RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX
DÉCISION
[1] Le 16 février 2011, la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie) a convoqué en audience la titulaire en vue de procéder à une enquête et déterminer si elle avait commis quelque manquement à ses obligations légales en rapport avec les événements mentionnés à l’avis et, le cas échéant, aux fins de sanctionner tel manquement.
LES FAITS
[2] Les faits qui ont donné ouverture à la convocation se résument comme suit à l’avis de convocation :
[ Transcription conforme]
Bière ne provenant pas directement du brasseur ou d’une personne autorisée
Le 13 octobre 2010, les policiers ont saisi, dans votre établissement, le(s) contenant(s) de boisson(s) alcoolique(s) suivant(s) (Document 1) :
- 4 bouteille(s) de bière de 341 millilitre(s) de marque Labatt Bleue , 4,9 % alc./vol. (item 1)
- 13 bouteille(s) de bière de 341 millilitre(s) de marque Bud Light , 4 % alc./vol. (item 2)
Ce(s) contenant(s) n’était(ent) pas marqué(s) (mention CSP ou timbre).
Ce(s) contenant(s) a (ont) été trouvé(s) dans différents endroits.
Total en litres du (des) contenant(s) : 5,797 litres.
Autres informations pertinentes
9039-5633 Québec inc. est autorisé(e) à exploiter cet établissement depuis le 15 novembre 1996.
La date d’anniversaire du(des) permis est le 5 février.
[3] Le 23 février 2011, le responsable de la titulaire avait envoyé à la Régie un document intitulé « Affidavit détaillé de Madame Karyn Bélanger », directrice qualité de la compagnie Labatt, daté du 21 janvier 2011. Cette preuve documentaire se lit comme suit :
[ Transcription conforme]
AFFIDAVIT DÉTAILLÉ DE MADAME KARYN BÉLANGER
Je, soussignée, Karyn Bélanger, Directrice qualité, ayant mon bureau au 50 rue Labatt, en la ville de LaSalle, province de Québec, H8R 3E7, affirme solennellement ce qui suit :
1. Je suis la Directrice qualité auprès de La Brasserie Labatt du Canada et j’ai pris connaissance personnellement des faits ci-après relatés et ils sont vrais;
2.
Le 13 octobre
2010, dans le dossier no. 131-101013-003, dans la localité de Mansfield,
l’agent Maurice Bélanger a saisi quatre (4) bouteilles de bière de marque
Labatt Bleue de 341 ml et treize (13) bouteilles de bière de marque Bud
Light de 341 ml en raison d’une infraction alléguée en vertu de l’article
3. Le ou vers le 9 décembre 2010, j’ai été informée de cette saisie et j’ai reçu copie du procès-verbal de saisie produit dans le cadre de cette saisie;
4. Le ou vers le 12 janvier 2011, un de mes employés s’est rendu à l’entrepôt de la Société des Alcools du Québec et a examiné et pris en photo les bouteilles en question pour identifier le code de production des produits;
5. En vertu de cette information, il est généralement possible d’identifier la date et la ligne de production et ainsi valider si le lot en question était destiné pour de la consommation sur place (« CSP ») ou pour de la consommation à domicile (« CAD »);
6. Comme les produits Labatt Bleue ne portent aucun code de production sur leurs étiquettes, il est impossible de déterminer si ces produits proviennent d’une production « CSP » ou d’une production « CAD »;
7. L’absence de code de production sur les étiquettes de Labatt Bleue peut être le résultat d’une erreur de codage sur la ligne de production de la Brasserie. Cependant, des tests de qualité sont effectués aux demi-heures et ce genre d’erreur est très rare. Ceci dit, l’inscription du code de production est indélibile et il n’est pas possible de simplement l’effacer;
8. Quant aux bouteilles de marque Bud Light, le code de production confirme que ces produits ont été embouteillées lors d’une journée où il y a eu de la production « CSP » et de la production « CAD ». Selon le code de production, ces produits ont été embouteillés vers 15h16. Or, selon nos rapports de production disponibles, la transition entre l’embouteillage « CAD » et l’embouteillage « CSP » s’est produite entre 14h51 et 16h05 cette journée-là. Il est donc probable qu’une erreur se soit glissée lors de la transition de l’embouteillage « CAD » vers l’embouteillage « CSP ». Le problème n’a été décelé qu’une fois que les produits étaient sur le marché, les bouteilles en question ayant été placées dans des caisses scellées de carton de type « CSP »;
9. Bien que nous déployions tous les efforts nécessaires afin d’éviter que de telles situations se présentent, il peut arriver que certaines erreurs se produisent;
10. Les faits ci-haut relatés sont vrais.
ET J’AI SIGNÉ :
(Signature)
KARYN BÉLANGER
Affirmé solennellement devant moi
À LaSalle, ce 21 ième jour du mois de janvier 2011
(Signature)
Thierry Brossard
Avocat
[4] L’audience s’est tenue, par conférence téléphonique, au Palais de justice de Montréal le 30 mars 2011. La titulaire était représentée par son responsable, M. Yvon Sirard. La Direction du contentieux de la Régie était représentée par M e Julien Provost.
