Lecourt c. Lecourt

2011 QCCQ 3889

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

JOLIETTE

LOCALITÉ DE

JOLIETTE

« Chambre civile »

N° :

705-32-010931-100

 

 

 

DATE :

14 avril 2011

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

RICHARD LANDRY, J.C.Q.

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

LOUIS-BERNARD LECOURT

Partie demanderesse

c.

SYLVAIN LECOURT

Partie défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]            Monsieur Louis-Bernard Lecourt réclame de son frère Sylvain Lecourt la somme de 6 900 $ à titre de solde impayé pour la vente de ses actions dans 168601 Canada inc. («  Aéro-Dynamic  »).

[2]            Dans sa contestation, monsieur Sylvain Lecourt plaide que le demandeur n'a pas respecté la clause de non-concurrence contenue à la convention de vente d'actions et qu'il n'a donc pas droit au montant réclamé.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[3]            Il y a ici deux questions principales à résoudre:

1)     Le demandeur a-t-il contrevenu à la clause de non-concurrence (application des articles 1425 et ss. C.c.Q.)?

2)     Le défendeur est-il justifié de ne pas verser la somme réclamée (application de l'article 1591 C.c.Q.)?

LES FAITS

[4]            En 1994, les frères Lecourt fondent Aéro-Dynamic, une compagnie spécialisée dans les réparations d'aéronefs.  Ils sont tous deux mécaniciens d'avion.  La compagnie est basée à Mascouche.

[5]            En 2004, le demandeur Louis-Bernard Lecourt décide de quitter la compagnie et vend la totalité de ses actions à son frère Sylvain pour le prix de 18 800 $.

[6]            Ainsi, le 19 novembre 2004, ils signent une convention de vente d'actions («  la convention  ») prévoyant que ce montant de 18 800 $ sera payable en 3 versements comme suit:

-          5 000 $ au cours de l'année 2005

-          6 900 $ au cours de l'année 2006

-          6 900 $ au cours de l'année 2007

[7]            La convention contient à l'article 13 une clause de NON-CONCURRENCE ET NON-SOLLICITATION qui se lit comme suit:

« Le Vendeur convient et s'engage expressément, pendant une période de quatre (4) ans à compter de la date de la disposition de ses actions, à ne pas, directement ou indirectement, entrer en affaires ou prêter son concours à une autre entreprise oeuvrant dans le même domaine que celui exploité par la société soit la réparation d'aéronefs et la vente de produits pétroliers pour le secteur résidentiel et commercial dans tout le territoire couvert par les districts judiciaires de Joliette et/ou dans un rayon de 50km, à ne pas solliciter tout employé-cadre, fournisseur, distributeur ou client de la Société pour le compte d'une telle entreprise ou amener ou décider toute personne à mettre fin à ses relations d'affaires avec la Société ou à poser tout acte qui soit de nature à faire concurrence à la Société.

Pour toute dérogation au présent engagement, Le Vendeur convient que s'il contrevient au présent engagement et ne remédie pas à ce défaut dans les quinze (15) jours de la réception d'un avis de l'Acquéreur lui notifiant ce défaut, Le Vendeur paiera une pénalité de mille dollars (1 000,00 $), dès le premier jour de toute contravention, ainsi qu'une pénalité de mille dollars (1 000,00 $) pour chaque jour ou partie de jour de contravention à un engagement stipulé aux présentes par le contrevenant, le tout sans autre formalité ni avis.

Chacun des actionnaires déclare expressément et reconnaît, par les présentes, que les engagements prévus ci-dessus sont raisonnables, quant à leur durée, à leur territoire et aux personnes qu'ils visent. »

[8]            La preuve révèle qu'en 2005, le défendeur Sylvain Lecourt reproche verbalement à son frère de contrevenir à cette clause en travaillant pour une entreprise de réparations d'aéronefs (Laval Aviation).  Il décide néanmoins de verser le paiement de 5 000 $ prévu à la convention.

[9]            La même chose survient en 2006 mais le versement de 6 900 $ est également effectué.

[10]         Rendu en 2007, le défendeur choisit de ne pas payer le dernier versement de 6 900 $ pour cette raison.

[11]         La preuve révèle qu'en 2007, le principal emploi du demandeur est mécanicien pour la compagnie Starlink à Dorval.  Il travaille également pour la compagnie Laval Aviation à temps partiel (quelques heures par semaine).

[12]         Le défendeur convient que le travail pour Starlink ne contrevient pas à la clause de non-concurrence.  Il plaide cependant qu'il en va tout autrement du travail effectué chez Laval Aviation dont les activités sont dans le même domaine que celui d'Aéro-Dynamic.

