande à la Commission scolaire le retrait de cet avis, dans le cadre d’une rencontre du comité de relations de travail. La Commission scolaire accepte la demande et avise le Syndicat que le dossier de monsieur Exilus sera fermé. Le Syndicat croit qu’il sera ainsi plus facile pour monsieur Exilus d’obtenir un emploi ailleurs, vu sa fin de contrat.

[39]         Le lendemain, Pierre St-Jacques informe Richard Exilus du retrait de la mesure disciplinaire et de la fermeture de son dossier. Un peu plus tard, monsieur Exilus le rappelle. Ce dernier est d’avis que la Commission scolaire a abusé de ses droits et déclare vouloir obtenir justice. Il demande que sa cause soit entendue en arbitrage.

[40]         Au début du mois de mars, monsieur Exilus contacte la Commission des normes du travail concernant la possibilité d’un recours en vertu de l’article 122 de la Loi sur les normes du travail , L.R.Q., c. N-1.1, (la Loi ) vu son absence pour maladie lors de sa fin d’emploi.

[41]         Le 11 mars, il demande à Pierre St-Jacques de réclamer à l’employeur un préavis de fin d’emploi, préavis qu’il n’a pas reçu. Selon ce dernier, un tel recours est inutile, compte tenu des dispositions de la convention collective. Le contrat de travail prend fin automatiquement au retour de la personne remplacée. Richard Exilus demande alors au Syndicat d’intenter un recours en vertu de l’article 122 de la Loi et de déposer un grief pour contester sa fin d’emploi.

[42]         Monsieur St-Jacques et M e Provencher étudient la demande de monsieur Exilus. Ils sont d’avis que le Syndicat a fait tout ce qui était en son pouvoir pour aider monsieur Exilus. Ils l’ont accompagné lors de l’imposition d’une mesure disciplinaire. Ils ont déposé un grief concernant cette mesure et ont obtenu son retrait de son dossier. Ils sont d’avis qu’ils ne peuvent obliger la Commission scolaire à réembaucher monsieur Exilus vu les dispositions claires du contrat de travail et de la convention collective à l’effet que le contrat prend fin au retour de la personne remplacée. Ils tentent d’expliquer au plaignant qu’il ne s’agit pas d’un renvoi, mais d’une fin de contrat, et que le recours en vertu de l’article 122 de la Loi n’est pas approprié dans les circonstances.

[43]         Le 18 mars 2010, M e Provencher et monsieur St-Jacques font parvenir une lettre à Richard Exilus, à la demande de ce dernier, lui expliquant les motifs du refus du Syndicat de contester la fin d’emploi. Cette lettre fait d’abord état du contrat d’engagement qui prévoit que son emploi se termine au retour de l’enseignante qu’il remplaçait, ce qui s’est produit. Cette lettre explique également le motif du retour de l’enseignante remplacée. Il faut noter que ce retour résulte de la décision de la Direction de la santé publique du Québec qui est étrangère au litige opposant la Commission scolaire et Richard Exilus. Puis, le Syndicat indique qu’il est d’avis que l’employeur a respecté les dispositions du contrat d’engagement et qu’il n’y a aucune assise légale pour le contester. Enfin, il signale que le recours en vertu de l’article 122 de la Loi est inapproprié, puisqu’il s’agit d’une fin de contrat.

[44]         Le 4 juin 2010, Richard Exilus rencontre un de ses anciens élèves. Il apprend qu’une autre personne que celle qu’il a remplacée a enseigné au même groupe d’élèves après son départ, et ce, jusqu’à la fin de l’année. Il contacte alors la personne qu’il a remplacée. Il affirme que celle-ci lui dit qu’elle est rentrée au travail quelques jours seulement avant de quitter à nouveau pour des complications reliées à sa grossesse et qu’elle a été absente jusqu’à la fin de l’année scolaire.

[45]         Le 7 juin 2010, monsieur Exilus contacte monsieur St-Jacques. Il lui demande de déposer un grief parce qu’il n’a pas été appelé au travail jusqu’à la fin de l’année scolaire. Le président du Syndicat fait des vérifications auprès de la Commission scolaire et constate que l’enseignante que Richard Exilus remplaçait est effectivement revenue au travail le 28 janvier 2011.

[46]         Le 9 juin 2010, monsieur St-Jacques rappelle monsieur Exilus. Il lui fait part de ses vérifications et lui indique à nouveau que le retour au travail de la personne remplacée mettait fin automatiquement à son contrat. Il lui explique également que, lorsque celle-ci s’est absentée à nouveau, la Commission scolaire n’avait aucune obligation de le rappeler.

[47]         Selon le président du Syndicat, rien n’obligeait la Commission scolaire à rappeler monsieur Exilus, ce dernier n’était pas sur une liste de priorité. Si le plaignant avait eu un droit, le Syndicat l’aurait défendu, dit-il.

