Anglehart c. Sirois |
2011 QCCQ 3226 |
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COUR DU QUÉBEC (Division des Petites créances) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
HULL |
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LOCALITÉ DE |
GATINEAU |
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« Chambre civile » |
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N° : |
550-32-017530-095 |
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DATE : |
30 mars 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
RAOUL P. BARBE, J.C.Q. |
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FRANCINE ANGLEHART, […], Gatineau (Québec) […]
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demanderesse |
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c.
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FRANCINE SIROIS, agent immobilier affilié de Re/Max Vision (1990) inc., 225, boul. de la Gappe, suite 102, Gatineau (Québec) J8T 7Y3
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défenderesse
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JUGEMENT |
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[1] Par une demande judiciaire signifiée le 16 mars 2009, la demanderesse réclame 7 000 $ pour avoir été mal conseillée par la défenderesse agente immobilière. L'audition a lieu le 22 février 2011.
Les faits
[2] Le 29 novembre 2004, Hypothèques CIBC inc. devient propriétaire de l'immeuble portant le numéro civique 177 Notre-Dame, Gatineau, en vertu d'un jugement en délaissement forcé et prise en paiement.
[3] Il s'agit d'une propriété comprenant un terrain de 1295 m 2 et une maison construite en 1950 dont la valeur au rôle de 2006 étant de 57 999 $ (T : 23 500 $ + B: 33 500 $) et au rôle de 2009 de 113 900 $ (T : 58 700 $ + B: 55 200 $).
[4] Le 30 décembre 2004, Hypothèque CIBC inc. donne mandat à Re/Max Vision (1990) inc. représentée par madame Francine Sirois de vendre cet immeuble 84 000 $ sans aucune garantie (D-1).
[5] L'agente immobilière madame Sirois rédige la fiche descriptive contenant notamment les notes suivantes « sans garantie légale, aux risques et périls de l'acheteur - le certificat de localisation sera aux frais de l'acheteur - » (D-3).
[6] La demanderesse voit cet immeuble à vendre sur internet; on indique : « vendu tel quel sans aucune garantie et aux risques et périls de l'acheteur… » (P-9)
[7] En février 2005, la demanderesse, infirmière auxiliaire, accompagnée de son ex-conjoint visite cette maison : l'agente immobilière Sirois les accompagne. Durant la visite du sous-sol, l'ex-conjoint Diotte voit de l'eau sous le plancher de bois; l'agente Sirois les aurait rassurés en disant qu'il n'y avait pas d'infiltration d'eau, mais que la maison étant vacante, la pompe du sous-sol n'a pas démarré pour évacuer l'eau.
[8] Rassurée par cette réponse, le 10 février 2005, la demanderesse fait une offre à 72 000 $ (P-4). L'agente Sirois fait également signer à la demanderesse l'annexe A du contrat de courtage qui spécifie que « l'acheteur achète à ses risques et périls et accepte la propriété telle quelle est en date de la vente… » (P-1 et D-2).
[9] Après négociations, la demanderesse fait, le 12 février 2005, une nouvelle proposition à 75 000 $ qui est acceptée par la venderesse CIBC le 14 février 2005 (P-7).
[10] Le 15 février 2005, la demanderesse signe les formulaires d’Hypothèques CIBC qui contiennent notamment la clause 14 : « La vente est faite sans garantie aucune et aux risques et périls de l'acheteur. » (P-8, D-4).
[11] La vente est notariée le 17 mars 2005. On y lit les clauses suivantes (D-5) :
§ le vendeur vend, sans aucune garantie à l'acheteur, aux risques et périls de ce dernier, à ce présent et acceptant l'immeuble suivant; (…)
§ au meilleur de la connaissance du vendeur, la description de l'immeuble est exacte. Cependant dans le cas de toute erreur, omission au rapport inexact dans le libellé de la description, l'acheteur renonce par les présentes à tous ses droits/recours;
§ cette vente est faite sans aucune représentation ou garantie quelconque et aux risques et périls de l'acheteur;
§
nonobstant
l'alinéa 2 de l'article
§ l'acheteur déclare reconnaître que le vendeur n'est pas un vendeur professionnel (…) et que la présente vente est faite à ces risques et périls et sans aucune garantie de la part du vendeur (…).
[12] Pour acheter la maison, la demanderesse a dû emprunter 73 672,50 $ de Société Hypothécaire Scotia (D-5).
[13] La demanderesse prend possession de la maison le 17 mars 2005. Elle constate rapidement que le sous-sol est très humide, qu'il y a de l'eau sous le plancher de bois du sous-sol. Les deux chambres du sous-sol qu'occupaient ses deux enfants doivent être abandonnées.
[14] En 2006, le problème est persistant.
