[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa ( Ontario), le 29 mars 2011
En présence de monsieur le juge Barnes
ENTRE :
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et
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’un arbitre nommé en vertu du Code canadien du travail (l’arbitre) datée du 4 août 2010, par laquelle l’arbitre a refusé d’entendre la plainte de congédiement injuste de Wanda MacFarlane contre Day & Ross Inc. (Day & Ross). M me MacFarlane conteste la décision de l’arbitre de se déclarer incompétent pour connaître du fond de l’affaire.
Le contexte
[2]
M
me
MacFarlane
a travaillé pour Day & Ross pendant sept ans à titre de programmatrice d’ordinateur.
Le 4 juillet 2008, Day & Ross avait procédé au licenciement
ostensiblement motivé de M
me
MacFarlane. Le
29 août 2008, celle-ci avait déposé une plainte, en vertu de l’article
[3]
Le
28 mai 2009, M
me
MacFarlane avait déposé une plainte
à la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) dans
laquelle elle alléguait que la cessation de son emploi constituait un acte discriminatoire
fondé sur l’âge et sur une déficience. Cependant, étant donné la plainte
existante de M
me
MacFarlane au titre du
Code canadien du
travail
, la Commission devait décider, en application du paragraphe
[4] La Commission a communiqué aux parties son rapport d’enquête établi en application de l’article 41, et elle a invité les parties à y répondre. Le 2 décembre 2009, la Commission a décidé de ne pas instruire la plainte de M me MacFarlane parce qu’il s’agissait d’une « plainte [qui] pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps », sous le régime du Code canadien du travail . La Commission a en outre avisé M me MacFarlane que celle-ci pourrait réactiver sa plainte en matière de droits de la personne dans les 30 jours de la conclusion de l’instance conduite sous le régime du Code canadien du travail .
[5]
Entretemps,
le 14 août 2009, Day & Ross avait avisé l’arbitre qu’il n’avait pas
compétence pour instruire la plainte, en application de l’alinéa
[6]
M
me
MacFarlane
avait contesté la décision de l’arbitre par voie de demande de contrôle
judiciaire, et, le 26 mai 2010, le juge Robert Mainville, alors juge
de la Cour, a confirmé la décision de l’arbitre : voir
Macfarlane c.
Day & Ross Inc.
,
[7] Après avoir reçu la décision du juge Mainville, M me MacFarlane a écrit à l’arbitre pour lui demander de procéder à l’audition de sa plainte de congédiement injuste sur le fond. Elle l’a avisé que la Commission avait refusé plus tôt d’instruire sa plainte en matière de droits de la personne et que l’arbitre avait la voie libre pour se déclarer compétent. L’arbitre ne partageait pas cet avis, et il a refusé de nouveau de se déclarer compétent. La présente demande de contrôle judiciaire découle de cette dernière décision .
La question en litige
[8] L’arbitre a-t-il commis une erreur lorsqu’il a refusé de se déclarer compétent à l’égard de la plainte déposée par M me MacFarlane au titre du Code canadien du travail ?
Analyse
[9] La question soulevée dans le cadre de la présente demande concerne l’interprétation que l’arbitre a faite de la LCDP et, en particulier, des dispositions qui traitent du renvoi d’une plainte à une autre autorité légalement compétente pour rendre une décision. Puisque ces dispositions ne font pas partie de la loi habilitante de l’arbitre, l’interprétation que l’arbitre en a faite est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte : voir MacFarlane c. Day & Ross Inc. , précitée, au paragraphe 35.
[10] Lorsque l’arbitre avait été saisi initialement de la présente affaire, il avait statué qu’il n’avait [ TRADUCTION ] « pas compétence » pour l’entendre parce qu’elle constituait essentiellement un dédoublement de la plainte de M me MacFarlane en instance devant la Commission. L’arbitre avait statué que les paragraphes 242(3) et (3.1) du Code canadien du travail l’empêchaient d’instruire la plainte de congédiement injuste de M me MacFarlane et que, dans tous les cas, il ne pouvait pas examiner la question de savoir si les circonstances de ce congédiement étaient de nature discriminatoire. Les dispositions législatives invoquées par l’arbitre sont ainsi rédigées :
242(3) Sous réserve du paragraphe (3.1), l’arbitre :
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242(3) Subject to subsection (3.1), an adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1) shall
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a ) décide si le congédiement était injuste;
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( a ) consider whether the dismissal of the person who made the complaint was unjust and render a decision thereon; and
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b ) transmet une copie de sa décision, motifs à l’appui, à chaque partie ainsi qu’au ministre.
