Rivard c. Bélanger |
2011 QCCQ 3288 |
||||||
COUR DU QUÉBEC |
|||||||
« Division des petites créances » |
|||||||
CANADA |
|||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||||
DISTRICT DE |
JOLIETTE |
||||||
LOCALITÉ DE |
JOLIETTE |
||||||
« Chambre civile » |
|||||||
N° : |
730-32-006707-090 |
||||||
|
|
||||||
|
|||||||
DATE : |
29 mars 2011 |
||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
RICHARD LANDRY, J.C.Q. |
|||||
|
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
JOSÉE RIVARD et MICHEL LAMBERT |
|||||||
Partie demanderesse |
|||||||
c. |
|||||||
MICHEL BÉLANGER et CHRISTINE LANDRIAULT |
|||||||
Partie défenderesse |
|||||||
|
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
JUGEMENT |
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
[1] Les demandeurs réclament des défendeurs la somme de 7 000 $ en raison de problèmes sérieux aux fondations de l'agrandissement de la maison achetée des défendeurs.
[2] Les défendeurs répliquent que les travaux qu'ils ont réalisés au plancher de l'agrandissement étaient à la satisfaction des demandeurs et que ceux-ci sont mal venus de présenter une telle réclamation.
LA QUESTION EN LITIGE
[3]
Il s'agit ici de déterminer si les travaux réalisés par les défendeurs
étaient conformes à l'entente intervenue entre les parties et si les problèmes
relevés aux fondations de l'agrandissement constituent un vice caché au sens de
l'article
LES FAITS
[4] En mai 2006, les demandeurs s'intéressent à la propriété des défendeurs qui est en vente.
[5] Le 18 mai 2006, après une visite, ils présentent une offre d'achat de 217 500 $. Cette offre comprend à l'article 8.1 b) la clause suivante:
« Le plancher de la salle familiale du rez-de-chaussée qui est en lattes sera réparé par le vendeur avant l'acte notarié, tel que discuté lors de la visite. »
[6] En effet, lors de leur visite, les demandeurs remarquent des dénivellations dans le plancher de cette section de la maison qui fait partie d'un agrandissement réalisé en 1996.
[7] Lors de l'inspection préachat survenu le 24 mai, il est mentionné ceci à l'étape 1152 du rapport d'AmériSpec:
« Plancher: dénivellation observée. Voir sous-sol commentaire numéro 605 b) (mur porteur).
Fissures observées. Nous recommandons de les sceller et de les réparer. Signe d'humidité excessive constatée. Incapable de déterminer la cause. Nous recommandons de démanteler cet endroit, de déterminer la source, de corriger et de remplacer toutes les composantes affectées afin d'éviter des dommages supplémentaires.
Le propriétaire vendeur nous divulgue qu'il refera le plancher. »
[8] Le rapport d'AmériSpec contient également un commentaire concernant le sous-sol de l'agrandissement (« l'addition »):
« Le propriétaire vendeur nous divulgue qu'une fondation de 4' à 5' a été faite à l'addition. Non visible au moment de l'inspection. AmériSpec décline toute responsabilité vis-à-vis cet item. »
[9] La preuve révèle qu'à cette époque, il n'existait pas de trappe permettant d'accéder au vide sanitaire de l'agrandissement.
[10] À l'audition, les parties divergent sur la nature de la « réparation » qui devait être réalisée par les défendeurs.
[11] Les demandeurs déclarent que le plancher de l'agrandissement en lattes de bois devait être défait, soufflé (relevé pour être mis à niveau avec les autres planchers), refait et vernis. De plus, une trappe d'accès au vide sanitaire devait être percée dans ce plancher.
[12] Les défendeurs déclarent qu'ils ne pouvaient que sabler et vernir le plancher ainsi que percer la trappe d'accès.
[13] Nous reviendrons plus loin sur ces déclarations contradictoires.
[14] Chose certaine, les travaux qui devaient être réalisés avant la signature de l'acte notarié du 26 juin 2006 (article 8.1 b) de l'offre d'achat) ne l'ont pas été, les défendeurs ayant décidé de reporter les travaux une fois la maison vidée de son contenu (entre le 26 juin et le 30 juin, date de la prise de possession des demandeurs).
