Encaissement de chèques Québec ltée c. Themens |
2011 QCCS 2233 |
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JH 0455
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-041477-087 |
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DATE : |
Le 6 mai 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
GILLES HÉBERT, J.C.S. |
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ENCAISSEMENT DE CHÈQUES QUÉBEC LTÉE, |
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Demanderesse, défenderesse reconventionnelle |
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c. |
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CLAUDE THEMENS, |
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défendeur |
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et |
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MICHEL THEMENS, défendeur en reprise d'instance, demandeur reconventionnel |
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JUGEMENT |
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1. LES FAITS
[1] Encaissement de chèques Québec ltée (Encaissement de chèques) est un franchisé dont les opérations consistent essentiellement à encaisser des chèques moyennant une commission à pourcentage et à opérer des transferts de fonds via Western Union.
[2] À l'époque pertinente, Claude Themens est propriétaire d'un local situé au 7166, rue Saint-Hubert à Montréal. Lors de son décès en cours d'instance, c'est son fils Michel Themens qui reprend l'instance.
[3] En 1993, un premier bail intervient entre les parties pour un terme de cinq ans avec option de renouvellement pour un autre terme identique.
[4] En 1998, les parties s'entendent sur une prolongation du bail, mais pas sur le loyer et le litige est soumis à l'arbitrage. Le loyer mensuel de 2 700 $ est réduit par l'arbitre à 1 408 $, et ce, pour valoir jusqu'en 2003.
[5] Le 27 mars 2003, intervient un nouveau bail (P-4) pour la période du 1 er avril 2003 au 31 mars 2008 moyennant un loyer de base de 219 000 $ payable en 60 versements mensuels, égaux et consécutifs de 3 650 $ plus un loyer supplémentaire relatif aux taxes et certains coûts accessoires.
[6] À l'hiver 2007, M e Michel Jeanniot, avocat et agissant au nom d’Encaissement de chèques, communique avec Claude Themens pour entamer les pourparlers relatifs au renouvellement du bail en 2008, et divers échanges ont lieu entre les parties jusqu'à l'automne 2007, puis au début de l'hiver 2008.
[7] En janvier 2008, Encaissement de chèques estime être parvenue verbalement à un accord avec Claude Themens et/ou son représentant tandis que ces derniers considèrent avoir mis fin à toute discussion et à toute possibilité de renouvellement de bail dès l'automne 2007.
[8] D'où le litige et les présentes procédures.
2. LES PROCÉDURES
2.1 Les procédures en demande
[9] C'est Encaissement de chèques qui initie les procédures judiciaires, le 28 février 2008.
[10] Alléguant certains échanges écrits et verbaux, elle invite le Tribunal à conclure qu'une entente verbale est intervenue pour un nouveau bail de cinq ans dont le détail est consigné dans un projet déposé au dossier (P-2).
[11] Encaissement de chèques demande au Tribunal de déclarer que les parties sont liées par ce projet de bail, d'en reconnaître les termes et de condamner le défendeur à payer la somme de 15 000 $ en compensation des honoraires judiciaires et extrajudiciaires de ses avocats.
[12] Par amendement apporté le matin du procès, Encaissement de chèques renonce à cette réclamation de 15 000 $. Toutefois, elle ajoute une réclamation additionnelle, soit la somme de 650 $ par mois depuis juillet 2008, car elle estime avoir payé depuis cette date un loyer mensuel de 3 650 $ alors qu'elle aurait dû payer 3 000 $ qui serait le montant convenu verbalement.
2.2 Les procédures en défense
[13] Michel Themens, qui reprend la contestation et demande reconventionnelle de feu son père Claude Themens décédé le 26 juillet 2008, conteste le fait qu'une entente verbale soit intervenue pour le renouvellement du bail.
[14] Qui plus est, il affirme qu'à l'automne 2007, son père, à cause de sa santé déficiente, confie au notaire St-Gelais le soin d'échanger avec M e Jeanniot et il affirme que les négociations n'ont pas abouti à une entente. Il précise que, le 29 octobre 2007, M e St-Gelais fait parvenir à la partie adverse un courriel qui ne porte pas à équivoque et qui précise que toute négociation touchant un nouveau bail est terminée.
[15] M e St-Gelais répète en termes clairs cette position dans une autre lettre, cette fois datée du 31 janvier 2008.
[16] Michel Themens demande donc au Tribunal de rejeter les prétentions de la demanderesse.
[17] Il demande aussi au Tribunal de condamner cette dernière à lui payer la somme de 444 953,52 $ pour la période du 1 er avril 2008 au 31 mars 2011 de même qu'une somme mensuelle de 16 479,76 $ pour chaque mois où Encaissement de chèques occupe les lieux à compter du 1 er avril 2011.
[18] Voici comment le défendeur arrive à ces chiffres aux paragraphes 40, 41 et 42 de sa défense et demande reconventionnelle amendée du 29 mars 2011 :
« 40. Le loyer de base du dernier mois de bail du bail P-4 est de 3 650 $ plus les taxes applicables, soit la TPS et la TVQ, pour un montant total de 4 119,94 $;
41. En vertu de l'équation mentionnée au paragraphe 21.1 du bail P-4, le montant à être versé par la demanderesse est de 16 479,76 $ mensuellement et ce, à compter du 1 er avril 2008 jusqu'au jour où la demanderesse quittera les lieux loués;
42. Le demandeur reconventionnel est donc en droit
de réclamer que la demanderesse soit condamnée à lui payer une somme de
444 953,52 $
au 31 mars 2011, soit la différence entre 593 271,36 $ moins
148 317,84 $ représentant les sommes versées en vertu du jugement
rendu sur l'ordonnance de sauvegarde, ainsi qu'une somme mensuelle de
16 479,76 $ pour chaque mois où elle occupera les lieux loués du
7166, rue St-Hubert, Montréal, à compter du 1
er
avril 2011
131 838,08 $ à ce jour,
moins tout montant qu'elle aurait pu verser dans l'intervalle et que le
demandeur reconventionnel a pu accepter d'encaisser, sans préjudice à ses
droits de réclamer les montants prévus au paragraphe 21.1 du bail P-4
; »
[19] Ceci, affirme Michel Themens, est en application du bail 2003-2008 (P-4) dont la clause 21.1 stipule ce qui suit :
« 21 RENOUVELLEMENT
21.1 Absence de tacite reconduction
Nonobstant les dispositions du Code civil du Québec, il n'y aura pas de tacite reconduction du présent bail. Si le Locataire devait rester en possession des lieux loués après l'expiration du bail sans le consentement écrit du Locateur, cette occupation prolongée sera soumise à un paiement mensuel, payable à l'avance, égal à quatre fois le versement mensuel du loyer de base du dernier mois de bail, sans porter atteinte aux droits du Locateur de reprendre possession des lieux, loués et d'en évincer le Locataire sans avis ni dédommagement à ce dernier, ni aux autres recours que le Locateur pourrait avoir aux termes des présentes ou en vertu de la loi. »
[20] C'est le quadruple du loyer depuis avril 2008.