Preuve de la titulaire
Témoignage de M. Yvon Sirard
[5] La titulaire exploite son permis depuis novembre 1996. M. Sirard déclare ignorer la raison pour laquelle 13 bouteilles de bière Bud Light et 4 bouteilles de bière Labatt Bleue ne portant pas de code CSP se trouvaient dans son établissement le 13 octobre 2010.
[6] Il explique que c’est lui qui place, une fois par mois, la commande à La Brasserie Labatt, et ce, depuis plus de 14 ans. Il n’a jamais eu ce genre de problème car il a toujours acheté ses boissons alcooliques conformément à ses permis.
[7] Suite à l’infraction, il s’est adressé à La Brasserie Labatt pour obtenir des explications concernant cette irrégularité. Conséquemment, cette dernière a produit l’affidavit explicatif mentionné précédemment.
LE DROIT
[8] Les dispositions légales qui s'appliquent dans le présent dossier sont les suivantes :
Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques [1] (LIMBA)
82.1. Sous réserve des droits qui lui sont conférés par la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), à titre de titulaire de permis de production artisanale ou de producteur artisanal de bière, un titulaire de permis ne peut garder, posséder ou vendre dans son établissement:
[…]
3° de la bière qui n'a pas été achetée directement de la Société, d'un titulaire d'un permis de brasseur ou de distributeur de bière délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec ou d'un agent d'un titulaire de permis de brasseur ou de distributeur de bière.
[…]
Loi sur les permis d'alcool [2] (LPA)
72.1. Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de production artisanale, de brasseur, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis.
86. […]
La Régie doit révoquer ou suspendre un permis si:
[…]
4° le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1;
[…]
La Régie, dans la détermination de la sanction administrative pour contravention à l'article 72.1, tient compte notamment des facteurs aggravants suivants:
a) la quantité de boissons alcooliques ou d'appareils de loterie vidéo;
b) le fait que les boissons alcooliques sont de mauvaise qualité ou impropres à la consommation;
c) le fait que les boissons alcooliques sont fabriquées frauduleusement ou falsifiées;
d) le fait que le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1 dans les cinq dernières années;
e) le fait que les boissons alcooliques ne sont pas commercialisées par la Société des alcools du Québec et qu'elles ne sont pas fabriquées, embouteillées ou livrées conformément à un permis délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13).
ANALYSE
[9]
L’ensemble de
la législation en matière d’alcool démontre l’intention du législateur
d’assurer un contrôle très serré du commerce des boissons alcooliques au Québec
tant au niveau de la fabrication, de la distribution que de la vente. Selon
les articles
[10] Dans le cas des 13 bouteilles de bière Bud Light , l’affidavit signé par la directrice de qualité de La Brasserie Labatt démontre qu’une erreur aurait très bien pu s’être glissée lors de la transition entre l’embouteillage de bières « CAD » et l’embouteillage de bières « CSP ».
[11] D’après la preuve, il semble que le problème des bières non codées « CSP » mais placées dans des caisses de bières de type « CSP » avait été décelé trop tard par le brasseur, soit après que les produits soient déjà distribués à des clients, titulaires de permis. Conséquemment, la Régie n’interviendra pas en ce qui concerne les 13 bouteilles de Bud Light .
[12] Quant aux 4 bières Labatt Bleue ne portant aucun code, il est à noter que le paragraphe 7 de l’affidavit mentionne que :
[ Transcription conforme]
« L’absence de code de production sur les étiquettes de Labatt Bleue peut être le résultat d’une erreur de codage sur la ligne de production de la Brasserie. Cependant, des tests de qualité sont effectués aux demi-heures et ce genre d’erreur est très rare . Ceci dit, l’inscription du code de production est indélibile et il n’est pas possible de simplement l’effacer »
(Notre souligné)
[13] La Régie souligne que la titulaire, lors de la livraison par Labatt, aurait du vérifier que les bouteilles de bière Labatt Bleue portaient bien le code « CSP ». Or, trois bouteilles ont été trouvées dans le réfrigérateur derrière le comptoir principal et une au sous-sol dans une caisse de bières déjà ouverte (Document 1).
[14] La titulaire n’a pas renversé la présomption de non-conformité.
[15] Compte tenu des faits de la présente affaire et de l’examen de l’ensemble du dossier, la Régie est d’avis que la titulaire a toléré dans son établissement la présence de boissons alcooliques non acquises conformément à son permis et qu’il y a lieu d’intervenir auprès de celle-ci.
[16]
Comme il y a
contravention à l’article
[17] La Régie est d’avis qu’une suspension d’une journée est raisonnable et justifiée dans les circonstances compte tenu du fait que la titulaire, en 14 ans, n’a pas commis d’infraction.
[18] La Régie ajoute que le but premier de cette suspension n’est pas de punir la titulaire, mais plutôt de lui faire réaliser le sérieux des lois relatives à l’exploitation d’un commerce jouissant d’un privilège de vendre de l’alcool au public.
Régisseure