Lecompte c. Condominiums La Bourgade B

2011 QCCS 1735

 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

N° :

200-17-010017-085

 

 

 

DATE :

Le 22 mars 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE FRANÇOIS HUOT, J.C.S.

(JH 5330)

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JEAN LECOMPTE,

Et/

ANDRÉ GIRARD,

 

Demandeurs

c.

 

CONDOMINIUMS LA BOURGADE B & ALS,

           

            Défenderesses

 

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JUGEMENT

 

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[1]            Chantale Lapierre, Nicole Nadeau et Christine Grenier partageaient un même souhait:  celui d'écouler des jours paisibles comme propriétaires de condominiums dans un petit immeuble comprenant quatre unités.  Vivant seules, chacune d'elles comptait y trouver une atmosphère empreinte de sécurité et de sérénité.  Malheureusement, le demandeur Jean Lecompte, administrateur de la copropriété, ne l'entendait pas ainsi.

[2]            S'investissant d'une mission de "Grand Défenseur" de la copropriété, monsieur Lecompte en vint rapidement à exercer une gestion autoritaire, ne prenant en compte que sa seule opinion.

[3]            De façon tout à fait prévisible, Jean Lecompte est destitué de sa fonction d'administrateur en novembre 2007.  Cela ne l'empêche cependant pas de se livrer ensuite à une véritable guerre d'attrition aux dépens de la nouvelle administration.  Cette guérilla pratiquement quotidienne atteint son paroxysme avec le dépôt des présentes procédures, où le demandeur réclame principalement l'annulation de trois assemblées de copropriétaires, de même que celle de deux articles de la déclaration de copropriété.

[4]            Dans leur demande reconventionnelle, mesdames Lapierre, Nadeau et Grenier recherchent l'homologation d'une transaction qui serait intervenue entre les parties le 4 juin 2009, et la condamnation de Jean Lecompte à des dommages-intérêts.

I-      LES FAITS :

[5]            Des divers témoignages entendus et pièces déposées au procès, le Tribunal retient essentiellement les faits suivants.

[6]            Jean Lecompte, Chantale Lapierre, Nicole Nadeau et Christine Grenier demeurent dans un immeuble situé sur la rue A à Québec.

[7]            L'unité divise numéro 1666 de ce bâtiment est la propriété de Fiducie Jean Lecompte (ci-après "la Fiducie") et n'est habitée que par le demandeur Jean Lecompte.

[8]            Mesdames Lapierre, Nadeau et Grenier sont pour leur part propriétaires, de façon divise, des trois autres unités de l'immeuble portant les numéros civiques 1670, 1674 et 1678.

[9]            La Fiducie et ces trois défenderesses sont également proportionnellement propriétaires, de façon indivise, d'une partie du sous-sol de l'immeuble.

[10]         La défenderesse Condominiums La Bourgade B est, quant à elle, le syndicat représentant la collectivité des copropriétaires.

[11]         Conformément aux articles 1052 et suivants de Code civil du Québec, les parties sont assujetties à une déclaration de copropriété intervenue devant notaire le 1 er juillet 1989 [1] .

[12]         La Fiducie détient 32% des parts de l'immeuble, comparativement à 34% pour Christine Grenier et 17% pour chacune des deux autres défenderesses.

[13]         Fiducie Jean Lecompte acquiert son unité de condominium au cours de l'année 2000.

[14]         Nicole Nadeau achète la sienne en 1992.  Elle s'y installe dans l'espoir d'y mener une vie paisible, et y demeure depuis en compagnie de sa fille lourdement handicapée.

[15]         Chantale Lapierre devient propriétaire de l'unité 1670, située au-dessus de celle du demandeur Lecompte, en juillet 2005.  Elle choisit également cet endroit, où elle demeure seule, dans l'espoir d'y vivre en toute tranquillité.

[16]         Christine Grenier s'établit quant à elle au 1678 de la rue A en décembre 2005.  À cette époque, elle connaît déjà le demandeur Lecompte puisqu'elle le fréquente.  Elle précise avoir acheté ce condominium parce que monsieur Lecompte lui représentait que cette initiative s'inscrivait dans un projet de vie commune.

[17]         La copropriété Condominiums La Bourgade B est située à proximité de trois autres immeubles semblables, également détenus en copropriété divise.

[18]         Jusqu'à l'automne 2007, les copropriétaires de ces quatre habitations (alors appelées Bloc A, Bloc B, Bloc C et Bloc D) croient à tort ne former qu'une seule entité, soit "Condominiums La Bourgade inc.", et appartenir à un seul et même syndicat où siège un conseil d'administration composé d'un membre de chaque immeuble.

[19]         Du 21 juin 2004 au mois de novembre 2007, Jean Lecompte représente le syndicat des copropriétaires de "Condominiums La Bourgade B" à l'assemblée annuelle de "Condominiums La Bourgade inc.".

[20]         La gestion des quatre habitations s'effectue alors sans formalisme rigoureux, au meilleur des connaissances des personnes mandatées.

[21]         La dernière assemblée générale annuelle de Condominiums La Bourgade inc. se tient le 9 octobre 2007.  Les défenderesses Lapierre, Nadeau et Grenier y apprennent alors que chacun des blocs de Condominiums La Bourgade inc. forme une copropriété indépendante et autonome.

[22]         Lors de cette même réunion, des discussions houleuses opposent Jean Lecompte aux trois défenderesses.  Le demandeur va même jusqu'à insulter Nicole Nadeau et la menace, de même que mesdames Lapierre et Grenier, de poursuites judiciaires.

[23]         Lors d'une assemblée de Condominiums la Bourgade B tenue le 30 octobre 2007, les défenderesses tentent d'aborder avec le demandeur Lecompte certaines de leurs divergences de vue, notamment sur une pré-autorisation de dépenses de 10 000,00 $ pour la réfection du terrassement, l'entretien des fenêtres et des galeries.

[24]         Monsieur Lecompte leur déclare alors qu'à titre d'administrateur, il a tous les droits et n'a pas à consulter les autres copropriétaires.

[25]         Face à cette fermeture d'esprit, les défenderesses lui demandent de se retirer de ses fonctions.

[26]         Ne désirant pas elles-mêmes devenir administratrices, mesdames Grenier, Lapierre et Nadeau prient même un voisin présent à l'assemblée d'accepter ce poste.  Jean Lecompte et André Girard font alors savoir au candidat qu'en cas d'acceptation de sa part, ils épieraient chacune de ses initiatives.  Sans surprise, le voisin refuse le poste.

[27]         Insatisfaites de la gestion et de l'administration de Jean Lecompte, les défenderesses exigent la tenue d'une assemblée générale de Condominiums La Bourgade - Bloc B pour procéder à l'élection d'un nouvel administrateur pour l'année en cours.

[28]         Une demande écrite en ce sens est envoyée à monsieur Lecompte le 2 novembre 2007 [2] .

[29]         N'obtenant aucune réponse, les défenderesses convoquent une assemblée pour le 27 novembre 2007, conformément à l'article 82 de la déclaration de copropriété prévoyant que "si la demande de convocation d'un ou plusieurs copropriétaires prévue à l'article précédent demeure sans réponse pendant plus de 15 jours, ces derniers peuvent convoquer l'assemblée des copropriétaires par la signature des intéressés". [3]

[30]         Le 26 novembre, Jean Lecompte fait parvenir une note écrite [4] aux défenderesses les informant qu'il ne pourrait être présent à l'assemblée du lendemain.

[31]         Madame Grenier consulte alors un avocat qui lui confirme qu'elle est tout de même en droit de tenir la réunion du lendemain.

[32]         Le 27 novembre, l'assemblée se tient donc en présence des trois défenderesses, Jean Lecompte étant évidemment absent.  Les copropriétaires élisent Christine Grenier comme administratrice pour la fin de l'année 2007, de même que pour l'année 2008. [5]

[33]         Suite à son élection, madame Grenier procède au changement du nom de l'administrateur auprès du Registre des entreprises, et en avise monsieur Lecompte par la suite.

[34]         Dans un mémo qu'il transmet aux défenderesses le 6 février 2008, Jean Lecompte reconnaît l'élection de Christine Grenier au poste d'administratrice et lui offre "tout le support dont elle aura besoin dans sa tâche". [6]

[35]         Cette offre de collaboration ne l'empêche cependant pas de convoquer, 14 jours plus tard, une "assemblée spéciale d'urgence" pour le lendemain, 21 février, à 19h00. [7]

[36]         Pour justifier la tenue de cette dernière, Lecompte fait valoir, à l'occasion de son témoignage, la possibilité pour tout copropriétaire d'exiger la destitution d'un administrateur pour "faute grave".

[37]         Par courriel, la défenderesse Grenier répond au demandeur, le 21 février à 9h28 a.m., que pour convoquer une assemblée, il faut obligatoirement s'adresser à l'administrateur et procéder conformément aux règlements prévus à la déclaration de copropriété.  Elle lui annonce également son intention de tenir une assemblée annuelle au mois d'avril suivant. [8]

[38]         Lecompte confirme la réception du courriel.  Il tient tout de même, en présence d'un seul témoin, son assemblée "d'urgence" et s'autoproclame alors administrateur du syndicat.

[39]         Il décide ensuite de procéder à un nouveau changement de nom de l'administrateur auprès du Registre des entreprises.

[40]         Toujours à la même époque, Jean Lecompte fait parvenir plusieurs communications écrites aux défenderesses, demandant à ces dernières de prendre diverses initiatives d'importance secondaire.  Il harcèle Christine Grenier en communiquant quotidiennement avec elle par courriel ou par téléphone.  Parfois, il va même jusqu'à la contacter plusieurs fois par jour.  Il s'adresse fréquemment à cette dame sur un ton manquant à la fois de courtoisie et de diplomatie.

[41]         Monsieur Lecompte fait parvenir au syndicat un compte d'honoraires d'avocat (Me Jean-François Gendron) dont il avait retenu les services pour fins de consultation le 7 novembre 2009.  Madame Grenier refuse d'acquitter la note, les services de Me Gendron n'ayant pas été sollicités par le syndicat.  Le demandeur reconnaît d'ailleurs que la facture 110, déposée comme pièce D-27, couvre des services professionnels lui ayant été prodigués du 3 décembre et 21 décembre 2007.

[42]         Monsieur Lecompte informera éventuellement les défenderesses que le syndicat fait l'objet d'une poursuite de la part de Me Gendron.  Il s'abstiendra cependant de leur exhiber la requête introductive d'instance, de sorte que personne ne se portera à la défense du syndicat.

[43]         Cet épisode se solde en mai 2008 par un jugement de la Cour des petites créances condamnant le syndicat à rembourser les honoraires professionnels de l'avocat concerné.

[44]         Malgré l'attitude de monsieur Lecompte, Christine Grenier continue de se comporter en administratrice.  Elle convoque notamment une assemblée générale pour le 7 mai 2008.

[45]         À l'ordre du jour figurent notamment les états financiers, de même que les budgets prévisionnels et travaux à accomplir.

[46]         Faisant suite à une proposition qu'avait lui-même formulée antérieurement le demandeur Jean Lecompte, il est décidé de ramener l'année financière du 1 er avril au 31 mars.

[47]         Au cours de cette même assemblée, les défenderesses Christine Grenier, Nicole Nadeau et Chantale Lapierre sont respectivement élues aux postes de présidente, secrétaire et trésorière du conseil d'administration.