2.3 L'ordonnance de sauvegarde
[21] En cours d'instance, Claude Themens s'adresse au Tribunal afin d'obtenir une ordonnance de sauvegarde qui est tranchée par le juge Jasmin de la Cour supérieure, le 23 juin 2008.
[22] Le juge donne acte d'une entente intervenue entre les parties suivant laquelle les conditions du bail de 2003 continueront de s'appliquer jusqu'au jugement final. C'est pourquoi à compter du 1 er juillet le locataire paie 3 650 $ par mois au lieu de 3 000 $.
3. LES QUESTIONS EN LITIGE ET LA PREUVE
3.1 L'objection à la preuve testimoniale
3.1.1 Le contexte de l'objection
[23] La preuve d'Encaissement de chèques repose sur le témoignage de M e Michel Jeanniot qui est d'ailleurs le seul témoin appelé en preuve principale.
[24]
Michel Themens formule une objection générale à toute cette preuve
plaidant que la preuve testimoniale n'est pas recevable. Il se fonde sur
l'article
[25] Il soutient qu'il n'y a pas de commencement de preuve, au sens de l'article 2862, deuxième paragraphe et qu'en conséquence, tout le témoignage de M e Jeanniot doit être écarté.
[26] Pour sa part, Encaissement de chèques précise qu'il ne se fonde pas sur la première partie du deuxième paragraphe de l'article 2862, soit le commencement de preuve, mais plutôt sur la deuxième partie qui prévoit qu'on peut prouver par témoignage contre une personne tout acte juridique passé par elle dans le cours des activités d'une entreprise.
[27] Le problème étant clairement posé, le Tribunal s'y attaque en examinant la preuve.
3.1.2 La preuve relative à l'objection
[28] À la lumière de la preuve, le Tribunal doit décider s'il y a un acte juridique qui aurait été passé par Michel Themens ou feu son père Claude Themens dans le cours des activités de leur entreprise.
[29] Il est clair que pour Encaissement de chèques le bail qui est discuté ou qui serait intervenu est un bail de nature commerciale et qui est signé dans le cadre des opérations de l'entreprise. C'est précisément pour opérer son commerce qu'Encaissement de chèques occupe le local. Qu'en est-il de Claude Themens?
[30] Dans son témoignage, le notaire Jérôme St-Gelais, qui occupe sa profession depuis 1995, dit qu'il agit sur le plan juridique pour Claude Themens depuis le début de l'année 2000, qu'il a négocié le bail 2003-2008 de même que trois autres baux commerciaux non précisés. Il parle aussi d'un salon de quilles.
[31] Les négociations pour le bail 2003-2008 se sont déroulées en 2002, 2003 et il a, à cet égard, discuté avec différents avocats dont M e Torralbo, M e Beaudoin, des avocats croit-il de l'étude Blake, Cassels. C'est lui qui rédige la mouture finale du bail signé en 2003.
[32] Clairement, il s'agit d'un bail commercial et non d'un bail d'habitation.
[33] Le processus semble être le suivant : M e St-Gelais reçoit les instructions de Claude Themens et négocie en conséquence. Il est au courant que son client avait d'autres immeubles commerciaux.
[34] Quant à Michel Themens, il rappelle que son père a pratiqué pendant toute sa vie comme évaluateur agréé et qu'il est d'ailleurs un des membres fondateurs de la Corporation des évaluateurs agréés.
[35] Quant au nombre d'immeubles à vocation commerciale dont son père était propriétaire, il croit qu'il y en avait deux, un sur la rue Saint-Hubert et un à Saint-Jérôme.
3.1.3 Le droit applicable
[36]
Dans leur ouvrage
La preuve civile
[1]
,
Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée posent les jalons suivants à
l'interprétation qu'il faut donner à l'article
« 1421 - Contrat entre deux exploitants d'une entreprise - La preuve testimoniale est recevable sans restriction lorsque les deux parties ont contracté dans le cours des activités de leur entreprise respective. C'est le cas du manufacturier qui vend ses produits à un grossiste et du plombier qui contracte en sous-traitance avec un entrepreneur.
Par ailleurs, sauf dans des circonstances exceptionnelles, la preuve par témoignage est interdite si les contractants n'agissent pas dans le cours des activités de leur entreprise respective. C'est le cas de la personne qui achète un commerce ou des associés qui forment une société commerciale.
Parfois, un seul contractant peut agir dans les
cours des activités de son entreprise. C'est vraisemblablement le cas de
l'épicier qui emprunte à la banque pour agrandir son commerce et du
quincaillier qui loue un emplacement dans un centre commercial. La banque et le
propriétaire immobilier posent alors des actes dans le cours des activités de
leur entreprise respective, mais l'épicier et le quincaillier ne contractent
que pour l'exploitation de leur entreprise. Selon le deuxième alinéa de
l'article
(références omises)
[37] Quant à la jurisprudence, le Tribunal souligne certains des arrêts suggérés par les parties pour considération.
[38] Dans un arrêt rendu en 1977, dans l'affaire Entreprises Pabi [2] , notre Cour d'appel conclut que les immeubles pouvant faire l'objet d'opérations commerciales sont assujettis à un bail qui est de matière commerciale. Lorsque le locateur exploite commercialement son immeuble et que le locataire y exploite commercialement son entreprise, on ne peut conclure autrement.
[39] Les propos du juge Lajoie [3] sont particulièrement pertinents :
« L'article
La preuve testimoniale est admise :
1.De tout fait relatif à des matières commerciales.
J'entends par là de tout fait juridique, les faits matériels étant, en règle générale, sujet à la preuve testimoniale.
Je suis d'avis que les relations entre les parties au présent litige étaient de nature commerciale. D'une part, Cassulo & Copeman exploite commercialement l'immeuble dont elle est propriétaire, Les Entreprises Pabi inc. y loue un local pour y exercer un commerce.
S'il fut longtemps jugé que les immeubles ne pouvaient être l'objet d'opérations commerciales, dans le contexte actuel, et en l'absence d'un texte qui prescrive de penser autrement, je suis d'avis, conformément à la jurisprudence et la doctrine la plus récente, que le bail intervenu entre les parties au présent litige constitue une matière commerciale.
Colonia Development Inc. c. Belliveau; Can an immoveable be the object of a commercial operataion?; Lefebvre c. Therrien; Desrochers c. Royal Trust Co.l; Kensol Properties Ltd c. Security Real Estate Co. Inc.
De ce qui précède, je conclus que le renouvellement consensuel du bail, commercial pour les parties, est un fait juridique susceptible d'être établi par la preuve testimoniale, qu'il faudra cependant au juge peser et apprécier quant à sa valeur probante. »
(références omises)
[40] Face à des circonstances semblables, notre Cour d'appel conclut dans le même sens, en 2004, dans l'affaire Développement Métro Montréal Canada Corp. c. 9027-1586 Québec inc. [4]
[41] Compte tenu de la preuve présentée au procès, le Tribunal conclut que Claude Themens louait commercialement son immeuble de la rue Saint-Hubert et Encaissement de chèques y exploitait son commerce. Il s'agit d'un bail commercial et la preuve testimoniale est recevable.