[13]         Le demandeur réplique que son travail à temps partiel pour Laval Aviation ne contrevenait pas à la clause de non-concurrence et, qu'au surplus, il n'a jamais reçu les avis prescrits au second paragraphe de l'article 13 de la convention.

[14]         Les choses en restent là jusqu'en 2010.  Le demandeur transmet alors le 11 janvier 2010 une mise en demeure réclamant au défendeur le paiement de son dernier versement de 6 900 $.

[15]         Dans une réponse du 18 février 2010, l'avocat du défendeur écrit:

« Notre client nous a remis copie de votre lettre datée du 11 janvier 2010 pour étude et réponse.

Or, notre client nous a également indiqué qu'il vous avait déjà avisé verbalement, avant l'échéance du paiement réclamé prévu pour le 31 décembre 2007, qu'à défaut par vous de mettre fin à la concurrence que vous pratiquez à l'encontre de la compagnie Aéro-Dynamic en contravention directe avec votre engagement contractuel en ce sens, il invoquerait l'exception d'inexécution et n'effectuerait pas le dernier des versements prévus.

Ainsi, notre client nous mandate de vous aviser qu'il ne vous doit rien et ne donnera pas plus amplement suite à la vôtre du 11 janvier 2010. »

[16]         Les procédures judiciaires à l'étude sont déposées quelques jours plus tard.

ANALYSE ET DÉCISION

[17]         Il convient maintenant de répondre aux deux questions identifiées plus haut:

1)     Le demandeur a-t-il contrevenu à la clause de non-concurrence?

[18]         Tout en reconnaissant avoir travaillé à temps partiel pour Laval Aviation en 2007, le demandeur argumente que ce travail n'est pas visé par les termes « entrer en affaires ou prêter son concours à une autre entreprise oeuvrant dans le même domaine, directement ou indirectement…» .

[19]         Pour lui, « entrer en affaires » signifie « partir à son compte» , ce qu'il n'a pas fait.

[20]         Quant à l'expression « prêter son concours à une autre entreprise» , elle aurait le sens, selon les dictionnaires et selon Internet, de « aider», «soutenir», «prêter(son) support, aide et assistance» , ce qui ferait référence à un support bénévole plutôt qu'à un travail rémunéré qui, selon lui, ne serait pas visé par la clause.

[21]         Le soussigné n'est pas de cet avis.

[22]         Il est vrai que l'utilisation de l'expression « prêter son concours» peut soulever à prime abord une certaine ambiguïté.

[23]         Cependant, lorsqu'on la place dans le contexte d'une clause de non-concurrence, on voit mal pourquoi la clause aurait voulu empêcher le demandeur de faire du « bénévolat» pour une entreprise concurrente mais qu'il aurait été autorisé à effectuer du travail rémunéré.

[24]         De plus, l'article 13 prohibe également le fait de «  poser tout acte qui soit de nature à faire concurrence à la Société » .  Cela contribue à faire en sorte qu'un travail rémunéré pour le compte d'une entreprise «  oeuvrant dans le même domaine » est visé par la clause de non-concurrence.

[25]         Lorsque l'interprétation d'un contrat comporte une ambiguïté, le Code civil du Québec contient des règles pour en disposer, dont les suivantes:

1425.  Dans l'interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes utilisés.

1426.  On tient compte, dans l'interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l'interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu'il peut avoir reçue, ainsi que des usages.

1428.  Une clause s'entend dans le sens qui lui confère quelque effet plutôt que dans celui qui n'en produit aucun.

1429.  Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat.

1432.  Dans le doute, le contrat s'interprète en faveur de celui qui a contracté l'obligation et contre celui qui l'a stipulée. Dans tous les cas, il s'interprète en faveur de l'adhérent ou du consommateur.

[26]         L'interprétation littérale proposée par le demandeur ne résiste pas à l'analyse.  Nonobstant les termes utilisés, il est clair que la clause de non-concurrence visait toute forme de concurrence, directe ou indirecte, que le demandeur pourrait réaliser à l'encontre des intérêts d'Aéro-Dynamic pendant les 4 années suivant la signature de la convention.

[27]         Pour toutes ces raisons, je conclus que le demandeur a contrevenu à la clause de non-concurrence contenue à la convention, même si, selon la preuve, cette concurrence n'a pas été très importante.

