C A N A D A
Q U É B E C
TÉMISCAMINGUE
T R I B U N A L D’ A R B I T R A G E
M e Richard Guay, arbitre
N o de dépôt: 2011-3245
Syndicat des travailleurs et travailleuses
du Centre de santé Sainte-Famille - CSN
(le Syndicat)
et
Centre de santé et de services sociaux
du Lac Témiscamingue
(l’Employeur)
Griefs n os 148786 et 148796 - Monsieur Robert Roy
Mandat n o 20893 - Greffe des tribunaux d'arbitrage
du secteur de la santé et des services sociaux
Le 1 er mai 2011
1. INTRODUCTION
L’audience a eu lieu à Ville-Marie les 1 er , 2 et 3 mars 2011. M e Michel Lambert et monsieur Stéphane Langlois y représentaient respectivement l’Employeur et le Syndicat.
2. LES GRIEFS
Le 20 avril 2010, monsieur Robert Roy a déposé le grief suivant qui porte le n o 148786 :
«Je conteste la décision de l’Employeur de ne pas me reprendre au travail alors que j’ai un papier de retour au travail sans limitations fonctionnelles et atteintes permanentes. Je réclame mon retour au travail sur mon poste à compter de la date déterminée par mon médecin traitant et le remboursement du salaire perdu et tous les droits prévus à la convention collective et dédommagements pour préjudices subis incluant les dommages moraux et exemplaires, ainsi que le préjudice fiscal, le tout rétroactivement avec intérêts au taux prévu au Code du travail, et sans préjudice aux autres droits dévolus».
Le 8 juillet 2010, monsieur a formulé le grief n o 148796, qui se lit ainsi :
«Je conteste la lettre de l’Employeur datée du 2 juin 2010 mettant fin au versement de prestations d’assurance salaire à compter du 5 juin 2010. Je réclame l’annulation de cette lettre et ses effets, qu’elle soit retirée du dossier et tous les droits prévus à la convention collective et dédommagements pour préjudices subis incluant les dommages moraux et exemplaires, ainsi que le préjudice fiscal, le tout rétroactivement avec intérêts au taux prévu au Code du travail, et sans préjudice aux autres droits dévolus».
3. LES ADMISSIONS
Les parties ont fait les admissions suivantes :
«1. La procédure prévue à la convention collective pour le dépôt des griefs a été suivie et l’arbitre a juridiction pour en décider;
2. Le salarié est né le […] 1955;
3. Antérieurement au dépôt des griefs, le salarié détenait un poste de préposé à l’entretien ménager (travaux lourds) et gardien de sécurité, avec un statut de temps complet, sur le quart de jour;
4. La description des fonctions du salarié au moment de son départ le 3 juin 2008 était celle révisée le 2 décembre 2004 et produite comme pièce E-1, et celle qui était en fonction au moment où il a voulu réintégrer le travail le 7 mars 2010 était celle qui a été révisée le 22 août 2008, ces descriptions des 2 décembre 2004 et 22 août 2008 étant respectivement produites comme pièces E-1 et E-2;
5. La feuille de route pour l’entretien ménager répartie sur toute la semaine est celle produite comme pièce E-3;
Premier accident de travail
6. Le salarié s’est infligé le 3 juin 2008 une entorse au genou droit alors que, en balayant le plancher, il a tassé une boîte de soluté avec son pied droit, tel qu’il appert à la réclamation qu’il a produite à la CSST le 10 juin 2008 et à la déclaration d’un événement accidentel produite en liasse comme pièce E-4;
7. Le salarié a consulté le Dr. Beauregard le 5 juin 2008, lequel a diagnostiqué une entorse au genou droit, et l’attestation médicale de ce dernier est produite comme pièce E-5, et sa note de consultation clinique comme pièce E-5.1;
8. Le salarié a consulté le Dr. Dominguez le 12 juin 2008, lequel a maintenu le diagnostic et son rapport médical est aussi produit comme pièce E-6, et sa note de consultation clinique comme pièce E-6.1;
9. Le même jour, une radiographie des deux genoux était faite et le radiologue a mentionné qu’il n’y avait pas de lésion radiologiquement significative détectable, le rapport étant produit comme pièce E-6.2;
10. Le salarié a été évalué en physiothérapie le 17 juin 2008 et le rapport d’évaluation est produit comme pièce E-6.3;
11. Le salarié a consulté le Dr. Martin le 23 juin 2008, lequel a mentionné une gonalgie du genou droit et une tendinite du ligament latéral, son rapport médical étant aussi produit comme pièce E-7 et sa note clinique comme pièce E-7.1
12. Le Dr. Martin a autorisé le 23 juin 2008 une assignation temporaire du salarié et cette autorisation est produite comme pièce E-8;
13. Le 26 juin 2008, la CSST a accepté la réclamation du salarié avec un diagnostic d’entorse du genou droit, une copie de la décision étant produite comme pièce E-9;
14. Le salarié a consulté le Dr. Scaffidi le 30 juin 2008 qui mentionne une entorse du ligament collatéral interne du genou droit, son rapport étant produit comme pièce E-10, et sa note clinique comme pièce E-10.1;
15. Le jour même, le Dr Scaffidi a autorisé une assignation temporaire du salarié et cette autorisation est produite comme pièce E-11;
16. Le salarié a consulté le Dr. Claude Legault le 14 juillet 2008 qui mentionne une entorse au genou droit, son rapport médical étant produit comme pièce E-12, et sa note clinique comme pièce E-12.1;
17. Le 14 juillet 2008, le Dr. Legault a aussi autorisé une assignation temporaire du salarié et cette autorisation est produite comme pièce E-13;
18. Le salarié a consulté le Dr. Thériault le 28 juillet 2008 qui a posé le même diagnostic et poursuivi l’assignation temporaire, son rapport étant produit comme pièce E-14, et sa note clinique comme pièce E-14.1;
19. Le salarié a consulté le Dr. Thériault le 18 août 2008 qui note une amélioration de l’entorse au genou droit, recommande de poursuivre la physiothérapie et l’assignation temporaire, son rapport médical étant produit comme pièce E-16, et sa note clinique comme pièce E-15.1;
20. Le salarié a consulté le Dr. L’Heureux le 8 septembre 2008 qui note une bonne évolution de l’entorse du genou droit et recommande la poursuite de la physiothérapie et de l’assignation temporaire, son rapport médical étant produit comme pièce E-16, et sa note clinique comme pièce E-16.1;
21. Le salarié a consulté le Dr. Thériault le 22 septembre 2008 qui note une amélioration de l’entorse du genou droit, suggère un retour progressif par demi-journées, et le reste en assignation temporaire, recommande la poursuite de la physiothérapie, son rapport médical étant produit comme pièce E-17, et sa note clinique comme E-17.1;
