Mubenga c. Entreprises Golden Impex inc.

2011 QCCS 1484

 

JD2240

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-044150-087

 

 

 

DATE :

 21 MARS 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

MICHEL DELORME, J.C.S.

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ROSALIE MUBENGA

et

ELI TUMBA TSHIBWABWA

et

NTUMBA MUBENGA

Parties demanderesses

c.

LES ENTREPRISES GOLDEN IMPEX INC.

et

IBRAHIM ZAHABI

Parties défenderesses

 

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MOTIFS DU JUGEMENT RENDU ORALEMENT LE 14 MARS 2011

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1.         Introduction

[1]            Rosalie Mubenga, Ntumba Mubenga et Eli Tumba Tshibwabwa demandent au Tribunal de prononcer la résolution d'un contrat de vente intervenu initialement avec Ibrahim Zahabi, auquel a succédé sa société, Les entreprises Golden Impex inc.

[2]            Ils leur réclament en outre le remboursement du prix de vente et de certains frais accessoires à la vente qu'ils ont acquittés.

[3]            Monsieur Zahabi et Les entreprises Golden Impex inc. contestent ces demandes qu'ils considèrent mal fondées.

2.         Faits et procédures

[4]            Les entreprises Golden Impex inc. dont monsieur Zahabi est l'actionnaire majoritaire et unique administrateur exploite depuis août 2007 une entreprise spécialisée dans la vente de vêtements et de chaussures usagés. Auparavant monsieur Zahabi exploitait l'entreprise personnellement sous la raison sociale Entreprise Golden Impex (les deux entreprises ci-après indistinctement désignées Golden Impex).

[5]            De leur côté, madame Rosalie Mubenga, son mari, monsieur Tshibwabwa, et sa sœur madame Ntumba Mubenga font le commerce de vêtements et de chaussures usagés (friperie) destinés à la République démocratique du Congo. Madame Rosalie Mubenga et monsieur Tshibwabwa achètent des vêtements et chaussures usagés au Canada et les font livrer en République démocratique du Congo. Ils y sont reçus par madame Ntumba Mubenga qui les vend à Kinshasa à des revendeurs qui, à leur tour, les offrent en vente dans des marchés.

[6]            En juin 2007, madame Rosalie Mubenga est à la recherche d'un fournisseur de chaussures et elle découvre sur Internet l'entreprise de monsieur Zahabi.

[7]            Le 11 juin 2007, elle se rend une première fois, accompagnée de ses deux fils, à sa place d'affaires sur la rue Paré à Ville Mont-Royal.

[8]            Tout comme ses deux fils, elle est impressionnée par la qualité des produits offerts, non seulement par les chaussures, mais également par les vêtements.

[9]            La qualité des produits est sa priorité et comme sa sœur avec qui elle est régulièrement en contact, elle connaît les exigences de la clientèle de la République démocratique du Congo. Elle veut des vêtements et des chaussures, bien qu'usagés, de qualité supérieure, de qualité de grade « A ».

[10]         Convaincue par les propos de monsieur Zahabi et par les produits qu'il lui montre, elle convient de faire affaire avec son entreprise et d'acheter non seulement des chaussures, mais également des vêtements. Dès cette première rencontre, des démarches sont faites par Golden Impex en vue du transport par bateau en République démocratique du Congo (port de Matadi) d'un conteneur de marchandises de 40 pieds de longueur.

[11]         Le 13 juin Souha Ghali Zahabi, l'épouse de monsieur Zahabi qui travaille au sein de l'entreprise, transmet à madame Mubenga une facture pro forma (préliminaire) de 60 000 $, le coût de 500 sacs de chaussures et de 236 balles de vêtements, transport compris, ce qui correspond à un conteneur de 40 pieds. Cette facture pro forma est accompagnée d'une liste de prix. Les produits sont vendus au poids, les chaussures dans des sacs de 50 livres et les vêtements en balles de 100 livres.

[12]         Suivant la politique de l'entreprise, 50 % du prix des marchandises vendues doivent être acquittés avant qu'elles ne soient mises en sacs (pour les chaussures) ou en balles (pour les vêtements) et 50 % lorsqu'elles sont prêtes à quitter l'entrepôt.