[15] Placés devant un fait accompli au moment de la vente, les demandeurs acceptent de signer l'acte quand même en contrepartie de l'engagement des défendeurs de réparer le plancher. Cependant, une somme de 1 400 $ est retenue par le notaire pour garantir l'exécution des travaux. Ce montant était basé sur la déclaration de monsieur Bélanger que c'était le coût des travaux envisagés de sa part.
[16] Des travaux sont exécutés par les défendeurs dans les jours suivant la signature de l'acte de vente. Les demandeurs déclarent que ces travaux n'étaient pas conformes à l'entente intervenue puisqu'il n'y a eu que le perçage de la trappe, un sablage et un vernissage du plancher. Les défendeurs déclarent qu'ils ne s'étaient pas engagés à plus.
[17] Suivant les représentations du défendeur Bélanger que ces travaux règleraient le problème, les demandeurs acceptent de libérer la retenue de 1 400 $ effectuée par le notaire instrumentant.
[18] Le 17 novembre 2006, les demandeurs constatent à leur plus grand désarroi que le plancher de l'agrandissement est en piteux état:
§ des lattes de bois sont fendues sur le sens de la longueur;
§ il y a gondolement de certaines lattes et ouverture de plusieurs joints entre les lattes du plancher;
§ on constate le craquelage du vernis.
[19] Les demandeurs en font part au défendeur Bélanger qui vient constater la situation sur place. Il est convenu que les demandeurs feront examiner la situation par un expert et qu'ils l'informeront des résultats.
[20] Le 7 décembre 2006, le Groupe Solroc, experts en fondations et en plancher, vient examiner l'agrandissement dans le but d'investiguer la cause des désordres du plancher.
[21] Dans leur rapport du 28 décembre 2006, ils relèvent ce qui suit:
§ des lattes de bois fendues sur le sens de la longueur;
§ le gondolement de certaines lattes;
§ l'ouverture de plusieurs joints entre les lattes du plancher;
§ le craquelage du vernis.
§ de l'humidité importante dans le vide sanitaire sous le plancher;
§ le décollement du mur de fondation Est avec la semelle de l'agrandissement;
§ une faible compacité des sols sous la semelle entraînant le tassement des fondations;
§ l'absence de drain français;
§ le mur de fondation Est est bombé vers l'extérieur;
§ l'absence d'agent imperméabilisant sur les murs de fondation de l'agrandissement.
[22] Ces constats amènent l'entreprise à conclure à « une faiblesse au niveau des fondations de l'agrandissement, caractérisé par des affaissements des semelles installées sur des sols humides et très lâches, de faible capacité portante et à des malfaçons commises lors de la construction de l'agrandissement » . Elle recommande d'effectuer un forage pour évaluer les paramètres géotechniques des sols en place, établir les méthodes de reprise en sous-œuvre, définir les méthodes de colmatages des vides, installer un drain perforé au périmètre du bâtiment ainsi qu'une membrane imperméable sur les murs de fondation.
[23] Le 5 avril 2007, les demandeurs font transmettre aux défendeurs par leur avocat le rapport préparé par Solroc en les tenant responsables des vices affectant les fondations de la propriété et le plancher de l'agrandissement. Ils annoncent qu'ils font procéder au forage recommandé et qu'ils les aviseront des résultats.
[24] Par lettre du 28 mai 2007, les défendeurs font répondre par leur avocate qu'ils ignorent l'état des fondations qui ont été réalisées avant leur occupation en 1997. Ils ajoutent que les demandeurs connaissaient l'état du plancher et que les travaux correctifs ont été exécutés adéquatement. La lettre conclut:
« Dans ces circonstances, nos clients ne sauraient être tenus responsables des problèmes concernant le plancher et le sous-sol de l'agrandissement sur la propriété, s'il en est. En conséquence, toute action de la part de vos clients contre les nôtres serait rigoureusement contestée ».
[25] En septembre 2007, le forage préconisé par Solroc est réalisé par Solmatech inc. Dans son rapport du 30 novembre 2007, cette entreprise conclut ce qui suit:
« En fonction des observations faites et des résultats d'essais, nous sommes d'avis que les déformations observées au niveau de l'agrandissement sont directement associées au post compactage du remblai de sable identifié sur les semelles de l'agrandissement. Ce post compactage a entraîné des tassements significatifs atteignant jusqu'à 15 mm du mur sud-ouest et par conséquent a induit les déformations notées à l'endroit du cadrage de la porte et de l'inclinaison du plancher de l'agrandissement.