22. Le salarié a consulté le Dr. L’Heureux le 6 octobre 2008 qui note une détérioration suite à une contusion, recommandant la poursuite de la physiothérapie et de l’assignation temporaire ainsi qu’une résonnance magnétique, son rapport médical étant produit comme pièce E-18, et sa note clinique comme pièce E-18.1;
23. Le salarié a consulté le Dr. L’Heureux le 22 octobre 2008 qui maintient le même diagnostic et suggère la reprise du travail régulier à raison de 2 jours par semaine, son rapport médical étant produit comme pièce E-19, et sa note clinique comme E-19.1;
24. Le salarié a consulté le Dr. L’Heureux le 7 novembre 2008 qui maintient le même diagnostic et suggère un retour en assignation temporaire de 5 jours par semaine, son rapport médical étant produit comme pièce E-20, et sa note clinique comme E-20.1;
25. Le salarié subit une résonnance magnétique le 24 novembre 2008 qui révèle une déchirure antérieure et postérieure du ménisque médial sur 2.5 cm, sans déchirure du ménisque externe, ainsi qu’un amincissement du cartilage au niveau de la surface portante du compartiment interne du genou, sans atteinte au niveau de l’articulation patello-fémorale, le rapport de résonnance magnétique étant produit comme pièce E-21;
26. Le salarié a consulté le Dr. L’Heureux le 2 décembre 2008 qui mentionne une déchirure méniscale et demande une consultation en orthopédie, et recommande la poursuite des travaux légers en attendant, son rapport médical étant produit comme pièce E-22, et sa note clinique comme E-22.1;
27. Le salarié consulte le Dr. Michael le 14 janvier 2009, lequel recommande une chirurgie pour la lésion méniscale du genou droit, son rapport médical étant produit comme pièce E-23;
28. Le salarié est aussi vu en expertise à la demande de l’employeur le 14 janvier 2009 par le Dr. Louis Bellemare, chirurgien-orthopédiste, le rapport d’expertise étant produit comme pièce E-24;
29. Le 24 avril 2009, la CSST accepté le nouveau diagnostic de déchirure méniscale du genou droit et a continué de verser des indemnités de remplacement du revenu, copie de cette décision étant produite comme pièce E-25;
30. Le salarié a été opéré par le Dr. Michael le 13 mai 2009 qui mentionne une méniscectomie sous arthroscopie pour une lésion interne du genou droit et prescrit un arrêt de travail pour 1 mois, son rapport étant produit comme pièce E-26;
31. Le salarié a consulté le Dr. Michael le 3 juin 2009 qui mentionne une méniscectomie sous arthroscopie et prescrit de la physiothérapie, son rapport étant produit comme pièce E-27;
32. Le même jour, le Dr. Michael signe un certificat médical prévoyant une incapacité totale du 3 juin 2009 au 30 juin 2009, et des travaux légers du 1 er juillet 2009 au 1 er septembre 2009, et d’éviter la position accroupie et de se mettre à genoux, ce certificat médical étant produit comme pièce E-27.1;
33. Le salarié revoit le Dr. Michal le 6 août 2009 qui recommande des travaux légers et la poursuite de la physiothérapie, son rapport étant produit comme pièce E-28;
34. Le salarié revoit le Dr. Michael le 29 septembre 2009 qui produit le rapport final pour la méniscectomie du genou droit, consolide la lésion au 29 septembre 2009, retient une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, sans limitations fonctionnelles, et note que le salarié peut retourner au travail habituel, le rapport final étant produit comme pièce E-29;
35. Le 2 octobre 2009, la CSST décide que le salarié n’a plus droit à des indemnités de remplacement du revenu depuis le 30 septembre 2009, étant capable d’exercer l’emploi qu’il occupait habituellement depuis cette date, une copie de cette décision étant produite comme pièce E-29.1;
Deuxième accident de travail
36. Le salarié s’est infligé un traumatisme au niveau du coude gauche le 20 février 2009, alors qu’il était en assignation temporaire pour le 1 er accident. En se cognant le coude gauche sur la porte de métal en sortant du linge de la laveuse, tel qu’il appert à la réclamation du travailleur, à la déclaration d’un événement accidentel et au formulaire d’enquête préliminaire d’un événement accidentel produit en liasse comme pièce E-30;
37. Le salarié a alors consulté le Dr. Scaffidi le 23 février 2009 qui a diagnostiqué un traumatisme au coude gauche, posé un diagnostic d’épicondylite du coude gauche et suggéré des travaux légers, sans préhension forcée avec agrippement de la main gauche, l’attestation médicale et le rapport médical étant produits comme pièce E-31;
38. Le salarié a consulté le Dr. L’Heureux le 9 mars 2009 qui a maintenu le diagnostic, prescrit de la physiothérapie et suggéré de poursuivre les travaux légers, son rapport médical étant produit comme pièce E-32;
39. Le 23 avril 2009, la CSST a accepté la réclamation du salarié avec le diagnostic d’épicondylite du coude gauche, copie de cette décision étant produite comme pièce E-33;
40. Le Dr. L’Heureux a signé le rapport final pour l’épicondylite du coude gauche le 23 juin 2009, consolidant la lésion le jour même sans atteinte permanente, ni limitations fonctionnelles, le rapport final étant produit comme pièce E-34;
Troisième accident de travail
41. Le salarié a subi un autre accident de travail le 28 juillet 2009, premier jour de travail après ses vacances du 27 juin au 26 juillet, alléguant avoir forcé en enlevant les fenêtres pour les laver, tel qu’il appert à la réclamation du travailleur datée du 12 août 2009 produite comme pièce E-35, et aux formulaires de déclaration d’un événement accidentel et d’enquête préliminaire produits en liasse comme pièce E-36;
42. Le salarié a consulté au sujet de cet accident le Dr. Dominguez le 11 août 2009 qui a diagnostiqué une tendinite de la coiffe des rotateurs et épicondylite gauche, suggéré des travaux légers pour 3 semaines, une copie de l’attestation médicale étant produite comme pièce E-37;
43. Le salarié a été vu et examiné à la demande l’employeur par le Dr. Landry le 19 août 2009 qui a consolidé le jour même l’épicondylite du coude gauche de même que la tendinite, sans nécessité de traitement, sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles, ne voyant finalement aucun lien entre l’événement et les blessures en l’absence d’un événement traumatique, copie de son rapport d’évaluation étant produit comme pièce E-38;