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( b ) send a copy of the decision with the reasons therefor to each party to the complaint and to the Minister.
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(3.1) L’arbitre ne peut procéder à l’instruction de la plainte dans l’un ou l’autre des cas suivants :
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(3.1) No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where
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a ) le plaignant a été licencié en raison du manque de travail ou de la suppression d’un poste;
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( a ) that person has been laid off because of lack of work or because of the discontinuance of a function; or
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b ) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours.
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( b ) a procedure for redress has been provided elsewhere in or under this or any other Act of Parliament .
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[Non souligné dans l’original.]
[11]
M
me
MacFarlane
avait contesté la décision de l’arbitre dans une demande de contrôle judiciaire
entendue par le juge Mainville à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, le
12 avril 2010. Le juge Mainville a confirmé la décision de l’arbitre
et a affirmé qu’un arbitre nommé en vertu du paragraphe
[12] Lorsque M me MacFarlane a demandé de nouveau à l’arbitre de se déclarer compétent et de statuer sur le fond de sa plainte de congédiement injuste, elle a attiré son attention sur la décision du 2 décembre 2009 de la Commission, dans laquelle celle-ci avait refusé d’instruire sa plainte en matière de droits de la personne en attendant la conclusion de l’instance régie par le Code canadien du travail . L’arbitre a néanmoins refusé de nouveau de se déclarer compétent pour les motifs suivants :
[ TRADUCTION ]
32. Deuxièmement, il ne
fait aucun doute que la CCDP, à tout le moins en date du
2 décembre 2009, avait décidé « de ne pas instruire » la
plainte en vertu de l’alinéa
33. Je ne vois pas comment une décision de ne pas instruire la plainte peut être interprétée comme un renvoi. Étant donné la décision de la CCDP « de ne pas instruire » la plainte de la plaignante, je ne vois pas comment j’aurais compétence pour instruire la plainte à ce stade-ci.
34. Le deuxième alinéa de
la LCDP que le juge de première instance a mentionné est l’alinéa 44(2)
b
).
Cette disposition exige qu’une plainte fasse l’objet d’une enquête et que l’enquêteur
produise un rapport. Ni l’une ni l’autre des parties n’a laissé entendre qu’un
enquêteur avait été nommé, de sorte qu’aucun rapport ne peut être produit. Si
tel est le cas, il peut y avoir renvoi en vertu de l’alinéa
35. Permettez-moi d’être
clair. Dans ma sentence arbitrale, j’ai conclu que je n’avais pas compétence
pour connaître de la plainte, parce qu’il y avait une plainte parallèle devant
la CCDP. Cette décision a été confirmée comme étant correcte à la suite de la
décision judiciaire. Cependant, le juge de première instance a souligné que la
CCDP pourrait, à un certain moment, me conférer compétence, en vertu soit de l’alinéa
41(1)
b
) ou de l’alinéa
36. Sans un renvoi de la CCDP, qui a le contrôle de la plainte parallèle, je ne peux pas me déclarer compétent. La décision de me renvoyer l’affaire ou non ne m’appartient pas.
Il ressort clairement des remarques
ci-dessus que l’arbitre croyait erronément que la décision de la Commission n’était
pas étayée par une enquête et que le fait que M
me
MacFarlane
lui ait transmis la décision ne constituait pas un renvoi de la plainte en
vertu de l’article
[13]
L’arbitre
a également commis une erreur de droit lorsqu’il a refusé de se déclarer
compétent au motif que la Commission ne lui avait pas renvoyé l’affaire. L’arbitre
semble s’être attendu à ce que la Commission lui communique une demande
officielle avant qu’il puisse entendre l’affaire sur le fond. M
me
MacFarlane
a soutenu avec raison qu’aucune mesure semblable n’était requise. L’article
[97]
De toute évidence, la C.C.D.P.