[42] Conséquemment, l'objection est rejetée.
3.2 La preuve d'une entente
3.2.1 La preuve en demande
[43] La preuve de la demanderesse repose essentiellement sur le témoignage de M e Jeanniot.
[44] Ce dernier est avocat et représente les intérêts de la demanderesse depuis 26 ans et cette dernière est en relation d'affaires avec Claude Themens depuis 1993.
[45] Il explique le dernier bail signé en 2003, pour une superficie de 1 228 pieds carrés et un loyer annuel de base de 43 800 $ donc environ 35 $ le pied carré.
[46] Lorsque vient le temps de songer au renouvellement du bail, sa cliente ne veut pas se prévaloir de l'article 23 du contrat de 2003 (P-4), car selon lui, l'option de renouvellement prévue à l'article 23 est trop onéreuse pour son client. Il souhaite plutôt dit-il se rapprocher du prix du marché.
[47] C'est en ce sens qu'il parle à M e St-Gelais, fin mars 2007, et lui envoie une lettre datée du 29 mars (P-5), dans laquelle il s'enquiert des paramètres sur lesquels il est possible de transiger. Sa lettre demeure sans réponse.
[48] Vers la mi-avril, il parle au notaire qui lui suggère de communiquer directement avec Claude Themens, ce qu'il tente de faire, le 30 avril, mais sans succès.
[49] Entre le 1 er et le 11 mai, il discute avec Claude Themens et aborde principalement quatre points, soit qu'il veut une diminution de loyer, il ne veut pas fournir de caution, il souhaite un bail d'un an et aussi le droit de sous-louer.
[50] M e Jeanniot estime que le loyer de base devrait être de l'ordre de 24 $ à 25 $ le pied carré, après étude du marché.
[51] Étant sans nouvelle de Claude Themens, il le relance par téléphone et lui parle finalement le 4 juin pendant 16 minutes. Il dit qu'au cours de cette conversation, il en arrive à un accord suivant ce qui est proposé dans sa lettre du 11 mai, mais il resterait trois points en suspens, soit la sous-location, la caution et la durée du renouvellement.
[52] Le 20 juillet 2007, M e Jeanniot écrit à Claude Themens afin de confirmer les « derniers amendements proposés » (P-1). Selon lui, ce texte reprend essentiellement les conditions suggérées dans la lettre du 11 mai 2007, sauf que le bail est d'une durée de deux ans et qu'il est renouvelable pour cinq périodes additionnelles de deux ans plutôt que dix périodes additionnelles d'un an.
[53] Le 25 juillet 2007, il tente de parler à Themens, mais sans succès. Rien ne se passe au mois d'août.
[54] En septembre 2007, M e Jeanniot dit transmettre un projet de bail à M e St-Gelais, et ce, à la demande expresse de Claude Themens et, à cette époque, selon lui, trois sujets demeurent en suspens soit la caution de l'actionnaire principal Kilduff, la sous-location et les termes de renouvellement.
[55] Le 30 octobre 2007, il a une conversation avec M e St-Gelais qui l'invite à communiquer directement avec Claude Themens.
[56] Début novembre, il parle avec ce dernier et il constate qu'il ne reste que deux points à régler soit la caution de l'actionnaire principal et le renouvellement.
[57] Le 7 novembre, il a une discussion de 11 minutes avec Claude Themens. Le même jour, il dicte une lettre transmise à ce dernier, le 16 novembre (P-7). Selon lui, tout est réglé, sauf la question du cautionnement de Kilduff, l'actionnaire principal, car Themens se pose la question : « Quelle garantie aie-je que mon loyer sera payé? ».
[58] Début janvier 2008, M e Jeanniot estime avoir conclu une entente et il prépare le projet de bail commercial (P-2) qui est un bail de deux ans à 3 000 $ par mois. À son avis, ne reste en suspens qu'une seule question, celle de la caution de Kilduff.
[59] C'est le 25 janvier 2008 à 1 heure du matin qu'il envoie un courriel pour confirmer que la caution de Kilduff ne pose plus de problème et à 10 h 10, le matin du 25, il parle au fils Michel Themens et lui confirme que tout est réglé.
[60] Selon M e Jeanniot, l'intervention de Kilduff est inscrite au projet de bail, le 10 janvier, et il en avise le bailleur le 25.
[61] Le 31 janvier 2008, lorsqu'il prend connaissance de la lettre de M e St-Gelais à Encaissement de chèques lui indiquant que Themens désire mettre fin au bail et à toute discussion (P-3), M e Jeanniot « tombe en bas de sa chaise ».
[62] À ce stade de son témoignage, M e Jeanniot est confronté à une lettre que le notaire St-Gelais aurait envoyée à Encaissement de chèques, le 29 octobre 2007, l'avisant que Themens désire mettre fin aux négociations et à toute possibilité de renouvellement de bail. Dans sa lettre, M e St-Gelais invite aussi Kilduff à prendre arrangement avec Themens pour libérer les lieux le 31 mars.
[63] Cette lettre est envoyée à Encaissement de chèques au 3049B, Deacon, à Dollard-des-Ormeaux et une copie de la lettre est envoyée par courriel à M e Jeanniot (D-5 et D-5-2). Le témoin dit qu'il ne s'agit pas de la bonne adresse d'Encaissement de chèques qui a quitté Dollard-des-Ormeaux depuis longtemps.
[64] Voici ce que révèle le contre-interrogatoire.
[65] Confronté au projet de bail (P-2), M e Jeanniot reconnaît que l'article 4, quant à l'utilisation des lieux loués, ne comporte pas de prohibition de sous-location à un restaurant qui est une des préoccupations de Themens.
[66] Le témoin reconnaît que le local loué inclut un stationnement arrière et également qu'un projet d'importantes améliorations mentionnées entre autres dans un courriel du 17 mai 2007 (D-6) est demeuré à l'état de projet.
[67] M e Jeanniot dit avoir discuté avec M e St-Gelais à deux reprises : la première fois en mars ou avril 2007 et la deuxième fois, à la toute fin du mois de septembre.
[68] Il ne se souvient pas avoir parlé avec lui d'une lettre expédiée à Claude Themens, le 20 juillet 2007 (D-3), tout comme il ne se souvient pas du courriel qui lui est adressé, le 29 octobre 2007, par M e St-Gelais ni de la conversation téléphonique qu'il aurait eue le lendemain avec ce dernier.
[69] M e Jeanniot ne peut dire avec précision quels sont les points en litige qui ont été réglés avec Claude Themens et quels ont été réglés avec M e St-Gelais. Toutefois, il affirme que le nouveau montant de loyer soit 3 000 $ est réglé rapidement, soit vers le 20 juillet 2007.
[70] Toutefois, il n'a pas de trace de la réponse de Themens qui pourrait se situer entre le 20 et le 31 juillet.