[13]         Madame Mubenga verse ainsi le 18 juin 2007 une somme de 5 000 $ US et de 23 531,91 $ US le 10 juillet 2007, ce qui est jugé suffisant par monsieur Zahabi pour entreprendre la préparation de sa commande. Un paiement additionnel de 11 $ CA est par ailleurs fait le 18 juillet 2007.

[14]         Les parties ne s'entendent pas sur le nombre de visites effectuées par madame Mubenga à la place d'affaires de Golden Impex après celle du 11 juin 2007.

[15]         Elles conviennent toutefois qu'elle y retourne le 14 juillet 2007 accompagnée de monsieur Tshibwabwa, afin de lui montrer la qualité de grade « A » des produits de Golden Impex.

[16]         Ils visitent alors l'entrepôt et en présence de Raed Zahabi, le fils de monsieur Zahabi qui y travaille, ils examinent le contenu de sacs d'une commande en préparation. Ils constatent avec étonnement que ce qu'on y retrouve n'a pas la qualité de grade «A » convenue. Ils se font cependant rassurer que ce qui sera livré en République démocratique du Congo sera de qualité supérieure, de qualité de grade « A », ce qui les satisfait.

[17]         Les demandeurs sont informés fin août 2007 que le conteneur des marchandises qu'ils ont commandées est prêt et qu'il peut être transporté au port de Montréal. Ils avaient cependant compris qu'on les aviserait plus tôt, afin qu'ils puissent vérifier la qualité des marchandises expédiées.

[18]         Ils acquittent le solde du prix et une facture finale datée du 21 septembre 2007 est préparée en fonction de ce qui est expédié. Elle comprend 500 sacs de chaussures et 200 balles de vêtements pour un coût de 60 000 $, y compris le transport.

[19]         Le bateau sur lequel est placé le conteneur quitte le port de Montréal le 11 ou le 12 octobre 2007.

[20]         La durée prévue du voyage est d'environ 45 jours. Elle est toutefois de beaucoup excédée en raison d'une forte congestion dans le port de Las Palmas (Espagne) où le conteneur doit transiter et dans celui de Matadi (République démocratique du Congo). Il y arrive vers le 2 février 2008. De là, madame Ntumba Mubenga le fait transporter par son courtier en douane à Kinshasa, où il se trouve au début de mars 2008.

[21]         Lorsque les autorités douanières y vérifient le conteneur, elles constatent que 61 sacs de chaussures sont manquants.

[22]         Informé par ces dernières, Golden Impex leur transmet une facture corrigée faisant état de 439 sacs de chaussures (500 - 61) et de 200 balles de vêtements, ce qui est confirmé à madame Ntumba Mubenga le 17 mars 2008.

[23]         Les produits qui ont été expédiés ne sont pas, selon madame Ntumba Mubenga, de qualité de grade « A ». Elle considère qu'ils ne sont pas de qualité acceptable et qu'ils ne peuvent être vendus.

[24]         Golden Impex accepte de rembourser aux demandeurs la valeur des 61 sacs de chaussures manquants, soit 5 530 US $. Elle nie toutefois le bien-fondé des reproches faits à l'égard de la qualité des vêtements et des chaussures qui ont été expédiés.

[25]         Le 14 juillet 2008, les demandeurs signifient leur Requête introductive d'instance dans laquelle, au paragraphe 25, ils déclarent mettre les marchandises reçues à la disposition des défendeurs, au port de Matadi où elles ont été livrées, afin qu'ils puissent les reprendre.

3.         Questions en litige

[26]         Le retard de livraison des marchandises au port de Matadi, initialement imputé aux défendeurs dans la Requête introductive d'instance, ne leur a toutefois pas été reproché à l'audience.

[27]         La preuve révèle que ce retard est dû à un important encombrement aux ports de Las Palmas et de Matadi, sur lequel les défendeurs n'ont aucun contrôle.

[28]         En réalité, une seule question est demeurée en litige à l'audience : les marchandises livrées au port de Matadi sont-elles comme convenu, de qualité de grade « A »?

[29]         La position des parties est irréconciliable à ce sujet.

