[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa ( Ontario), le 27 avril 2011
En présence de madame la juge Tremblay-Lamer
ENTRE :
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1]
Il s’agit d’une
demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe
I. LE CONTEXTE
[2] Le demandeur, un citoyen du Nigéria, est venu au Canada pour la première fois en tant que visiteur en 1992. Bien qu’il ait alors présenté une demande d’asile, elle fut par la suite déclarée abandonnée. Le demandeur a été convoqué à une audience d’enquête en septembre 1994 lors de laquelle aurait lieu une évaluation de l’utilisation par le demandeur de documents d’identité frauduleux. Le demandeur ne s’est pas présenté et en avril 1995, un mandat d’arrestation a été délivré contre lui par l’immigration.
[3] À un moment donné en 1993, le demandeur a quitté le Canada pour aller aux États-Unis d’Amérique (les É.-U.). Le 2 juin 1995, il a été déclaré coupable aux É.-U. de possession de carte d’identité frauduleuse, une infraction à la loi dans l’État de l’Illinois, et condamné à 18 mois de probation. En novembre 2002, le demandeur est retourné au Nigéria, où il a vécu jusqu’en octobre 2006.
[4] Le 2 octobre 2006, le demandeur est revenu au Canada en utilisant des documents d’identité frauduleux. Il a présenté une autre demande d’asile, mais elle a été rejetée parce qu’il a été réputé non admissible à présenter d’autres demandes. Une mesure d’expulsion a été prise contre le demandeur en février 2007. Il a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi, laquelle fut également rejetée en mars 2008.
[5] Le 20 juin 2007, approximativement un mois après avoir épousé une citoyenne canadienne, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie d’époux ou de conjoints de fait au Canada, en plus d’une demande de reconnaissance de sa réadaptation comme ancien criminel quant à l’infraction relative aux documents frauduleux aux É.-U. En ce qui concerne sa demande de reconnaissance de sa réadaptation, le demandeur a mentionné, en partie, ce qui suit :
[ traduction ]
Je considère que je suis réadapté parce que ça fait plus de 10 ans. Je n’ai pas commis d’autres infractions et je n’ai pas participé à des activités illégales… J’ai honte et j’éprouve plein de remords de ces infractions et j’ai appris ma leçon.
[6]
Le
28 mai 2009, un analyste à la Direction générale du règlement des cas de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a préparé un examen de la réadaptation
dans lequel il recommandait une décision défavorable en ce qui concernait la
demande de reconnaissance de la réadaptation (l’examen de la réadaptation).
L’examen mentionnait que la déclaration de culpabilité du demandeur aux É.-U.
le rendait interdit de territoire au Canada pour cause de grande criminalité en
application de l’alinéa
[7] L’analyste a également mentionné que les fonctionnaires de CIC n’étaient [ traduction ] « pas convaincus que [ le demandeur ] ne commettrait pas de nouveau d’autres infractions d’une manière similaire s’il éprouvait des difficultés ». Bien qu’il fût noté que le demandeur avait affirmé qu’il avait appris de son erreur par sa déclaration de culpabilité aux É.-U. et qu’il comprenait mieux maintenant les conséquences de ses actes, l’analyste a conclu que le demandeur avait néanmoins de nouveau commis une infraction de manière similaire en utilisant des documents frauduleux pour entrer au Canada en 2006 .
[8] Le 24 août 2009, l’examen de la réadaptation a été envoyé au demandeur, qui était invité à le commenter, ce que le demandeur a fait par des observations en date du 30 octobre 2009.
II. LA DÉCISION CONTE STÉE
[9]
Le
7 décembre 2009, le représentant du ministre a décidé de rejeter la
demande de reconnaissance de la réadaptation présentée pour l’application de
l’alinéa
[ traduction ]
Le demandeur a sciemment utilisé plusieurs fois des documents frauduleux. L’infraction la plus récente remonte en 2006 lorsqu’il a utilisé un faux passeport pour entrer au Canada. Il peut être avancé qu’une personne n’a pas commis d’infraction en utilisant un document frauduleux pour entrer au Canada dans l’intention de présenter une demande d’asile. Toutefois, le demandeur était réputé non admissible quant à la présentation de demandes et a ainsi fait preuve d’un comportement continu de criminalité en utilisant des documents frauduleux.