44. Le 26 août 2009, la CSST a refusé la réclamation du travailleur pour la tendinite de la coiffe des rotateurs gauche et épicondylite gauche, vu l’absence de relation entre le diagnostic et les mouvements exécutés au travail, une copie de cette décision étant produite comme pièce E-39;
45. Le salarié a consulté le Dr. L’Heureux le 31 août 2009 qui a noté une épicondylite du coude gauche, une infiltration et prescrit de la physiothérapie et des travaux légers, une copie de son rapport médical étant produite comme pièce E-40;
46. Le 1 er octobre 2009, et suite à l’évaluation E-38 du Dr. Landry et à la décision CSST E-39, l’employeur a requis le salarié de se présenter au travail le 15 octobre 2009, tel qu’il appert à une copie de cette lettre produite comme pièce E-41;
47. Le salarié a revu le Dr. L’Heureux le 7 octobre 2009 qui mentionne une épicondylite du coude gauche et suggère de poursuivre la physiothérapie et les travaux légers, une copie de son rapport médical étant produite comme pièce E-42;
48. Le 13 octobre 2009, la CSST, instance de révision, confirme la décision de la CSST du 26 août 2009 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 28 juillet 2009, une copie de cette décision étant produite comme pièce E-43;
49. Le 4 novembre 2009, le salarié est vu et examiné par le Dr. Pierre Bertrand, chirurgien-orthopédiste, dans le cadre d’un arbitrage médical selon les dispositions de la convention collective, vu le refus du salarié de se présenter au travail le 15 octobre 2009 tel que requis par la lettre de l’employeur E-41;
50. Le Dr. Bertrand a conclu que, en date du 4 novembre 2009, le salarié n’est pas apte à travailler à son poste de travail sans limitations, en considérant qu’il y avait eu infiltration au coude gauche pour épicondylite le 31 août 2009 et que les signes d’épicondylite étaient encore présents lors de l’examen du 4 novembre 2009, une copie du rapport d’expertise étant produite comme pièce E-44;
51. Le salarié a revu le Dr. L’Heureux le 10 novembre 2009 qui a maintenu le diagnostic d’épicondylite du coude gauche et noté une bonne évolution, et demandé de poursuivre les travaux légers pour 3 semaines, son rapport médical étant produit comme pièce E-45;
Note [1]
53. Le salarié revoit le Dr. L’Heureux le 20 novembre 2009 qui maintient le diagnostic d’épicondylite du coude gauche et prévoit que le salarié pourrait reprendre des tâches normales à raison de 2 jours par semaine, son rapport médical étant produit comme pièce E-46;
54. Le 2 décembre 2009, le salarié a revu le Dr. L’Heureux qui a maintenu le diagnostic d’épicondylite du coude gauche et suggéré une reprise du travail normal à raison de 2 jours par semaine, une copie de son rapport médical étant produite comme pièce E-46.1;
55. Le salarié a été vu et examiné en expertise le 11 janvier 2010 à la demande de l’employeur par le Dr. Chaikou Bah, chirurgien-orthopédiste, et le rapport du Dr. Bah est produit comme pièce E-50;
56. Le salarié a revu le Dr. L’Heureux le 2 février 2010, lequel a maintenu le diagnostic d’épicondylite du coude gauche et recommandé la poursuite des travaux légers, une copie de son rapport étant produite comme pièce E-51;
57. Le salarié a revu le Dr. L’Heureux le 1 er mars 2010 lequel a maintenu le diagnostic d’épicondylite du coude gauche et recommandé une tentative de retour au travail, copie de ce rapport étant produite comme pièce E-52;
58. Le 2 mars 2010, l’employeur écrivait au salarié qu’il ne pouvait pour l’instant accepter un retour au travail, vu les limitations fonctionnelles établies par le Dr. Bah et le litige pendant devant la Commission des lésions professionnelles quant à la réclamation pour l’épicondylite du coude gauche, une copie de cette lettre étant produite comme pièce E-53;
59. Tel qu’il appert à la lettre E-53, l’employeur avisait le salarié qu’il considérait envisager le traitement de ce dossier en accommodement une fois la lésion consolidée;
60. Le 10 mars 2010, la CSST accordait au salarié par décision une atteinte permanente pour l’accident du 3 juin 2008, une copie de cette décision étant produite comme pièce E-54;
61. Le salarié a revu le Dr. L’Heureux le 27 mars 2010, lequel a maintenu le diagnostic d’épicondylite comme étant résolue, cessé la physiothérapie, recommandé la reprise du travail normal, consolidé la lésion au 27 mars 2010 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, tel qu’il appert au rapport final produit comme pièce E-55;
62. Le 14 avril 2010, l’employeur écrivait au salarié sur réception du rapport final E-55, une copie de cette lettre est produite comme pièce E-56;
63. Cette décision E-56 de l’employeur a été contestée par le grief n o 148786;
64. L’employeur informait le syndicat le 22 avril 2010 de la teneur de la lettre E-56 transmise au salarié, tel qu’il appert d’une copie de cette lettrer du 22 avril 2010 produite comme pièce E-57;
65. Le 2 juin 2010, l’employeur informait le salarié qu’il mettait fin à ses prestations d’assurance-salaire au terme de la période de 104 semaines prévue à la convention collective, soit le 5 juin 2010, tel qu’il appert à une copie de cette décision produite comme pièce E-60;
66. Cette décision a été contestée par le grief n o 148796 en date du 8 juin 2010;
67. Le 14 juin, la Commission des lésions professionnelles confirmait la décision de la CSST du 13 octobre 2009 et déclarait que le salarié n’avait pas subi de lésion professionnelle le 28 juillet 2009, une copie de cette décision étant produite comme pièce E-61;
68. Le 7 septembre 2010, le salarié a été vu en expertise par le Dr. Morris Duhaime, chirurgien-orthopédiste, copie de cette expertise est produite comme pièce E-62;
69. Le 28 septembre 2010, l’employeur écrivait au salarié et au syndicat dont l’objet était processus d’accommodement raisonnable, une copie de cette lettre étant produite comme pièce E-63;
70. Le syndicat a répondu à cette lettre le 12 octobre 2010, une copie de cette réponse étant produite comme pièce E-63.1;
Dossiers d’accidents de travail pour des problèmes lombaires antérieurs à ceux des 3 juin 2008, 20 février 2009 et 28 juillet 2009 .