[48]         Jean Lecompte est présent lors de cette assemblée.  À sa demande, des points supplémentaires sont ajoutés à l'ordre du jour, mais le demandeur insiste néanmoins pour discuter de sujets n'y figurant pas.  Après s'être exprimé sur divers sujets, il se perd finalement en remarques empreintes d'intimidation.  Les défenderesses décident alors de clore l'assemblée.

[49]         Au procès-verbal, on retrouve les remarques suivantes au chapitre de la "Levée de l'assemblée":

" 10. Levée de l'assemblée:

 Étant donné les interventions nombreuses et non appropriées de Jean Lecompte et la situation plutôt chaotique de la réunion, Christine Grenier propose la levée de l'assemblée.  Acceptée." [9]

[50]         Après avoir réalisé que l'élection de trois personnes au conseil d'administration n'était pas conforme à la déclaration de copropriété qui prévoit spécifiquement la nomination d'un seul administrateur au conseil [10] , madame Grenier convoque une assemblée spéciale pour le 16 juin 2008.

[51]         Seules Chantale Lapierre, Nicole Nadeau et Christine Grenier assistent à cette réunion n'ayant pour but que de corriger l'irrégularité commise le 7 mai précédent.  Madame Grenier est alors à nouveau confirmée dans son rôle d'administratrice du conseil. [11]

[52]         Christine Grenier convoque le jour même tous les copropriétaires à une autre assemblée spéciale prévue pour le 25 juin 2008.  Celle-ci se veut une prolongation de celle tenue le 7 mai, qui avait été interrompue en raison du comportement intempestif de monsieur Lecompte.  Les copropriétaires n'avaient alors pas eu l'opportunité de traiter des états financiers et prévisions budgétaires.  Ces sujets figurent donc à l'ordre du jour de l'assemblée du 25 juin.

[53]         André Girard se présente à cette assemblée, muni d'une procuration signée du demandeur Lecompte. [12]

[54]         L'administratrice n'avait pourtant pas été avisée au préalable que Lecompte entendait se faire représenter par monsieur Girard.

[55]         Les défenderesses s'objectent à ce que le demandeur Girard assiste à la réunion, invoquant l'article 87 de la déclaration de copropriété.  Monsieur Girard n'étant pas lui-même copropriétaire, les défenderesses l'invitent à quitter les lieux.  André Girard obtempère sans offrir de représentations supplémentaires.

[56]         Lors de l'assemblée, madame Grenier présente les états financiers pour la période comprise entre le 1 er juillet  2007 et le 30 juin 2008, de même que les prévisions budgétaires pour celle s'échelonnant du 1 er avril 2008 au 31 mars 2009.

[57]         Suite au dépôt des présentes procédures en juillet 2008, Condominiums La Bourgade B, de même que mesdames Lapierre, Nadeau et Grenier retiennent les services d'une firme d'avocats.

[58]         Les demandeurs admettent que les frais suivants ont été engagés par la défenderesse Condominiums La Bourgade B dans le cadre du présent litige:

a)  Honoraires et déboursés extrajudiciaires de ses procureurs pour la défense de ses droits, les conseils nécessaires lors de la réception des différentes lettres du demandeur, démarches relativement à l'avis d'hypothèque légale et aux négociations:  45 091,82 $;

b)  Frais de correction des informations au Registre des entreprises, suite aux modifications faites par le demandeur au printemps 2008:  18,06 $;

c)  Frais du Palais de justice suite au jugement obtenu contre le syndicat par l'avocat engagé par le demandeur:  63,00 $;

d)  Frais de courrier recommandé:  10,07 $;

e)  Frais de la Banque Laurentienne:  180,00 $;

f)  Frais de stationnement au Palais de justice:  11,00 $;

g)  Frais de sténographe:  829,63 $;

[59]         Les honoraires professionnels et déboursés des avocats des défenderesses, pour la période comprise entre le 8 juillet 2008 et le 26 février 2010, se chiffrent à 49 744,53 $.  Une fois déduits les honoraires relatifs à la préparation de la demande reconventionnelle et aux services professionnels prodigués au bénéfice personnel de madame Chantale Lapierre, le total des honoraires et déboursés des procureurs s'élèvent à 46 203,58 $. [13]   Les demandeurs admettent que cette somme a bien été dépensée au bénéfice du syndicat.  Ils contestent néanmoins le bien-fondé de cette réclamation.

[60]         À l'heure actuelle, un solde de 24 456,21 $ demeure impayé.

[61]         Les défenderesses ont dû fournir au syndicat des avances personnelles pour acquitter les frais déjà encourus.  Les avances de la défenderesse Grenier sont de 13 600,00 $, tandis que celles des copropriétaires Lapierre et Nadeau totalisent chacune 6 800,00 $.

[62]         Ces frais professionnels, de même que certaines réparations à la toiture de l'immeuble, ont tôt fait de vider le compte de provisions du syndicat.  Des cotisations spéciales ont dû être prélevées pour corriger un urgent problème de pente négative sur le terrain de la copropriété.

[63]         Le 4 juin 2009, une séance de négociations se déroule au bureau du procureur des défenderesses.  Celles-ci soutiennent qu'une transaction serait alors intervenue, mais que le demandeur Lecompte aurait par la suite fait défaut de signer l'écrit constatant l'entente.  Lecompte nie, quant à lui, l'existence même de la transaction alléguée.

[64]         Le 29 août 2009, une cotisation spéciale de 40 000,00 $ est votée lors d'une assemblée des copropriétaires, pour couvrir les frais d'honoraires d'avocats dans la présente affaire.  Jusqu'à présent, les trois défenderesses ont contribué à ce fonds en proportion de leur quote-part, mais Jean Lecompte refuse de le faire.

 

II-   LA CRÉDIBILITÉ DES TÉMOIGNAGES :

           A)  LES TÉMOINS DE LA PARTIE DEMANDERESSE:

                  i)   Jean Lecompte :

[65]         Le témoignage de monsieur Lecompte s'est échelonné sur près d'une journée.  Le Tribunal a pu observer à sa guise le comportement et le langage non-verbal du demandeur, tant en interrogatoire principal qu'en contre-interrogatoire.

[66]         Monsieur Lecompte possède manifestement une très haute opinion de lui-même.  Il mentionne être comptable agréé et avoir été directeur-général adjoint de la Ville de Charlesbourg.  Depuis l'âge de 35 ans, il travaille à son compte dans le domaine de l'immobilier et du loisir.  Il déclare également posséder plusieurs compagnies à numéro pour lesquelles il est actionnaire.

[67]         Le contre-interrogatoire révèle que Monsieur Lecompte est actionnaire d'une compagnie opérant des jeux de "tag-ball".  Son expérience dans le domaine immobilier se limite à la location d'un immeuble, puis à l'achat d'un autre.  De plus, le demandeur n'est pas comptable agréé, mais plutôt comptable en management.  Il n'a cependant plus son permis d'exercice depuis quatre ans en raison de ce qu'il allègue être "des divergences de vue" avec sa corporation professionnelle.

[68]         L'infatuation et le sentiment de n'avoir de compte à rendre à personne caractérisent l'ensemble de son discours.

[69]         Jean Lecompte reconnaît avoir engagé de son propre chef, à l'automne 2007, un inspecteur en bâtiment pour la mise sur pied d'un cahier de maintenance.  Il ajoute que c'est le droit et le devoir d'un administrateur de procéder ainsi.  Il déclare qu'il n'avait pas à discuter de l'à-propos d'une telle consultation avec les défenderesses.  Il répète " ad nauseam " que c'est le droit et le devoir d'un administrateur d'agir sans consultation.

[70]         Ne laissant rien au hasard, il ajoute que, de toute façon, il lui était très difficile d'entrer en contact avec les trois autres copropriétaires.  Il va même jusqu'à affirmer qu'il était impossible de leur adresser la parole et que le seul moyen de communiquer avec elles était par écrit.

[71]         Sa décision d'avoir recours aux services de l'avocat Gendron n'a pas davantage fait l'objet de consultation auprès des défenderesses.  Il insiste sur le fait que les autres copropriétaires n'avaient pas un mot à dire relativement à l'exercice de sa tâche d'administrateur.

[72]         Monsieur Lecompte s'autorise ensuite à instruire le Tribunal sur l'état du droit.  Il soutient que le nouveau Code civil du Québec accorde beaucoup plus de pouvoirs à l'administrateur.  Il ajoute que toutes les décisions ne relèvent que de ce dernier, à l'exception de celles mentionnées à l'article 1097 C.c.Q.  Si les copropriétaires sont insatisfaits de la gestion exercée par l'administrateur, ils n'ont qu'à en élire un autre à l'expiration du terme d'un an prévu par la Loi.

[73]         En contre-interrogatoire, Jean Lecompte pousse l'outrecuidance jusqu'à qualifier de "stupide" une question du procureur des défenderesses.

[74]         Le demandeur n'hésite pas à se poser en "victime" de la situation.  Il dénonce l'attitude des trois défenderesses qui ne considèrent, selon son analyse, que leur intérêt personnel, au détriment de celui du syndicat.

[75]         S'il était absent des assemblées des 16 et 25 juin 2008, c'était dit-il pour éviter de faire l'objet d'attaques personnelles.  Pour cette même raison, il a choisi de se faire représenter par son ami André Girard lors de la réunion du 25 juin.

[76]         Monsieur Lecompte déforme parfois la réalité en témoignant.  À titre d'exemple, il argue, lorsque questionné relativement à l'assemblée du 21 février 2008, que cette dernière était nécessaire en raison de l'"urgence" de la situation.  Le demandeur soutient qu'il n'y avait plus d'administration efficace du syndicat et que les cotisations des copropriétaires n'avaient pas été payées.  La preuve entendue démontre pourtant le contraire.

[77]         Le demandeur ajoute qu'il lui était impossible de contacter l'administratrice.  Il doit cependant admettre que ses tentatives de communication avec cette dernière en février se sont limitées à une lettre et un mémo, datés respectivement du 4 et du 21 février 2008.  Il appert incidemment que le mémo ne fut reçu par Christine Grenier que le 22 février.  En aucun temps Jean Lecompte n'a-t-il tenté de rejoindre cette dernière par voie téléphonique.

[78]         Le demandeur a, à plusieurs reprises au cours de son témoignage, fait montre de mauvaise foi comme le démontrent notamment les exemples suivants.

[79]         Monsieur Lecompte admet avoir reçu signification, le 9 février 2008, d'un subpoena pour être interrogé au préalable le 20 février suivant, à 9h30.  Il fait à son tour signifier aux défenderesses une requête pour annulation du subpoena, présentable le même jour, en salle 3.14 du Palais de justice de Québec.  Il ne s'y présente toutefois pas, faisant plutôt parvenir au procureur des défenderesses, à 16h37, une télécopie [14] indiquant qu'il était en salle 1.24 le jour même, à 9h30, tel que stipulé au subpoena.  Lorsqu'on lui demande s'il avait l'intention de se soumettre à l'interrogatoire au préalable ou de présenter sa requête en cassation de subpoena, Lecompte répond: "Je ne sais pas… je ne suis pas un avocat… j'essayais de minimiser les pots cassés.  Je voulais que ça se règle le plus vite possible."