n’a pas le pouvoir d’ordonner à la Commission d’entreprendre une procédure
quelconque. L’alinéa
L’interprétation ci-dessus des
dispositions de la LCDP relatives aux renvois est également compatible avec la
situation où un plaignant en matière de droits de la personne n’a pas exploité
la possibilité d’exercer d’autres recours dont il disposait. En pareille
situation, la Commission peut déférer et aviser le plaignant de cette option -
il est clair qu’aucune forme de renvoi directe ne serait possible dans une
telle situation. En toute équité envers Day & Ross, il s’agit là d’une
interprétation que celle-ci a admise dans sa plaidoirie devant moi lorsque son
avocat a reconnu qu’un renvoi en vertu de l’article
[14]
Il
est vrai que Day & Ross soutient que la décision du
2 décembre 2009 de la Commission avait seulement pour effet de [
TRADUCTION
]
« suspendre la procédure en matière de droits de la personne, sur
consentement, uniquement pour faciliter l’instance de contrôle judiciaire
de 2009 » (voir le paragraphe 66 du mémoire de la défenderesse).
Day & Ross soutient que M
me
MacFarlane avait l’obligation
de demander à la Commission, dans les 30 jours de la décision du juge
Mainville, d’examiner à nouveau l’affaire, et que c’était seulement si la
Commission décidait encore une fois de déférer à la procédure prévue par le
Code
canadien du travail
qu’il s’ensuivrait un renvoi en vertu de l’article
[15] Je ne suis pas disposé à admettre ces arguments. La décision du 2 décembre 2009 de la Commission ne comporte aucune réserve. L’enquêteur de la Commission a noté à juste titre que les parties souhaitaient attendre l’issue du contrôle judiciaire avant de poursuivre l’une ou l’autre instance, mais la Commission a statué que, si M me MacFarlane disposait d’un recours en vertu du Code canadien du travail , elle devrait exercer ce recours en premier. En revanche, si le juge Mainville devait conclure que M me MacFarlane ne disposait d’aucun recours en vertu du Code canadien du travail , la Commission indiquait que M me MacFarlane disposerait d’un délai de 30 jours pour faire réactiver sa plainte en matière de droits de la personne. La décision de la Commission n’indique nulle part que celle-ci suspendait l’affaire « sur consentement » ou qu’elle serait peut-être encline à revoir sa décision si M me MacFarlane disposait d’un recours en vertu du Code canadien du travail .
[16] En l’espèce, la Commission et M me MacFarlane ont fait ce qui était nécessaire pour que sa plainte soit renvoyée à l’arbitre, et ce dernier a eu tort de s’attendre à quoi que ce soit de plus avant de procéder à l’audition de l’affaire sur le fond.
[17] L’arbitre a refusé à deux occasions d’instruire la plainte de M me MacFarlane, et, dans les deux cas, la décision de l’arbitre a été jugée non fondée. En conséquence, le règlement de la plainte de M me MacFarlane a été indûment retardé. Dans ces circonstances, il est indiqué qu’un décideur différent tranche l’affaire sur le fond.
[18] M me MacFarlane a eu gain de cause dans le cadre de la présente demande, et, à titre de partie se représentant elle-même, elle a droit aux dépens pour être indemnisée dans une mesure raisonnable pour son travail et ses dépenses réelles. En conséquence, la défenderesse paiera à la demanderesse la somme de 950,00 $, débours compris.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire doit être renvoyée à un arbitre différent nommé en vertu du Code canadien du travail pour décision sur le fond.
LA COUR STATUE EN OUTRE que la défenderesse doit payer à la demanderesse des dépens de 950,00 $, débours compris.
« R. L. Barnes »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
Juriste-traducteur et traducteur-conseil
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1426-10
INTITULÉ : MACFARLANE c. DAY & ROSS INC.
LIEU DE L’AUDIENCE : Fredericton (N.-B.)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 14 février 2011
DATE DES MOTIFS : Le 29 mars 2011
COMPARUTIONS :
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POUR LA DEMANDERESSE (POUR SON PROPRE COMPTE)
|
Richard Charney
|
POUR LA DÉFENDERESSE
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Summerfield (N.-B.)
|
POUR LA DEMANDERESSE (POUR SON PROPRE COMPTE)
|
Ogilvy Renault s.e.n.c.r.l. Avocats Toronto (ON)
|
POUR LA DÉFENDERESSE
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