71. Le salarié a présenté une réclamation à la CSST le 1 er mars 1988 pour un accident de travail survenu le 9 février 1988 alors qu’il a ressenti un point dans le dos en lavant le plafond;
72. Un diagnostic d’entorse lombaire a été posé et la lésion professionnelle a été consolidée le 21 mars 1988 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles;
73. La réclamation du travailleur et les rapports médicaux sont produits en liasse comme pièce E-66;
74. Le salarié a présenté une réclamation à la CSST pour un accident de travail survenu le 10 février 1990 alors qu’il a ressenti une douleur en soulevant un patient;
75. Un diagnostic d’entorse lombaire a été posé, aucun rapport final n’étant au dossier;
76. L’avis de l’employeur et demande de remboursement, la décision de la CSST acceptant la réclamation et les rapports médicaux au dossier sont produits en liasse comme pièce E-67;
77. Le salarié a présenté une réclamation à la CSST pour un accident de travail survenu le 28 avril 1997 alors que, voulant nettoyer un chariot, il a pris entre 15 et 20 cabarets pour les déposer sur un comptoir et, en se tournant pour les déposer sur le comptoir, il a ressenti une douleur dans le bas du dos, côté gauche;
78. Un diagnostic de lombalgie L4-L5 gauche a été posé, aucun rapport final n’étant au dossier;
79. L’avis de l’employeur et demande de remboursement, déclaration du salarié et les rapports médicaux et son relevé de présence pour la période concernée sont produits en liasse comme pièce E-68;
80. Le salarié a présenté une réclamation à la CSST pour un accident de travail survenu le 31 juillet 1997 alors qu’il s’est fait mal au dos en chargeant la laveuse de linge;
81 Un diagnostic de dorsalgie a été posé, aucun rapport final n’étant au dossier;
82. L’avis de l’employeur et demande de remboursement, les rapports médicaux et les relevés de présence du salarié sont produits en liasse comme pièce E-69;
83. Le salarié a présenté une réclamation pour un accident de travail survenu le 31 octobre 2002 alors qu’il a ressenti une douleur au bas du dos au moment où il polissait à l’aide d’une polisseuse et que, sans arrêter de polir, il a déplacé une chaise, tel qu’il appert à la réclamation du travailleur et aux formulaires de déclaration d’un événement accidentel produit en liasse comme pièce E-70;
84. Un diagnostic de lombalgie basse a été posé par le Dr. Scaffidi le 1 er novembre 2002 et un rapport médical final a été produit le 13 mai 2003 avec un diagnostic d’entorse lombaire, avec date de consolidation au 13 juin 2003, tel qu’il appert à l’attestation médicale et au rapport final produit en liasse comme pièce E-71;
85. Une radiographie de la colonne lombo-sacrée a été faite le 17 décembre 2002, une copie du protocole radiologique est produite comme pièce E-72;
86. Un scan du rachis lombaire a été pratiqué le 6 mars 2003, tel qu’il appert au rapport produit comme pièce E-73;
87. Le salarié a aussi été vu en expertise le 4 avril 2003 par le Dr. Sylvain Belzile, à la demande de l’employeur, et son rapport est produit comme pièce E-75;
88. La réclamation du salarié a été acceptée par la CSST par décision du 21 novembre 2002 avec un diagnostic d’entorse lombaire avec de la sciatalgie droite, une copie de la décision étant produite comme pièce E-76;
89. Le salarié a présenté une réclamation pour un accident de travail survenu le 6 septembre 2005 alors qu’il ressenti une douleur au dos lorsqu’il a voulu tourner un matelas de côté lors d’une désinfection, tel qu’il appert à la réclamation et à la déclaration préliminaire d’un événement accidentel produit en liasse comme pièce E-78;
90. Un diagnostic d’entorse lombaire a lors été posé, tel qu’il appert à l’attestation médicale du 7 septembre 2005 et à deux rapports médicaux produits en liasse comme pièce E-79;
91. Le salarié a présenté une réclamation pour un accident de travail survenu le 12 mars 2007 alors qu’il a perdu pied sur la glace, tel qu’il appert à une copie de la réclamation du travailleur et à la déclaration d’un événement accidentel produit en liasse comme pièce E-80;
92. Un diagnostic d’entorse lombaire droit a été posé le 12 mars 2007 par le Dr. Tanis, et le salarié a consulté d’autres médecins les 19 mars, 30 mars et 11 avril 2007, tel qu’il appert à l’attestation et à ces rapports médicaux produits en liasse comme pièce E-81;
93. La lésion a été consolidée le 11 avril 2007 avec un diagnostic d’entorse lombaire sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, tel qu’il appert au rapport final du 11 avril 2007 déjà produit en liasse comme pièce E.81.»
4. LA PREUVE
Le 13 août 2009 , le docteur Chantale Landry a examiné monsieur Roy, qui était en arrêt de travail dû à une tendinite de l’épaule gauche et une épicondylite au coude gauche. C’est madame Nicole Barbe, conseillère en prévention de la santé et de la sécurité du travail au CSSS du Lac-Témiscamingue, qui a pris l’initiative de cet examen. Le docteur Landry a conclu qu’il n’y avait « aucune évidence de lésion résiduelle post-méniscectomie interne genou droit » que la tendinite à l’épaule gauche de monsieur Roy était « complètement résolue avec un examen strictement normal » et qu’il y avait également « résolution complète » de l’épicondylite au coude gauche. Le docteur Landry a consolidé les trois lésions le 19 août 2009 et, selon son rapport, monsieur Roy n’a eu aucune atteinte permanente ou limitation fonctionnelle qui leur soit attribuable.
Le 9 novembre , un arbitre médical, le docteur Pierre Bertrand, chirurgien-orthopédiste, a statué qu’au 4 novembre précédent, date de son examen de monsieur Roy, celui-ci « n’est pas apte à travailler à son poste de travail sans limitations ».
Madame Nicole Barbe s’interrogeait sur les accidents à répétition de monsieur Roy, même en assignation temporaire. Le dossier de monsieur Roy incluait une expertise médicale qui a été faite le 4 avril 2003 par le docteur Sylvain Belzile, orthopédiste. Le médecin y indiquait que :
«Mon examen physique objectif d’aujourd’hui m’a témoigné l’absence de restriction ou de limitations. Néanmoins, monsieur Roy possède une condition personnelle préexistante sous forme de dégénérescence discale multi-étagée et d’arthrose facettaire en ce qui a trait au rachis lombaire. Monsieur Roy présente également une obésité abdominale importante. Ces deux critères (phénomène dégénératif et obésité) peuvent contribuer à une récidive, même précoce, des entorses lombaires».