[80]         Me Labbé demande à monsieur Lecompte s'il reconnaît lui avoir dit, le 26 novembre 2008, qu'il n'était pas pressé de demander la tenue d'une conférence à l'amiable, car plus les procédures duraient longtemps, plus les frais seraient élevés.  Le demandeur nie d'abord avoir tenu de tels propos.  Il se lance ensuite dans une explication alambiquée où il finit par conclure: "Je n'ai pas dit ça, et si j'ai dit ça, ce n'est pas ce que je voulais dire.  Je croyais que le procureur des défenderesses était là pour trouver une solution…".  Par la suite, il admet cependant avoir écrit au procureur des défenderesses qu'il ne souhaitait pas négocier le contenu de la Loi, mais en obtenir l'application.

[81]         Monsieur Lecompte convient également avoir affirmé, en février 2009, que les présentes procédures n'étaient que la pointe de l'iceberg et qu'il intenterait éventuellement d'autres recours contre les défenderesses.  Il ajoute qu'un tel scénario est inévitable en raison de l'incompétence des "gens en place" et de l'animosité personnelle caractérisant ses relations avec les autres copropriétaires.

[82]         Monsieur Lecompte tourne par ailleurs en dérision les prétentions de Christine Grenier selon lesquelles cette dernière aurait fait l'objet "d'harcèlement téléphonique" de sa part.  Il qualifie ces propos d'affirmations gratuites et ajoute s'estimer chanceux de ne pas avoir été accusé de menaces.

[83]         Dévoilant commercialiser un système de téléphonie qu'il utilise lui-même à son domicile, monsieur Lecompte déclare avoir répertorié une liste des appels téléphoniques qu'il aurait logés à madame Grenier. Il dépose cette dernière comme pièce P-15.  Le contre-interrogatoire fait cependant ressortir qu'il lui était possible de supprimer autant d'appels qu'il voulait avant de procéder à l'impression de la liste.  Lecompte doit également admettre qu'il pouvait effectuer des appels aux défenderesses à partir de son téléphone cellulaire ou de son téléphone commercial.

[84]         Le Tribunal n'accorde en conséquence pas de crédibilité à la version offerte par Jean Lecompte.  Dans sa narration des faits, celui-ci n'a cherché qu'à présenter une image avantageuse de lui-même, tout en essayant de déconsidérer celle des défenderesses.  Son absence d'objectivité, de nuance et de pondération convainc le soussigné que ce témoin n'est pas digne de foi.

                  ii)  André Girard :

[85]         Monsieur Girard est un ami personnel de Jean Lecompte depuis 1967, et fiduciaire de la Fiducie Jean Lecompte depuis le 22 juin 2009. [15]

[86]         Son témoignage, très bref, ne porte essentiellement que sur les événements du 25 juin 2008.  Rien ne permet au Tribunal de remettre en question la crédibilité de ce témoin.

 

           B)  LES TÉMOINS DE LA PARTIE DÉFENDERESSE:

[87]         Les témoignages offerts par mesdames Grenier, Lapierre et Nadeau sont tout à fait crédibles aux yeux du Tribunal.  Quant au fond, leurs versions sont convergentes pour l'essentiel.  Quant à la forme, leurs explications étaient à la fois précises, détaillées et mesurées.

[88]         Contrairement au demandeur Lecompte, les défenderesses n'ont jamais tenté d'esquiver quelque question que ce soit en contre-interrogatoire.  Jamais n'ont-elles tenté de "noyer le poisson" par une rhétorique qui ne convainc point.  Mesdames Grenier, Lapierre et Nadeau se sont simplement contentées de relater, honnêtement et au meilleur de leurs souvenirs, les événements dont elles ont été témoins dans la présente affaire.  Malgré la retenue dont elles ont su faire preuve, une certaine émotion témoignait du caractère véridique de leurs propos.  Ceci fut plus particulièrement vrai lors des témoignages de mesdames Lapierre et Grenier.

III-    L'ACTION PRINCIPALE :

[89]         Par leur recours, les demandeurs réclament l'annulation des assemblées de copropriétaires tenues les 7 mai, 16 et 25 juin 2008.  Ils demandent également au Tribunal d'annuler les articles 84 et 87 de la déclaration de copropriété du 1 er juin 1989 (pièce P-1), de déclarer que la consultation sur le budget n'a pas été valablement tenue, de même que l'annulation des avis de cotisations.

           A)  PRÉTENTIONS DES PARTIES:

                  i)   Les demandeurs :

[90]         Les demandeurs plaident qu'aucune des assemblées tenues les 7 mai, 16 et 25 juin 2008 n'a été valablement convoquée.  Le délai prévu à l'article 84 de la déclaration de copropriété est devenu invalide et illégal depuis l'entrée en vigueur du Code civil du Québec , le 1 er janvier 1994.  Aucun avis de convocation n'a été transmis aux demandeurs avant le délai minimum de 10 jours devant maintenant précéder la tenue de telles assemblées.

[91]         Jean Lecompte était présent lors de la réunion du 7 mai 2008.  Il a vainement tenté de s'opposer à sa tenue en dénonçant son caractère illégal.  Malgré ses objections, les défenderesses ont adopté un changement d'année financière et se sont immédiatement déclarées en assemblée annuelle.  Elles ont proposé, en contravention avec l'article 33 du règlement de la copropriété, que le conseil d'administration soit formé de trois membres, puis se sont élues à ces postes.  Cette résolution et cette élection doivent être invalidées, de même que toute autre résolution prise par les copropriétaires lors de cette même assemblée.

[92]         L'assemblée du 16 juin 2008 devrait également être annulée.  Ne souhaitant plus assister personnellement aux assemblées de copropriétaires, Jean Lecompte fut dans l'impossibilité de désigner un représentant dans le délai lui ayant été imparti.  Il fut donc dans l'impossibilité de s'exprimer, par mandataire, sur les divers points du procès-verbal de la réunion précédente.

[93]         La réunion tenue le 25 juin 2008 devrait également être déclarée nulle au motif que les défenderesses ont refusé de donner effet à la procuration de monsieur Girard.  L'article 87 de la déclaration de copropriété doit, de l'avis des demandeurs, être déclaré nul et illégal puisqu'il constitue une restriction injustifiée du droit fondamental et absolu d'être représenté par la personne de son choix.  Cette limitation est également invalide en regard des nouvelles dispositions du Code civil du Québec.

[94]         Les demandeurs soutiennent également que Christine Grenier a produit des rapports financiers incomplets, non conformes aux "standards légaux impératifs".  Lecompte plaide avoir été ainsi privé de son droit absolu et fondamental à l'information et de son pouvoir consultatif, de sorte que les défenderesses "se sont privées d'un éclairage dont elles auraient pu bénéficier".  Les demandeurs prient donc le Tribunal de déclarer que la consultation sur le budget, impérative en droit, n'a pas été valablement tenue.

[95]         Finalement, les demandeurs soumettent qu'en raison de ce qui précède, l'administratrice n'a pas établi les contributions selon les règles de droit applicable et qu'en conséquence, les "avis de cotisations" doivent être déclarés "invalides, nuls et non avenus".

                  ii)  Les défenderesses :

[96]         Les défenderesses n'ont pas d'objection à ce que la déclaration de copropriété prévoit, à compter du présent jugement, un délai de 10 jours pour la convocation des assemblées générales annuelles régulières.  Elles nient cependant que la validité des convocations d'assemblées entreprises ait été entachée, les prescriptions de l'actuel article 84 du règlement ayant été respectées.

[97]         Relativement à l'assemblée du 7 mai 2008, les défenderesses plaident que l'avis de convocation fut remis au demandeur Jean Lecompte le 22 avril 2008, soit 16 jours avant la tenue de l'assemblée.  Les gestes posés par les défenderesses lors de cette dernière étaient dans l'intérêt du syndicat et n'étaient en aucune façon animés d'une intention de nuire aux demandeurs.

[98]         L'avis de convocation pour l'assemblée spéciale du 16 juin 2008 fut quant à lui transmis à Jean Lecompte sept jours avant la tenue de cette réunion.  Celle-ci fut convoquée par l'administratrice  Grenier qui était habilitée pour ce faire.  Ici encore, l'article 84 du règlement a été respecté. Qui plus est, ce délai était amplement suffisant pour permettre à monsieur Lecompte d'être présent à l'assemblée et de soumettre, dans les cinq jours précédant cette dernière, les sujets additionnels qu'il aurait pu vouloir aborder.

[99]         L'avis de convocation pour l'assemblée spéciale du 25 juin 2008 fut communiqué au demandeur Jean Lecompte le 17 juin 2008, soit huit jours avant la tenue de l'assemblée.  Ce délai était également suffisant pour permettre à Lecompte d'être présent à l'assemblée et soumettre, cinq jours à l'avance, les sujets qu'il souhaitait porter à l'ordre du jour.  La décision des défenderesses de ne pas donner suite à la procuration de monsieur Girard fut prise de bonne foi, sans intention de nuire, conformément aux prescriptions de l'article 87 de la déclaration de copropriété.  Pour l'avenir, elles consentent à ce que le règlement soit modifié de manière à permettre à un copropriétaire de nommer le mandataire de son choix.

[100]      Lorsqu'il était lui-même administrateur, Jean Lecompte ne s'est jamais conformé aux standards qu'il invoque.  Il n'a jamais produit de bilans annuels, états des résultats, états des dettes et créances et budgets prévisionnels, tels que requis par l'article 1087 du Code civil du Québec.   Ni lui ni les autres copropriétaires n'avaient de connaissance spécifique dans le domaine de la copropriété.

[101]      D'autre part, le demandeur a toujours refusé de remettre à madame Grenier les documents qu'il avait relativement à la gestion et à l'administration de la copropriété.  Ces documents sont toujours en sa possession à l'heure actuelle.  Dans ces circonstances, il était impossible pour la défenderesse Christine Grenier de produire des rapports détaillés relativement à l'exercice écoulé ainsi que l'état des dettes et créances.

           B)  ANALYSE:

                  i)   La validité des convocations d'assemblée :

[102]      Le règlement de l'immeuble prévoit les règles relatives au fonctionnement et à l'administration de la copropriété, ce qui inclut des dispositions organisant et régissant le conseil d'administration et l'assemblée des copropriétaires. [16]

[103]      L'article 84 de la déclaration de copropriété stipule ce qui suit:

"ARTICLE 84.  L'avis de convocation devra contenir l'indication du lieu, la date et l'heure de la réunion ainsi que l'ordre du jour.  Il est adressé par courrier ordinaire ou délivré aux portes des unités exclusives au moins trois (3) jours avant la date de l'assemblée, sauf au cas d'urgence où l'avis peut être donné vingt-quatre (24) heures avant l'assemblée.  Toutefois, si tous les copropriétaires sont présents ou représentés, l'assemblée est tenue valablement sans convocation préalablement faite dans les forme et délai ci-dessus.  Aussi la signature du procès-verbal par tous les copropriétaires présents ou représentés de la copropriété fait foi de la tenue de l'assemblée."

[104]      L'avis de convocation de l'assemblée du 7 mai 2008 date du 22 avril précédent et a été transmis au demandeur le même jour par mesdames Lapierre et Nadeau. [17]

[105]      Les avis pour les assemblées des 16 et 25 juin ont quant à eux été communiqués à Jean Lecompte dans des délais de sept et huit jours avant la tenue des réunions.  Madame Grenier justifie cette "irrégularité" du fait que ces assemblées n'étaient qu'une prolongation de celle tenue le 7 mai et qu'il y avait urgence.  Un préavis de 24 heures aurait en conséquence été suffisant conformément aux termes de l'article 84 du règlement.