[71] Il convient n'avoir jamais reçu de document de Themens, sauf une lettre l'informant de son adresse courriel.
[72] M e Jeanniot est interrogé d'une façon plus pointue sur les événements du mois de novembre 2007 et sur le document daté du 7 novembre qu'il transmet uniquement le 16 à Themens.
[73] Il dit avoir discuté avec Themens le 14 novembre pendant 11 minutes, mais n'est pas certain de lui avoir parlé le 16 et il n'a aucun document de confirmation de Themens quant au contenu de sa lettre du 7 novembre.
[74] Quant à la version définitive du projet de bail (P-2), il dit qu'il a été finalisé le 25 janvier 2008 pour l'intervention de Kilduff et rédigé à diverses dates.
[75] M e Jeanniot aurait eu une dernière conversation avec Claude Themens, le 30 novembre 2007, mais il n'explique pas clairement pourquoi il n'expédie pas immédiatement le projet de bail à M e St-Gelais.
[76] Dans le cadre d'un interrogatoire hors Cour tenu avant procès, M e Jeanniot dit que Claude Themens a accepté, à quelques reprises, le principe d'un loyer à 3 000 $, et ce, entre juillet et septembre 2007, mais il n'a aucune confirmation écrite de ce dernier.
[77] Quant à l'entente finale sur la sous-location, il considère qu'elle se conclut le 30 novembre 2007, mais le texte n'en est envoyé que le 25 janvier 2008 à 00:24 minutes, par courriel.
[78] Enfin, le témoin est interrogé sur la lettre que M e St-Gelais fait parvenir à Encaissement de chèques, le 31 janvier 2008, avec copie courriel à lui. Il reconnaît qu'il s'agit d'un avis on ne peut plus clair, que le propriétaire désire mettre fin aux négociations. La lettre est correctement adressée cette fois à Encaissement de chèques, au 5575, de la Vérendrye, à Montréal et une copie lui est expédiée par courriel.
[79] Il répond à cette lettre uniquement le 13 mars 2008.
3.2.2 La preuve en défense
[80] Le notaire Jérôme St-Gelais conseille et assiste Claude Themens pour différentes affaires commerciales depuis le début des années 2000 et c'est lui qui a négocié le bail de 2003. À l'époque, c'est le prix et la sous-location qui ont causé problème pour ce bail.
[81] Le 29 mars 2007, lui et M e Jeanniot se confirment par écrit leur mandat respectif (D-2). Essentiellement, l'objectif de Claude Themens est de renouveler le bail aux mêmes conditions.
[82] Entre mars et juillet, il n'y a pas de communication entre M e St-Gelais et M e Jeanniot. Puis, le 20 juillet, M e Jeanniot écrit à Claude Themens (D-3) et ce dernier biffe la majeure partie de ce qui lui est soumis par ce dernier, car le projet ne correspond pas du tout à ses objectifs.
[83] En octobre, sur réception d'un projet de bail de M e Jeanniot, Themens donne des instructions précises au notaire qui lui effectue les démarches suivantes.
[84] Le 29 octobre 2007, il envoie une lettre à Encaissement de chèques, sur la rue Deacon (D-5), et cette lettre dit spécifiquement ce qui suit :
« J'ai été mandaté par le propriétaire de votre local afin de vous aviser qu'il désirait mettre fin aux négociations relativement au renouvellement de votre bail. Ce dernier ne désire pas le renouveler. Veuillez donc prendre les mesures nécessaires afin de prendre arrangements avec ce dernier, relativement à la libération des lieux. »
[85] Le lendemain 30 octobre, le notaire transmet copie de cette lettre par courriel à M e Jeanniot.
[86] Lorsqu’interrogé sur ce point précis, M e Jeanniot dit « ne pas se souvenir » avoir reçu ce courriel du notaire.
[87] Mais le notaire, lui, s'en souvient, car dans son témoignage, il affirme que M e Jeanniot lui téléphone le lendemain et lui demande la permission de parler directement à Claude Themens.
[88] M e St-Gelais n'a pas de nouvelle de M e Jeanniot jusqu'au 25 janvier 2008 alors qu'il reçoit son courriel dans lequel l'avocat lui dit, somme toute, que tout est réglé « comme si de rien n'était ».
[89] Sur réception de ce courriel qui étonne autant M e St-Gelais que Claude Themens, ce dernier demande des explications à son notaire qui se rend compte que l'adresse d'Encaissement de chèques utilisée en octobre, soit la rue Deacon à Dollard-des-Ormeaux, n'est probablement plus valide et il envoie une nouvelle lettre, à la nouvelle adresse, soit 5575, de la Vérendrye à Montréal, avec copie courriel à M e Jeanniot (P-3) et indiquant clairement qu'il désire mettre fin à toutes négociations relativement au renouvellement du bail.
[90] La suite des événements, en mars 2008, est déjà connue.
[91] M e St-Gelais n'est pas impliqué dans quelque négociation ou discussion que ce soit, en novembre et décembre 2007, et ni en janvier 2008 jusqu'au 25 janvier.
[92] Michel Themens est le fils de feu Claude Themens.
[93] C'est lui qui négocie le premier bail, en 1993, car le tout se déroule en anglais, une langue que son père ne maîtrise pas. Il s'agit alors d'un bail de cinq ans avec option de renouvellement de cinq ans, avec une clause d'arbitrage du loyer advenant différend.
[94] Il s'avère qu'en 1998, le locataire se prévaut de la clause d'arbitrage et le loyer qui était de 2 700 $ par mois est réduit par l'arbitre à 1 408 $. Son père en est très mécontent. Il se promet de rétablir la situation en 2003.
[95] Michel Themens ne participe pas aux négociations du bail 2003 ni d'ailleurs aux discussions de l'hiver 2007 qui visent à conclure un nouveau bail à compter du 1 er avril 2008. Il y a une bonne raison à cela, c'est qu'il est en longue convalescence de mars 2007 à février 2008; il perd 120 livres.
[96] À l'époque, la santé de son père est également déficiente, car en 2007, ce dernier se voit diagnostiquer un problème d'aorte et, en octobre 2007, il doit être opéré d'urgence.
[97] En octobre, novembre 2007, son père n'est plus actif en affaires, car il veut consacrer tout son temps et ses efforts à sa santé, d'où sa décision de confier les négociations à M e St-Gelais.
[98] Son père est finalement sujet à intervention chirurgicale, vers le 20 janvier 2008, et il quitte l'hôpital le 31 janvier.
[99] Il accompagne son père lorsqu'il sort de l'Hôpital Charles-Lemoyne, le 31 janvier, et le reconduit à sa résidence du Lac Nominingue.
[100] Michel Themens dit que c'est à son arrivée au Lac Nominingue, le 31 janvier, qu'il prend connaissance du courriel du 25 janvier de M e Jeanniot et son père donne immédiatement instructions à M e St-Gelais de confirmer qu'il n'y a plus aucune négociation sur le bail.