De même, le docteur Michel H. Parayre, médecin consultant du Bureau de santé, écrivait en 2003 que :
« Il y a donc ici un processus dégénératif de la colonne lombo-sacrée qui à mon avis constitue clairement un facteur de risques pour développement de problèmes lombaires qu’ils soient aigus ou chroniques et qui prédisposent également à ralentir la récupération suite à un accident comme une entorse lombaire. De plus, monsieur présente une obésité significative qui contribue également à ralentir le processus de guérison et il aura à risque de développer des problèmes lombaires.»
Madame Barbe a voulu vérifier si monsieur Roy avait ou non des limitations fonctionnelles, afin d’être fixée sur son aptitude à revenir au travail. En application des dispositions de la clause 23.24 de la convention collective, elle a demandé une expertise au docteur Chaikou Bah, chirurgien-orthopédiste de la société Médigestal, à Laval.
En même temps qu’une lettre qui retraçait l’historique du dossier de monsieur Roy, madame Barbe a transmis au docteur Bah, un document intitulé «Prestations depuis l’embauche». Ce document indique que à compter du 8 novembre 1994 et jusqu’au 8 mars 1995, monsieur Roy a été en accident du travail pour lombalgie. Ce document a été confectionné par la secrétaire de madame Barbe, madame Sylvie Ducharme. Celle-ci était en vacances au moment de l’audience, si bien qu’il n’a pas été possible de savoir où, dans les dossiers, elle avait trouvé l’incident allégué de 1994-1995. Madame Barbe a admis que monsieur Roy avait été payé régulièrement en 1994. Il se peut donc que l’épisode mentionné n’ait pas eu lieu. Le nombre de jours d’absence au document ne fait pas de distinction entre les absences et les fins de semaine ou les périodes de vacances à l’intérieur de ces périodes. Selon madame Barbe, le document a été transmis au docteur Bah afin de lui donner un portrait de la situation. Elle a expliqué que durant ses absences pour entorses lombaires, monsieur Roy a eu des assignations temporaires, si bien qu’il pouvait être au travail mais absent de son poste et que quelqu’un d’autre remplissait ses fonctions.
Le 14 janvier 2010 , le docteur Chaikou Bah a examiné monsieur Roy. À l’égard du genou droit et de l’épaule gauche, le rapport du docteur Bah affirme qu’il n’y a pas de limitations fonctionnelles. Dans le cas du coude gauche, le médecin suggère des limitations fonctionnelles temporaires jusqu’à ce que l’épicondylite soit résorbée. Traitant des « autres dossiers de CSST : colonne lombaire et autres » le docteur Bah affirme que monsieur Roy « présente une discopathie lombaire multi-étagée qui est hors norme biomédicale pour un patient de son âge, en relation avec la condition personnelle d’obésité morbide ». À la question « Considérant l’ensemble du dossier, nous devons considérer le fait que ce travailleur n’est peut-être pas apte à faire ce travail de préposé à l’entretien lourd et léger. Les faits accidentels répétés sont banals, mais conduisent souvent à des arrêts de travail disproportionnés. Le hasard peut jouer. Mais à 18 accidents, y-a-t-il une condition ou des conditions de santé qui peuvent expliquer cette évolution? », le docteur Bah a écrit :
«La réponse est affirmative. Comme indiqué plus haut et comme décrit dans les articles médicaux, ce patient qui est obèse est donc plus à risques de développer des douleurs lombaires lorsqu’il effectue un travail physique. La période de récupération est par ailleurs plus longue.
Donc, en relation avec cette obésité, il est suggéré, considérant les multiples récidives de douleurs lombaires, de mettre en place des limitations fonctionnelles de Classe III de l’IRSST, soit d’éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités impliquant :
- soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 5kg;
- faire des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faible amplitude;
- travailler en position accroupie;
- subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale;
- monter fréquemment plusieurs escaliers;
- marcher en terrain accidenté ou glissant;
- garder la même posture plus de 30 à 60 minutes;
- travailler en position instable (échafaudages, échelles, etc.);
- effectuer des mouvements répétitifs des membres inférieurs.»
Le 14 avril , monsieur Marc Gosselin, directeur des Ressources humaines, a adressé la lettre suivante à monsieur Roy :
«Objet : Limitations fonctionnelles permanentes
Monsieur,
Nous confirmons la réception le 29 mars dernier du rapport médical de votre médecin traitant faisant état de la consolidation de votre épicondylite en date du 27 mars 2010.
Cependant, suite l’expertise médicale pratiquée le 11 janvier 2010 par notre médecin-expert, Dr. Chaikou Bah, chirurgien-orthopédiste, nous devons considérer votre dossier sous l’angle de l’accommodation en raison de limitations fonctionnelles indépendantes de cette lésion.
Nous référerons donc à ce rapport, qui vous a été transmis le 2 février dernier, pour entreprendre un processus d’accommodements le plus tôt possible considérant les limitations fonctionnelles permanentes que nous nous devons de respecter pour assurer votre sécurité.»
Le 2 juin , monsieur Gosselin a écrit à monsieur Roy afin de lui annoncer que :
«Suite à votre dernière lésion et à sa consolidation, nous avons poursuivi le versement des indemnités en assurance salaire et ce malgré le fait que la convention ne prévoit pas de rémunération dans un tel contexte, de façon à permettre aux différents intervenants de s’investir dans la démarche d’accommodements vous concernant.
Cependant, nous ne pouvons poursuivre ces versements au-delà de la 104 e semaine, période que nous prenons en considération en matière de gestion de dossiers. Dans ce contexte, nous mettrons fin aux versements en assurance salaire en date du 5 juin prochain. »
L’Employeur ayant refusé son retour au travail, monsieur Roy a déposé le grief n o 148786.
Le 18 août , monsieur Roy a été examiné par le docteur Morris Duhaime, chirurgien-orthopédiste, à la demande du Syndicat. Le rapport du docteur Duhaime indique que son évaluation :
«(…) est en rapport des événements du 4 juin 2005, alors qu’il y a mention de problèmes au genou droit, de tendinite du coude gauche et d’une douleur lombaire, pour laquelle le diagnostic retenu a été celui d’entorse lombaire. La condition du genou a été consolidée, puis éventuellement la condition du coude gauche a été consolidée et les problèmes à la colonne lombaire datent du dernier événement qui remonte au 12 mars 2007. Il n’y a pas de réclamation ou de suivi pour la colonne vertébrale résultant de l’événement du 5 juin 2008.