Compte tenu du caractère très lâche de ce matériau, il ne peut être exclu que des tassements supplémentaires surviennent ultérieurement. Il est donc recommandé de mettre en place une série de pieux au niveau de l'agrandissement et ainsi rétablir les alignements originaux. Ce type de travaux devra être réalisé par les entrepreneurs spécialisés afin de s'assurer de leur durabilité.
Compte tenu de l'absence d'un drain français au périmètre de l'agrandissement, il est recommandé de prévoir la mise en place d'un tel système de drainage permanent afin de recueillir les eaux d'infiltration et la remontée de l'eau souterraine.
Il est également recommandé de mettre en place une membrane imperméable au droit des murs de fondation de l'agrandissement de colmater les joints ouverts avec un produit approprié. »
[26] En octobre 2008, les demandeurs obtiennent des soumissions de trois entreprises pour réaliser les travaux recommandés par Solmatech.
[27] La plus basse soumission émane du Groupe Atlantech inc. qui établit la valeur des travaux à 11 600 $ plus taxes.
[28] Informés par Groupe Atlantech inc. que les travaux pourront être exécutés le 19 mai 2009, les demandeurs font transmettre par leur avocat le 13 mai 2009 une lettre à l'avocate des défendeurs mentionnant l'évaluation de 11 600 $ plus taxes (excluant le réaménagement paysager) et les avisant qu'ils entendent procéder aux travaux correctifs le 19 mai. La lettre invite également les défendeurs à désigner un expert de leur choix pour constater l'exécution des travaux, s'ils le désirent.
[29] L'avocate répond qu'elle ne représente plus les défendeurs mais qu'elle leur a fait suivre la lettre par courriel du 13 mai. Les demandeurs n'ont pas voulu reporter les travaux parce qu'il est très difficile d'obtenir la disponibilité de ces professionnels et que les défendeurs avaient déjà de toute façon fait connaître le 28 mai 2007 leur dénégation de toute responsabilité dans cette affaire. Les demandeurs font exécuter les travaux à la date prévue par le Groupe Atlantech. La facture s'élève à 13 093,50 $ (taxes incluses).
[30] Dans une lettre du 27 mai 2009, le nouvel avocat des défendeurs avise celui des demandeurs que ceux-ci ont été en mesure de faire toutes les vérifications et expertises appropriées avant l'achat, qu'ils ont renoncé à tous recours en faisant exécuter les travaux sans permettre à ses clients de faire vérifier la nécessité des travaux réalisés et qu'ils entendent contester vigoureusement toutes procédures judiciaires intentées contre eux.
[31] Les demandeurs décident de réduire leur réclamation à 7 000 $ pour bénéficier des avantages de la Division des petites créances. Leur poursuite est déposée le 25 juin 2009.
[32] Un jugement par défaut a été rendu contre les défendeurs le 15 novembre 2010. Cependant, des requêtes en rétractation ont été reçues et le soussigné a décidé au début de l'audition du 21 mars 2011 de rétracter ce jugement pour cause juste et suffisante, les défendeurs ayant été insuffisamment informés, selon leur témoignage, des procédures à faire pour contester la demande.
[33] Par conséquent, l'audition a été reprise en présence des deux parties et il convient maintenant de disposer du litige à son mérite.
LES PRINCIPES DE DROIT APPLICABLES
[34] La « garantie légale » que l'on retrouve dans la plupart du contrat de vente comme dans celui à l'étude comprend la « garantie légale de qualité » d'un bien, mieux connue la garantie contre les « vices cachés » .
[35] Pour déterminer si cette garantie s'applique et comment elle peut s'appliquer dans la présente affaire, il y a lieu d'examiner les principes qui la caractérisent.
A) Les conditions d'application de la garantie
[36]
L'article
1726. « Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminue tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. »
[37] Ainsi, pour que la garantie légale concernant les vices cachés s'applique, certaines conditions doivent être présentes [1] :
1 o le vice doit posséder une certaine gravité
L'acheteur doit prouver que le vice caché rend le bien « impropre à l'usage auquel on le destine » ou « diminue son utilité » au point où il « ne l'aurait pas acheté » ou « n'aurait pas donné si haut prix » .