2)     Le défendeur est-il justifié de ne pas verser la somme réclamée?

a) Les principes de droit applicables:

[28]         Même si la contravention à la clause de non-concurrence a été établie, cela donne-t-il droit au défendeur de ne pas effectuer le dernier versement de 6 900 $?  Peut-il faire un «  compte à compte », comme il le propose à l'audition?

[29]         C'est ici qu'entrent en ligne les règles concernant l'exception d'inexécution prévue à l'article 1591 du Code civil du Québec:

1591.  Lorsque les obligations résultant d'un contrat synallagmatique sont exigibles et que l'une des parties n'exécute pas substantiellement la sienne ou n'offre pas de l'exécuter, l'autre partie peut, dans une mesure correspondante, refuser d'exécuter son obligation corrélative, à moins qu'il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des usages qu'elle soit tenue d'exécuter la première.

 

 

[30]         Dans leur traité sur Les Obligations [1] , les auteurs Baudouin et Jobin écrivent ce qui suit concernant l'exception d'inexécution:

818 - OBSERVATIONS GÉNÉRALES

«  …En pratique, il ( le principe) permet soit de présenter une défense valable à une poursuite judiciaire du cocontractant (poursuite alors prématurée ), soit de suspendre impunément l'inexécution de sa propre obligation jusqu'à ce que l'autre partie se montre prête à exécuter la sienne.  C'est en réalité un moyen de pression sur l'autre partie pour qu'elle honore son engagement sans retard…»

824 - MOYEN DE DÉFENSE

«  L'exception d'inexécution constitue un moyen de défense à une demande en justice, instituée contre le contractant qui est lui-même victime d'une faute contractuelle; elle n'a pas pour effet , au contraire de la résolution, d'éteindre les obligations contractuelles des parties et de disposer de leurs droits Elle ne peut pas non plus être invoquée pour se libérer d'une clause d'un contrat.  Elle permet simplement la suspension de l'exécution du contractant qui l'invoque, jusqu'à l'inexécution de l'obligation réciproque, laissant donc ouverts , en cas d'inexécution fautive, tous les recours prévus par la loi .  Lorsqu'elle réussit, cette défense entraîne le rejet de l'action, sous réserve du droit du demandeur d'instituer une autre action quand il aura exécuté, ou au moins dûment offert d'exécuter son obligation. »

(soulignements ajoutés)

[31]         Pour que l'exception d'inexécution s'applique, il faut que quatre conditions soient rencontrées [2] :

1)     les parties doivent être liées par un contrat synallagmatique prévoyant une exécution simultanée des obligations;

2)     il doit y avoir inexécution de l'obligation réciproque de l'une des parties;

3)     il doit y avoir un équilibre entre les obligations;

4)     la partie qui invoque l'exception d'inexécution doit être de bonne foi.

[32]         La jurisprudence rapporte plusieurs jugements traitant de l'exception d'inexécution en lien avec des clauses de non-concurrence ou des clauses d'exclusivité.

[33]         Par exemple, dans N.C. Hutton Ltd c. Canadian Pacific Forest Products Ltd [3] , Hutton réclamait des dommages pour résiliation prématurée de son contrat de distribution exclusif.  En défense, Canadian Pacific invoque la violation de la clause de concurrence rattachée au contrat de distribution pour ne pas payer.

[34]         La Cour supérieure accorde à Hutton un compte impayé mais considère, pour le reste, que Hutton en ayant indirectement violé la clause de non-concurrence, cela justifiait Canadian Pacific d'invoquer l'exception d'inexécution.  La Cour d'appel confirme ce jugement et écrit:

« N'eut été de la faute, à mon avis, prouvée de Hutton lui-même, donnant lieu à l'application à l'espèce de l'exception d'inexécution, il n'y a pas de doute que les deux intimés ( Canadian Pacific et un autre) auraient pu être trouvées responsables des dommages subis. »

[35]         Dans Vadeboncoeur c. 2851-2259 Québec inc. [4] , Madame Vadeboncoeur vend ses actions à la compagnie Québec inc. tout en signant une clause de non-concurrence envers la compagnie.  Elle poursuit pour le paiement du solde dû pour la vente de ses actions.  En défense, Québec inc. invoque divers manquements de celle-ci incluant la violation de la clause de non-concurrence et réclame à son tour des dommages pour les fautes commises par madame Vadeboncoeur.

[36]         La Cour supérieure conclut que madame Vadeboncoeur a droit au paiement du solde sur ses actions car elle a livré les actions vendues et que Québec inc. a pu opérer la compagnie à sa guise.  Cependant, le juge accorde 10 000 $ à la défenderesse pour violation partielle de la clause de non-concurrence.  Ce jugement fut maintenu par la Cour d'appel.

