Larochelle c. Fleury |
2011 QCCQ 1788 |
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JC1573
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
FRONTENAC |
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LOCALITÉ DE |
THETFORD MINES |
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« Chambre civile » |
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N° : |
235-22-000043-089 |
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DATE : |
12 janvier 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
ANDRÉ CLOUTIER, J.C.Q. (JC 1573) |
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GILLES LAROCHELLE -et- NICOLE GOSSELIN |
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Demandeurs |
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c. |
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JACQUES FLEURY |
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Défendeur |
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JUGEMENT |
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[1] Le 1 er juin 2007, monsieur Larochelle et madame Gosselin font l'acquisition d'une maison située à Thetford Mines.
[2] Désireux de rénover cette maison, ils retiennent les services de monsieur Fleury qui s'engage à fabriquer et poser des armoires de cuisine, à modifier le garde-robe d'entrée, agrandir un garde-robe de chambre, élargir l'ouverture du salon, boucher une porte, enlever des lumières encastrées au plafond du salon et installer un plancher de céramique avec chauffage radiant dans la cuisine.
[3] Les services de monsieur Fleury étaient rémunérés à taux horaire et les demandeurs assumaient le coût des matériaux.
[4] Les travaux qui devaient durer une semaine, à part le travail en atelier, ont duré plus d'un mois; si bien qu'à la mi-juillet, les demandeurs ont mis fin au contrat de monsieur Fleury.
[5] La preuve révèle que les travaux du défendeur ne respectent pas les règles de l'art et comportent de nombreuses malfaçons; c'est pourquoi, les demandeurs lui réclament 23 142,31 $ à titre de dommages et intérêts.
[6] Monsieur Fleury pour sa part se porte demandeur reconventionnel pour la somme de 5 123 $ représentant le coût de certaines fournitures et les heures facturées qui ne lui ont pas été payées lorsque les demandeurs ont mis fin à son contrat.
[7]
Que l'on qualifie de contrat de service ou d'entreprise l'entente
conclue entre les parties au mois de juin 2007, le défendeur assumait envers
les demandeurs une obligation de résultat qui consiste à livrer un ouvrage
conforme aux règles de l'art. (art.
[8] Or, la preuve révèle que les armoires de cuisine fabriquées par monsieur Fleury ont été mal conçues, mal fabriquées et mal installées. En effet, de nombreux défauts affectent ces armoires.
[9] C'est ainsi que l'emplacement du réfrigérateur fait en sorte que la porte de celui-ci n'a pas un dégagement suffisant pour permettre l'usage normal du tiroir à légume, situé à l'intérieur. [1]
[10] Afin de permettre l'installation d'une armoire de coin à tablette circulaire mobile de format régulier, le défendeur a choisi de décaller le module de l'évier de cuisine qui n'est plus centré à la fenêtre située juste au-dessus [2] et se trouve trop près de la surface de cuisson de la cuisinière électrique.
[11] Lorsque le panneau d'armoire situé en dessous de l'évier est ouvert, les visses d'attache de celui-ci au comptoir sont apparentes puisqu'aucune jupe n'a été prévue pour les cacher . [3] De même, à l'extrémité du module de la cuisinière, le défendeur a installé à la verticale un panneau d'armoire qui excède d'au moins 15 centimètres le côté du ventilateur de la cuisinière, ce qui constitue un défaut esthétique inexplicable.
[12] Au-dessus de l'armoire de coin à tablette circulaire, les panneaux des armoires s'entrechoquent et ne peuvent être ouverts ou fermés indépendamment l'un de l'autre. [4]
[13] Il en est de même des panneaux d'armoire situés au-dessus du four à micro-ondes dont la poignée de l'un vient frapper sur la poignée de l'autre, lorsqu'on l'ouvre. [5]
[14] Le défendeur a prévu fermer la descente d'escalier du sous-sol en y adossant un vaisselier qui n'a pas la profondeur voulue pour procurer une protection suffisante à l'égard des premières marches de cette descente d'escalier, lesquelles demeurent ouvertes dans le plancher de la cuisine, sans rampe ni garde-fou [6] pouvant assurer la protection des usagers de l'immeuble.
[15] De plus, à l'endos de ce vaisselier, un joint apparent marque la délimitation de la huche par rapport à l'endos du buffet sur lequel elle repose.
[16] Enfin, le comptoir de cuisine n'a pas été suffisamment supporté et s'est fendillé au coin formant l'angle des murs. [7]
[17] D'ailleurs, le joint unissant les deux parties de ce comptoir n'a pas été fait à l'angle du coin, selon l'usage, mais près de l'évier où l'humidité risque de provoquer sa délamination. [8]
[18] Il en coûterait 5 750 $ pour faire corriger les défauts de fabrication et d'installation, sans pour autant pouvoir corriger ceux qui découlent de la mauvaise conception des armoires.
