Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 21 mars 2011

Référence neutre : 2011 QCTAQ 03506

Dossier  : SAS-M-180764-1102

Devant le juge administratif :

DANIELLE ALLARD

 

A… V…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 

 


DÉCISION




[1]               Le requérant conteste une décision de l’intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec, du 31 janvier 2011, laquelle a maintenu la suspension du permis de conduire pour une période de 90 jours, à compter du 22 janvier 2011.

 

[2]               Les circonstances ayant mené à la suspension de permis du requérant sont relatées aux rapports des agents de la paix complétés le 22 janvier 2011 :

-         Le 22 janvier 2011, vers 2 h 20, les agents Petti et Forget, en patrouille sur le boulevard des Laurentides, aperçoivent le véhicule du requérant dans le stationnement d’un restaurant. Ils constatent que le véhicule est fortement endommagé.

-         À leur arrivée, le requérant est assis dans le véhicule à la place du conducteur. Le fils du requérant est à l’extérieur du véhicule et lui parle.

-         Interrogé par les policiers, le requérant déclare qu’il a eu une crevaison. Confronté à la présence de dommages à l’avant et au côté droit du véhicule, il réitère sa réponse.

-         Les policiers observent alors que le requérant dégage une odeur d’alcool provenant de son haleine et qu’il a les yeux vitreux. Le requérant déclare qu’il a bu un verre de vin durant la soirée.

-         L’agent Petti demande au requérant de subir une épreuve d’alcootest à l’aide d’un appareil de détection approuvé (ADA). Le requérant est informé du processus. Il accepte de souffler dans l’appareil de détection.

-         Il y aura trois essais. Lors du premier essai, le requérant prend un grand souffle, colle ses lèvres sur l’embout et fait semblant de souffler. Le résultat affiché sur l’appareil est « no go ». Lors du second essai, il souffle, mais laisse sortir l’air entre ses lèvres et l’embout. Il en est de même au troisième essai.

-         Le requérant est alors arrêté, menotté et fouillé par palpation. On retrouve les clés du véhicule dans son pantalon.

-         Entre-temps, les agents sont informés via le centre d’appels 911 qu’une clôture et une borne-fontaine auraient été endommagées à quelques mètres de là [1] . Au cours de l’enquête, certains éléments permettront de relier le véhicule du requérant à ces bris, tels des fragments retrouvés.

[3]               À la suite du refus du requérant d’obtempérer à l’ordre de l’agent de la paix, le permis de conduire est suspendu sur-le-champ pour une période de 90 jours par l’agent de la paix au nom de l’intimée.

[4]               Le requérant a demandé la révision de cette suspension de permis. Le 31 janvier 2011, l’intimée a maintenu cette suspension, d’où le présent appel.

[5]               À l’audience, le fils du requérant est entendu. Il arrive au domicile de ses parents à 1 h 30. Sa mère lui demande de rejoindre son père, car son véhicule aurait eu une crevaison. Lorsqu’il arrive sur les lieux, son père est sur le trottoir.

[6]               Les policiers interviennent peu de temps après. Ils ont demandé à son père de subir une épreuve d’alcootest. Il était à environ trois pieds du véhicule des policiers, lorsque son père a tenté de souffler. Il a observé que celui-ci manquait d’oxygène, qu’il était nerveux et incapable de souffler. Son père a tenté de souffler à nouveau, mais il en était incapable et il cherchait sa pompe pour respirer.

[7]               Le témoin produit des photos des lieux et du véhicule prises deux semaines après l’événement [2] . Il a examiné le document intitulé « Estimation » [3] et il déclare que le véhicule était non fonctionnel puisque, notamment, les ballons gonflables étaient déployés et un fluide se déversait sur le sol.

[8]               Contre-interrogé par le procureur de l’intimée, le témoin reconnaît qu’il n’a pas étudié dans le domaine de la mécanique et qu’il ne possède pas de carte de compétence dans cette spécialité. Aussi, le témoin n’a pas informé les policiers du fait que son père avait des problèmes de santé.

[9]               À l’audience, l’agent Petti confirme les éléments contenus à son rapport.

[10]            Il ajoute que lors des trois essais, le requérant respirait bien et était calme. Celui-ci ne l’a pas informé qu’il ressentait un malaise.

[11]            Lorsque le requérant a été menotté, il a eu un malaise («  hyperventile  »). Il a demandé aux policiers d’avoir accès à sa pompe afin de l’aider à respirer. On lui a enlevé les menottes et le requérant a alors utilisé sa pompe qui était dans une poche de ses pantalons.

[12]            Contre-interrogé par la procureure du requérant, le témoin reconnaît que les sacs gonflables étaient déployés, que le véhicule avait une crevaison et était endommagé côté passager.