Pour être considéré comme un « vice » , celui-ci doit engendrer un « déficit d'usage », c'est-à-dire qu'il doit, en tout ou en partie, empêcher un acheteur raisonnable de se servir du bien acheté pour l'usage auquel il est normalement destiné (ex: infiltration d'eau, système de disposition des eaux usées inadéquat, etc.). Cela élimine de la garantie les dégradations, imperfections ou anomalies qui ne privent pas l'acheteur de l'utilisation de ce bien [2] . Est également écarté le vice causé par la perte d'usage « normale » , c'est-à-dire provoquée par l'usure, le vieillissement ou la vétusté prévisible [3] (ex: toiture ayant atteint sa durée de vie utile).
Est donc écarté le vice mineur ou de peu d'importance qui n'aurait pas empêché un acheteur raisonnable d'acquérir le bien ou n'aurait pas entraîné une réduction significative du prix convenu [4] .
Pour apprécier la gravité du vice, le Tribunal peut tenir compte du coût des travaux de réparations, l'importance de la nuisance ou des inconvénients subis par l'acheteur, la diminution réelle de la valeur du bien et le temps que l'acheteur a pris pour le faire réparer.
2 o le vice doit être antérieur à la vente
L'acheteur doit démontrer que le vice était présent au moment où il a acquis le bien, ce qui comprend le vice qui existait à l'état latent (« en germe » ) avant la vente mais dont la manifestation ne survient qu'après la vente. Cela exclut donc le vice qui prend naissance après la vente et dont seul l'acheteur assume le risque ou le vice causé par un mauvais usage de l'acheteur lui-même.
La survenance d'un vice peu après la prise de possession de l'acheteur peut créer une présomption de l'existence antérieure d'un vice.
3 o le vice doit être inconnu de l'acheteur
Si l'acheteur a été informé de l'existence d'un vice avant la vente, ce vice ne peut être « caché » . C'est le cas où le vendeur, l'agent d'immeuble, les documents contractuels, la fiche descriptive de l'immeuble ou le rapport d'inspection préachat dénoncent l'existence d'un vice quelconque. La connaissance suffisante du vice par l'acheteur doit être prouvée par le vendeur.
4 o le vice doit être caché (« occulte »)
Par « caché » , on entend un vice qui ne peut être découvert par un acheteur prudent et diligent malgré un examen raisonnable de l'objet de la vente. L'intensité de cet examen peut varier : on n'achète pas une maison comme on achète un parapluie.
Bien que l'article
Ainsi, un vice n'est pas « caché » du seul fait que l'acheteur ne l'a pas aperçu ou n'en a pas apprécié la gravité. Le vice qui aurait pu être constaté par un acheteur consciencieux sera considéré comme apparent [5] .
La détermination de ce qui est « caché » ou « apparent » sera influencée par l'ensemble des circonstances particulières à chaque cas . Ainsi, le Tribunal prend en considération le statut du vendeur (vendeur spécialisé ou non), le statut de l'acheteur (profane ou qualifié en construction), la nature du bien acheté (maison, commerce, industrie), son âge, le prix payé, la nature du vice, le comportement des parties [6] et tout autre élément qui particularise le litige.
Par exemple, on sera plus exigeant envers le vendeur si celui-ci est le constructeur de la maison. À l'inverse, si l'acheteur est un professionnel de la construction, on n'exigera un examen plus poussé de sa part que s'il s'agit d'un profane. De même, l'examen d'une maison âgée de 50 ans devra être plus poussé que celui d'une maison presque neuve.
En matière de vice caché, il n'est pas requis de prouver que le vendeur connaissait l'existence du vice reproché; le plus souvent, il l'ignore, ce qui en confirme souvent l'aspect « occulte » .
Par contre, si le vendeur connaissait le vice ou ne
pouvait l'ignorer, sa responsabilité sera plus grande car il est tenu à des
dommages plus étendus (article
1728. « Si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l'ignorer, il est tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages-intérêts soufferts par l'acheteur. »
5 o la dénonciation du vice
L'article 1739 exige que l'acheteur qui constate un
vice doit le dénoncer par écrit au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa
découverte afin de permettre à ce dernier de faire ses propres constatations et
protéger ses droits (contre-expertise, réparations à un prix moindre que celui
exigé par l'acheteur). La règle du délai raisonnable ne s'applique cependant
pas s'il est prouvé que le vendeur connaissait ou ne pouvait ignorer le vice
(article
1739. « L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.
Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice. »
B) Les indices
[38] Lorsqu'un promettant-acheteur a connaissance d'indices suggérant qu'il existe des problèmes dans l'immeuble convoité, il ne peut rester passif devant cette situation. Il doit se renseigner sur la cause des problèmes avant d'acheter au risque de voir son recours rejeté [7] .
[39] Ainsi, des indices tels un mur déformé, la présence d'une pompe au sous-sol, des morceaux de tuyaux sur le sol, des traces d'efflorescence, des fissures, un taux d'humidité très élevé ou des signes de colmatage suggèrent des problèmes aux fondations et peuvent requérir des inspections plus poussées, sous peine que le vice soit considéré comme apparent [8] .
[40] Dans certains cas, ce sont les manquements de l'inspecteur pré-achat à constater des problèmes révélés par des indices qui ont rendu « apparents » des vices qui auraient pu être considérés autrement comme « cachés » [9] .
[41] En décembre 2006, dans St-Louis c. Morin [10] , la Cour d'appel annule la vente d'une maison parce qu'il n'était pas possible de déceler les désordres dans l'entretoit vu que la trappe d'accès avait été camouflée. Cependant, la Cour fait cette mise au point sur la question des indices (paragraphe 39):
« En résumé, lorsque l'immeuble présente un indice permettant de soupçonner l'existence d'un vice potentiel, l'acheteur prudent et diligent, qui n'a pas fait appel à un expert, doit le faire ou vérifier autrement et de façon satisfaisante ce qui est suspect. Dans le cas où l'acheteur a déjà fait appel à un expert, la présence de signes annonciateurs d'un vice potentiel oblige l'expert à faire une inspection plus approfondie. S'il ne le fait pas et qu'un vice est mis à jour, la conclusion que le vice n'était pas caché s'imposera. »
C) Les représentations du vendeur
[42] D'autre part, la jurisprudence a aussi établi qu'un vice révélé par des indices pouvait quand même être considéré comme vice « caché » si le vendeur a fourni, même de bonne foi , des informations fausses ou inexactes qui sont de nature à créer chez l'acheteur un sentiment de fausse sécurité [11] .
[43] Ainsi, dans l'arrêt de la Cour d'appel rendu dans Proulx-Robertson c. Collins [12] , Monsieur le juge Lebel écrivait (à la page 157):
« Les relations entre un vendeur et un acquéreur d'une propriété immobilière ne s'assimilent pas à un jeu de cache-cache . Les vendeurs demeurent soumis à des obligations d' honnêteté et de loyauté vis-à-vis de l'acquéreur potentiel. Connaissant un problème sérieux, ils se doivent, à tout le moins, de ne pas induire en erreur l'autre partie en l'envoyant délibérément sur une fausse piste ou en induisant chez elle un sentiment de fausse sécurité . Le dol présent dans ce dossier contribue à rendre caché un vice qui, dans d'autres circonstances, pourrait être apparent. »
[44] La Cour d'appel s'était prononcée dans le même sens dans Placements Jacpar inc. c. Benzakour [13] :
« Le propre comportement du vendeur jouera son rôle à l'occasion dans l'appréciation du caractère du vice. Ainsi, ces fausses représentations ou le dol du vendeur quant à l'état de la chose ou aux causes réelles de vices apparents dégageront parfois l'acquéreur de l'obligation d'explorer davantage.
Le dol ou le mensonge du vendeur peut rendre un vice juridiquement caché, surtout lorsque l'acquéreur a demandé une explication au sujet des manifestations d'un défaut et qu'on l'a orienté sur une fausse piste . On ne peut reprocher à l'acquéreur de soupçonner la mauvaise foi de son vendeur. »
[45] Ce raisonnement s'applique non seulement dans les situations où le vendeur camoufle le problème existant mais aussi dans celles où il amoindrit son importance réelle de manière à rassurer indûment l'acheteur ou l'induire en erreur [14] .