[101] Autre point important, M e Jeanniot, dans son témoignage, affirme avoir parlé à Michel Themens, le 25 janvier 2008, vers 10 h le matin, à l'occasion d'un appel que l'avocat loge à la résidence Themens à Lac Nominingue. Or, Michel Themens dit ne pas avoir parlé à M e Jeanniot, le 25 janvier, d'autant plus qu'il n'était pas au Lac Nominingue à cette date et qu'il ne répondait pas sur son téléphone cellulaire à cause de sa convalescence.
3.2.3 Conclusion du Tribunal sur la preuve d'une entente
[102] C'est Encaissement de chèques qui a le fardeau de prouver qu'une entente verbale est intervenue avec Claude Themens au sujet d'un renouvellement de bail pour le local situé au 7166, rue Saint-Hubert à Montréal.
[103] Le Code civil du Québec prévoit ce qui suit aux articles 2803 et 2804 :
« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »
[104] La preuve d'Encaissement de chèques repose essentiellement sinon uniquement sur le témoignage de M e Jeanniot et le Tribunal doit évaluer la force probante de cette preuve à la lumière de l'ensemble de la preuve.
[105] Le premier constat qui amène le Tribunal à un certain scepticisme face à cette preuve c'est l'absence totale de confirmation ou de trace écrite de quelque acceptation que ce soit de la part de Claude Themens. En fait, la seule manifestation écrite des intentions de ce dernier c'est quand il retourne à M e Jeanniot le projet du 20 juillet 2007 (D-3) après avoir inscrit d'immenses X sur tous les paragraphes qu'il n'accepte pas. Par la suite, plus rien, aucune lettre, aucun courriel, uniquement la parole ou les interventions de M e Jeanniot. C'est là une preuve qui a très peu de force probante.
[106] Second constat, l'avis donné à M e St-Gelais à Encaissement de chèques, le 29 octobre 2007, d'abord dans une lettre envoyée sur la rue Deacon, puis le lendemain, expédiée par courriel à M e Jeanniot. Cette lettre ne peut porter à confusion, elle est limpide : le propriétaire avise le locataire qu'il désire mettre fin aux négociations concernant le renouvellement du bail.
[107] À ce sujet, M e Jeanniot ne se souvient pas avoir reçu le courriel, le 30 octobre 2007, et ne se souvient pas avoir parlé à M e St-Gelais le même jour.
[108] Toutefois, M e St-Gelais, lui, se souvient très bien à la fois du courriel, de la conversation et de l'autorisation verbale donnée à M e Jeanniot, s'il le désire, de parler directement à Claude Themens. Si la mémoire de l'avocat est déficiente, celle du notaire ne l'est manifestement pas.
[109] Le Tribunal croit entièrement le témoignage de M e St-Gelais. Peut-être que M e Jeanniot ne se souvient pas de ces événements précis du 29 et 30 octobre 2007, mais, à tout le moins, il ne nie pas la version du notaire St-Gelais. C'est un aspect de la preuve qui est très important, car il s'agit là d'un avis formel du propriétaire.
[110] Troisième constat, certains volets du témoignage de M e Jeanniot sont incompatibles avec le témoignage de M e St-Gelais et de Michel Themens. Par exemple, les événements du 29 et 30 octobre 2007, la conversation qu'a eue ou n'a pas eue M e Jeanniot avec Michel Themens, le 25 janvier 2008, les intentions de Claude Themens pour renouveler ou non le bail.
[111] Le Tribunal considère que M e St-Gelais et Michel Themens sont des témoins parfaitement crédibles et ceci étant, la conclusion s'impose d'elle-même.
[112] Quatrième constat, il y a beaucoup d'éléments bizarres dans la preuve présentée par Encaissement de chèques, ce qui amène le Tribunal à s'interroger sur la crédibilité de cette preuve.
[113] Ainsi, si effectivement une entente intervient entre Claude Themens et M e Jeanniot, en novembre 2007, pourquoi attendre au 25 janvier 2008 pour transmettre le projet?
[114] Pourquoi transmettre un document à 1 heure du matin?
[115] Pourquoi ne rien clarifier entre fin juillet 2007 et octobre?
[116] Pourquoi attendre au 16 novembre 2007 pour transmettre un courriel important, dicté et daté du 7 novembre 2007 (P-7)?
[117] Pourquoi faire obstacle au cautionnement personnel de Kilduff pendant des mois et des mois (P-1, P-6, P-7, D-3) pour soudainement aviser la partie adverse dans un courriel, le 25 janvier 2008 à 1 heure du matin, que tout est réglé?
[118] Bref, le Tribunal ne croit pas l'essentiel de la preuve présentée par Encaissement de chèques.
[119] Comme la demanderesse ne s'est pas déchargée de son fardeau de la preuve, le Tribunal conclut qu'aucun bail commercial n'a été verbalement convenu entre les parties.
3.3 Le loyer
3.3.1 Le loyer mensuel depuis le 1 er avril 2008
[120] En avril, mai et juin 2008, Encaissement de chèques paie un loyer mensuel de 3 000 $ basé sur le nouveau bail commercial présumément convenu verbalement. Puis, à compter de juillet 2008, elle paie 3 650 $, mais ceci intervient dans le cadre d'une requête pour ordonnance de sauvegarde présentée par Claude Themens. Les parties conviennent que les conditions du bail de 2003 continueront de s'appliquer jusqu'au jugement final et le juge Jasmin de la Cour supérieure entérine cette entente.
[121] Comme le Tribunal a déjà conclu que la demanderesse ne s'est pas acquittée de son fardeau de prouver l'existence d'un nouveau bail commercial, il faut conclure que le loyer mensuel aurait dû être de 3 650 $ par mois, sous réserve de l'étude de la clause 21.1 du bail 2003-2008 qui prévoit un versement mensuel égal à quatre fois le loyer de base.
[122] Ceci implique qu'Encaissement de chèques aurait dû payer un loyer de 3 650 $ pour les mois d'avril, mai et juin 2008 et qu'en conséquence, elle est redevable sous ce chef d'une somme de 1 950 $ plus les taxes applicables. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du jugement, rien d'autre n'étant demandé.
[123] D'autre part, ceci dispose implicitement de la réclamation d'Encaissement de chèques qui demande un remboursement de 650 $ par mois qui aurait été payé en trop depuis le 1 er juillet 2008 jusqu'à ce jour. Cette réclamation formulée dans le cadre d'un amendement, en ouverture de procès, est donc rejetée.
3.3.2 Le quadruple loyer
[124] Comme le Tribunal l'a déjà souligné, le bail de 2003 prévoit, à l'article 21.1, que si la locataire devait rester en possession des lieux loués après l'expiration du bail, sans le consentement écrit du locateur, l'occupation prolongée est soumise à un paiement mensuel égal à quatre fois le versement mensuel du loyer de base, ce qui équivaudrait, suivant le calcul proposé par le défendeur au procès, à un loyer mensuel de 16 699,76 $.
[125] S'agit-il d'une clause pénale et doit-elle être appliquée intégralement?