[106]      En contestant la validité des convocations d'assemblées tenues les 7 mai, 16 et 25 juin 2008, les demandeurs réfèrent implicitement à l'article 346 C.c.Q., lequel précise que l'avis de convocation "est envoyé à chacun des membres habiles à y assister, au moins 10 jours, mais pas plus de 45 jours, avant l'assemblée".

[107]      Cette prétention fait abstraction du caractère supplétif de cette disposition législative.

[108]      Le chapitre II du cinquième titre du Code civil du Québec s'applique à toute personne morale formée selon le Code, telles que les sociétés en commandite et les syndicats de copropriétaires.  Ce même chapitre débute par l'article 334 C.c.Q. qui énonce ce qui suit:

" Art. 334  Les personnes morales qui empruntent une forme juridique régie par un autre titre de ce code sont soumises aux règles du présent chapitre;  il en est de même de toute autre personne morale, si la loi qui la constitue ou qui lui est applicable le prévoit ou si cette loi n'indique aucun autre régime de fonctionnement, de dissolution ou de liquidation.

Elles peuvent, cependant, dans leurs règlements, déroger aux règles établies pour leur fonctionnement, à condition, toutefois, que les droits des membres soient préservés".

[109]      Ainsi, sous réserve de la préservation des droits des membres, le second aliéna confirme le caractère supplétif des règles traitant du fonctionnement des personnes morales.  Celles relatives à leur dissolution et liquidation demeurent cependant impératives.

[110]      En l'espèce, les copropriétaires ont choisi par règlement de fixer le délai de l'avis de convocation à "au moins trois (3) jours avant la date de l'assemblée".  L'entrée en vigueur de l'article 346 C.c.Q. en janvier 1994 n'a aucunement invalidé l'article 84.

[111]      Chacun des avis de convocation ayant été communiqué au demandeur Lecompte dans le délai imparti, le Tribunal conclut que ces trois convocations sont parfaitement valides.

[112]      Quoi qu'il en soit, la preuve révèle qu'après avoir pris connaissance du contenu d'un ouvrage portant sur la gestion des syndicats au cours de l'hiver 2008, les défenderesses avaient dès lors accepté d'observer pour le futur un délai de 10 jours pour l'avis de convocation.

[113]      Prenant acte du consentement des défenderesses à ce qu'un tel délai soit dorénavant prévu pour la convocation des assemblées générales annuelles, le Tribunal prononcera une conclusion en ce sens.

                  ii)  L'assemblée du 7 mai 2008 :

[114]      L'article 33 de la déclaration de copropriété fixe à "un" le nombre d'administrateur du syndicat de Condominiums La Bourgade B.  La proposition des défenderesses de former un conseil d'administration de trois (3) membres allait donc manifestement à l'encontre d'une disposition expresse du règlement de la copropriété et était, de ce fait, invalide.

[115]      Ce constat n'emporte cependant aucune conséquence sur la légalité des autres résolutions ayant été adoptées lors de cette même assemblée, incluant celle relative au changement de l'année financière.

[116]      La prétention des demandeurs, selon qui cette démarche de modification et d'élection des trois défenderesses à trois postes d'administratrices n'était qu'un subterfuge malhabile et illégal pour évincer Jean Lecompte de sa fonction d'administrateur et le léser, est dépourvue de fondement.

[117]      Lecompte n'était plus administrateur depuis le 27 novembre 2007.  Sa tentative avortée de "putsch" du 21 février 2008 n'a rien changé à cet état de faits.  Cette "assemblée spéciale" ne fut convoquée que le 20 février 2008, soit nettement en deça du délai prévu à l'article 84 de la déclaration de copropriété.  Le demandeur Lecompte fut, devant le Tribunal, incapable de faire la démonstration d'une quelconque urgence qui aurait pu le justifier d'agir dans un délai de 24 heures.  La preuve révèle que madame Grenier n'a jamais cessé d'exercer ses fonctions d'administratrice au cours du printemps 2008.

[118]      Dans l'exercice de ses fonctions, l'administrateur doit respecter les obligations que la loi, l'acte constitutif et les règlements lui imposent et agir dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés. [18]   Il doit également agir avec prudence et diligence. [19]

[119]      Le Tribunal croit les défenderesses lorsqu'elles affirment qu'elles ont dû mettre fin à l'assemblée du 7 mai de façon hâtive en raison des comportements perturbateurs du demandeur Lecompte.  L'attitude du principal concerné au cours du procès ne laisse planer, dans l'esprit du Tribunal, aucun doute à cet égard.  L'argument des demandeurs selon lequel la conduite de madame Grenier aurait été "abusive et outrageante" est donc rejeté.

[120]      Le premier alinéa de l'article 1103 C.c.Q. permet à un copropriétaire de demander, sous réserve de certaines conditions, l'annulation d'une décision prise en assemblée:

" Art. 1103  Tout copropriétaire peut demander au Tribunal d'annuler une décision de l'assemblée si elle est partiale, si elle a été prise dans l'intention de nuire aux copropriétaires ou au mépris de leurs droits, ou encore si une erreur s'est produite dans le calcul des voix".

[121]      Il n'appartient pas aux tribunaux d'apprécier l'opportunité des décisions prises par un syndicat de copropriétaires, mais plutôt d'en déterminer la légalité.  La Cour n'a pas à substituer son appréciation à celle de la majorité des copropriétaires.

[122]      En l'espèce, l'erreur commise par les co-défenderesses quant au nombre de postes disponibles au conseil d'administration fut corrigée lors de l'assemblée du 16 juin.

[123]      Le Tribunal estime cependant qu'on ne lui a pas fait la démonstration qu'une telle irrégularité avait été commise de mauvaise foi.  Cette erreur origine plutôt d'une méprise ou méconnaissance par les défenderesses des règles édictées dans la déclaration de copropriété. [20]

[124]      Il n'existe aucune preuve que l'une ou l'autre des décisions prises lors de cette même assemblée ait été partiale ou adoptée dans l'intention de nuire aux demandeurs, ou au mépris de leurs droits.

[125]      Compte tenu que l'erreur fut ultérieurement corrigée et qu'il est en preuve que la position des défenderesses demeurerait inchangée, sauf quant à la question du nombre d'administrateurs, dans l'éventualité où l'assemblée du 7 mai 2008 serait reprise, le Tribunal considère qu'il n'est pas dans l'intérêt des parties d'ordonner l'annulation de cette dernière. Ceci aurait pour effet d'entraîner encore davantage de torts et d'inconvénients à tous et chacun des copropriétaires. [21]

 

 

                  iii)  L'assemblée du 16 juin 2008 :

[126]      Cette assemblée n'avait pour objectif que de corriger la résolution adoptée le 7 mai 2008 en regard du nombre d'administrateurs et l'élection de mesdames Grenier, Lapierre et Nadeau comme gérantes du syndicat.

[127]      Le procureur des demandeurs plaide que Jean Lecompte ne pouvait être présent à cette assemblée et, qu'au surplus, il ne désirait plus assister personnellement aux réunions de copropriétaires, souhaitant plutôt se faire représenter par mandataire pour la protection de ses droits.  Dans le délai imparti, il lui aurait été impossible de désigner ce représentant, monsieur Girard n'étant pas disponible pour l'occasion.

[128]      Cette prétention n'est aucunement étayée par la preuve.

[129]      Dans son témoignage, André Girard ne réfère aucunement à l'assemblée du 16 juin ou au fait qu'il lui aurait été impossible d'assister à cette dernière.  Jean Lecompte n'est guère plus loquace sur le sujet.

[130]      Quoi qu'il en soit, il n'existe à nouveau dans ce cas-ci aucune indication que la décision de corriger l'irrégularité commise le 7 mai ait été prise avec une quelconque intention de partialité ou de nuire au demandeur Jean Lecompte, ou ait été adoptée au mépris des droits de ce dernier.

[131]      La preuve révèle au surplus que dans l'éventualité où le Tribunal ordonnerait une reprise de la réunion du 16 juin 2008, la position des défenderesses demeurerait identique de sorte que madame Grenier serait à nouveau nommée administratrice du syndicat.

                  iv)  L'assemblée du 25 juin 2008 :

[132]      L'article 87 de la déclaration de copropriété prévoit, pour tout copropriétaire, la possibilité de nommer un mandataire selon les modalités suivantes:

"ARTICLE 87: Tout copropriétaire peut se nommer un mandataire choisi parmi les copropriétaires au moyen d'une procuration écrite remise à l'administrateur avant l'assemblée.  Le créancier hypothécaire d'une fraction peut être désigné dans une telle procuration." [22] (Nos soulignements)

[133]      Jean Lecompte plaide que cet article représente "une restriction injustifiée du droit fondamental et absolu d'être représenté par la personne de son choix" et est devenu invalide suite à l'entrée en vigueur du nouveau Code civil du Québec.

[134]      Bien qu'il n'y réfère pas expressément, on comprend que le demandeur base son argumentation sur le libellé de l'article 350 C.c.Q.:

" Art. 350  Un membre peut se faire représenter à une assemblée s'il donne un mandat écrit à cet effet."

[135]      Étant également partie du chapitre II du titre V du Code civil du Québec, l'article 350 revêt un caractère supplétif par l'effet de l'article 334 C.c.Q.  Il est donc possible pour un syndicat de déroger à cette règle, à condition que les droits des membres soient préservés.

[136]      Peut-on conclure que la décision des défenderesses de respecter intégralement les prescriptions de l'article 87 du règlement a, dans les faits, compromis les droits du demandeur Jean Lecompte?  Le Tribunal ne le croit pas.

[137]      Jean Lecompte soutient qu'en raison de la situation conflictuelle qui prévalait entre les parties, et sa grande préoccupation pour la gestion du syndicat, il a voulu désigner à sa place monsieur André Girard pour participer à cette assemblée.

[138]      La "situation conflictuelle" à laquelle réfère Lecompte n'origine pourtant que de ses seuls comportements belliqueux et méprisants à l'égard des défenderesses.  Tel que déjà mentionné, monsieur Lecompte avait reçu un avis de convocation en bonne et due forme pour l'assemblée du 7 mai et s'y était présenté en affichant la même attitude vindicative et condescendante qui l'avait caractérisé au cours des mois précédents.  Ses interventions itératives avaient d'ailleurs nécessité une levée hâtive de l'assemblée, sans qu'il ne soit possible de traiter de tous les points à l'ordre du jour.  Ceci explique la tenue d'une nouvelle assemblée le 25 juin suivant.

[139]      Il est par ailleurs révélateur de constater que madame Grenier ne fut jamais préalablement avisée que le demandeur souhaitait être représenté par monsieur Girard lors de cette réunion.

[140]      La preuve démontre également qu'une annulation de l'assemblée du 25 juin 2008 par le Tribunal n'entraînerait aucun changement quant à la position et au vote des défenderesses pour chacun des points figurant à l'ordre du jour, ce qui inclut les états financiers pour l'année 2007-2008, les prévisions budgétaires pour l'année 2008-2009 et l'établissement des frais communs.  L'opposition de monsieur Lecompte ou de son mandataire n'engendrerait aucun effet sur le sort des résolutions déjà adoptées.