[46] En résumé, le vendeur a l'obligation de donner « l'heure juste » .
[47] Par exemple, les tribunaux ont qualifié de vices cachés des problèmes ayant fait l'objet, de manière dolosive ou fausse [15] , de déclarations équivoques, incomplètes ou biaisées: dénonciation de légères infiltrations d'eau au printemps alors qu'il s'agit d'infiltrations importantes et généralisées [16] , explications biaisées sur la cause du bombement d'un mur et sur des infiltrations d'eau [17] , explications inexactes et rassurantes minimisant le problème d'infiltrations d'eau [18] , omission de fournir l'ensemble des informations utiles sur le problème d'infiltrations [19] , omission de parler d'un problème de fissures qui réapparaissent annuellement [20] , indices cachés par des vignes, du crépi et un balcon [21] , informations inadéquates sur la quantité d'eau [22] , etc.
D) Les compensations payables à l'acheteur
[48] Concernant la détermination des compensations exigibles par l'acheteur lésé, il existe certaines règles qui doivent être prises en considération.
[49] Dans leur traité sur La Responsabilité Civile [23] , les auteurs Baudouin et Deslauriers approchent la question de l'indemnisation en ces termes (à la page 313):
« La jurisprudence tente de réaliser un équilibre entre deux impératifs. Le premier est de voir à ce que l'indemnisation ne soit pas une source d'enrichissement pour la victime. Le second est, au contraire, d'éviter de la laisser dans une situation ne reflétant pas une réparation intégrale. »
[50] Ils précisent (à la page 315):
« Lorsque l'objet avait déjà subi les assauts du temps et n'était donc pas neuf au moment où le dommage a été subi, accorder la pleine valeur de remplacement est, dans un sens, enrichir la victime qui se retrouve avec un objet complètement neuf et non dévalué. C'est pourquoi, en général, les tribunaux compensent ce fait en tenant compte de la dépréciation selon les circonstances." ( et, à la page 317) " Les réparations confèrent parfois (en matières immobilières par exemple) une plus-value au bien et augmentent sa valeur économique. Les tribunaux déduisent alors du coût des réparations une certaine somme pour tenir compte de celle-ci. »
[51] Par exemple, les tribunaux tiennent compte du fait que les réparations réalisées pour corriger un vice caché vont prolonger la durée de vie utile d'un bien ou en accroître l'utilité [24] .
[52] Ce sont là les notions générales de droit applicables en matière de recours basés sur des vices « cachés » .
ANALYSE ET DÉCISION
[53] Dans l'esprit du soussigné, il ne fait pas de doute que les désordres affectant les fondations de l'agrandissement constituaient un vice caché au sens de la loi.
[54] Avant la vente, les demandeurs n'ont pu constater l'état de ces fondations puisqu'il n'y avait aucun moyen d'y accéder sans trappe. Cette trappe devait être créée avant la vente (article 8.1 b) de l'offre d'achat), ce qui aurait pu permettre de le faire.
[55] Les défendeurs produisent des déclarations écrites suivant lesquelles la trappe aurait été percée avant la vente et que le père de madame Rivard aurait jeté un coup d'œil dans le vide sanitaire. Les demandeurs sont formels que la trappe a été percée après la vente en même temps que les autres travaux. Le seul « accès » disponible avant la vente était une bouche de ventilation trop exiguë pour descendre dans le vide sanitaire. Leur version est plus vraisemblable.
[56] Les défendeurs ont unilatéralement décidé d'exécuter les réparations convenues après la vente, plaçant les demandeurs devant un fait accompli. En agissant ainsi, les défendeurs ont par le fait même privé les demandeurs de toute possibilité de constater l'état des fondations.
[57] L'état du plancher de l'agrandissement lors des visites pré-achat constituait un vice apparent qui devait amener les demandeurs à réagir. C'est ce qu'ils ont fait en exigeant des défendeurs qu'ils réparent le plancher défectueux, ce que ceux-ci se sont engagés à faire.
[58] Or, les réparations effectuées par les défendeurs ont non seulement été différentes de celles attendues par les demandeurs mais, au surplus, elles étaient nettement insuffisantes pour véritablement « réparer » le plancher, vu les désordres des fondations qui causaient le problème.