[30]         Selon les demandeurs, les marchandises livrées au port de Matadi ne sont pas de qualité de grade « A ». Vu leur état d'usure, il est impossible de vendre les vêtements et les chaussures reçus; il s'agit de chaussures inutilisables, certaines ne formant pas une paire, et de vêtements qui ne correspondent en rien à la commande passée.

[31]         De leur côté, les défendeurs allèguent avoir exercé un contrôle rigoureux de la qualité des vêtements et chaussures avant de les emballer et de les expédier, afin de s'assurer qu'ils rencontrent la qualité exigée. Ils ajoutent que les demandeurs ont substitué aux marchandises reçues d'autres marchandises dont ils ignorent la provenance, afin de bonifier leur réclamation. Ils mentionnent enfin que les marchandises reçues ont pu se détériorer au cours du transport. Aucune preuve n'a cependant été offerte à ce dernier propos.

 

4.         Analyse

[32]         Au chapitre de la vente, les articles 1716 et 1717 C.c.Q mentionnent :

1716.  Le vendeur est tenu de délivrer le bien, et d'en garantir le droit de propriété et la qualité.

   Ces garanties existent de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de les stipuler dans le contrat de vente.

1717.  L'obligation de délivrer le bien est remplie lorsque le vendeur met l'acheteur en possession du bien ou consent à ce qu'il en prenne possession, tous obstacles étant écartés.

[33]         Dans Compagnie Northland Corporation c. Billots Sélect 2000, s.e.n.c. , 2007 QCCA 51 , une affaire qui présente une certaine ressemblance avec la présente - Northland Corporation avait commandé à Billots Sélect des planches de bois qui ne répondaient pas à ses exigences de qualité - madame la juge Bich écrit :

[41]            Le professeur Jobin ajoute […] ce qui suit à propos de l'obligation de délivrance qui incombe au vendeur :

98 - Identité du bien délivré - Le vendeur a l'obligation de délivrer un bien rigoureusement conforme à celui qui a été convenu. Cette règle touche principalement l'identité, la quantité et, dans une certaine mesure, la qualité du bien. Souvent, la convention est très explicite sur l'identité et la quantité, ou alors elle contient des indications qui permettent de les déterminer.

Le bien délivré doit être identique à celui sur lequel les parties se sont entendues. Il doit notamment posséder toutes les caractéristiques (couleur, dimension, modèle, par exemple) précisées par l'acheteur lors de la vente. Cette obligation du vendeur en est une de résultat [Pierre-Gabriel JOBIN, La vente , 2 e éd., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 2001, paragr. 98 (p. 108)]

[madame la juge Bich souligne]

[42]            […] la question se pose alors de savoir si l'intimée a manqué à son obligation.

[43]            Comme la preuve le révèle, la qualité du bien vendu définissait ce dernier et constituait ici une condition expresse et essentielle de la vente, condition connue de l'intimée, à qui elle avait été dévoilée explicitement, et sans laquelle l'appelante n'aurait pas acheté. On peut donc conclure qu' à première vue l'intimée a manqué à son obligation de délivrance en remettant à l'appelante un bien qui, malgré les apparences, n'était pas celui qui avait été acheté : l'appelante a acheté du bois de qualité supérieure, elle reçoit du bois de qualité inférieure. Le fait qu'elle n'a pas immédiatement pu constater que le bois n'avait pas la qualité requise et voulue, les taches n'étant apparues que quelques semaines plus tard, n'empêche pas qu'il y a eu manquement à l'obligation qu'avait l'intimée de délivrer exactement le bien qu'avait acheté l'appelante. De ce point de vue, la situation peut être comparée à celle de l'acheteur qui acquiert un véhicule qu'il veut neuf et réalise après quelque temps qu'on lui a délivré un véhicule usagé.