[126]
L'article
[127]
Les
articles
[128] Quand Encaissement de chèques continue d'occuper les lieux, le 1 er avril 2008, sans le consentement écrit de Claude Themens, elle contrevient à son obligation de remettre les lieux loués au locateur à la fin du bail.
[129] Le Tribunal croit utile de préciser ce qui suit eu égard à la preuve quant à la fin de ce bail.
[130] Le 29 octobre 2007, M e St-Gelais envoie à Encaissement de chèques, avec copie à M e Jeanniot, une lettre qui est très claire quant à l'intention du locateur et il écrit entre autres que le propriétaire ne désire pas renouveler le bail et invite le locataire à libérer les lieux à la fin du bail.
[131] Encaissement de chèques prétend que la lettre a été envoyée à la mauvaise adresse à Dollard-des-Ormeaux.
[132] Pourtant, le bail de 2003 prévoit expressément ce qui suit à l'article 20.1 :
« 20.1 Remise des avis par le Locateur
Tout avis ou toute demande faite conformément à ce bail, par le Locateur au Locataire, seront considérés comme ayant été dûment donnés ou dûment faits lorsqu'ils auront été remis au Locataire en personne ou posté au 3049-B, Deacon, Dollard-des-Ormeaux, Québec H9B 2M5. »
[133] Le Tribunal a déjà conclu que M e Jeanniot a reçu copie de cette lettre par courriel dès le lendemain.
[134] Le 31 janvier 2008, M e St-Gelais avise à nouveau Encaissement de chèques et M e Jeanniot que le bail se terminera, tel que prévu, le 31 mars 2008 (P-3), il n'y a aucune confusion.
[135] Malgré tout ce contexte, c'est Encaissement de chèques qui intente des procédures judiciaires contre Themens avant la fin du bail, soit le 28 février 2008 et le 1 er avril, Encaissement de chèques continue d'occuper les lieux.
[136]
Le
Tribunal considère qu'il s'agit nettement, à l'article 21.1 du bail, d'une
clause pénale au sens de l'article
[137] C'est aussi la conclusion à laquelle en arrivent deux juges de première instance dans des cas similaires.
[138] En 2006, dans l'affaire Dumas c. 9057-0219 Québec inc. [5] , le juge Benoît Moulin de la Cour supérieure examine la clause suivante d'un bail commercial :
« [10] Le contrat ne comporte pas de clause de renouvellement. Il prévoit plutôt :
EXPIRATION DU BAIL Advenant le cas où le LOCATAIRE continuerait à occuper les lieux après la date d'expiration du bail prévu dans le présent document, telle occupation serait considérée comme étant contre la volonté du BAILLEUR et ce dernier pourra alors procéder à son expulsion. Le LOCATAIRE devra payer tant que durera cette occupation illégale, un loyer d'occupation mensuel égal ou double du loyer du dernier mois du terme. »
[139]
Il conclut
qu'il s'agit d'une clause pénale au sens des articles
[140] En 2011, le juge Armando Aznar de la Cour du Québec, dans l'affaire Fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal c. In Young Lee [6] , statue sur une clause d'un bail commercial qui se lit comme suit :
« 10. En effet, l'article 19.1 du Bail prévoit spécifiquement que :
Le bail se terminera, de plein droit et sans avis, à la date stipulée aux présentes et l'occupation des lieux loués après cette date par le Locataire n'aura pas pour effet de prolonger la durée du Bail ni de renouveler le Bail pour toute la période de temps. Le Locataire sera alors présumé occuper les lieux loués contre la volonté du Bailleur, qui pourra se prévaloir de tous les recours prévus par la loi pour expulser le Locataire et lui réclamer des dommages et intérêts. Durant cette période d'occupation des lieux, un dédommagement mensuel égal au double du dernier Loyer mensuel sera payable sur demande au Bailleur, par le Locataire ou l'Occupant. »
[141]
Il conclut
aussi qu'il s'agit d'une clause pénale et il cite expressément les articles
[142] Ce sont là deux opinions que le présent Tribunal partage entièrement.
[143] La clause est-elle abusive?
[144] Michel Themens soumet que le contrat de bail est la loi des parties, qu'il ne s'agit pas d'un contrat d'adhésion, mais d'un contrat intervenu de gré à gré et que la clause pénale n'est pas abusive.
[145] Il cite les décisions des juges Moulin et Aznar mais aussi une décision du juge Gilles Blanchet de la Cour supérieure dans l'affaire Société de gestion Place Laurier inc. c. Diane Beaulieu [7] qui valide une clause pénale, mais qui est quand même beaucoup moins lourde que celle réclamée dans le présent dossier. Le juge dit entre autres :
« 40. Sous cette réserve, qui suggère une certaine proportionnalité entre la peine imposée au débiteur et le préjudice occasionné par son défaut, le principe même de la validité de la clause pénale ne soulève plus aucune difficulté dans notre droit: qu’il s’agisse de fixer à l’avance la quotité des dommages résultant du défaut ou de prévoir une compensation forfaitaire au titre des frais et déboursés de recouvrement, la clause pénale sera réputée valide, à moins que sa mise en œuvre n’emporte des conséquences disproportionnées par rapport à l’objet du contrat. »
[146] Le juge Blanchet se fonde sur une décision de notre Cour d'appel dans Vitrerie A. & E. Fortin inc. c. Armtec inc. [8] , dans laquelle le juge Letarte (ad hoc) conclut à la validité d'une clause pénale établissant d'avance à 15 % des sommes dues les dommages liés à la perception par avocat.
[147] Pour sa part, Encaissement de chèques soumet trois décisions visant à convaincre le Tribunal de l'inapplicabilité de la clause pénale [9] .
[148] Il s'agit toutefois de décisions en matière de contrat de travail avec clause de non-concurrence ou d'engagement à ne pas utiliser le nom d'une compagnie. Ce sont des décisions intéressantes, mais qui ne sont pas d'un grand secours dans le présent dossier, car le Tribunal estime que l'inapplicabilité de la clause n'est pas en cause.
[149] Encaissement de chèques cite toutefois trois décisions qui visent à convaincre le Tribunal du caractère abusif de la clause pénale [10] .
[150] Dans l'affaire Groupe Jean Coutu , le juge Claude Benoît de la Cour supérieure traite d'un bail commercial et de deux réclamations fondées sur une clause pénale, la première pour une somme de 153 695,81 $ et la seconde pour une somme de 25 107,43 $. Il réduit la première à 36 163,68 $, soit 12 mois de loyer au lieu de 51 et réduit la seconde à une somme de 5 000 $, le tout considérant le caractère abusif des deux clauses pénales.
[151] La décision Immeubles des brasseries Molson est rendue par la juge Réjeanne L. Colas de la Cour supérieure et ses propos suivants sont certes d'intérêt :
« Si on applique cette clause à la lettre, on ne pourra jamais terminer la clause tant que la propriété Graham Bell ne sera pas achetée. À tous les mois, la demanderesse peut réclamer 123 875,26$, représentant le loyer minimum de base. Le montant des loyers mensuels de base accumulés depuis septembre 1991 jusqu'au 29 septembre 1994 s'élève à 4 521 446,90$, ce qui équivaut presque au prix d'achat de ladite propriété que Terravon avait convenu de payer, soit 5 100 000$.