[141]      À nouveau, le Tribunal prend acte du consentement des défenderesses à ce que l'article 87 du règlement soit modifié de manière à permettre à un copropriétaire de désigner le mandataire de son choix, et prononcera une conclusion à cet effet.

                  v)   La consultation sur le budget :

[142]      L'argument selon lequel le Tribunal devrait conclure que la consultation sur le budget n'a pas été valablement tenue en raison du fait que madame Grenier aurait produit des rapports financiers incomplets et non conformes aux "standards légaux impératifs" est pour le moins étonnant.

[143]      Les états financiers et les prévisions budgétaires ont été préparés par les défenderesses Grenier et Lapierre, à l'aide de bordereaux de dépôts.  Suite à l'assemblée du 27 novembre 2007, monsieur Lecompte avait pourtant promis à Christine Grenier de lui remettre les documents du syndicat, engagement qui ne fut jamais respecté.  Au contraire, Lecompte avisa même madame Grenier par la suite qu'il lui faudrait se déplacer à son domicile pour qu'elle puisse y consulter ces documents.  En date du procès, la défenderesse Grenier n'avait toujours pas reçu la transmission de ces derniers.

[144]      Étant lui-même en possession des livres et registres du syndicat, Jean Lecompte y avait accès en tout temps. [23]

[145]      Le Tribunal voit, dans cette autre prétention des demandeurs, une manifestation additionnelle de leur mauvaise foi.

[146]      Cet autre argument doit donc être rejeté.

                  vi)  Les avis de cotisations :

[147]      Pour les raisons déjà mentionnées aux deux points précédents, le Tribunal conclut également en la validité des avis de cotisation.

 

IV-   LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE :

[148]      Par leur demande reconventionnelle, les défenderesses invitent le Tribunal à constater et homologuer une transaction qui serait intervenue entre les parties le 4 juin 2009, et à condamner le demandeur Jean Lecompte, tant en sa qualité personnelle qu'en sa qualité de fiduciaire et bénéficiaire de la Fiducie Jean Lecompte, à payer, à titre de dommages-intérêts, 27 281,46 $ à Condominiums La Bourgade B, de même que 10 000,00 $ à mesdames Christine Grenier, Chantale Lapierre et Nicole Nadeau respectivement.  Elles demandent également que soit ordonné à Jean Lecompte de remettre au syndicat tous les documents et registres actuellement en sa possession et appartenant à Condominiums La Bourgade B.

           A)  PRÉTENTIONS DES PARTIES:

                  i)   Les défenderesses :

[149]      Le 4 juin 2009, une séance de négociation s'est déroulé au bureau du procureur des défenderesses.  Celles-ci soutiennent qu'un règlement serait alors intervenue, mais que le demandeur Lecompte aurait ensuite fait défaut de signer l'écrit constatant cette entente.

[150]      Mesdames Grenier, Lapierre et Nadeau plaident également que les procédures entreprises par les demandeurs sont futiles et vexatoires.  Les demandeurs devraient en conséquence être condamnés à des dommages-intérêts représentant tous les frais encourus par le syndicat pour sa défense, et ce, pour la période non-couverte par la transaction, soit du 12 mai 2009 au 26 février 2010.

[151]      Finalement, les défenderesses réclament, chacune personnellement, des dommages-intérêts de 10 000,00 $ pour perte de temps, stress, inconvénients et perte de jouissance de leur unité de condominium.

                  ii)  Les demandeurs :

[152]      Les demandeurs nient, quant à eux, l'existence même de la transaction alléguée du 4 juin 2009.

[153]      L'action principale ne saurait être qualifiée d'abusive, futile ou vexatoire.  Elle était nécessaire en raison des difficultés de communication entre les parties et de l'incapacité de ces dernières à régler autrement le débat.

[154]      Le présent litige a engendré stress et inconvénients pour tous les copropriétaires, incluant le demandeur Jean Lecompte.  Aucun rapport médical n'a été produit au soutien de la demande reconventionnelle.  Les désagréments allégués par les défenderesses n'ont pas été prouvés par prépondérance de preuve.

           B)  ANALYSE:

                  i)   Le règlement du 4 juin 2009 :

[155]      À l'initiative de Jean Lecompte, une rencontre de négociations a lieu entre les parties et leur procureur le 4 juin 2009.  Il est notamment question des frais communs, de la remise au syndicat des documents encore en possession du demandeur, ainsi que des frais engagés par celui-ci au bénéfice de la copropriété.

[156]      Monsieur Lecompte mentionne qu'il paierait sa part des frais communs et remettrait les documents en sa possession.  Madame Grenier ne se rappelle pas que le demandeur ait expressément accepté les termes de la négociation.  Elle ajoute cependant qu'il n'a pas manifesté d'objection à ceux-ci lors de la rencontre.

[157]      Lorsqu'elles quittent la séance de négociations, les défenderesses croient néanmoins qu'une entente est intervenue avec Lecompte [24] , laquelle règle l'issue de la requête introductive d'instance des demandeurs, une partie de la demande reconventionnelle, certains autres litiges entre les parties, de même que la question des frais communs impayés.  Ne demeuraient en suspens pour adjudication par un tribunal que le paiement des honoraires et déboursés extrajudiciaires au-delà d'un pourcentage de 32%, les dommages-intérêts réclamés par le syndicat au demandeur Lecompte, de même que les réclamations en dommages-intérêts de mesdames Grenier, Lapierre et Nadeau au montant de 10 000,00 $ chacune.

[158]      Jean Lecompte témoigne qu'il n'était pas sous l'impression qu'un règlement s'était alors matérialisé.  Ses explications sont quelque peu ambiguës à cet égard.

[159]      Il mentionne d'abord qu'il attendait de voir "le compte rendu écrit de l'entente verbale qu'il avait eue avec les défenderesses".  Puis, il ajoute plus tard qu'on lui avait formulé des propositions aberrantes.  Il aurait ainsi choisi d'écouter ces propositions, et d'attendre de prendre connaissance d'un document écrit reflétant ces dernières avant de prendre une décision.  Après avoir lu le projet de transaction lui ayant été soumis [25] , il aurait refusé de donner son aval à celui-ci.

[160]      Monsieur Lecompte affirme qu'il était d'accord pour rembourser au syndicat 1 740,00 $ à titre de frais communs et cotisations spéciales impayées par la Fiducie pour la période s'échelonnant du 1 er juillet 2008 au 31 mars 2009.  Il reconnaît également que sous réserve de ce paiement, les parties s'étaient entendues pour que le syndicat donne mainlevée d'un avis d'hypothèque légale et d'un préavis d'exercice qui avait antérieurement été publié contre l'immeuble de Fiducie Jean Lecompte.  Il confirme que les parties s'entendaient pour modifier les articles 80 à 92 de la déclaration de copropriété, conformément au contenu d'un projet soumis par son propre procureur [26] .  En échange, monsieur Lecompte acceptait que les assemblées tenues les 7 mai, 16 juin et 25 juin 2009 ne soient pas annulées et s'engageait à remettre à l'administratrice Christine Grenier tous les documents et registres de la copropriété.

[161]      Le demandeur nie cependant s'être engagé à payer au syndicat 7 315,29 $, représentant 32% des honoraires et déboursés extrajudiciaires facturés au syndicat par ses procureurs entre le 15 septembre 2008 et le 12 mai 2009.  Pourtant, dans une lettre qu'il adressait lui-même au procureur des défenderesses le 20 juin 2009, monsieur Lecompte mentionne ce qui suit:

"Je pouvais envisager de débourser 32% des honoraires et déboursés facturés au syndicat entre le 15 septembre 2008 et 12 mai 2009, mais il ne s'agissait pas d'une reconnaissance de ma part quant au bien fondée[sic] de cette facturation; mais uniquement d'une manifestation de ma bonne volonté effectuée sans admissions[sic]." [27]

[162]      Questionné à ce sujet par le Tribunal, Jean Lecompte admet qu'il avait donné son accord pour un tel paiement dans le cadre du processus de négociation, mais ajoute qu'il n'aurait jamais payé cette somme compte tenu des autres conditions qui lui étaient imposées.

[163]      Il confirme que d'un commun accord, ce montant aurait été réduit à 6 260,00 $ pour tenir compte des dépenses qu'il avait lui-même engagées au bénéfice de la copropriété.

[164]      Monsieur Lecompte conteste également avoir accepté qu'il ne pourrait occuper le poste d'administrateur de la copropriété à moins d'avoir obtenu le vote de deux des trois autres copropriétaires, ou s'être engagé à ne communiquer avec le syndicat que par écrit et à ne pas interférer dans l'administration de celui-ci.

[165]      Le 10 juin 2009, le procureur du demandeur fait parvenir à celui des défenderesses le courriel suivant:

"Me Labbé,

Juste pour vous prévenir qu'à cause des délais, monsieur Lecompte va inscrire son recours, mais que ça ne compromet en rien notre règlement.  Je vous fais part de mes commentaires incessamment." [28]

[166]      Des documents de transaction sont alors préparés par le procureur des défenderesses.

[167]      Le 16 juin 2009, madame Grenier se rend au domicile de monsieur Lecompte pour obtenir le paiement des frais communs et cotisations spéciales dus.  Jean Lecompte remet à celle-ci la somme réclamée en précisant toutefois à l'administratrice que l'entente du 4 juin ne serait pas signée.

[168]      L'homologation vise à rendre exécutoire une transaction qui est déjà intervenue.  Il convient donc, dans une première étape, de déterminer s'il y a bien eu transaction.

[169]      La transaction se définit comme un "contrat" par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l'exécution d'un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.  Elle est indivisible quant à son objet [29] et a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée [30] .  Elle n'est susceptible d'exécution qu'après avoir été homologuée. [31]

[170]      La transaction est formée dès qu'il y a accord entre les parties. [32]   N'étant assujettie à aucune formalité particulière, elle peut être conclue verbalement. [33]

[171]      En l'espèce, Jean Lecompte a expressément admis qu'il y avait eu entente verbale entre lui-même et les défenderesses le 4 juin 2009.  La preuve révèle qu'il souhaitait prendre connaissance du compte-rendu écrit de la transaction intervenue entre les parties avant d'apposer sa signature au bas d'un document écrit.

[172]      Le Tribunal n'attache aucune crédibilité à l'affirmation du demandeur selon laquelle il n'aurait simplement choisi que d'écouter les propositions formulées par les défenderesses et d'attendre de prendre connaissance du document écrit reflétant ces dernières avant de prendre une décision.

[173]      Le demandeur reconnaît également avoir manifesté sa bonne volonté, donc son accord, en acceptant de rembourser au syndicat 32% des honoraires et déboursés facturés à celui-ci pour la période comprise entre le 15 septembre 2008 et le 12 mai 2009.

[174]      Il confirme également que d'un commun accord les parties avaient convenu de réduire cette somme à 6 260,00 $ en opérant compensation pour les dépenses qu'avait engagées monsieur Lecompte au bénéfice de la copropriété.

[175]      Le fait que Jean Lecompte ait refusé, le 16 juin, de signer les documents donnant suite à la transaction n'affecte en rien la validité de cette dernière.

[176]      Il est de plus reconnu que lorsqu'il agit à l'intérieur de son mandat, un avocat a le pouvoir de lier son client.  Or, dans le courriel D-15 que faisait parvenir Me Michel Paradis au procureur des défenderesses le 10 juin 2009, l'avocat du demandeur Lecompte reconnaissait expressément qu'un règlement était déjà intervenu entre les parties.