Le réclamant est en attente d’un retour au travail car, dans un rapport d’expertise, le docteur Bah, en date du 11 janvier 2010, accordait des limitations fonctionnelles importantes pour la colonne lombaire, qui ont empêché le réclamant de réintégrer son travail.»
Après avoir examiné monsieur Roy, le docteur Duhaime a émis l’opinion suivante :
«En vue des considérations médicales précédentes, nous pouvons répondre aux questions posées,
- Considérant le passé de ce réclamant, qui a présenté des histoires d’entorses lombaires;
- Considérant que l’examen clinique actuel démontre une mobilité tout-à-fait normale au niveau de la charnière lombo-sacrée et l’absence de signes neurologiques au niveau des membres inférieurs;
Nous sommes d’avis qu’il n’existe pas de limitations fonctionnelles en rapport avec la colonne dorso-lombaire et que le réclamant pourrait reprendre ses tâches à l’entretien ménager et à la sécurité.»
Le 28 septembre , monsieur Marc Gosselin a écrit à monsieur Roy et à madame Carmen Rochon, présidente du Syndicat, afin de tenter de relancer le processus d’accommodements raisonnables. Le 12 octobre, madame Rochon lui a répondu que selon l’expertise faite par le docteur Morris Duhaime, monsieur Roy n’a pas de limitations fonctionnelles.
Le 15 novembre , madame Barbe a écrit au docteur Bah, à la suite de l’expertise du docteur Duhaime. La lettre de madame Barbe indiquait notamment que :
«Nous désirons obtenir un rapport complémentaire suite à l’évaluation pratiquée par le docteur Morris Duhaime, chirurgien-orthopédiste à Montréal, le 7 septembre dernier à la demande de son Syndicat (FSSS-CSN). Pour ce faire, nous vous transmettons une copie de cette expertise.
Elle a été faite suite à notre demande d’enclencher un processus d’accommodement une fois tous les dossiers d’invalidité consolidés. Ce processus a été proposé en considérant les limitations fonctionnelles émises lors de votre expertise pratiquée le 11 janvier 2010.
Nous joignons également une copie des rapports médicaux CSST que le médecin traitant, Dr. Christian L’Heureux, a transmis depuis votre évaluation.
À titre informatif, le dernier dossier en lien avec l’épicondylite, consolidée le 29 mars 2010, a été contesté en CLP. Cette dernière a maintenu la décision de la CSST et de la Révision administrative et a déclaré que monsieur Roy n’a pas subi de lésions professionnelles le 28 juillet 2009. Rappelons que monsieur était en travaux légers au moment où cette lésion est survenue.
Par ailleurs, 15% des coûts nous ont finalement été imputés dans le dossier du genou suite à une demande en révision administrative et s’appuyant sur votre expertise. La CSST a considéré que monsieur était capable d’exercer l’emploi qu’il occupait habituellement par rapport à ce dossier spécifiquement à compter du 30 septembre 2009.»
Le 24 novembre , le docteur Bah a répondu qu’il maintenait ses conclusions initiales. Il s’est dit en désaccord avec le docteur Duhaime, car, selon lui, celui-ci n’a pas tenu compte des « antécédents lourds d’entorses lombaires » de monsieur Roy. Le docteur Bah reproche également au docteur Duhaime de ne pas avoir « considéré le résultat du scan lombaire fait en 2006, qui montrait une discopathie dégénérative avancée au niveau L3-S1 ». De même, le docteur Duhaime « ne fait pas non plus mention de l’obésité de grade 3 que le patient présente, et du fait que ce facteur est reconnu dans la littérature médicale comme étant un facteur aggravant les risques de récidive de douleurs lombaires ».
Le docteur Bah a témoigné à l’audience par vidéoconférence afin d’expliciter son rapport d’expertise et sa recommandation relative aux limitations fonctionnelles de classe III de l’IRSST. Il s’agit de limitations préventives. Si monsieur Roy est réintégré dans ses fonctions, le docteur Belzile prévoyait, en 2003, une récidive à moyen et à long termes, c’est-à-dire entre deux et cinq ans. En 2011, le docteur Bah affirme que le risque est à court terme, c’est-à-dire en deçà d’un an. Il précise que la mention non-fondée au document «Prestations depuis l’embauche» d’une absence de monsieur Roy pour lombalgie, en 1994-1995, ne change rien quant aux risques encourus.
Le docteur Duhaime n’a pas témoigné à l’audience.
Monsieur Marc Gosselin a demandé au Centre de santé et de services sociaux des Aurores-Boréales de faire une évaluation ergonomique du poste de monsieur Roy. Monsieur Yannick Martin, ergothérapeute, s’est livré à cet exercice. Il a conclu que, à son avis, «une personne présentant des limitations fonctionnelles de classe III de l’IRSST ne peut pas reprendre le travail de préposé à l’entretien lourd et léger, car les exigences physiques reliées à l’emploi ne respectent pas les limitations.»
À l’aide de photographies, monsieur Roy a montré sa propriété face à un lac. Plusieurs cèdres y paraissent taillés, tantôt en cubes, tantôt en boules, par ses soins. De même, il existe un cabanon pour ranger un bateau et une rampe qui mène du lac à celui-ci. Monsieur Roy range le bateau dans le cabanon avec l’aide de son fils. Il y a plusieurs années, il pouvait même le faire seul. Monsieur Roy a suivi un cours en horticulture, si bien qu’il y a un espace chez lui qui est consacré à la préparation de nombreux bacs à plantes qui sont subséquemment déployés sur son terrain. De même, c’est lui qui a planté les fleurs annuelles le long de sa maison. Le terrain de monsieur Roy mesure 340 x 240. Il y fait l’entretien du gazon, ce qui requiert une heure de tonte sur tracteur et une période de temps additionnel pour la suite. Monsieur Roy cultive et entretient également un jardin potager de 40 x 60. Une photographie montre du bois qui sert au chauffage de la maison et qui est empilé sur une remorque que tire le tracteur de monsieur Roy; il met un jour à deux pour le couper. Il coupe également d’autre bois pour le chauffage du garage.
Monsieur Roy est un chasseur. Une photographie montre un orignal abattu dans la remorque accrochée à son tracteur. À chaque année, il fabrique une tour à chasse qu’il assemble avec son fils. En vue de la saison de la chasse, monsieur Roy se rend à son camp de chasse au préalable afin d’en faire l’entretien. C’est lui qui a installé des plaques solaires sur le toit. Monsieur Roy fait partie d’un club de tir et il participe activement à l’entretien des lieux.