[15] En mai 2007, elle demande à M. Fissure d'examiner sa situation. Ce dernier déclare qu'il faut creuser tout le tour de la fondation soit 109 pieds de long, nettoyer la fondation; réparer les fissures; installer une membrane élastomère; préparer l'espace pour la mise en place du drain; installer un drain de 4 pouces en PVC, épandre 12 " de roche sur le drain; mettre une toile géotextile sur la roche; remplir et nettoyer pour un prix de 11 241 $.
[16] Le 18 juin 2007, elle accepte cette soumission (P-10). Les travaux sont effectués par M. Fissure les 11, 12, 13 et 14 juillet 2007 (P-10).
[17] Pour faire ces travaux, elle doit réemprunter et porter son hypothèque à 88 000 $ le 19 juillet 2007 (D-5).
[18] Le 23 février 2009, la demanderesse envoie à la défenderesse une mise en demeure de lui payer 18 754,17 $ (P-12) :
« La présente est pour vous informer que je vous réclame la somme de 18 754,17 $ pour les raisons suivantes.
Avoir vendu une propriété à Mme Francine Anglehart sise au […], Québec, PA-82981 avec de sérieux problèmes d'infiltration d'eau au sous-sol et de sérieux problèmes de moisissures (champignons).
La facture ce détail de cette façon :
1 A - Faire enlever tous les matériaux existants du sous-sol, murs et sous-sol, murs et sous planchés de la partie habitable; 1 500,00 $
1 B- Faire refaire au complet le système d'évacuation et de drain français par (Monsieur Fissure enr.) 10 991,17 $
1 C- Médicaments et déplacements (clinique, urgence et hospitalisation pour les habitants de cette propriété; 1 213,00 $
1 D- Frais de subsistance 700,00 $
1 E- Plaisir et jouissance du bien 3 500,00 $
1 F- Journée de congé (non payé) 850,00 $
Je vous mets donc en demeure de me payer la somme de 18 754,17 $ dans un délai de dix jours. Dans le cas contraire, des procédures judiciaires pourront être intentées contre vous sans autre avis ni délai.»
(Texte intégral)
[19] Le 4 mars 2009, la défenderesse rejette toute responsabilité (P-11) :
«J'ai bien reçu votre mise en demeure. Je joins à la présente la contre-proposition que vous avez signée et acceptée. À la ligne 14, on y lit que la vente est faite sans garantie aucune et aux risques et périls de l'acheteur. Je ne suis que l'intermédiaire entre le vendeur et l'acheteur.»
[20] Le 16 mars 2009, la demanderesse intente son action réclamant 7 000 $.
[21] Le 10 décembre 2009, la demanderesse porte son hypothèque sur sa maison à 115 000 $ (D-5).
[22] La demanderesse dépose des photos pour illustrer son témoignage.
[23] La défenderesse déclare que la demanderesse était bien consciente que la vente se faisait sans garantie légale.
[24] La vente fut notariée le 17 mars 2005 et ce n'est que le 23 février 2009, qu'elle reçoit une mise en demeure réclamant 18 754,17 $ parce qu'elle aurait mal fait son travail (P-12). Elle n'a jamais pu prendre connaissance des déficiences alléguées. Elle estime qu'elle s'est acquittée de ses obligations professionnelles et qu'elle n'a commis aucune faute pouvant engager sa responsabilité.
ANALYSE ET MOTIFS
[25] La demanderesse exerce un recours extracontractuel contre la défenderesse qui l'aurait, selon son affirmation, induite en erreur et sécurisée en lui disant qu'il n'y avait pas d'infiltration d'eau, sans vérifier la véracité de ses propos. La demanderesse considère que la défenderesse a commis une faute qui a causé un dommage à son endroit.
[26] L'une des plus importantes obligations qui incombent à l'agent immobilier est de vérifier conformément aux usages et aux règles de l'art, les renseignements qu'ils fournissent aux acheteurs potentiels. Ils doivent toujours être en mesure de démontrer l'exactitude de leurs renseignements.
[27] Certes, l'obligation de l'agent ne va pas jusqu'à défaire des murs ou des composantes de la maison pour en vérifier les caractéristiques. Il n'a pas l'obligation d'un expert architecte, ingénieur ou constructeur. De même, son examen de l'immeuble n'est pas de même nature que celui de l'inspection préalable faite à l'achat de l'immeuble. L'inspecteur qui visite l'immeuble avant l'achat doit vérifier les défauts de la maison, alors que l'agent doit plutôt vérifier ses caractéristiques, considérer les déclarations du vendeur, cela implique aussi mais plus sommairement évidemment, les défauts et les qualités de l'édifice. Il est tenu d'identifier les vices apparents et en particulier le contenu de la fiche descriptive pour s'assurer qu'elle reflète bien la situation de l'immeuble tel qu'il existe, étant entendu que l'une des raisons qui incitent un acheteur profane en matière de construction a passer par un agent immobilier, c'est de faire affaires avec quelqu'un qui est bien informé.