Si le Tribunal donne raison à la demanderesse,
celle-ci, en plus de rester propriétaire de l'immeuble et de récolter les
loyers de son locataire Serviplats Inc., recevrait la valeur de l'immeuble
compte tenu des intérêts accumulés depuis la date d'assignation et de
l'indemnité additionnelle prévue à l'article
Cela n'a pas de sens! »
[152] La juge Colas souligne que la clause pénale dont elle est saisie aurait un impact tellement exorbitant qu'elle dénaturerait le contrat tel qu'il a été conçu originairement et elle précise que le Tribunal doit user de sa discrétion pour atteindre un résultat qui est plus réaliste par rapport aux objectifs que les parties s'étaient fixées à l'époque de la signature du contrat.
[153] La juge cite son collègue, le juge Claude Tellier, qui dans l'affaire Fédération des médecins résidents du Québec c. Université de Montréal [11] écrivait ce qui suit :
« Il est certain que l'abus on le connaît quand on le voit. On ne peut plus se voiler la face et soutenir comme on le faisait il y a encore peu de temps en s'appuyant sur l'adage Dura lex, sed lex quand une personne de bonne foi constate que, dans le contexte socio-économique, le résultat de l'application d'une clause pénale est à ce point abusive que l'on crée un déséquilibre exorbitant entre les moyens de la demande et les possibilités de la défense. »
[154] La juge Colas, après avoir étudié les principes applicables, prononce le jugement suivant :
« La demanderesse détient l'immeuble d'une valeur de 5 100 000$ et veut en même temps obtenir une condamnation qui équivaut maintenant à la valeur de l'immeuble tout en percevant un loyer de Serviplat Inc. pour l'immeuble. L'on ne peut qualifier ce geste de bonne foi.
Ce n'est pas et ce ne peut être l'intention que les parties avaient au moment de la signature des conventions initiales.
Le Tribunal se doit d'intervenir dans un tel cas et dénouer le noeud gordien que l'une des parties veut utiliser pour faire rendre grâce à l'autre.
C'est pourquoi le Tribunal, vu les articles
[155] Dans le présent cas, le montant réclamé par Claude Themens, en date du procès le 29 mars 2011, est de 444 953,52 $ pour la période du 1 er avril 2008 au 31 mars 2011, et ce, à titre de dommages par l'application de la clause pénale. Ceci représente, toujours à titre de dommages, le triple du loyer de base.
[156] Le Tribunal note que, suivant la preuve et les représentations faites lors de l'audition, les loyers sont acquittés à date et les sommes contributives du locataire, pour les taxes, l'électricité ou les assurances, sont payés ou en voie de l'être.
[157] Le montant réclamé par l'application de la clause pénale équivaut à un loyer total de 144 $ du pied carré. Actuellement, Encaissement de chèques paie l'équivalent de 36 $ le pied carré et, en 1999, l'arbitre a fixé le loyer à 13 $ le pied carré.
[158] Dans un document produit de consentement (D-1) pour valoir quant à son contenu seulement et non quant à l'interprétation qu'on peut y donner, Michel Themens consigne des chiffres relatifs aux loyers au pied carré, dans les environs du 7166, rue Saint-Hubert à Montréal.
[159] Évidemment, les chiffres varient beaucoup de 13,55 $ le pied carré à 53,93 $ avec tous les détails et toutes les circonstances particulières que l'on peut imaginer.
[160] Sans jouer à l'expert qu'il n'est pas, le Tribunal constate à la lecture de ce document qu'à première vue, le loyer de 36 $ le pied carré est intéressant pour le locateur et il doit l'être pour le locataire qui a signé le bail.
[161] La valeur de l'immeuble n'est pas établie par un évaluateur professionnel, mais le compte de taxes municipales de la Ville de Montréal, pour l'année 2011, fixe une valeur imposable ajustée de 248 300 $ et une valeur inscrite au rôle 2011-2013 de 289 300 $.
[162] Si par hypothèse le Tribunal considère que la valeur imposable représente 75 % de la valeur marchande de l'immeuble, cela signifierait que le montant réclamé en dommages, en application de la clause pénale, pour une période de 36 mois, serait supérieur à la valeur marchande de l'immeuble, ce qui est déraisonnable. Si la valeur imposable représente la valeur marchande de l'immeuble, la constatation est encore plus choquante.
[163]
Le
Tribunal conclut que la clause est abusive et qu'elle doit être réduite en
vertu de l'article
[164] Mais à combien?
[165] Certes le propriétaire a subi un certain préjudice depuis 2008 : il ne peut vendre, à toutes fins utiles, son immeuble, ne peut le louer à qui il veut ni au prix qu'il veut, il ne peut y apporter d'améliorations.
[166] En termes d' usus, fructus et abusus , il ne peut qu'en tirer partiellement les fruits, soit le loyer majoré de certains frais d'exploitation.
[167] Il faut considérer aussi l'intention des parties qui était de convenir d'une clause pénale non négligeable advenant que le locataire continue d'occuper les lieux sans le consentement écrit du locateur puisqu'ils ont convenu d'un quadruple loyer.
[168] Le Tribunal conclut qu'il faut réduire la clause pénale, compte tenu de la preuve et de toutes les circonstances, en appliquant une majoration de 50 % par mois, à compter du 1 er avril 2008, soit l'équivalent d'une somme de 1 825 $ par mois. Pour la période du 1 er avril 2008 au 1 er mai 2011, il s'agit d'un total de 37 mois donc d'une somme de 67 525 $.
[169] Comme il s'agit de dommages liquidés par voie de l'application d'une clause pénale et non pas de loyer comme tel, le Tribunal croit que ce montant n'est pas assujetti aux taxes habituelles. Toutefois, il doit porter intérêt au taux légal à compter du présent jugement, rien d'autre n'était demandé.
3.4 L'exécution provisoire malgré appel
[170] Michel Themens demande au Tribunal de prononcer l'exécution provisoire du jugement à être rendu, malgré appel, ce à quoi s'oppose Encaissement de chèques dans l'éventualité d'un jugement défavorable ce qui est le cas.
[171] Le Tribunal croit qu'il faut faire une distinction entre le premier volet du présent jugement qui vise à déterminer s'il y a ou non un bail convenu verbalement et le second volet qui vise à fixer le montant des sommes dues au défendeur.