[177]      De l'ensemble de la preuve, le Tribunal est convaincu par prépondérance qu'il y a bien eu transaction au sens de l'article 2631 du Code civil du Québec entre le demandeur Jean Lecompte et les défenderesses, par l'entremise de leur procureur respectif, le 4 juin 2009.

                  ii)  Le caractère futile, abusif et vexatoire de l'action principale :

[178]      Un tribunal peut, conformément au troisième alinéa de l'article 1103 C.c.Q., sanctionner une demande futile, abusive ou vexatoire par une condamnation à des dommages-intérêts.  Cette question relève de la discrétion du Tribunal. [34]

         a) La nature des procédures entreprises:

[179]      La preuve démontre qu'à l'époque où il était administrateur du syndicat, soit de 2004 à 2007, Jean Lecompte ne se conformait pas aux standards dont il fait aujourd'hui la promotion.  Il ne produisait ni bilans annuels, ni états de résultats, ni états des dettes et créances ou budgets prévisionnels.  Aucun des copropriétaires du syndicat n'avait de connaissance particulière dans le domaine de la copropriété.  On gérait les affaires sans trop se préoccuper des règles normalement requises et les quatre copropriétaires s'accommodaient fort bien de cette situation. [35]

[180]      Jean Lecompte semble oublier que la gestion exercée par Christine Grenier depuis le 27 novembre 2007 est tout à fait comparable à sa propre administration des trois années antérieures.  Les trois défenderesses ne se plaignaient pourtant pas de l'absence d'un formalisme rigoureux et du peu de connaissance du demandeur en matière de copropriété.

[181]      En somme, comme dans l'affaire Lorraine Gagné c. Syndicat de copropriété Condominium L'Escale , le Tribunal considère que le demandeur se plaint de tout et de rien:

"Comme on peut le voir, eu égard à ce qui s'est passé lors de l'assemblée annuelle du 26 octobre 2004, elle se plaint de tout et de rien et la plupart de ses affirmations et de ses récriminations ne trouvent aucun fondement dans la preuve.  Il est vrai qu'on ne suit pas toujours les règles quant aux avis d'assemblées, quant à la tenue de celles-ci et du fait que les états financiers ne sont pas vérifiés.  On procède comme on le faisait avant et tous étaient d'accord, incluant la demanderesse.  D'ailleurs celle-ci l'avoue humblement dans sa lettre qu'elle a adressée à tous les copropriétaires le 20 novembre 2004, pièce P-7.

Elle affirme d'ailleurs dans cette missive qu'elle s'est finalement mise à l'étude de la Loi et des règlements applicables et qu'elle a maintenant l'intention de mettre les pendules à l'heure et de forcer le syndicat d'être géré et administré selon les règles applicables en vertu du Code civil du Québec et de la déclaration de copropriété.

Elle s'érige maintenant en redresseuse de torts en affirmant sans ambages dans sa lettre qu'il ne faut plus accepter que les deux seuls membres actifs du conseil d'administration "décident de conjoindre leurs devoirs de membre du conseil avec les tâches appartenant à un administrateur de syndicat" et qu'en se faisant, ils sont en conflit d'intérêts, excèdent leur mandat, enfreignent les règlements de la déclaration de copropriété et, de toutes façons, sont fautifs d'un abus de pouvoir.

(…)

On ne peut que rappeler que la demanderesse oublie facilement ce qui s'est passé quant à l'administration du syndicat depuis 1983 jusqu'au 20 novembre 2004.  Les décisions étaient prises presque toujours à majorité pour ne pas dire unanimement, tout le monde était content et satisfait et le tout se déroulait sans aucun inconvénient et de façon économique.  Pourquoi faudrait-il changer tout ça?  Elle est la seule à le demander et elle ne lésine pas sur les moyens puisqu'elle poursuit le syndicat non seulement pour certaines irrégularités plus ou moins importantes et même secondaires, mais aussi pour lui réclamer des remboursements d'argent et des dommages, le tout pour un total de tout près de 50 000,00 $". [36]

[182]      Christine Grenier ne faisait que suivre un schème de gestion comparable à celui du demandeur Lecompte dans les années précédentes, à cette exception près que l'autoritarisme avait fait place à la conciliation et consultation.

[183]      En l'espèce, madame Grenier a toujours agi de bonne foi, sans parti pris et sans favoritisme dans l'exercice de son administration.  Le demandeur Lecompte a pour sa part manifesté une attitude désagréable et intempestive à son égard, de même qu'envers les deux autres défenderesses.  Sa désinvolture et son intolérance n'ont jamais eu de cesse depuis l'élection de la défenderesse Grenier au poste d'administratrice.  Son comportement vindicatif envers les trois défenderesses amène le Tribunal à conclure que les recours exercés par Jean Lecompte dans la présente affaire "ressemblent davantage à une vendetta qu'à une poursuite dans l'intérêt du syndicat et de l'ensemble des copropriétaires". [37]

[184]      L'ensemble de la preuve établit que madame Christine Grenier a, de façon tout à fait bénévole, fourni un travail au meilleur de ses connaissances, avec honnêteté, intégrité et bonne foi.

[185]      Le Tribunal conclut que la poursuite intentée par les demandeurs n'est rien de moins que futile, exagérée et exorbitante, en plus d'être préjudiciable au syndicat défendeur, ainsi qu'à mesdames Grenier, Lapierre et Nadeau. [38]

[186]      Messieurs Lecompte et Girard devaient savoir que les décisions d'une assemblée de copropriétaires ne pouvaient être annulées sans motif valable ou simplement parce qu'elles allaient à l'encontre des idées d'un copropriétaire.

[187]      Les faits démontrent que suite à la nomination de madame Grenier au poste d'administratrice, le demandeur Lecompte a constamment affiché une attitude vindicative et confrontante à l'égard des défenderesses.  Son comportement trahissait une volonté manifeste de faire obstruction à la saine administration du syndicat, et ce, au détriment de l'ensemble des copropriétaires.  Par ses procédures abusives, Jean Lecompte a ruiné le fonds du syndicat, forçant ainsi l'adoption d'une cotisation spéciale au montant de 40 000,00 $ pour couvrir les frais nécessaires à la défense de ce dernier.

[188]      Considérant la nature futile et vexatoire des procédures entreprises contre le syndicat par les demandeurs, il convient de les condamner à des dommages-intérêts conformément au troisième alinéa de l'article 1103 C.c.Q.

[189]      Subsidiairement, le Tribunal estime qu'il aurait pu en venir à une conclusion identique conformément aux articles 54.1 et suivants du Code de procédure civile .  Ces derniers, entrés en vigueur le 4 juin 2009, confèrent au juge de vastes pouvoirs pour sanctionner les abus de toutes sortes, à toutes les étapes de la procédure civile. [39]

[190]      Dans l'arrêt Aliments Breton (Canada) inc. c. Bal Global Finance Canada Corporation , l'honorable juge France Thibault, j.c.a., résume ainsi l'essence de ces nouvelles mesures:

"Selon l'article 54.1 C.p.c., le Tribunal peut en tout temps, même d'office, déclarer un acte de procédure abusif.  L'abus peut notamment résulter d'un acte de procédure manifestement mal fondé.  En vertu de l'article 54.2 C.p.c., lorsqu'une partie établit sommairement que l'acte de procédure attaqué peut constituer un abus, il y aura renversement du fardeau sur l'autre partie à qui il incombe alors de "démontrer que son geste n'est pas exercé de manière excessive ou déraisonnable et se justifie en droit".  Dans ce contexte, la jurisprudence découlant des articles 75.1 et 75.2 C.p.c. demeure pertinente, particulièrement quant à la notion d'abus et à la définition d'acte de procédure manifestement mal fondé…  Les nouvelles dispositions vont plus loin que les anciennes en ce qu'elles visent non seulement les procédures abusives, mais aussi celles qui "peuvent" constituer un abus (article 54.2 C.p.c.) ou qui paraissent abusives (article 54.3 C.p.c.) et en ce qu'elles prévoient des mesures alternatives au rejet de la procédure ou non, qui constituaient les deux seules options possibles sous l'article 75.1 C.p.c.  Ces mesures alternatives sont décrites à l'article 54.3 C.p.c. dont je viens de traiter.

L'article 54.3 C.p.c. permet d'imposer des conditions lorsque la procédure "est" ou "paraît" abusive.  Il est conçu pour régler une variété de difficultés susceptibles de se produire en pareille circonstance notamment pour concilier le droit d'une partie à une défense pleine et entière et celui de l'autre de ne pas subir les inconvénients d'un long procès si celui-ci s'avérait inutile en raison d'une défense abusive, par exemple…" [40]

[191]      Encore plus récemment, la Cour d'appel du Québec soulignait, sous la plume de l'honorable juge Pierre Dalphond, que contrairement à la bonne foi, l'abus ne se présume pas et que "la jurisprudence a toujours été exigeante avant de conclure en ce sens, tant au Québec qu'en France." [41]

[192]      Poursuivant son analyse, le juge Dalphond rappelait ses propos dans Royal Lepage commercial inc. c. 109650 Canada Ltd. :

"Pour conclure en l'abus, il faut donc des indices de mauvaise foi (telles l'intention de causer des désagréments à son adversaire plutôt que le désir de faire reconnaître le bien-fondé de ses prétentions) ou à tout le moins des indices de témérité.

Que faut-il entendre par témérité?  Selon moi, c'est le fait de mettre de l'avant un recours ou une procédure alors qu'une personne raisonnable et prudente, placée dans les circonstances connues par la partie au moment où elle dépose la procédure ou l'argumente , conclurait à l'inexistence d'un fondement pour cette procédure.  Il s'agit d'une norme objective, qui requiert non pas des indices de l'intention de nuire mais plutôt une évaluation des circonstances afin de déterminer s'il y a lieu de conclure au caractère infondé de cette procédure.  Est infondée une procédure n'offrant aucune véritable chance de succès, et par le fait, devient révélatrice d'une légèreté blâmable de son auteur.  Comme le soulignent les auteurs Baudouin et Deslauriers, précités:  "L'absence de cette cause raisonnable et probable fait présumer sinon l'intention de nuire ou la mauvaise foi, du moins la négligence ou la témérité"." (Nos soulignements) [42]

[193]      La Cour d'appel conclut que ces principes sont maintenant reconnus dans les nouvelles dispositions législatives prévues aux articles 54.1 et suivants. [43]

[194]      En l'espèce, le Tribunal estime que les demandeurs ont abusé de leur droit d'ester en justice.  La contestation judiciaire entamée en demande principale était dès le départ entachée de mauvaise foi.  Cette dernière s'est perpétuée tout au long des procédures, au point d'entraîner la poursuite inutile et abusive d'un débat judiciaire voué à l'échec. [44]   Le comportement des demandeurs était à la fois vexatoire et abusif.  Leur utilisation des procédures judiciaires était déraisonnable et faite de manière à nuire aux défenderesses. [45]

[195]      Les demandeurs n'ont pas su démontrer que l'action principale n'avait pas été exercée de manière excessive ou déraisonnable et qu'elle se justifiait en droit. [46]

                       b) Les dommages-intérêts

[196]      Tant les articles 1103 C.c.Q. que 54.4 C.p.c. permettent au Tribunal de condamner une partie à payer, outre les dépens, des dommages-intérêts pour compenser les honoraires et débours extrajudiciaires engagés par la partie adverse.