5. ANALYSE
Selon le Syndicat, le litige porte sur le droit du retour au travail de monsieur Michel Roy après une absence pour maladie entre le mois de juin 2008 et le mois de mars 2010. Ce droit est conditionnel à l’état de santé de la personne salariée. Afin de statuer sur ce droit, le Tribunal doit donc vérifier si la preuve prépondérante montre que monsieur Roy souffre ou non d’une condition personnelle qui le rend invalide au sens de la clause 23.03 de la convention collective et, partant, de limitations fonctionnelles de classe lll de l’IRRST.
La clause 23.03 est ainsi rédigée :
« 23.03 Définition d'invalidité
Par invalidité, on entend un état d'incapacité résultant d'une maladie y compris un accident ou une complication d'une grossesse, d'une ligature tubaire, d'une vasectomie, de cas similaires reliés à la planification familiale ou d'un don d'organe ou de moelle osseuse, faisant l'objet d'un suivi médical et qui rend la personne salariée totalement incapable d'accomplir les tâches habituelles de son emploi et de tout autre emploi analogue et comportant une rémunération similaire qui lui est offert par l'employeur. »
Pour conclure que monsieur Roy est effectivement invalide au sens de la clause 23.03 de la convention collective, la preuve prépondérante doit démontrer qu’il a :
La preuve qui a été administrée par les parties est constituée, pour l’Employeur, d’une expertise et du témoignage du docteur Chaikou Bah et d’une analyse ergonomique de monsieur Yannick Martin, ergothérapeute, et, pour le Syndicat, d’une expertise du docteur Morris Duhaime et du témoignage de monsieur Roy lui-même.
Le docteur Bah est d’avis que monsieur Roy souffre de «discopathie lombaire multi-étagée qui est hors-normes biomédicales pour un patient de son âge, en relation avec la condition personnelle d’obésité morbide». En 2003, monsieur Roy avait déjà fait l’objet de diagnostics par les docteurs Sylvain Belzile et Michel Parayre de « condition personnelle préexistante sous forme de dégénérescence discale multi-étagée et d’arthrose facettaire en ce qui a trait au rachis lombaire » et de « processus dégénératif de la colonne lombo-sacrée », ainsi que d’«obésité abdominale importante ». À la suite de son examen de monsieur Roy en 2010, le docteur Bah a suggéré des limitations fonctionnelles de classe III de l’IRSST. Le docteur Bah s’est expliqué lorsqu’il a témoigné à l’audience.
L’évaluation ergonomique du poste de monsieur Roy faite par monsieur Yannick Martin, ergothérapeute, l’a mené à conclure qu’une personne qui présente des limitations fonctionnelles de classe III de l’IRSST ne peut pas exécuter le travail de préposé à l’entretien lourd et léger. Monsieur Martin a témoigné à l’audience.
Le rapport d’expertise du docteur Morris Duhaime énonce que l’examen clinique de monsieur Roy « démontre une mobilité tout-à-fait normale au niveau de la charnière lombo-sacrée et l’absence de signes neurologiques au niveau des membres inférieurs » et « qu’il n’existe pas de limitations fonctionnelles en rapport avec la colonne dorso-lombaire », si bien que le réclamant pourrait reprendre ses tâches à l’entretien ménager et à la sécurité. Le docteur Duhaime n’a pas témoigné, si bien qu’il n’a pas été possible de lui demander comment il est possible de concilier ses observations et celles des docteurs Belzile, Parayre et Bah. De même, il n’a pas été possible de savoir pourquoi son expertise est muette sur la question de l’obésité de monsieur Roy, alors que les même trois médecins y ont vu un problème. À l’évidence, la preuve médicale que l’Employeur a administrée a prépondérance sur celle du Syndicat.
Le Syndicat a contré en présentant des photographies d’activités extérieures auxquelles monsieur Roy se livre et qui exigent des efforts que l’on pourrait croire incompatibles avec la condition dorsale doublée d’obésité que les docteurs Belzile, Parayre et Bah ont identifiée.
Il faut faire une distinction entre la définition de l’«invalidité » que l’on trouve aux dictionnaires et celle qui paraît à la clause 23.03 de la convention collective. Le dictionnaire Le Petit Robert définit l’invalidité comme étant l’«état d’une personne invalide ». Il donne du mot « invalide » la définition suivante :
« Qui n’est pas en état de mener une vie active, de travailler, du fait de sa mauvaise santé, de ses infirmités, de ses blessures, etc. »
La notion d’invalidité au sens de la clause 23.03 de la convention collective est beaucoup plus circonscrite. Elle porte sur une personne salariée qui est dans un « état d’incapacité résultant d’une maladie » qui fait « l’objet d’un suivi médical » et qui la rend « totalement incapable d’accomplir les tâches habituelles de son emploi et de tout autre emploi analogue et comportant une rémunération similaire qui lui est offert par l'employeur ». Dans le cas de monsieur Roy, il n’a pas encore été question « de tout autre emploi analogue et comportant une rémunération similaire qui lui est offert par l'employeur », car le Syndicat a opposé une fin de non-recevoir à la proposition de l’Employeur de discuter d’accommodements possible. Son invalidité alléguée par l’Employeur porte donc sur sa capacité à accomplir les tâches du titre d’emploi de préposé à l’entretien ménager, travaux lourds et légers, eu égard à son état physique et aux limitations fonctionnelles que le docteur Bah a suggérées. Il n’y a personne qui prétende que monsieur Roy n’est pas dans un état de mener une vie active ou de travailler du fait de sa condition personnelle. La preuve prépondérante montre cependant que la réintégration de monsieur Roy à son poste de travail l’exposerait à une récidive dans l’année qui suit. Il est loisible à monsieur Roy de mener les activités qu’il veut à l’extérieur du lieu de travail. Au travail, cependant, c’est autre chose, car lorsqu’il s’absente pour des raisons de santé, l’employeur doit le remplacer puis lui trouver des assignations temporaires en attendant qu’il puisse à nouveau reprendre son poste
Le procureur du Syndicat a cherché à miner la crédibilité du rapport d’expertise du docteur Bah en affirmant qu’il avait fondé son analyse sur cinq articles médicaux dont deux ne sont guère pertinents. Ainsi, de celui qui porte sur les femmes; ainsi, également, de celui qui a trait aux fumeurs. Monsieur Roy est masculin et il ne fume pas. La meilleure façon de contrer une expertise et le témoignage de son auteur est de déposer une expertise qui la contredise et d’entendre en témoignage le médecin qui l’a faite. Le Syndicat a bien déposé l’expertise du docteur Duhaime, mais elle ne répond pas aux questions soulevées par celle du docteur Bah et son auteur n’a pas témoigné. Le Tribunal doit trancher à partir de la preuve qui a été administrée.