Je ne suis pas convaincu que le demandeur a suffisamment démontré qu’il est réadapté.
III. LES QUESTIONS EN LITIGE
[10] Le demandeur présente trois questions en litige devant la Cour :
a) Le représentant du ministre a-t-il manqué à son obligation d’équité procédurale envers le demandeur en apportant des changements à l’examen de la réadaptation?
b) Le représentant du ministre a-t-il fait une erreur en donnant des motifs inadéquats?
c) La décision de rejeter la demande de reconnaissance de la réadaptation du demandeur est-elle par ailleurs déraisonnable?
IV. LE CONTEXTE LÉGAL
[11]
L’alinéa
Grande criminalité
36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :
[…]
b ) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;
[…] |
Serious criminality
36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for …
( b ) having been convicted of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years; or
… |
[12]
Toutefois,
l’alinéa
Application
36(3) Les dispositions suivantes régissent l’application des paragraphes (1) et (2) :
[…]
c ) les faits visés aux alinéas (1) b ) ou c ) et (2) b ) ou c ) n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui, à l’expiration du délai réglementaire, convainc le ministre de sa réadaptation ou qui appartient à une catégorie réglementaire de personnes présumées réadaptées;
[…] |
Application
36(3) The following provisions govern subsections (1) and (2):
…
( c ) the matters referred to in paragraphs (1)( b ) and ( c ) and (2)( b ) and ( c ) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or foreign national who, after the prescribed period, satisfies the Minister that they have been rehabilitated or who is a member of a prescribed class that is deemed to have been rehabilitated;
… |
V. ANALYSE
a) Le représentant du ministre a-t-il manqué à son obligation d’équité procédurale envers le demandeur en apportant des changements à l’examen de la réadaptation?
[13] Le demandeur soutient que le représentant du ministre a fait preuve de [ traduction ] « pratiques peu scrupuleuses » en apportant des changements au texte de l’examen de la réadaptation sur lequel s’appuyaient ses motifs.
[14] La modification contestée se trouve au début de l’examen, à l’endroit où l’analyste de CIC a exposé brièvement l’historique d’immigration du demandeur. Après avoir écrit que le demandeur était arrivé au Canada en tant que visiteur en 1992 et qu’il avait, en 1993, été convoqué à une audience d’enquête concernant, entre autres choses, l’utilisation de documents d’identité frauduleux, l’analyste a écrit [ traduction ] « ne s’est pas présenté à l’audience d’enquête en septembre 200 4 et un mandat de l’immigration pour son arrestation a été délivré en avril 1995 » [non souligné dans l’original]. Dans la version de l’examen qui constituait en partie les motifs de la décision du représentant du ministre, le « 200 » était barré et un « 199 » avait été écrit afin que la phrase soit libellée ainsi : [ traduction ] « ne s’est pas présenté à l’audience d’enquête en septembre 199 4 et un mandat de l’immigration pour son arrestation a été délivré en avril 1995 » [non souligné dans l’original].
[15] Le demandeur soutient que cette modification change de manière importante la version de l’examen de la réadaptation qui lui avait d’abord été envoyée pour l’obtention de commentaires et d’une réponse. Il soutient que cette modification constitue une [ traduction ] « pratique peu scrupuleuse » injuste et inéquitable parce que l’invraisemblance du fait que le demandeur ne se serait pas présenté à une audience d’enquête en septembre 2004 alors que le mandat d’arrestation en lien avec cette non-comparution aurait été délivré neuf ans plus tôt était l’un des points sur lesquels le demandeur s’appuyait dans ses contre-arguments.
[16] Il n’y a aucun bien-fondé dans cet argument. Il est clair que le « 2004 » apparaissant dans la copie originale de l’examen de la réadaptation n’était qu’une erreur typographique. L’analyste de CIC voulait évidemment écrire que le demandeur ne s’était pas présenté à l’audience d’enquête en septembre 1994, et non en 2004. Il semble peu probable, en effet, que l’analyste de CIC ait eu l’impression qu’un mandat d’arrestation, délivré en fait en avril 1995, eût été délivré neuf ans avant le fait qui eût entraîné la délivrance de ce mandat, c’est-à-dire neuf ans avant que le demandeur ait omis de comparaître. En fait, cette modification montre que le représentant du ministre a attentivement examiné les observations de l’analyste et apprécié la réponse du demandeur.
b) Le représentant du ministre a-t-il fait une erreur en donnant des motifs inadéquats?