[197]      L'étendue des dommages auxquels un demandeur peut être tenu pour toute action futile ou vexatoire est ainsi exposée par les auteurs Trudel et Benoît:

"Si le juge donne raison au syndicat, il lui permettra de réclamer du requérant les dommages subis suite à l'institution de ce recours.  Les "dommages-intérêts" auxquels pourrait être condamné le copropriétaire seraient susceptibles de représenter tous les frais encourus par le syndicat .  Le législateur a donc voulu que l'exercice de ce recours se fasse avec grand sérieux." (Nos soulignements) [47]

[198]      Par le biais de la transaction du 4 juin 2009, le demandeur Lecompte a accepté de payer 32% des honoraires et déboursés extrajudiciaires engagés pour la défense du syndicat pour la période comprise entre le 15 septembre 2008 et le 12 mai 2009.  Une fois déduite les dépenses que monsieur Lecompte avait lui-même engagées pour le bénéfice de la copropriété, cette somme équivaut à 6 260,00 $.

[199]      Le demandeur refuse aujourd'hui d'assumer un pourcentage équivalent pour des frais de même nature postérieurs au 12 mai 2009.

[200]      Dans l'affaire Lorraine Gagné c. Syndicat de copropriété Condominium L'Escale , l'honorable Claude Larouche j.c.s. rappelle ce qui suit:

"Au sujet de la demande de la demanderesse pour le remboursement de sa quote-part des frais de justice du syndicat pour sa défense dans la présente instance, il est à se demander s'il est utile et opportun que nous en discutions tant il est clair que si un copropriétaire poursuit son syndicat et que celui-ci doit se défendre, il est évident que la partie poursuivante, étant également copropriétaire, se doit d'assumer sa quote-part.  Elle fait quand même partie du syndicat, elle est copropriétaire et tous les frais communs doivent être assumés par tous et chacun en fonction de sa quote-part." [48]

[201]      Tel que déjà mentionné, les honoraires professionnels et déboursés des avocats des défenderesses pour la période comprise entre le 8 juillet 2008 et le 26 février 2010 totalisent 46 203,58 $.  Ceux engagés du 12 mai 2009 au 26 février 2010 se chiffrent plus particulièrement à 24 456,21 $.

[202]      En assumant sa quote-part de 32% pour cette dernière période, Jean Lecompte devrait donc normalement rembourser 7 825,99 $ au syndicat.

[203]      Le Tribunal ne peut faire abstraction du comportement de Jean Lecompte suite à la transaction intervenue entre les parties le 4 juin 2009.  Monsieur Lecompte a renié, le 16 juin, l'engagement auquel il avait souscrit 12 jours auparavant.  Ce faisant, il a prolongé indûment un débat qui avait été en bonne partie réglé.

[204]      Il importe cependant de garder à l'esprit que cette entente n'était que partielle, dans la mesure où demeuraient en suspens la question du paiement des honoraires et déboursés extrajudiciaires au-delà d'un pourcentage de 32%, de même que celle des dommages-intérêts réclamés par chacune des défenderesses.

[205]      Dans les circonstances, il conviendrait de condamner les demandeurs à rembourser 50% des honoraires professionnels et déboursés engagés du 12 mai 2009 au 26 février 2010.

[206]      Or, dans leur défense à la requête introductive d'instance ré-amendée datée du 12 janvier 2010, et communiquée à la partie adverse avant le début du procès, les défenderesses précisaient qu'elles n'avaient aucune objection, pour l'avenir, à ce que la déclaration de copropriété prévoit un délai de 10 jours pour la convocation des assemblées générales annuelles régulières [49] , et soit modifiée pour permettre à un copropriétaire de nommer un mandataire de son choix lors de ces mêmes assemblées. [50]

[207]      Pour les motifs déjà énoncés, le Tribunal estime par ailleurs qu'il était futile, abusif et vexatoire de requérir l'annulation des assemblées du 7 mai, 16 et 25 juin 2008.

[208]      Le soussigné juge que les demandeurs doivent être tenus au paiement intégral des honoraires et déboursés du procureur des défenderesses à compter du début du procès, soit à compter du 19 janvier 2010.  Ces frais professionnels totalisent 10 228,73 $ (taxes incluses).  Ce montant s'ajoutera à celui représentant 50% du solde (14 227,48 $), soit 7 113,74 $, pour un remboursement total de 17 342,47 $.

                 iii)  Le harcèlement à l'égard des défenderesses

[209]      Du mois d'octobre 2007 au dépôt des présentes procédures en juillet 2008, Jean Lecompte transmet près d'une soixantaine de lettres et mémos aux trois défenderesses, ou à l'une ou l'autre d'entre elles, incluant l'administratrice Christine Grenier. [51]

[210]      Lecompte poursuit ainsi son manège jusqu'en avril 2009, faisant parvenir aux autres copropriétaires une vingtaine de lettres, documents et mémos supplémentaires. [52]

[211]      Certains de ces écrits étaient envoyés sur une base hebdomadaire.  Plusieurs ont même été adressés au cours de la même journée.

[212]      Christine Grenier mentionne que la gestion de ces communications a nécessité beaucoup de temps et d'énergie.  Elle devait faire part aux autres copropriétaires du contenu de ces écrits et se concerter avec elles pour y répondre.

[213]      La défenderesse Grenier ajoute que Jean Lecompte la téléphonait systématiquement aux deux ou trois jours.  Il lui arrivait de l'appeler quotidiennement, et parfois même plusieurs fois par jour.  Chacune de ces conversations téléphoniques durait en moyenne de 60 à 90 minutes.

[214]      Suite à l'institution des procédures, madame Grenier a demandé à Jean Lecompte d'acheminer directement ses correspondances au procureur des défenderesses.

[215]      Madame Grenier affirme avoir consacré énormément de temps au conflit avant juillet 2008.  Depuis le dépôt des procédures, elle évalue le temps investi à la préparation de sa défense à une soixantaine d'heures.  Évidemment, elle ne reçoit aucun revenu pour son travail d'administratrice.

[216]      L'attitude du demandeur Lecompte a engendré chez elle énormément de stress et d'incertitude.  Elle vit sans cesse sous l'impression de ne plus être libre de ses gestes dans son propre domicile.

[217]      Chantale Lapierre vit constamment sur la défensive.  Dès sa première rencontre avec Jean Lecompte, en juin 2005, celui-ci lui déclara: "T'as besoin de pas faire de bruit".  Le mois suivant, elle manifesta à l'administrateur son intention d'installer des planchers de bois flottant.  Le demandeur fit immédiatement référence au fait qu'elle pourrait recevoir une lettre d'avocat si elle ne changeait pas la substance insonorisante utilisée pour le plancher.

[218]      Madame Lapierre témoigne  avoir reçu à plusieurs reprises des lettres du demandeur en rapport avec ce même plancher au cours des cinq dernières années.  Elle ne se déplace pourtant qu'en pantoufles dans son condominium.

[219]      Bien que ses problèmes de communication avec Jean Lecompte soient moins problématiques que ceux opposant celui-ci à madame Grenier, elle considère que son rêve d'accession à la propriété s'est transformé en véritable cauchemar.  Elle décrit Jean Lecompte comme étant un individu qui n'hésite pas à recourir à un ton autoritaire.  Elle l'a même entendu qualifier Nicole Nadeau de "vache" et de "bitch" lors d'une discussion animée portant sur un problème d'infiltration, le 9 octobre 2007.

[220]      Madame Lapierre est âgée de 53 ans. Elle craint constamment d'être importunée par Lecompte lorsqu'elle arrive à son domicile ou quitte celui-ci, Elle s'y sent prise au piège.

[221]      Elle craint perpétuellement de recevoir des appels téléphoniques du demandeur. Stressée par ce dernier, elle ajoute même "avoir frôlé" la dépression nerveuse lors des événements du mois d'octobre 2007.

[222]      Jusqu'à présent, elle estime avoir consacré une cinquantaine d'heures à la prise de notes relativement au présent litige.

[223]      Chantale Lapierre est agente administrative et gagne environ 30 000,00 $ annuellement.  Elle a dû prendre du temps de vacances et des congés de maladie pour préparer sa défense et se présenter au Tribunal.  Chacune de ces journées équivaut approximativement à une perte de 100,00 $.

[224]      Les frais d'avocat l'ont jusqu'à présent empêchée de changer son véhicule automobile datant de 1997.

[225]      On comprend du témoignage de Nicole Nadeau que ses relations avec le demandeur Lecompte ont toujours été tendues.  Elle reconnaît cependant que leurs difficultés de communication  étaient  moins significatives que celles impliquant ce dernier et madame Grenier.

[226]      Madame Nadeau confirme avoir été insultée par Lecompte le 9 octobre 2007.  Elle ajoute que, de façon générale, ce dernier ne s'adressait pas à elle en termes polis.

[227]      Par ailleurs, elle pouvait recevoir du demandeur jusqu'à deux communications écrites par semaine.  Cette fréquence augmentait parfois jusqu'à deux lettres par jour.

[228]      Les lettres et mémos que lui faisait parvenir Jean Lecompte lui ont causé certains désagréments physiques, dont des problèmes d'hypertension artérielle et d'insomnie.

[229]      Au quotidien, madame Nadeau craint toujours de rencontrer Jean Lecompte dans les aires communes de la copropriété.  Elle décrit son comportement comme n'étant "pas qu'un petit acharnement".

[230]      Madame Nadeau est âgée de 67 ans.  Elle a dü effectuer un retour sur le marché du travail pour être en mesure d'assumer les frais d'avocat engendrés par les procédures.  Elle gagne présentement 9,00 $ l'heure et travaille en moyenne 15 à 20 heures par semaine comme téléphoniste.  En incluant ses revenus de retraite, elle bénéficie d'un revenu annuel d'environ 16 900,00 $.

[231]      Elle considère avoir consacré une trentaine d'heures à la préparation de sa défense.

[232]      Du mois d'octobre 2007 à l'été 2009, Jean Lecompte a continuellement manifesté un comportement harcelant, vindicatif et confrontant à l'égard des copropriétaires Grenier, Lapierre et Nadeau, trois dames d'âge mûr demeurant seules dans leur unité de condominium.

[233]      Une telle conduite ne correspond certes pas à celle d'une personne raisonnable, normalement prudente et diligente.  Elle a engendré chez les défenderesses un préjudice qu'une telle personne raisonnable aurait pu prévoir ou éviter, engageant de ce fait la responsabilité extra-contractuelle du demandeur Lecompte.

[234]      Cette faute a entraîné pour les défenderesses, à des degrés variables, divers inconvénients et un stress immense, une perte d'estime et d'énergie, de même qu'une privation de jouissance considérable de leur domicile.

[235]      Le Tribunal a vu témoigner les défenderesses, trois dames vulnérables et distinguées qui n'étaient manifestement pas en mesure d'offrir une opposition efficace aux assauts psychologiques pratiquement quotidiens de Jean Lecompte.  Imbu d'un sentiment de supériorité, ce dernier a profité de la situation pour écraser ses copropriétaires et transformer leur vie quotidienne en véritable cauchemar.

[236]      Dans les circonstances, il n'est que juste et équitable que le Tribunal condamne Jean Lecompte à des dommages-intérêts pour l'acharnement inqualifiable dont il a fait preuve envers mesdames Grenier, Lapierre et Nadeau, et le préjudice ainsi engendré.