 

[13]            L’application des articles 202.4 et 202.5 du Code de la sécurité routière (L.R.Q., c. C-24.2) est ici en cause :

«  202.4. Un agent de la paix suspend sur-le-champ au nom de la Société:

1° pour une période de 90 jours, le permis de toute personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle et dont l'alcoolémie se révèle, par suite d'une épreuve d'alcootest effectuée conformément aux dispositions du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46), supérieure à 80 mg d'alcool par 100 ml de sang;

[…] »

«  202.5.  Un agent de la paix peut également imposer la suspension de 90 jours prévue à l'article 202.4 à une personne qui omet d'obtempérer à un ordre que lui donne un agent de la paix en vertu de l'article 202.3 ou de l'article  254 du Code criminel (Lois révisées du Canada (1985), chapitre C-46). »

[14]            Suivant l’article 202.6.6 du Code de la sécurité routière , la suspension du permis du requérant peut être levée s’il établit de façon prépondérante que, le 22 janvier 2011 : - il avait une excuse raisonnable pour ne pas avoir obtempéré à un ordre donné par un agent de la paix en vertu de l’article 254 du Code criminel - il ne conduisait pas un véhicule routier ou n’en avait pas la garde ou le contrôle.

[15]            La procureure du requérant plaide qu’au moment de l’interception, le véhicule de son client ne pouvait être mis en mouvement. Aussi, elle soutient que le requérant a tenté d’obtempérer à l’ordre de l’agent de la paix, mais n’a pu le faire en raison de problèmes respiratoires.

[16]            Le procureur de l’intimée plaide que la preuve ne démontre pas que le véhicule ne pouvait être mis en mouvement au moment de l’interception. De plus, le requérant n’avait pas d’excuse raisonnable pour ne pas avoir obtempéré à l’ordre donné par l’agent de la paix suivant l’article 254 du Code criminel .

[17]            En l’espèce, le requérant a démontré, par prépondérance de preuve, qu’il avait une excuse raisonnable pour ne pas avoir obtempéré à l’ordre de l’agent de la paix.

[18]            D’abord, le médecin traitant du requérant écrit, le 17 février 2011 :

« The letter is to attest that I have been following Mr [le requérant] (dob 29-01-1961) since July 31 st 2003 for severe coronary artery disease after a large anterior myocardial infarction, with severe residual LV systolic dysfunction with a LVEF of only 20-25% despite coronary artery bypass graft in 2004. He has an implantable cardiac defibrillator since April 15 2008 and has also been followed by the heart failure and transplant section of our division. He also has severe obstructive sleep apnea for which he has to wear a nocturnal CPAP respirator at night.

In summary, he is quite disabled and we have provided him with papers so he could get a handicapped parking permit, as he may become quite dyspneic (short of breath) with exertion or emotional stress.

In fact, the stress later caused by the police encounter may have induced significant dyspnea and made is breathing too weak to adequately perform the breathanalyzer test. I understand this almost caused him a medical emergency requiring him to seek medical assistance. »

[19]            Ce rapport médical établit l’existence d’une diminution de la capacité respiratoire du requérant telle qu’elle peut l’empêcher de souffler avec la force nécessaire et suffisante dans un appareil de détection.

[20]            Un poids prépondérant est accordé à ce rapport puisque ce médecin traite le requérant depuis 2003. Aussi, il a, dans le passé, complété les rapports médicaux demandés par l’intimée [4] .  En outre, au rapport médical complété en mai 2010, le médecin rapporte la présence de troubles respiratoires.

[21]            À cela s’ajoute que les difficultés respiratoires du requérant ont été constatées par les agents Petti et Forget. En effet, dans leur rapport écrit, ils notent que, lors du premier essai, «  M. V... commence soudainement à avoir de la misère à respirer.  ». Aussi, au deuxième essai, les policiers notent que le requérant recommence «  à avoir un malaise, à hyperventiler  ». Enfin, lorsque le requérant est menotté, il «  commence à avoir un malaise  ». À ce moment, on enlève les menottes au requérant afin de lui permettre de prendre la médication requise par son état de santé [5] .

[22]            À l’audience, le témoin policier a tenté de nuancer ces observations écrites. Toutefois, un poids prépondérant est accordé à celles-ci puisqu’elles ont été consignées avec soin et de façon contemporaine aux événements.

[23]            Enfin, les difficultés respiratoires éprouvées par le requérant au cours des essais sont confirmées par le fils du requérant.

[24]            Quant à l’argument voulant que le véhicule du requérant ne pouvait être mis en mouvement au moment de l’interception, le Tribunal ne peut le retenir puisque le fardeau de démonstration du requérant n’a pas été rencontré.

[25]            En effet, avant l’interception, le véhicule du requérant avait vraisemblablement parcouru de quarante à cinquante mètres après avoir percuté une borne-fontaine et une clôture.

[26]            La preuve ne démontre pas pourquoi le véhicule s’est arrêté au lieu d’interception, ni qu’il ne pouvait être mis en marche à nouveau.

[27]            On ne peut certes accorder un poids prépondérant au témoignage du fils du requérant qui ne possède aucune connaissance particulière dans le domaine de la mécanique.

PAR CES MOTIFS, le Tribunal :

ACCUEILLE le recours ; et,

LÈVE la suspension du permis du requérant.


 

 

DANIELLE ALLARD, j.a.t.a.q.


 

Brigitte Martin, cabinet d'avocats

Me Brigitte Martin

Procureure de la partie requérante

 

Me Patrick Matos

Procureure de la partie intimée


 



[1]           40 à 50 mètres.

[2]           Pièce R-6.

[3]           Pièce R-5.

[4]           Pages 2 à 13 du dossier.

[5]           Il s’agit vraisemblablement du Symbicort, page 12 du dossier et pièce R-2.