Il y a désaccord entre les parties sur le nombre de jours où monsieur Roy a été absent pour cause de maladie. Le Syndicat l’évalue à 44 jours en 19 ans. Il ne compte pas les jours où il a été en assignation temporaire. L’Employeur rétorque que ces 44 jours d’absence portent sur un arrêt de travail complet. Cependant, lorsque monsieur Roy a travaillé en assignation temporaire, il n’accomplissait pas les tâches de son poste. Il y a une présomption qu’un salarié est incapable d’exercer son travail tant que sa lésion n’est pas consolidée. Pour déterminer la durée d’un accident de travail, il faut calculer la période intervenue entre l’accident et la consolidation. Une période de travaux légers ne change rien. Durant ce temps, monsieur Roy était incapable d’accomplir les tâches habituelles de son poste. Selon un calcul de l’Employeur, monsieur Roy a été absent durant 1254 jours. Ce nombre inclut qui inclurait les fins de semaine et les jours de vacance des périodes de temps durant lesquelles il a été absent de son poste, ainsi que les jours où il a été en assignation temporaire. Le rapport complémentaire que le docteur Bah a rédigé le 24 novembre 2010 fait état de 690 jours d’absence, dont 392 seraient attribuables à des entorses lombaires.
En réalité, ce n’est pas tant le nombre de jours d’absences, et notamment d’absences pour cause d’entorses lombaires, qui importe autant que le diagnostic des docteurs Belzile, Parayre et Bah, les conséquences que ce dernier en a tiré quant aux limitations fonctionnelles de monsieur Roy et, selon l’analyse ergonomique qui en a été faite, l’incompatibilité entre ces limitations et les tâches du poste de préposé à l’entretien ménager, travaux lourds et légers. On comprend le désir le monsieur Roy de reprendre le travail mais, dans les circonstances, le risque de récidive est réel et immédiat. Il vaut mieux que son retour au travail se fasse à la faveur d’un accommodement dont les parties pourront convenir.
Par le grief n o 148796, monsieur Roy a contesté la lettre par laquelle l’Employeur lui a annoncé la fin du versement des prestations d’assurance salaire à compter du 5 juin 2010. Monsieur Roy a eu un accident du travail le 3 juin 2008. Il a reçu l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 30 septembre 2009, puis des prestations d’assurance salaire jusqu’au 5 juin 2010. Les clauses suivantes des dispositions nationales de la convention collective s’appliquent :
« ARTICLE 23
RÉGIMES D'ASSURANCE-VIE, D'ASSURANCE-MALADIE, D'ASSURANCESALAIRE
(…)
SECTION IV RÉGIME D'ASSURANCE-SALAIRE
23.17 Subordonnément aux dispositions des présentes, une personne salariée a droit pour toute période d'invalidité durant laquelle elle est absente du travail:
a) Jusqu'à concurrence du moindre du nombre de jours de congés-maladie accumulés à son crédit ou de cinq (5) jours ouvrables, au paiement d'une prestation équivalente au salaire qu'elle recevrait si elle était au travail.
(…)
b) À compter de la sixième (6e) journée ouvrable et jusqu'à concurrence de cent quatre (104) semaines au paiement d'une prestation d'un montant égal à quatre- vingt pour cent (80 %) du salaire.
23.19 Les prestations d'assurance-salaire sont réduites du montant initial, sans égard aux augmentations ultérieures résultant de clauses d'indexation, de toutes les indemnités d'invalidité payables en vertu de toute loi, notamment de la Loi sur l'assurance-automobile du Québec, la Loi sur le Régime de rentes du Québec, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et les différentes lois sur les régimes de retraite. Les dispositions suivantes s'appliquent plus spécifiquement:
(…)
c) dans le cas d'une lésion professionnelle donnant droit à l'indemnité de remplacement du revenu versée en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, les dispositions suivantes s'appliquent:
i) la personne salariée reçoit de son employeur quatre-vingt-dix pour cent (90 %) de son salaire net jusqu'à la date de la consolidation de sa lésion, sans excéder toutefois, cent quatre (104) semaines du début de sa période d'invalidité;
ii) dans le cas où la date de la consolidation de sa lésion est antérieure à la cent quatrième (104e) semaine suivant la date du début de sa période d'absence continue en raison d'une lésion professionnelle, le régime d'assurance-salaire prévu au paragraphe 23.17 s'applique si la personne salariée est, suite à la même lésion, toujours invalide au sens du paragraphe 23.03 et, dans un tel cas, la date du début de telle absence est considérée comme la date du début de l'invalidité aux fins de l'application du régime d'assurance-salaire;
iii) les prestations versées par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), pour la même période, sont acquises à l'employeur, jusqu'à concurrence des montants prévus en i) et ii). »
Aux termes de la clause 23.17 b), à compter de la sixième journée ouvrable de la période d'invalidité durant laquelle il a été absent du travail « et jusqu'à concurrence de cent quatre (104) semaines », monsieur Roy a eu droit au paiement d'une prestation d'un montant égal à 80 % du salaire. La clause 23.19 prévoit cependant que de telles prestations sont réduites du montant de l’indemnité de remplacement du revenu payable en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles . En pratique, cela les a réduits à néant puisque l’indemnité de remplacement du revenu est plus élevée de 10% que les prestations d’assurance salaire. La date de la consolidation de la lésion de monsieur Roy étant « antérieure à la cent quatrième (104 e ) semaine suivant la date du début de sa période d'absence continue en raison d'une lésion professionnelle », monsieur Roy a eu droit aux prestations d’assurance salaire, conformément au libellé de la clause 23.19 c) ii), puisqu’il était toujours invalide au sens de la clause 23.03. Dans un tel cas, la convention indique que « la date du début de telle absence » en l’occurrence, le 3 juin 2008, « est considérée comme la date du début de l'invalidité aux fins de l'application du régime d'assurance-salaire ». La période de 104 semaines que fixe la clause 23.17 b) s’est donc terminée le 3 juin 2010. Le grief n o 148796 est dépourvu de tout fondement.
6. DISPOSITIF
Pour les raisons qui sont mentionnées précédemment, le Tribunal :
- REJETTE le grief n o 148786, de monsieur Robert Roy;
- REJETTE le grief n o 148796, également de monsieur Robert Roy
(s) Richard Guay
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M e Richard Guay
Arbitre
Le 1 er mai 2011
M e Michel Lambert
Procureur de l’Employeur
Monsieur Stéphane Langlois
FSSS-CSN
Procureur du Syndicat
Copie conforme
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