[44]            L'obligation de délivrance incombant au vendeur étant une obligation de résultat, le seul fait que le résultat n'a pas été obtenu fait présumer du manquement. L'acheteur peut dès lors, sous réserve de l'article 1737 C.c.Q. (inapplicable en l'espèce) considérer que la vente est résiliée, aux conditions prévues par l'article 1736 C.c.Q. Il peut également, qu'il exerce ce droit de résiliation ou non, exercer contre le vendeur un recours en dommages-intérêts [Pierre-Gabriel JOBIN, op.cit., paragr.107 (p.118)]. Sur le plan de la preuve, l'acheteur, pour ce qui est de la responsabilité du vendeur, doit simplement démontrer que le bien délivré dans les faits ne correspond pas au bien qui devait être délivré et démontrer le préjudice qui en résulte. Le vendeur ne peut alors échapper à sa responsabilité qu'en établissant force majeure ou fait de l'acheteur :

Au contraire, dans le cas d'une obligation de résultat, la simple constatation de l'absence du résultat ou du préjudice subi suffit à faire présumer la responsabilité du débiteur, une fois le fait même de l'inexécution ou la survenance du dommage démontré par le créancier. Dès lors, le débiteur, pour dégager sa responsabilité, doit aller au-delà d'une preuve de simple absence de faute. Sur le plan de la preuve, l'absence de résultat fait donc présumer la responsabilité du débiteur et place sur ses épaules le fardeau de démontrer que l'inexécution provient d'une cause qui ne lui est pas imputable. Le débiteur n'a pas la possibilité de tenter de prouver absence de faute de sa part; il doit identifier, par prépondérance de la preuve, une force majeure ou encore le fait de la victime, qui a empêché l'exécution de l'obligation. À défaut de décharger ce fardeau, le débiteur est tenu responsable de l'inexécution.[Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, avec la collab. de Nathalie VÉZINA, Les obligations, 6 e éd., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 2005, au paragr. 37 (p. 42). Dans le même sens, voir : Didier LLUELLES et Benoît MOORE, Droit des obligations , Montréal, Les Éditions Thémis inc., 2006, paragr. 110 (p. 46)]

[45]            Or, l'intimée, qui n'a pas prouvé force majeure, n'a pas davantage prouvé que le fait de l'acheteur était la cause du problème.

[46]            Là-dessus, l'intimée [Billots Sélect], à l'audience, a prétendu que l'on ignorait en réalité quand s'était produite la réaction biochimique productrice de taches, réaction qui aurait très bien pu survenir, prétend-elle, chez Séchoir Lachute inc. [lieu de livraison], puisque les planches qu'elle y a livrées y sont restées 24 ou même 48 heures sur les lattes de 3/8 de pouce sur lesquelles elles étaient rangées au moment de leur réception.

[47]            Ce moyen ne convainc pas, puisqu'il repose sur une simple hypothèse.

[48]            En effet, comme on vient de le voir, c'est l'intimée qui, étant présumée avoir manqué à son obligation de délivrance, doit démontrer que le fait de l'appelante ou, en l'espèce, celui de sa représentante Séchoir Lachute inc., est la cause du problème de taches. Or, en se contentant d'une hypothèse, l'intimée ne s'est pas déchargée de ce fardeau, qui requiert davantage. On peut concéder que l'hypothèse avancée par l'intimée n'est pas invraisemblable, mais on est encore loin du standard de la prépondérance qu'exige l'article 2804 C.c.Q. et qui lui aurait permis de réfuter la présomption qui pèse sur elle.

[34]         À ce dernier propos on doit mentionner que l'article 2804 C.c.Q. mentionne que « [l]a preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante », ce qui n'est pas le cas ici.

[35]         Qu'en est-il en l'espèce?

[36]         Le Tribunal estime que, comme dans l'affaire Northland , la qualité de grade « A » des produits vendus définissait ces produits, ce qui constituait une condition essentielle de la vente, connue des défendeurs, sans laquelle les demandeurs n'auraient pas contracté.

[37]         Il retient que la preuve démontre, de manière prépondérante, que les défendeurs ont manqué à leur obligation de délivrance, une obligation de résultat, qui était de délivrer exactement aux demandeurs les marchandises qu'ils avaient achetées.

[38]         Ils avaient commandé et les défendeurs avaient convenu de leur livrer des vêtements et des chaussures usagés de qualité de grade « A » et ils ont reçu des chaussures et des vêtements de qualité inférieure.