[19] Dans son plaidoyer, le défendeur offre au paragraphe 37 de procéder lui-même à la correction des défauts énoncés ci-haut et de certains autres défauts mineurs. Cette offre de correction ne vise que les armoires et ne couvre pas les autres défauts reprochés aux travaux de rénovation exécutés par le défendeur concernant le plancher de céramique de la cuisine, les travaux de menuiserie et le plafond du salon.
[20] Or, la preuve révèle que presque tous les travaux du demandeur comportent des défauts et ne sont pas conformes aux règles de l'art.
[21] La majorité des défauts reprochés sont d'ailleurs admis par l'expert du défendeur pour qui, cependant, ces défauts résultent majoritairement de malfaçons pouvant facilement être corrigées ou de travaux demeurés incomplets lorsque les demandeurs ont mis fin au travail de monsieur Fleury.
[22] Cependant, même en acceptant la proposition que certains défauts reprochés résultent de l'interruption des travaux avant qu'ils n'aient été complétés, il n'en demeure pas moins que des malfaçons importantes affectent chacun des aspects du contrat et démontrent l'incapacité du défendeur de livrer un ouvrage conforme aux règles de l'art.
[23] Les défauts de connaissances révélés par les malfaçons affectant le travail du défendeur justifiaient les demandeurs de ne donner aucune suite à l'offre partielle contenue au paragraphe 37 de la défense, celui-ci ayant amplement démontré son incapacité de livrer un ouvrage acceptable et conforme aux règles de l'art.
[24] En effet, la preuve révèle que le mur construit par monsieur Fleury dans le but de fermer une ouverture de porte n'était pas rectiligne mais courbe et sa surface a dû être corrigée. [9]
[25] Pour agrandir l'ouverture de la cuisine sur le salon, monsieur Fleury a posé une poutre qui ne se perd pas dans le mur, mais excède celui-ci d'un côté de l'ouverture.
[26] Pour cacher la poutre, monsieur Fleury a construit une boîte de gypse très apparente d'un côté du mur, au faîte de la porte d'arche. Au surplus, en positionnant cette poutre trop large pour la faire excéder du mur d'un côté seulement, monsieur Fleury a dû la décentrer par rapport à ses colonnes de soutien ce qui a pour effet de la positionner en porte à faux d'un côté des colonnes sur lesquelles elle ne repose donc pas correctement. [10]
[27] En ce qui concerne le plancher de cuisine, monsieur Fleury a posé la céramique et le chauffage radiant sur un plancher affaissé, sans chercher à niveler celui-ci. [11] Le travail a donc dû être entièrement repris, ce qui a entraîné la perte des 4 557,11 $ de matériel fourni par les demandeurs plus les 320 $ qu'ils ont dû débourser pour faire arracher ce plancher dont les ondulations étaient clairement perceptibles. [12]
[28] Les demandeurs réclament encore pour la réfection des garde-robes d'entrée et de leur chambre à coucher; cependant, la preuve administrée à l'enquête ne permet pas au soussigné d'identifier les vices de construction qui pouvaient rendre nécessaire la reprise complète de cette partie du travail de monsieur Fleury. Les demandeurs, n'ayant pas offert une preuve prépondérante établissant le bien-fondé de cette partie de leur réclamation, elle sera rejetée.
[29] De même est rejetée la réclamation de 1 300 $, dépensés pour faire reprendre entièrement la peinture du plafond du salon. À cet effet, les demandeurs allèguent que le travail de monsieur Fleury laissait paraître que deux luminaires encastrés dans ce plafond avaient été retirés. À cet égard, la reprise du gypse visant à fermer les trous laissés par le retrait de ces luminaires demeurait apparente. Ce n'est qu'en reprenant au complet l'endui de stuc de ce plafond que la réparation faite par monsieur Fleury est devenue invisible. Comme le défendeur n'avait jamais été chargé de faire ce travail le coût de 1 300 $ encouru par les demandeurs à cette fin ne peut lui être réclamé.
[30] La réclamation totale des demandeurs s'élève à 23 142,31 $ alors que le défendeur a touché à ce jour 11 000 $ pour ses travaux et réclame par demande reconventionnelle 5 123 $, pour le travail et les matériaux qui ne lui ont toujours pas été payés à ce jour.
[31]
Les demandeurs avaient le droit de mettre fin au contrat de monsieur
Fleury au moment où ils l'ont fait (Art.
[32]
L'exception d'inéxécution (art.
[33] Ainsi appréciant la preuve, le Tribunal conclut de la façon suivante:
a) la fabrication et l'installation des armoires de cuisine aurait dû coûter aux demandeurs 12 028,38 $ selon la pièce R-4 calculée par madame Gosselin.
De ce montant les demandeurs ont payé 11 000 $ selon la pièce D-2.
Les demandeurs doivent donc toujours 1 028,38 $ au défendeur sous ce chef.