[37]         Dans CFD Gaz Naturel inc. c. Sylvain Lamy Plomberie Chauffage gaz naturel inc. [5] , le vendeur réclame son solde du prix de vente.  L'acheteur plaide que le vendeur n'a pas fourni les services qu'il devait rendre dans le cadre de la vente et réclame des dommages à son tour.  La Cour donne raison à l'acheteur en vertu de l'exception d'inexécution, conclut que celui-ci est libéré de son obligation de payer le solde du prix de vente et lui accorde une partie des dommages réclamés.

[38]         Dans Investissement Gentra inc. c. Manufacturiers de Bijoux Brossard inc . [6] , la Cour du Québec décide qu'un locataire était justifié de retenir le paiement de son loyer parce que la locatrice n'avait pas respecté la clause d'exclusivité consentie à la locataire.

[39]         À l'inverse, d'autres jugements concluent à la non-application de l'exception d'Inexécution.

[40]         Ainsi, dans Place Fleur de Lys c. 2958-8696 Québec inc. [7] , une locatrice réclame le paiement de loyers et de dommages-intérêts d'une locataire commerciale.  Celle-ci plaide le non-respect d'une clause d'exclusivité.  Concluant que ce n'était pas le cas, la poursuite de la locatrice est accueillie.

[41]         Dans Gagné c. Côté [8] , le juge refuse d'appliquer l'exception d'inexécution à l'encontre d'un vendeur qui réclame le solde de son prix de vente et qui aurait enfreint une clause de non-concurrence jugeant qu'il s'agit là de deux causes distinctes qui doivent être réglées dans deux procès séparés.

[42]         Dans Mellouk c. 9103-0296 Québec inc. [9] un vendeur réclame le solde du prix de vente de son entreprise.  L'acheteur plaide exception d'inexécution du fait que le vendeur aurait manqué à ses engagements envers lui.  Concluant que les réclamations de l'acheteur ne sont pas exigibles vu son défaut de mettre en demeure par écrit son vendeur (articles 1590 , 1595 et 1596 C.c.Q.), au contraire  de la réclamation du vendeur qui est exigible, le juge refuse d'appliquer l'exception d'inexécution.

[43]         De la même façon, dans 3104-0355 Québec inc. c. Lamarche [10] , la Cour refuse d'appliquer l'exception d'inexécution vu l'absence de mise en demeure par le débiteur et le fait que l'inexécution reprochée était peu substantielle.

                        b) Analyse et décision sur ce point:

[44]         Dans la présente affaire, le défendeur disposait d'informations suffisantes lui indiquant que son frère contrevenait à la clause de non-concurrence en travaillant pour Aviation Laval.

[45]         En vertu de l'exception d'inexécution, cela le justifiait de retenir le paiement du dernier versement de 6 900 $ dû en 2007 comme «  moyen de pression  » pour inciter celui-ci à s'abstenir d'agir ainsi.

[46]         Puisque la clause de non-concurrence était d'une durée de 4 ans, elle s'appliquait jusqu'au 19 novembre 2008; la «  retenue » était valable jusque-là.

[47]         Passé cette échéance, il faut examiner les droits des parties selon leur mérite respectif.

[48]         D'une part, le demandeur a toujours conservé le droit d'être payé pour la vente de ses actions puisqu'il a livré ses parts de la compagnie au défendeur et que celui-ci a été en mesure d'exercer le plein contrôle de l'entreprise, comme convenu.

[49]         En effet, comme le mentionnent les auteurs Baudouin et Jobin cités plus haut, l'exception d'inexécution «  n'a pas pour effet d'éteindre les obligations contractuelles des parties et de les libérer de leurs droits.  Elle ne peut pas non plus être invoquée pour se libérer d'une clause d'un contrat  ».  Autrement dit, si l'exception d'inexécution permettait au défendeur de «  suspendre » son obligation de payer le solde du prix de vente pendant un certain temps, elle n'annule pas par ailleurs l'obligation de payer la somme convenue.

[50]         Pour sa part, le défendeur demeurait aussi en droit d'exercer des recours pour faire valoir le non-respect de la clause de non-concurrence et réclamer les pénalités prévues à la convention.

[51]         S'il avait présenté une telle réclamation et après avoir analysé les deux recours, le juge aurait alors peut être opéré compensation entre les deux créances en vertu des articles 1672 et 1673 du Code civil du Québec et décider qui doit à qui et combien:

1672.  Lorsque deux personnes se trouvent réciproquement débitrices et créancières l'une de l'autre, les dettes auxquelles elles sont tenues s'éteignent par compensation jusqu'à concurrence de la moindre.