[172]
Le premier
volet pourrait être assujetti à l'application de l'article
[173] Quant au premier volet, la demanderesse soumet au Tribunal la décision de M me la juge Christine Tourigny, siégeant comme juge unique de la Cour d'appel, dans l'affaire 2958-8696 Québec inc. c. Place Fleury de Lys [12] appliquée par le juge Paul Jolin de la Cour supérieure dans le dossier 3740480 Canada inc. c. Immeubles Dandurand inc. [13]
[174]
Pour bien
comprendre la décision de M
me
la juge Tourigny, il est utile de
relire l'article
« 547. Il y a lieu à exécution provisoire malgré l'appel dans tous les cas suivants, à moins que, par décision motivée, le tribunal ne suspende cette exécution:
a) […]
b) […]
c) […]
d) d'expulsion des lieux, lorsqu'il n'y a pas de bail ou que le bail est expiré, résilié ou annulé;
[…]. »
[175] Voici comment la juge de la Cour d'appel interprète cet article :
« Avec beaucoup d'égards, je ne peux me convaincre qu'une décision qui résilie le bail et, en même temps, ordonne le délaissement, réponde aux conditions du paragraphe d).
Il me semble, en effet, qu'il faut que le bail ait été résilié et que le droit à la résiliation ait été tranché de façon définitive, de sorte que seule demeure la question du délaissement. La version anglaise du texte est plus explicite encore à cet égard. L'appel fait en sorte que, du moins pour le moment, le bail n'est pas résilié et qu'il n'est pas possible de se réclamer de 547 d) pour ordonner l'exécution provisoire.
Ce seul élément suffirait, à mon avis, pour me permettre d'intervenir, étant donné qu'il s'agit du seul fondement juridique mentionné par le juge pour rendre son ordonnance. »
[176] Dans la présente affaire, le Tribunal n'est pas saisi d'une demande d'expulsion des lieux mais d'une demande de statuer sur l'existence ou la non existence d'un bail convenu verbalement. D'ailleurs, Michel Themens ne recherche, dans sa défense et demande reconventionnelle amendée du 29 mars 2011, aucune conclusion en expulsion.
[177] Le Tribunal conclut qu'il faut appliquer, dans le présent cas, l'interprétation de M me la juge Tourigny et conclure qu'il ne s'agit pas d'un cas d'exécution provisoire automatique.
[178]
D'autre
part, y-a-t-il lieu, comme le demande Michel Themens, d'ordonner l'exécution
provisoire en vertu du second paragraphe de l'article
[179] Y-a-t-il urgence exceptionnelle ou y-a-t-il une autre raison jugée suffisante notamment la possibilité d'un préjudice sérieux ou irréparable?
[180] Sur ce point, le procureur d'Encaissement de chèques soumet trois décisions de la Cour supérieure qui cernent bien les principes applicables en matière d'exécution provisoire ordonnée par le tribunal de première instance [14] .
[181] Pour sa part, le procureur de Michel Themens se montre discret en présentant son argumentation sur ce point et sa discrétion est appropriée.
[182] En effet, les circonstances du dossier ne démontrent pas d'urgence exceptionnelle ni d'éventuel préjudice sérieux ou irréparable qui pourraient être causés au défendeur.
[183] Il n'y a pas donc lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement quant à son premier volet.
[184] Quant au second volet, soit les divers montants auxquels la demanderesse est condamnée à payer au défendeur, les mêmes conclusions s'appliquent, sauf la réserve suivante.
[185] En avril 2008, en réduisant unilatéralement le loyer de base de 3 650 $ à 3 000 $ par mois, la demanderesse s'est fait justice à elle-même.
[186] Le juge Jasmin, en prononçant l'ordonnance de sauvegarde, en juin 2008, corrige cette injustice qui ne doit cependant pas se répéter s'il y a appel.
[187] Le Tribunal considère qu'il y aurait pour Michel Themens, à la fois préjudice sérieux et iniquité si, en cas d'appel Encaissement de chèques ne respectait pas les conditions du bail toujours en vigueur le 31 mars 2008 et faisait fi de l'ordonnance de sauvegarde prononcée par le juge Jasmin qui cesse d'être en vigueur lors du prononcé du présent jugement.
[188] Ceci est d'autant plus vrai que l'ordonnance de sauvegarde prononcée par la Cour supérieure, en juin 2008, a toujours été respectée intégralement par Encaissement de chèques.
[189] Dès lors, le Tribunal ordonne l'exécution provisoire du présent jugement afin de maintenir en vigueur l'ordonnance du 23 juin 2008 du juge Jasmin aux mêmes termes et conditions jusqu'à jugement final de la Cour d'appel.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la défense du défendeur en reprise d'instance;
REJETTE la requête introductive d'instance de la demanderesse avec dépens;
STATUANT sur la demande reconventionnelle, ACCUEILLE en partie la demande reconventionnelle du défendeur en reprise d'instance;
CONDAMNE la demanderesse à payer au défendeur en reprise d'instance, pour les loyers d'avril, mai et juin 2008, la somme de 1 950 $ avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement;
CONDAMNE l a demanderesse à payer au défendeur en reprise d'instance la somme de 67 525 $ avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement;
CONDAMNE la demanderesse à payer au défendeur en reprise d'instance la somme de 1 825 $ par mois à titre de dommages-intérêts en application de la clause pénale à compter du 1 er juin 2011 jusqu'à ce qu'elle quitte les lieux, et ce, en sus du loyer et des frais accessoires tels que prévus au bail (P-4) et payés jusqu'à maintenant;
ORDONNE l'exécution provisoire pour une partie du présent jugement en reconduisant l'ordonnance de sauvegarde prononcée par le juge Jasmin, le 23 juin 2008, aux mêmes termes et conditions, et ce, pour valoir jusqu'à jugement final de la Cour d'appel, s'il y a lieu;
SANS FRAIS sur la demande reconventionnelle.
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__________________________________ GILLES HÉBERT, J.C.S. |
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M e David Joanisse |
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Heenan Blaikie |
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Procureurs de la demanderesse |
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M e Mario Proulx |
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Cain Lamarre Casgrain Wells |
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Procureurs des défendeurs |
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Dates d’audience : |
29 et 30 mars 2011 |
[1]
Jean-Claude ROYER et Sophie LAVALLÉE,
[2] Entreprises Pabi inc. c. Cassulo et Copeman inc. , [1977] RJ.Q. 522 (C.A.).
[3] Id. , p. 526.
[4]
[5]
[6] EYB 2001-186258.
[7]
[8]
[9]
Gestess Plus
c.
Harvey
,
Robitaille
c.
Gestion L. Jalbert inc.
,
Matte
c.
Desjardins
,
[10]
Groupe Jean Coutu (P.J.C.) inc.
c.
Tremblay
,
Immeubles des brasseries Molson ltée
c.
Kellandale
Investments inc.
,
Leblanc
c.
Automobiles Normand Lagarde
inc.
,
[11]
[12] 1995 CanLII 4664 (QC C.A.).
[13]
[14]
AGF Trust Company
c.
Annie Otounga Souna et al.
,
Marc Savard c. Justin Laprise (C.S., 2001-01-04, SOQUIJ AZ-01021201 , J.E. 2001-398 , [2001] R.R.A. 256 (rés.);
Laloman Finance inc. et Jacques Mancuso c. The Evergreen Organization inc. et al. , 2005 Can LII 19558 (QC C.S.).