Selon la preuve de la demande, il en aurait coûté 5 750 $, pour faire corriger les défauts des armoires fabriquées et posées par monsieur Fleury.
Opérant compensation entre ces deux dettes, c'est une somme de 4 721,62 $ que monsieur Fleury devrait rembourser aux demandeurs en raison des malfaçons de son travail.
b) En ce qui concerne les travaux de menuiserie, l'expert de la défense reconnaît dans son témoignage devant la cour que certaines malfaçons doivent être corrigées au coût de 900 $ (réparation d'un mur et des fissures apparues au- dessus de la poutre posée à l'ouverture du salon).
c) Selon la pièce D-2, monsieur Fleury réclame pour diverses fournitures qui ne lui ont pas été payées par les demandeurs (179,04 $ + 511,22 $) au coût de 690,26 $.
En outre, Monsieur Fleury réclame 4 480 $ pour 224 heures de travail consacré à la rénovation de l'immeuble des demandeurs (1 740 $ + 2 740 $ ÷ 20 $).
Tel que mentionné plus haut, les demandeurs n'ont pas à payer pour des travaux qui se sont avérés sans valeur et ont dû être repris par d'autres en ce qui concerne particulièrement le plancher de cuisine.
Appréciant la valeur des travaux de menuiserie dont la demande n'a pas prouvé qu'ils étaient déficients (mur, garde-robes, ouverture du salon) au point de devoir être entièrement repris, le Tribunal en estime la valeur à 2 600 $ la valeur du travail demeuré impayé à monsieur Fleury, au moment de la résiliation du contrat. De cette somme, il faut déduire les 1 028,38 $ accordés plus haut au titre des armoires de cuisine.
demande reconventionnelle sera donc maintenue pour 2 261,19 $ soit: 690,26 $ + 2 600 $ - 1 028,38 $.
d) Enfin, le défendeur Fleury n'a pas droit à la rémunération réclamée pour son travail concernant le plancher de céramique et son chauffage radiant, ce travail s'étant avéré sans valeur. Monsieur Fleury devra au surplus indemniser les demandeurs pour la perte des matériaux fournis pour ce travail et lesquels ont été perdus, soit 4 557,11 $ (selon R-4), plus les coûts encourus pour arracher le plancher posé par le défendeur, 320 $, pour un total de 4 877,11 $.
e) Enfin, pour les troubles, ennuis et inconvénients subis par les demandeurs qui ont dû subir une reprise presque complète des travaux du défendeur, le Tribunal fixe à 1 000 $ l'indemnité à laquelle ils ont droit.
La demande principale sera donc maintenue pour la somme de (4 721,62 $ + 900 $ + 4 877,11 $ + 1 000 $) = 11 498,73 $, alors que la demande reconventionnelle est maintenue pour la somme de 2 261,19 $.
Opérant compensation judiciaire entre ces deux condamnations, l'action sera maintenue pour la somme de 9 237,54 $.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
CONDAMNE Jacques Fleury à payer à Gilles Larochelle et Nicole Gosselin la somme de 11 498,73 $;
CONDAMNE Gilles Larochelle et Nicole Gosselin à payer à Jacques Fleury la somme de 2 261,19 $;
Opérant compensation judiciaire entre ces deux condamnations,
CONDAMNE Jacques Fleury à payer à Gilles Larochelle et Nicole Gosselin la somme de 9 237,54 $ (11 498,73 $ - 2 261,19 $) avec intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation;
REJETTE la demande d'indemnité additionnelle vu les taux d'intérêts ayant cours sur le marché;
CONDAMNE Jacques Fleury aux dépens d'une action de cette classe plus les frais d'expertise encourus par la demande.
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__________________________________ ANDRÉ CLOUTIER, J.C.Q. |
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Me Pierre Paradis |
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257, rue Notre-Dame Ouest Thetford Mines (Québec) G6G 1J7 |
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Procureur des demandeurs |
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Me Serge Larouche 21, rue Notre-Dame Est Thetford Mines (Québec) G6G 2J6 |
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Procureur du défendeur |
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Date d’audience : |
12 novembre 2010 |
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[1] Photo 10 du rapport d'inspection de M. Steve Boudreau
[2] Idem photo 14
[3] Idem photo 15
[4] Idem photos 28-29
[5] Idem photo 19
[6] Idem photo 18
[7] Idem photos 11 et 31
[8] Idem photo 13
[9] Voir photo 111 du rapport de l'expert de la défense M. Jacques Roberge
[10] Voir les photos 44-45 du rapport d'inspection Boudreau et photo 113 du rapport de M. Roberge
[11] Voir photos 122-123 du rapport de M. Roberge
[12] Voir photos 116-117 du rapport de M. Roberge
[13] Jean-Louis Beaudoin et P-G. Jobin, Les Obligations, 5 e éd. - Les Éditions Yvon Blais inc. 1998 nos 766-770