La compensation ne peut être invoquée contre l'État, mais celui-ci peut s'en prévaloir.

1673.  La compensation s'opère de plein droit dès que coexistent des dettes qui sont l'une et l'autre certaine, liquides et exigibles et qui ont pour objet une somme d'argent ou une certaine quantité de biens fongibles de même espèce.

Une partie peut demander la liquidation judiciaire d'une dette afin de l'opposer en compensation.

[52]         Or, si le demandeur réclame ici son dû, le défendeur ne présente aucune réclamation, ni par demande reconventionnelle, ni autrement; il se contente de contester le recours du demandeur et demander au juge de faire un «  compte à compte » .

[53]         Pour statuer sur les droits du défendeur, il faut être en présence d'une réclamation en bonne et due forme de sa part, ce qui n'est pas le cas.  Le Tribunal ne peut donc pas simplement faire un «  compte à compte » , comme le souhaite le défendeur.  Il doit être en mesure de liquider la créance du défendeur en fonction d'une réclamation chiffrée de celui-ci et de la preuve qui pourrait être présentée à son soutien, ce qui n'est pas possible avec le dossier tel que constitué.

[54]         Le demandeur fait d'ailleurs valoir à l'encontre des prétentions du défendeur qu'il n'a jamais reçu l'avis prévu au second paragraphe de l'article 13 de la convention ce qui, à son avis, priverait le défendeur de son droit d'obtenir les sommes qui y sont mentionnées.  Un argument de cette nature a été retenu dans Mellouk c. 9103-0296 Québec inc. [11] et dans 3104-0355 Québec inc. c. Lamarche [12] .

[55]         De plus, il plaide que, dans les faits, il n'y a pas eu de transfert de clients d'une entreprise à l'autre.  Le défendeur pense en avoir perdu trois.

[56]         Puisque le soussigné n'est pas légalement saisi de ces questions d'exigibilité de la clause pénale, il n'a pas lieu de statuer sur ces questions dans le cadre du présent litige.

[57]         Le défendeur est peut-être encore dans les délais pour exercer des recours à cet égard; encore là, le soussigné ne se prononce pas là-dessus, laissant au juge qui serait éventuellement saisi de la question d'en disposer.

[58]         Pour toutes ces raisons, je conclus que le demandeur a le droit d'obtenir le paiement du solde de prix de vente convenu.

[59]         Pour ce qui est du défendeur, le Tribunal réserve ses recours, en autant que ceux-ci soient légalement recevables.

[60]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[61]         CONDAMNE le défendeur monsieur Sylvain Lecourt à payer au demandeur monsieur Louis-Bernard Lecourt la somme de 6 900 $ avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de la mise en demeure du 11 janvier 2010, plus les frais judiciaires de 157 $;

[62]         RÉSERVE au défendeur ses recours, sous toutes réserves que de droit.

 

 

__________________________________

RICHARD LANDRY, J.C.Q.

 

 

 

 

 

Date d’audience :

8 avril 2011

 



[1]     2005, 6 ième édition, Les Éditions Yvon Blais inc., Cowansville, 1755 pages

[2]     Dahmé c. Dahmé J.E. 2007-1298 (C.A.); Patates Gemme & Frères (1997) inc. c. Entreprises Philippe Gemme & Fils inc. J.E. 2007-2210 (C.A.); Boucher c. Emery B.E. 2006BE-1127 (C.S.); Placements Bleu inc. c. Immeubles Jacques Robitaille inc. B.E. 2007BE-1046 (C.S.); Entretien pont roulant Pro Action inc. c. Métallisation Viau inc. J.E. 2000-554 (C.S.).

[3]     J.E. 2000-161 (C.A.), jugement de la Cour supérieure à J.E. 96-329

[4]     J.E. 98-139 (C.S.)

[5]     J.E. 2000-1123 (C.S.)

[6]     J.E. 1997-1170 (C.Q.); également dans le même sens Bilbul c. Thériault J.E. 99-1362 (C.Q.)

[7]     J.E. 95-1622 (C.S.); jugement maintenu en appel

[8]     B.E. 2000BE-1016 (C.Q.)

[9]     B.E. 2000BE-45 (C.Q.)

[10]    Jugement du 11 mai 1998, Monsieur le juge Normand Bonin, district Abitibi, no. 620-32-000277-978 (C.Q.)

[11]    Déjà citée, note 9

[12]    Déjà citée, note 10