 

V-      CONCLUSION:

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

QUANT À L'ACTION PRINCIPALE:

[237]      VU le consentement exprimé en début d'audience par les défenderesses.

[238]      ACCUEILLE partiellement la requête pour que les articles 84 et 87 de la déclaration de copropriété intervenue devant notaire le 1 er juillet 1989 se lisent dorénavant ainsi:

"ARTICLE 84.  L'avis de convocation devra contenir l'indication du lieu, la date et l'heure de la réunion ainsi que l'ordre du jour.  Il est adressé par courrier ordinaire et délivré aux portes des unités exclusives au moins dix (10) jours avant la date de l'assemblée, sauf au cas d'urgence où l'avis peut être donné vingt-quatre (24) heures avant l'assemblée.  Toutefois, si tous les copropriétaires sont présents ou représentés, l'assemblée est tenue valablement sans convocation préalablement faite dans les forme et délai ci-dessus ou si la signature du procès-verbal par tous les copropriétaires présents ou représentés de la copropriété fait foi de la tenue de l'assemblée.

ARTICLE 87.  Tout copropriétaire peut nommer un mandataire de son choix au moyen d'une procuration écrite remise à l'administrateur avant l'assemblée.  Le créancier hypothécaire d'une fraction peut être désigné dans une telle procuration."

[239]      REJETTE l'action pour le surplus.

[240]      SANS FRAIS, vu le caractère futile abusif et vexatoire du recours.

 

QUANT À LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE:

[241]      ACCUEILLE la demande reconventionnelle.

[242]      CONSTATE et HOMOLOGUE la transaction intervenue entre les parties le 4 juin 2009, conformément aux termes suivants:

Ø   Jean Lecompte s'engage à payer au syndicat la somme de 1 740,00 $ à titre de frais communs et de cotisations spéciales dus par Fiducie Jean Lecompte pour la période du 1 er juillet 2008 au 31 mars 2009.  Cette somme a été payée le 4 juin 2009 en exécution du règlement.

Ø   Sous réserve du paiement des frais communs et cotisations spéciales à jour, le syndicat consent à donner mainlevée d'un avis d'hypothèque légale et d'un préavis d'exercice publié contre l'immeuble de Fiducie Jean Lecompte;

Ø   Jean Lecompte s'engage à payer au syndicat la somme de 7 315,29 $ représentant 32% des honoraires et déboursés extrajudiciaires facturés au syndicat par ses procureurs entre le 15 septembre 2008 et le 12 mai 2009;

Ø   En tenant compte de certaines factures soumises au syndicat par Jean Lecompte à titre de dépenses faites par ce dernier, au bénéfice de la copropriété, le montant net payable par Jean Lecompte au syndicat est établi à 6 260,00 $ pour les honoraires et déboursés extrajudiciaires facturés au syndicat par ses procureurs entre le 15 septembre 2008 et le 12 mai 2009;

Ø   Sous réserve dudit paiement de 6 260,00 $, le syndicat et ses procureurs reconnaissent avoir reçu de Jean Lecompte le paiement de 32% des honoraires et déboursés extrajudiciaires facturés entre le 15 septembre 2008 et le 12 mai 2009 et Jean Lecompte reconnaît avoir reçu paiement des factures dont il réclamait le remboursement au syndicat pour la période du 9 mai 2007 au 1 er juillet 2008;

Ø   Les parties n'en étant pas venues à une entente relativement au paiement des honoraires et déboursés extrajudiciaires au-delà du pourcentage de 32% et des dommages-intérêts réclamés par le syndicat à Jean Lecompte, ainsi que relativement aux réclamations en dommages-intérêts de Chantale Lapierre, Nicole Nadeau et Christine Grenier au montant de 10 000,00 $ chacune, les parties conviennent que cette partie du litige sera soumise au Tribunal pour décision;

Ø   Certaines modifications ont été faites, tel qu'il appert d'un courriel du procureur de Jean Lecompte et du texte qui y était joint, déposés sous la cote D-14;

Ø   Jean Lecompte accepte que les assemblées des copropriétaires tenues les 7 mai, 16 et 25 juin 2009 et les décisions qui y ont été prises ne soient pas annulées et demeurent valides;

Ø   Relativement à l'administration de la copropriété, Jean Lecompte s'engage à remettre à Christine Grenier, en sa qualité d'administratrice de la copropriété, tous les documents et registres du syndicat;

Ø   Jean Lecompte accepte également qu'en aucun temps il ne pourra occuper le poste d'administrateur de la copropriété, à moins d'avoir obtenu le vote de deux des trois autres copropriétaires, (sans tenir compte du vote du représentant de Fiducie Jean Lecompte, lequel ne peut être considéré);

Ø   Jean Lecompte s'engage à ce que toute communication qu'il voudra adresser au syndicat, à titre personnel ou à titre de représentant de Fiducie Jean Lecompte, se fasse par écrit et il s'engage à ne pas interférer dans l'administration du syndicat;

Ø   Relativement à l'entretien et aux réparations à faire sur l'immeuble dont la planification doit être établie par l'administratrice Christine Grenier, les parties conviennent que les éléments qui seront prévus sont issus du rapport d'inspection préparé par monsieur Mathieu Rouleau le 23 octobre 2007 (à l'exception des recommandations de creuser au niveau du mur de fondation arrière) et du rapport de monsieur Claude Beauregard daté du 25 août 2008, dont les parties ont reconnu avoir pris connaissance et qu'elles ont accepté comme étant les seuls éléments à considérer à titre de réparations et entretien de l'immeuble en date du 4 juin 2009;

Ø   Sous réserve de l'exécution complète des engagements pris dans le cadre du règlement, les parties conviennent de se donner quittance mutuelle, générale et finale pour toute cause d'action qui n'aurait pas fait l'objet de procédure en date du règlement, et dont les faits étaient connus à ce moment, et Jean Lecompte renonce à toute poursuite contre le syndicat relativement au plancher situé dans l'unité de condominium de madame Chantale Lapierre.

[243]      ORDONNE aux parties de se conformer à ladite transaction dans un délai de 30 jours du présent jugement;

[244]      CONDAMNE les demandeurs Jean Lecompte, tant en sa qualité personnelle qu'en sa qualité de fiduciaire et bénéficiaire de la Fiducie Jean Lecompte, et André Girard, en sa qualité de fiduciaire de la Fiducie Jean Lecompte, à payer solidairement à la défenderesse Condominiums La Bourgade B 17 342,47 $ à titre de dommages-intérêts, honoraires et déboursés extrajudiciaires;

[245]      CONDAMNE le demandeur Jean Lecompte, tant en sa qualité personnelle qu'en sa qualité de fiduciaire et bénéficiaire de la Fiducie Jean Lecompte, à payer à la défenderesse Christine Grenier 6 700,00  $ à titre de dommages-intérêts;

[246]      CONDAMNE le demandeur Jean Lecompte, tant en sa qualité personnelle qu'en sa qualité de fiduciaire et bénéficiaire de la Fiducie Jean Lecompte, à payer à la défenderesse Chantale Lapierre 3 350,00 $ à titre de dommages-intérêts;

[247]      CONDAMNE le demandeur Jean Lecompte, tant en sa qualité personnelle qu'en sa qualité de fiduciaire et bénéficiaire de la Fiducie Jean Lecompte, à payer à la défenderesse Nicole Nadeau 5 025,00 $ à titre de dommages-intérêts;

[248]      LE TOUT, avec l'intérêt légal et l'indemnité additionnelle prévus par la Loi.

[249]      AVEC DÉPENS.

 

 

 

__________________________________

FRANÇOIS HUOT, J.C.S.

 

Me Gilles Provençal (Casier 88)

PROVENÇAL BRETON MURRAY

Procureurs des demandeurs

 

Me Christine Labbé (Casier 51)

LES AVOCATS DEBLOIS & ASSOCIÉS s.e.n.c.r.l.

Procureurs des défenderesses

 

Date d’audience :

19, 20 et 21 janvier 2010

18 et 19 février 2010

Nature:

Civile

 



[1]   Voir pièce P-1.

[2]   Voir pièce D-3.

[3]   Voir pièce D-4.

[4]   Voir pièce P-10.

[5]   Voir pièce D-5.

[6]   Voir pièce D-8.

[7]   Voir pièce D-6.

[8]   Voir pièce P-11.

[9]   Voir pièce P-2.

[10]   Voir pièce P-1, art. 33.

[11]   Voir pièce P-3.

[12]   Voir pièce P-8.

[13]   Voir pièces D-12 (b), D-12 (c), D-12 (d) et D-12 (e) annotées.

[14]   Voir pièce D-23, p. 29.

[15]   Voir pièce D-18.

[16]   Article 1054 C.c.Q.

[17]   Voir pièce D-9.

[18]   Article 321 C.c.Q.

[19]   Article 322 C.c.Q.

[20]   Lorraine Gagné c. Syndicat de copropriété Condominium L'Escale, 2007 QCCS 1550 , par. 176 et 177.

[21]   Idem , par. 184 et 185.

[22]   Voir pièce P-1, article 87.

[23]   Articles 342 et 1070 C.c.Q.

[24]   Voir pièce D-24.

[25]   Idem.

[26]   Voir pièce D-14.

[27]   Voir pièce P-14, p. 1.

[28]   Voir pièce D-15.

[29]    Article 2631 C.c.Q.

[30]    Article 2633 C.c.Q.

[31]    Idem

[32]    Huot c. Services financiers Gilles Ducharme inc., J.E. 2004-1779 (C.S.).

[33]    Kielo c. Veketeris, [1975] C.A. 856 Huot c. Services financiers Gilles Ducharme inc., J.E. 2004-1779 (C.S.), par. 40, 45 et 46;  Le Groupe Columbia Communications inc. c. TNC Multicom inc., C.Q. 500-22-082375-034 , 2 mars 2005, par. 15 et 18.

[34]   Lorraine Gagné c. Syndicat de copropriété Condominium L'Escale, 2007 QCCS 1550 , par. 49.

[35]   Idem, par. 12, 17, 29 et 41.

[36]   2007 QCCS 1550 , par. 111-113 et 115.

[37]    Lorraine Gagné c. Syndicat de copropriété Condominium L'Escale, 2007 QCCS 1550 , par. 205.

[38]    Idem, par. 206.

[39]   Clinique Ovo inc. c. Curalab inc., 2010 QCCA 1214 , par. 16.

[40]   2010 QCCA 1369 , par. 37.

[41]   Cosoltec inc. c. Structure Laferté inc., 2010 QCCA 1600 , par. 63.

[42]   2007 QCCA 915 , par. 45 et 46.

[43]   Cosoltec inc. c. Structure Laferté inc., 2010 QCCA 1600 , par. 66.

[44]   Viel c. Entreprises immobilières du terroir Ltée, [2002] RJQ 1262 (C.A.Q.), par. 75.

[45]   Article 54.1 C.p.c.

[46]   Article 54.2 C.p.c.

[47]   Marie Trudel et André M. Benoît , Manuel de gestion d'un syndicat de copropriété divise au Québec , (2007) Wilson & Lafleur Ltée, p. 192.

[48]   2007 QCCS 1550 , par. 192.

[49] Défense à la requête introductive d'instance ré-amendée et précisée et demande reconventionnelle ré-amendée , par. 9.

[50]   Idem, par. 30

[51]   Voir pièce D-19.

[52]   Voir pièce D-20.