[39]         De leur côté, les défendeurs ne se sont pas déchargés de leur fardeau de démontrer par prépondérance de la preuve, une faute qui ne pouvait leur être imputée, soit une force majeure ou le fait des demandeurs.

[40]         La réception de marchandises ne rencontrant pas les exigences prévues à l'entente des parties est établie par le témoignage de madame Ntumba Mubenga et celui de son père, Martin Mubenga, qui les ont vues à Kinshasa.

[41]         Tout d'abord, les marchandises reçues sont celles qui ont été expédiées. Cela ne fait pas de doute. L'identification du conteneur par son numéro et celui du sceau placé sur la porte, sa prise en charge par le courtier en douane au port de Matadi et son ouverture par les autorités douanières qui constatent que 61 sacs sont manquants (ce qui est reconnu par les défendeurs) ne permettent pas de conclure autrement. La preuve ne supporte pas la substitution de produits, comme le prétendent les défendeurs.

[42]         Madame Mubenga fait le commerce de friperie depuis cinq ou six ans. Elle connaît la qualité des produits qu'elle peut mettre en vente en République démocratique du Congo et elle affirme que ceux qui lui ont été délivrés ne sont pas de qualité de grade « A ». Ils sont même invendables, dit-elle.

[43]         La piètre qualité de ces produits est confirmée par monsieur Mubenga.

[44]         Monsieur Mubenga, âgé de 82 ans, se trouvait chez sa fille à Kinshasa entre les 29 avril et 28 mai 2008. Il remarque alors que plusieurs personnes insatisfaites de marchandises qu'elle leur a vendues demandent un remboursement.

[45]         Il se rend avec sa fille à l'entrepôt où elle a placé les seules marchandises expédiées par Golden Impex et il constate que les chaussures et les vêtements qui s'y trouvent sont en très mauvais état.

[46]         Les autres témoins entendus à la demande des demandeurs n'ont pas vu les marchandises expédiées. Madame Rosalie Mubenga et monsieur Tshibwabwa mentionnent bien avoir demandé de les voir avant qu'elles ne soient expédiées. Cependant, lorsqu'ils sont informés en août 2007 que leur commande était prête, les produits à expédier se trouvent déjà dans un conteneur, prêt pour son transport au port de Montréal.

[47]         Les défendeurs non plus n'ont pas vu les marchandises reçues à Kinshasa. Ils n'ont vu que les photographies qu'ils ont demandées à madame Ntumba Mubenga de leur transmettre.

[48]         À leur avis, les marchandises qu'on y voit ne sont pas celles qu'ils ont expédiées. Ils disent ne pas les reconnaître; ils précisent notamment que certains colis ne sont pas emballés comme ceux de Golden Impex.

[49]         Ils insistent sur les moyens mis en place à l'entrepôt de Golden Impex pour contrôler les biens avant qu'ils ne soient expédiés.

[50]         À l'appui de leur position, outre monsieur Zahabi, ils font entendre madame Zahabi, son épouse, leur fils Raed ainsi qu'un employé, monsieur Adams Seidu.

[51]         On doit d'abord observer qu'en dépit des moyens de contrôle mis en place, une erreur est certainement possible. Les 61 sacs de chaussures qui ne se trouvent pas dans le conteneur à Kinshasa en témoignent.

[52]         En outre, lorsque cette erreur est constatée en mars 2008, une facture corrigée est transmise par Golden Impex aux autorités douanières. Or cette facture fait état de 439 sacs de chaussures usagées (500 - 61) de grades « B et C » et de 200 balles de vêtements usagés de grades « B et C ».

[53]         Il s'agit d'une facture que les parties ont identifiée comme étant une « facture réduite » dont le montant est de 11 087 $ (au lieu de 60 000 $). Cette facture remplace une autre « facture réduite » d'un montant de 12 100 $ préparée en septembre 2007.

[54]         Les défendeurs mentionnent que ces factures ont été rédigées à la demande des demandeurs - ce qui est pratique courante selon les défendeurs - afin de tromper les autorités douanières sur la valeur réelle des marchandises expédiées et de réduire ainsi les droits qui doivent être payés.

[55]         Il va de soi que le présent jugement ne doit être interprété comme avalisant une telle pratique qui doit être réprouvée.