[17] Le demandeur soutient que les motifs exposés par le représentant du ministre sont inadéquats. Il soutient que la partie manuscrite des motifs était [ traduction ] « illisible et il était très difficile d’en comprendre le sens ». Cette allégation est également sans fondement. Bien que des motifs écrits à la machine aient été préférables, il n’est pas difficile de lire et de comprendre l’écriture du représentant du ministre dans ce cas-ci.
[18] De plus, comme le défendeur le fait remarquer, le défendeur n’a pas mentionné avoir fait une demande pour obtenir une version des motifs écrite à la machine. Par conséquent, je reprends les mots du juge Edmond Blanchard tirés du dossier Hayama c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) , 2003 CF 1305, [2003] A.C.F. n o 1642, au paragraphe 15 de la décision :
[ … ] Si le demandeur n'était pas convaincu par la lettre de décision et estimait qu'elle n'expliquait pas suffisamment la décision, il aurait dû faire une demande pour d'autres éclaircissements. Il n'existe aucun élément de preuve qu'une telle demande aurait été refusée. […]
[19]
Je
conclus que les motifs du représentant sont adéquats. Les « quatre objectifs
fondamentaux » servis par la production de motifs, énoncés par la Cour d’appel fédérale dans
Administration de l’aéroport international de Vancouver c. Alliance
de la fonction publique du Canada
,
c) La décision de rejeter la demande de reconnaissance de la réadaptation du demandeur est-elle par ailleurs déraisonnable?
[20] Le demandeur soutient que la décision finale du représentant est déraisonnable parce qu’elle est basée sur la conclusion selon laquelle les actes du demandeur, alors qu’il a utilisé des documents d’identité frauduleux pour rentrer au Canada en 2006, étaient, en fait, un [ traduction ] « comportement criminel ». L’analyste de CIC, dans l’examen de la réadaptation sur lequel le représentant du ministre s’est appuyé, a écrit que le demandeur avait [ traduction ] « enfreint la loi » lorsqu’il est revenu au Canada en 2006 en utilisant un faux passeport. Le représentant du ministre a convenu de cette conclusion et a expliqué dans ces motifs écrits à la main que le fait que le demandeur avait utilisé en 2006 des documents d’identité frauduleux était un [ traduction ] « comportement criminel ».
[21]
Le
demandeur soutient que l’article
[22]
La
question à savoir si le représentant du ministre a fait une erreur en exerçant
son pouvoir discrétionnaire pour l’application de l’alinéa
[23]
L’article
Immunité
133.
L’auteur d’une demande d’asile ne peut, tant qu’il n’est statué sur sa
demande, ni une fois que l’asile lui est conféré, être accusé d’une
infraction visée à l’article 122, à l’alinéa 124(1)
a
) ou à l’article
|
Deferral
133.
A
person who has claimed refugee protection, and who came to Canada directly or
indirectly from the country in respect of which the claim is made, may not be
charged with an offence under section 122, paragraph 124(1)(
a
) or
section 127 of this Act or under section
|
[24]
La
juge Carolyn Layden-Stevenson, dans le dossier
Uppal c. Canada
(Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)
, 2006 CF 338, [2006] A.C.F.
n
o
455, au paragraphe 21, a mentionné que l’article
[25] En effet, le demandeur a enfreint la loi canadienne lorsqu’il est revenu au Canada en 2006 au moyen de documents d’identité frauduleux. En effet, cela était la preuve d’un comportement criminel persistant semblable au comportement criminel au sujet duquel le demandeur se considère réadapté. Par conséquent, je ne peux conclure que la décision du représentant du ministre selon laquelle le demandeur n’a pas [ traduction ] « suffisamment démontré qu’il est réadapté » n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La décision du représentant n’était pas déraisonnable.
[26] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
JUGEMENT
LA COUR statue comme suit : la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes , LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1848-10
INTITULÉ : LAFISU EJI LASISI
c. MCI
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 21 avril 2011
ET JUGEMENT : LA JUGE TREMBLAY-LAMER
DATE DES MOTIFS : Le 27 avril 2011
COMPARUTIONS :
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Daniel Latulippe |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR
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