Les motifs de la décision

[48]         Bien que la Commission ait rappelé à plusieurs reprises à monsieur Exilus qu’elle devait analyser la conduite du Syndicat et non décider du bien-fondé de la décision de la Commission scolaire, ce dernier plaide essentiellement que sa fin d’emploi n’était pas justifiée et que la Commission scolaire ne pouvait le congédier, parce qu’il était en congé de maladie.

[49]         Interrogé par la Commission sur les manquements du Syndicat, il soutient qu’il y a eu collusion entre la Commission scolaire et le Syndicat et que ce dernier a failli à ses obligations en agissant de mauvaise foi et de manière arbitraire et discriminatoire et a fait preuve de négligence grave en ne déposant pas de grief pour contester sa fin d’emploi.

[50]         La Commission doit déterminer si le Syndicat a contrevenu à son devoir de représentation. L’article 47.2 du Code circonscrit les obligations d’un syndicat envers les salariés qu’il représente :

Une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire, ni faire preuve de négligence grave à l’endroit des salariés compris dans une unité de négociation qu’elle représente, peu importe qu’ils soient ses membres ou non.

[51]         Il incombe au plaignant de démontrer, par une preuve prépondérante, les comportements fautifs invoqués.

[52]         La jurisprudence a depuis longtemps établi qu’un salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et que le Syndicat jouit d’une discrétion dans sa décision de porter ou non un grief à l’arbitrage. Toutefois, «  cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié , d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part  » ( G.M.M.C . c. Gagnon , [1984] 1 R.C.S. 509 ).

[53]         L’objet du litige n’étant pas la conduite du Syndicat lors de l’imposition de l’avis disciplinaire, la Commission n’entend pas revenir sur la preuve à ce sujet, si ce n’est que pour souligner que le Syndicat a agi suivant les règles de l’art. Mais qu’en est-il de sa conduite eu égard à la fin d’emploi du plaignant?

[54]         D’abord, le 23 février 2010, le président et le vice-président du Syndicat ainsi que le conseiller syndical, un avocat, rencontrent le plaignant. Ils obtiennent sa version des faits. Le président du Syndicat explique clairement au plaignant les conséquences du retour au travail de la personne qu’il remplaçait, tout comme celui de nombreuses autres enseignantes enceintes, sur les contrats de travail des remplaçants, et ce, peu importe que ces derniers aient fait l’objet ou non de mesures disciplinaires. Il lui explique les règles prévues à son contrat de travail et à la convention collective qui font en sorte que le retour au travail de la salariée remplacée met fin automatiquement à son contrat de travail. Sans se prononcer sur l’interprétation que fait le Syndicat de la convention collective, force est de constater que celle-ci est raisonnable et rationnelle.

[55]         Puis, le 11 mars 2010, lorsque le plaignant réclame à nouveau le dépôt d’un grief et demande au Syndicat d’intenter un recours en vertu de l’article 122 de la Loi , ce dernier étudie sa demande. Pour ce faire, il tient compte des dispositions de la convention collective et du contrat de travail, des faits relatés par le plaignant et du contexte dans lequel s’inscrit le retour au travail de la personne qu’il remplaçait. Le Syndicat fait part au plaignant, d’abord verbalement, puis par écrit, de sa position et des motifs qui la soutiennent.

[56]         Enfin, le 7 juin 2010, après avoir reçu un appel du plaignant, le Syndicat vérifie à nouveau si l’enseignante que remplaçait le plaignant est bien revenue au travail le 28 janvier 2010. Le surlendemain, il explique au plaignant les résultats de ces vérifications et les conséquences du retour au travail de cette enseignante sur son contrat de travail. Il lui explique également que, compte tenu des règles prévues à la convention collective, la Commission scolaire n’avait aucune obligation de recourir à nouveau à ses services, parce que son nom n’était pas sur la liste de priorité. Le recours de la Commission scolaire à la banque de candidats relève exclusivement de son droit de gérance et ne crée aucun droit pour ces derniers.

[57]         La preuve révèle que le Syndicat a fait une enquête sérieuse concernant les faits et les règles applicables et qu’il n’a pas abusé de sa discrétion. De plus, il a bien expliqué au plaignant les motifs de sa décision. Aussi, le refus de déposer un grief ou d’intenter tout autre recours ne constitue pas, en l’espèce, un manquement à son devoir de représentation syndicale.

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

REJETTE                      la plainte.

 

 

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Arlette Berger

 

M e Bernard Provencher

Représentant de l’intimé

 

M e Catherine Galardo

LANGLOIS, KRONSTROM, DESJARDINS

Représentante de la mise en cause

 

Date de la dernière audience :

2 décembre 2010

/jt