[56]         Cela dit, on doit observer que la facture écrite en septembre 2007 alors que les marchandises se trouvent toujours à Montréal, ne mentionne pas leur qualité de grades « A », « B » ou « C » », celle expédiée en mars 2008 indique qu'elles sont de qualité « B et C », lorsqu'elles sont arrivées à Kinshasa.

[57]         Le but de la préparation d'une nouvelle « facture réduite » était uniquement de rendre celle de septembre 2007 compatible avec la présence de 439 sacs de chaussures plutôt que 500. La qualité des marchandises n'était pas en cause. Il faut ainsi présumer que si Golden Impex a mentionné dans la nouvelle « facture réduite », sans qu'il n'y ait nécessité de le faire, que les marchandises expédiées étaient de qualité de grades « B et C », c'est que cela était conforme aux données qu'elle possédait à ce sujet.

[58]         À l'audience, monsieur Zahabi a par ailleurs témoigné que 80 % des vêtements expédiés à Kinshasa provenaient de son fournisseur Daniel Bélanger qui ne lui procure que des vêtements de qualité de grade « A ».

[59]         Appelé à témoigner, monsieur Bélanger a mentionné fournir à Golden Impex des balles de vêtements et non des vêtements en vrac. Certaines de ces balles se sont-elles retrouvées dans le conteneur des demandeurs?

[60]         Quoi qu'il en soit, monsieur Zahabi ne peut témoigner de manière précise sur ce qui a été placé dans le conteneur des demandeurs, ses fonctions au sein de Golden Impex à titre de dirigeant ou de président se situant à un autre niveau que celui de la préparation des commandes et leur expédition.

[61]         On ne peut également passer sous silence que lors de son interrogatoire hors cour tenu le 3 décembre 2008, monsieur Zahabi a indiqué n'offrir à ses clients que des marchandises de qualité de grade « A », ce que la preuve administrée à l'audience ne permet pas de confirmer. Lui-même mentionne que lors de la visite de madame Rosalie Mubenga et de monsieur Tshibwabwa, son fils prépare une commande qui comporte à la fois des chaussures et des vêtements de qualité de grade « A » ou de grade « B ». Cela  est confirmé par son fils Raed Zahabi.

[62]         Madame Zahabi ne peut non plus confirmer le contenu des commandes expédiées chez les clients de Golden Impex, puisqu'elle exécute des tâches administratives dans le bureau de l'entreprise et non à l'entrepôt.

[63]         Lorsqu'elle mentionne à l'audience que lors de leur visite du 14 juillet, madame Mubenga et monsieur Tshibwabwa examinent à l'entrepôt des marchandises qui ne leur sont pas destinées, elle doit ensuite admettre qu'elle n'était pas présente.

[64]         Il faut aussi souligner que lors de son interrogatoire hors cour tenu le 3 décembre 2008, madame Zahabi a une mémoire beaucoup moins précise qu'à l'audience des événements survenus en 2007. On peut noter comme exemple la date des visites de madame Mumbenga et de monsieur Tshibwabwa ainsi que la date de la préparation de leur commande.

[65]         Les deux personnes qui peuvent en réalité témoigner de la nature des marchandises sorties en octobre 2007 de l'entrepôt de Golden Impex sont le fils de monsieur et de madame Zahabi, Raed Zahabi, ainsi que Adams Seidu, un employé de l'entreprise, travaillant à l'entrepôt.

[66]         Monsieur Raed Zahabi confirme que des produits de qualité de grades « A et B » peuvent être placés en 2007 dans un même colis, ce qui n'est pas en accord avec le témoignage de son père.

[67]         Il admet par ailleurs que comme les huit à dix employés de l'entrepôt peuvent travailler sur plus d'une commande à la fois, il est possible que cela ait pu être le cas lorsqu'ils ont préparé la commande des demandeurs. Il mentionne plus précisément que s'ils ont, au début, travaillé sur la seule commande des demandeurs, ils ont pu par la suite travailler sur plus que cette commande.

[68]         De toute manière, ayant complété environ 400 commandes depuis juillet 2007, monsieur Raed Zahabi ne peut indiquer avec grande précision ce qui a été placé dans le conteneur des demandeurs.