[59] En effet, il existait des vices cachés importants au niveau des fondations qui faisaient en sorte que toutes réparations superficielles devenaient illusoires et temporaires.
[60] L'engagement des défendeurs de « réparer le plancher » constituait une garantie conventionnelle obligeant ceux-ci à procurer le résultat escompté c'est-à-dire la réparation définitive du problème.
[61] À titre d'exemple, dans Desmeules c. Côté [25] , Madame la juge Tessier Couture était saisie d'un litige dans lequel la venderesse Côté s'était engagée, avant la vente, à faire réparer le mur arrière fissuré de la résidence. Or, les travaux n'ont pas été exécutés adéquatement et les problèmes ont ressurgi après la vente. En accordant 73 628 $ à l'acheteur, la juge écrit:
[ 60 ] « En l'instance, Madeleine Côté s'est engagée à réparer le mur selon les règles de l'art. Il s'agit d'une obligation de résultat laquelle se définit ainsi:
(…) L'obligation de résultat est celle pour la satisfaction pour laquelle le débiteur est tenu de fournir au créancier un résultat précis et déterminé. (…)
(…)
Sur le plan de la preuve, l'absence de résultat fait donc présumer la faute du débiteur et place sur ses épaules le fardeau de démontrer que l'inexécution provient d'une cause qui ne lui est pas imputable (…)
(références omises) »
[62] Il va de soi que les défendeurs ne s'attendaient pas à devoir exécuter des travaux de l'envergure de ceux qui ont été réalisés chez les demandeurs pour régler les problèmes du plancher et de l'agrandissement.
[63] Cela dit, il est également clair que le simple sablage et vernissage réalisés étaient nettement insuffisants pour procurer aux défendeurs le résultat escompté. La preuve en est que dès le 17 novembre 2006, moins de cinq mois après la prise de possession des demandeurs, le plancher « réparé » s'est complètement détérioré.
[64] Il est faux d'affirmer que les demandeurs ont accepté les travaux correctifs tels quels. Ils s'en sont remis aux représentations du défendeur Bélanger selon lequel les travaux réalisés règleraient le problème, ce qui fut loin d'être le cas.
[65]
La cause de ces désordres constituait donc lors de la vente un vice
caché dont les défendeurs sont redevables aux demandeurs en vertu de l'article
[66] Les coûts encourus par les demandeurs excèdent largement la limite monétaire de la Division des petites créances, notamment quand on ajoute au prix des travaux (13 093,50 $) les frais d'expertise qui dépassent 2 000 $ et les frais de réaménagement du terrain. La condamnation doit cependant être limitée à 7 000 $.
[67] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[68]
CONDAMNE solidairement monsieur Michel Bélanger et madame Christine
Landriault à payer conjointement aux demandeurs la somme de 7 000 $,
avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article
|
||
|
__________________________________ RICHARD LANDRY, J.C.Q. |
|
|
||
|
||
|
||
Date d’audience : |
21 mars 2011 |
|
[1]
EDWARDS Jeffrey,
[2] EDWARDS Jeffrey, op.cit. , note 1, aux pages 133 et suivantes.
[3] EDWARDS, Jeffrey, op.cit., note 1, aux pages 154 et suivantes.
[4]
125385 Canada inc.
c.
Groupe Collège Lasalle
[5]
Naud
c.
Normand
[6]
Placement Jacmar inc.
c.
Benzakour
[7]
Gélinas
c.
Beaumier
J.E. 990-128 (C.A.);
Cloutier
c.
Létourneau
[8]
Lire à titre d'exemples
Asselin
c.
Audet
[9]
Préseault
c.
Inspec-Tech inc.
[10]
[11]
Voir
Tremblay
c.
Paradis
[12]
[1992] R.D.I. 154
;
[13]
[14]
B. & R. Gauthier inc.
c.
Lemieux
[15] B.E. 2004BE-935 (C.A.)
[16]
Lafleur
c.
St-Yves
[17]
Leblanc
c.
Biron
[18]
Chicoine
c.
Normandin
[19]
Routhier
c.
Bélisle
[20]
Carter
c.
Morel
[21]
Auger
c.
Lavallée
[22] AZ-04019582 .
[23] Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 2003, 6 ième édition, 1953 pages.
[24]
Voir à titre d'exemple
Vachon
c.
Baril
[25]