[28] Pour un acheteur profane, l'agent immobilier est un spécialiste de l'immobilier et il le considère comme un expert tel que mentionné dans le jugement Papineau c. Sigouin (1994 R.D.I., 154, 157 C.c.Q.) :
«Le courtier est un spécialiste en immeubles. Il a l'obligation de conseiller son client vendeur et de le représenter adéquatement dans les négociations et la transaction. Le courtier doit s'assurer des caractéristiques de l'immeuble qu'il propose en vente, de ses qualités et de ses défauts. Il doit faire plus qu'une courte visite de l'immeuble. Il ne peut se fier uniquement aux informations transmises par son client puisque ce dernier n'est pas un expert en la matière.»
[29] À cet égard, les Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers adoptées en vertu de la Loi sur le courtage immobilier précisent les devoirs d'obligations de l'agent immobilier envers les clients et les parties à une transaction :
«1. Le membre de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec doit exercer sa profession avec prudence, diligence et compétence, et faire preuve de probité, de courtoisie et d'esprit de collaboration. Il ne doit commettre aucun acte dérogatoire à l'honneur et à la dignité de la profession.
11. Le membre doit vérifier, conformément aux usages et aux règles de l'art, les renseignements qu'il fournit au public ou à un autre membre. Il doit toujours être en mesure de démontrer l'exactitude de ces renseignements.
23. Le membre doit fournir toutes les explications nécessaires à la compréhension et à l'appréciation des services qu'il s'engage à rendre ou qu'il rend.
24. Le membre doit protéger et promouvoir les intérêts de son client tout en accordant un traitement équitable à toutes les parties à une transaction visée à l'article 1 de la Loi.
26. Le membre doit entreprendre les démarches pour découvrir, conformément aux usages et aux règles de l'art, les facteurs pouvant affecter défavorablement son client ou les parties à une transaction visée à l'article 1 de la Loi ou l'objet même de cette transaction.
27. Le membre doit entreprendre les démarches pour découvrir, conformément aux usages et aux règles de l'art, les facteurs pouvant affecter défavorablement son client ou les parties à une transaction visée à l'article 1 de la Loi ou l'objet même de cette transaction.
28. Le membre doit informer son client et toutes les parties à une transaction visée à l'article 1 de la Loi de tout facteur dont il a connaissance qui peut affecter défavorablement les parties ou l'objet même de la transaction.»
[30] Dans le cas d'espèce, la demanderesse reproche à l'agente immobilière de l'avoir sécurisée lorsqu'elle a vu de l'eau dans le sous-sol en lui disant que la maison étant inhabitée, la pompe n'avait pas fonctionné pour évacuer l'eau et qu'il n'y avait pas d'infiltration d'eau.
[31]
Nous sommes en
présence d'un contrat de service professionnel régi par les articles
[32] Cependant, la défenderesse soulève un argument important. La demanderesse a pris possession de la maison le 17 mars 2005; elle déclare avoir immédiatement constaté des problèmes d'infiltration d'eau et de moisissures; elle a fait exécuter les travaux correctifs en juillet 2007 et ce n'est que le 23 février 2009 qu'elle dénonce les problèmes à la défenderesse et lui demande de payer 18 754,14 $. Ce qui signifie en pratique que la défenderesse n'a jamais été en mesure de prendre connaissance des vices et dommages allégués. Ce défaut d'aviser et d'envoyer une mise en demeure à l'agent immobilier en temps utile est fatal à la demanderesse, car la défenderesse ne peut faire valoir ses moyens de défenses.
[33] En terminant, bien que cela ne constitue pas un motif de la décision, il faut constater que la demanderesse a payé cet immeuble 75 000 $ en mars 2005; elle déclare avoir dépensé environ 11 000 $ pour corriger les déficiences du sous-sol, ce qui met son prix à 86 000 $. Le rôle d'évaluation de 2009, établit à 113 900 $ la valeur marchande de sa propriété et la Banque de Nouvelle-Écosse a accepté de mettre une hypothèque de 115 000 $ sur cette propriété le 10 décembre 2009. Le problème de la demanderesse pour l'instant est plutôt de réduire le plus rapidement possible le montant de son hypothèque.
pAR ces motifs le TRIBUNAL :
REJETTE la réclamation, chaque partie assumant ses frais judiciaires.
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__________________________________ RAOUL P. BARBE, J.C.Q. |
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Date d'audience : |
22 février 2011 |
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