[69]         Il témoigne enfin que suite à leur visite du 14 juillet, on devait revenir à madame Mubenga et à monsieur Tshibwabwa afin de les tenir informés de l'état de leur commande. Or, cela n'a pas été fait, ce qui confirme leur version.

[70]          Quant à monsieur Adams Seidu, il ne se souvient pas si d'autres commandes étaient préparées en même temps que celle des demandeurs, ajoutant que des employés non réguliers provenant d'agences de placement qu'il n'identifie pas sont affectés à certaines tâches à cette occasion.

[71]         La mémoire de monsieur Seidu des événements de 2007 semble enfin peu fiable, puisqu'il témoigne à l'audience se souvenir d'avoir vu à l'époque madame Ntumba Mubenga, alors qu'elle est venue au Canada pour la première fois pour les fins de l'audience.

[72]         De l'ensemble de ces témoignages, le Tribunal retient, selon la prépondérance de la preuve, que les demandeurs ont démontré que les défendeurs ont fait défaut de leur livrer les marchandises qui leur avaient été promises.

[73]         Il doit également conclure que les défendeurs ne se sont pas déchargés de leur fardeau de prouver force majeure ou fait des demandeurs. Tout au plus se sont-ils employés à démontrer le contrôle de la qualité des produits avant leur expédition, ce qui est insuffisant.

[74]         Aussi, le Tribunal conclut-il que la vente intervenue entre les parties constatée par la facture du 21 septembre 2007 (pièce P-4) doit être résolue.

5.         Réclamation

[75]         La réclamation des demandeurs en dollars canadiens se détaille comme suit :

a) remboursement de la somme versée

pour l'acquisition et la livraison des marchandises :                       55 039,11 $

b) frais de dédouanement :                                                                18 170,31 $

c) frais d'entreposage :                                                                         3 062,10 $

d) honoraires du commissariat d'avaries :                                297,48 $

Total :                                                                                                    76 569,00 $

[76]         La somme de 55 039,11 $ représente le total de ce qui a été versé par les demandeurs aux défendeurs comme prix de vente, moins le remboursement effectué par Golden Impex en raison de l'absence de 61 sacs de chaussures lors de l'arrivée du conteneur en République démocratique du Congo.

[77]         Les frais de dédouanement sont ceux acquittés par les demandeurs à leur courtier en douane Plansem SPRL.

[78]         Les frais d'entreposage représentent le loyer mensuel de 250 $ US acquitté par madame Ntumba Mumbenga aux termes d'un bail verbal conclu pour la location d'un local où elle a entreposé les marchandises expédiées par Golden Impex, pour la période de mars 2008 à mars 2009.

[79]         Les honoraires du commissariat d'avaries sont ceux qui ont dû être acquittés par madame Ntumba Mubenga à l'Office congolais de contrôle, pour la détermination de la quantité de biens reçus à Kinshasa.

[80]         Ces sommes totalisant 76 569 $ doivent être remboursées par les défendeurs aux demandeurs.

[81]         Enfin, le Tribunal considère suffisante, dans les circonstances, la mise à la disposition des défendeurs aux termes du paragraphe 25 de la Requête introductive d'instance, au port de Matadi, des marchandises qui y avaient été expédiées. La preuve révèle que les défendeurs n'ont jamais envisagé de reprendre les marchandises.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[82]         ACCUEILLE la Requête introductive d'instance ;

[83]         PRONONCE la résolution de la vente intervenue entre les parties et constatée par la facture du 21 septembre 2007 (pièce P-4);

[84]         CONDAMNE les défendeurs solidairement à payer aux demandeurs la somme de 76 569 $ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec , à compter de l'assignation;

[85]         LE TOUT AVEC DÉPENS .

 

 

 

 

__________________________________

MICHEL DELORME, J.C.S.

 

 

 

 

 

 

Me Louis-René Hébert

LECOURS & LESSARD

Procureur des parties demanderesses

 

Me Jacques Méthot

Procureur des parties défenderesses

 

 

Dates d’audience :

7, 8, 9 et 10 mars 2011