Pinard c. Gautier

2011 QCCQ 1993

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

HULL

LOCALITÉ DE

GATINEAU

« Chambre civile »

N° :

550-32-017531-093

 

 

 

DATE :

14 mars 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MARIE PRATTE, J.C.Q.

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SHAWN PINARD

[…] Gatineau (Québec) […]

 

Partie demanderesse

c.

 

ANDRÉ GAUTIER

[…] Hammond (Ontario) […]

et

SYLVIE GIROUX

[…] Gatineau (Québec) […]

 

Partie défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Monsieur Shawn Pinard réclame de monsieur André Gautier la somme de 682,90 $ titre de dommages-intérêts, prétendument dus à la suite du bris de sa souffleuse à neige.

[2]            Ce dernier appelle en garantie sa locataire Sylvie Giroux. Celle-ci reçoit signification de l'avis requis par l'article 969 Code de procédure civile et elle est convoquée à l'audience, mais elle ne s'y présente pas.

[3]            Comme il s'agit d'un appel en garantie, ce n'est que dans l'hypothèse où le défendeur serait trouvé responsable que sa locataire pourrait être appelée à l'indemniser.

[4]            Les faits de l'espèce sont simples. En janvier 2009, monsieur Pinard est le propriétaire d'une maison située au […], à Gatineau. Il a comme voisine madame Sylvie Giroux (la locataire), qui habite au […], dans un immeuble qu'elle loue de monsieur André Gautier (le propriétaire).

[5]            Monsieur Pinard et madame Giroux partagent la même entrée, dans laquelle ils stationnent l'un et l'autre leur véhicule automobile. Shawn Pinard y installe toutefois, durant l'hiver, un abri Tempo.

[6]            Le 13 janvier 2009, monsieur Pinard utilise sa souffleuse pour déneiger l'avant de son abri Tempo. Or, sous la neige traîne une corde d'extension, probablement poussée là par le vent. Monsieur Pinard ne la voit pas. Elle s'engage dans l'engrenage de la souffleuse et celle-ci brise. Monsieur Pinard tente sans succès de la faire réparer, ce qui lui coûte 682,90 $. Il en achète finalement une autre.

[7]            La corde d'extension appartenait à la voisine, Sylvie Giroux. Elle avait servi à brancher des décorations de Noël. C'est toutefois, non pas à celle-ci, mais au propriétaire de la maison que le demandeur réclame des dommages-intérêts.

[8]            Au soutien de sa demande, Shawn Pinard affirme avoir avisé à quelques reprises le propriétaire de la désagréable habitude de sa locataire de laisser traîner des objets dans son entrée et devant chez elle.

[9]            Le recours de monsieur Pinard se fonde sur l'article 1457 du Code civil du Québec :

«Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

 

Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.

 

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.»

 

[10]         Pour réussir, le demandeur doit dès lors prouver la faute du propriétaire et son lien de causalité avec le préjudice subi. Sur ce dernier point, l'article 1607 C.c.Q. mentionne ceci :

«Le créancier a droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel, que lui cause le défaut du débiteur et qui en est une suite immédiate et directe.»

 

[11]         Or, même si le fait de ne pas avoir, dans le passé, réagi aux plaintes relatives au comportement de sa locataire peut constituer une faute, celle-ci n'est pas la cause immédiate et directe du préjudice subi par monsieur Pinard le 13 janvier 2009. À supposer même qu'une faute soit la cause immédiate et directe du préjudice, ce ne pourrait être que celle de la locataire; mais monsieur Pinard ne l'a pas poursuivie. Les exigences des articles 1457 et 1607 du Code civil du Québec ne permettent donc pas de conclure à la responsabilité du propriétaire.

[12]         Le recours pourrait-il avoir comme fondement l'article 976 C.c.Q.? Selon cette disposition:

«Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance qu'ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux.»

 

[13]         Cet article, selon l'interprétation récente de la Cour suprême, permet une responsabilité basée, non sur la faute, mais sur le caractère anormal des inconvénients résultant des rapports de voisinage [1] .

[14]         Or, en l'espèce, rappelons-le, la corde électrique a servi à brancher des décorations de Noël. Selon la balance des probabilités, elle a été poussée par le vent dans l'entrée de monsieur Pinard, puis cachée par la neige. Alors que ce dernier déblayait son entrée avec sa souffleuse, la corde a bloqué le mécanisme de l'appareil et l'a brisé. Cette situation, bien qu'ennuyeuse, ne constitue pas, selon la preuve prépondérante, un inconvénient anormal résultant d'un rapport de voisinage. De plus, si c'était le cas, cet inconvénient découlerait du comportement de la locataire et non de son propriétaire.

[15]         Pour ces motifs, le TRIBUNAL  :

 

-     rejette la requête de la partie demanderesse;

-     condamne la partie demanderesse à payer à la partie défenderesse les frais de contestation de 58 $.

 

 

 

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MARIE PRATTE, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

21 février 2011

 



[1]     Ciment du Saint-Laurent Inc . c. Barette , [2008] 3 R.C.S. 392 .