COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossier :

205946

Cas :

CM-2010-2247 et CM-2010-3037

 

Référence :

2011 QCCRT 0231

 

Montréal, le

12 mai 2011

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DEVANT LE COMMISSAIRE :

Michel Denis, juge administratif

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Richard Lussier

 

Plaignant

c.

 

Ville de Montréal

Intimée

 

 

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DÉCISION

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[1]            Le 14 mai 2010, Richard Lussier (le plaignant ) dépose un recours en vertu de l’article  16 du Code du travail , L.R.Q., c. C-27 (le Code ) dans lequel il allègue avoir été déplacé par la Ville de Montréal (la ville ) à cause de l’exercice d’un droit lui résultant dudit Code .

[2]            Le 7 juillet 2010, le plaignant intente un second recours, selon le même article, dans lequel il affirme avoir été l’objet d’intimidation et de menaces de mesure disciplinaire le 5 juillet précédent. Le plaignant a retiré ce recours à l’audience.

La preuve

[3]            De la preuve administrée sur le premier recours, les éléments suivants sont retenus.

[4]            L’employeur reconnaît que les conditions d’admissibilité et d’exercice du recours sont satisfaites, sauf, d’une part, quant au fait qu’une plainte en vertu de l’article  47.2 du Code est une activité protégée par celui-ci et qu’il donne ouverture à un recours en vertu de l’article  16 dudit Code et, d’autre part, que le déplacement du 14 mai 2010 constituait une mesure de rétorsion.

[5]            Le plaignant est l’un des 9 électrotechniciens de la division de la technologie, sécurité et intégration des données au service de police de la ville (la division technologie ) et il était le seul affecté à la division des opérations spécialisées du service de police de la ville (la division des opérations spécialisées ) où oeuvrent, notamment, les policiers du groupe d’intervention tactique et les agents d’infiltration.

[6]            À l’époque des événements relatés par la suite, le plaignant avait un litige avec son syndicat qui avait conclu une entente concernant son horaire de travail.

[7]            Le 13 mai 2010, le chef de la division technologie a déplacé le plaignant à l’endroit où les autres électrotechniciens travaillent. Ce déplacement a été demandé par le chef de la division des opérations spécialisées. Les éléments invoqués pour cette demande étaient les suivants.

[8]            Un lieutenant-détective a remarqué que le litige sur l’horaire de travail a modifié le comportement du plaignant qui a changé de ton et est devenu plus agressif. Il ajoute que ses subordonnés lui ont rapporté qu’ils avaient des tensions avec le plaignant.

[9]            De plus, celui-ci lui a parlé de la mort de John Lennon qui avait parlé contre l’Église, propos qui lui ont semblé insensés.

[10]         Par ailleurs, un sergent-détective affirme qu’à cette époque, le plaignant lui est apparu imprévisible, instable, violent et dangereux.

[11]         Le plaignant lui a dit que, si les représentants de son syndicat se présentaient sur les lieux de travail, il les frapperait, prenant un bâton et simulant le geste; ceci avec un regard haineux et frustré.

[12]         À une autre occasion, le plaignant a mentionné, sur un ton agressif, que le directeur du service de police de la ville et son contremaître avaient refusé de le rencontrer et qu’ils étaient pour en payer le prix.

[13]         De plus, un policier déclare que le plaignant, alors qu’il parlait de ses déboires au sujet de son horaire de travail, a dit qu’il y avait bien des armes qui traînaient et qu’il savait où s’en procurer au besoin.

[14]         Il y a un dépôt d’armes à l’endroit où le plaignant travaillait.

[15]         Quant au plaignant, il affirme avoir avisé ses supérieurs que son litige n’affectait pas son travail.

[16]         Il reproche au chef de la division des opérations spécialisées d’avoir refusé de lui divulguer le nom des personnes qui lui avaient parlé du bâton et des armes afin qu’il puisse tirer les choses au clair.

[17]         Il reconnaît que le chef de la division technologie l’a informé que le déplacement ne constituait pas une mesure disciplinaire.

[18]         Concernant l’événement du bâton, le plaignant précise qu’il y avait alors deux autres policiers avec lesquels il faisait des blagues et que personne ne lui a mentionné qu’il se sentait menacé.

[19]         Pour les armes, il soutient qu’il a plutôt mentionné qu’il ne fallait pas les laisser traîner et que personne ne l’a interpellé pour savoir ce qu’il disait. Il ajoute qu’il s’est passé plusieurs journées avant qu’on lui fasse un reproche à ce sujet.

[20]         Le plaignant déclare que les gens connaissent le genre de personnage qu’il est, soit qu’il ne perd pas son calme, mais qu’il est revendicateur.

[21]         Il mentionne qu’on a mal interprété les faits.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La présomption

[22]         Préalablement aux présents recours, le plaignant a fait une plainte, en vertu de l’article  47.2 du Code , contre son syndicat lui reprochant l’entente qu’il a conclue avec la ville au sujet de son horaire de travail.

[23]         La demande de la ville, de priver le plaignant de la présomption et, conséquemment, des présents recours du fait que ladite plainte ne la visait pas, doit être rejetée.

[24]         En effet, le plaignant doit bénéficier de la présomption parce qu’il a exercé un droit lui résultant du Code , soit la plainte selon l’article 47.2.

[25]         Consentir à la demande de la ville modifierait l’intention clairement exprimée du législateur.

[26]         De plus, même si la ville n’était pas la partie directement attaquée par cette plainte, une décision de la Commission l’accueillant pourrait remettre en question le choix de la ville quant à l’horaire de travail du plaignant.

La cause juste et suffisante

[27]         La ville a fait la preuve que les raisons du déplacement du plaignant étaient justifiées et qu’elles ne constituaient pas un prétexte pour les raisons suivantes.

[28]         Les propos, les gestes et les attitudes du plaignant ne pouvaient qu’entraîner la décision de la ville de le déplacer étant donné de la présence d’un dépôt d’armes sur le lieu de travail.

[29]         Si elle avait agi autrement, la ville aurait fait preuve d’un aveuglement volontaire et de laxisme devant les risques que cette situation pouvait entraîner.

[30]         Il est possible et souhaitable que le plaignant n’ait eu aucune intention malicieuse et qu’il ait été mal interprété. Cependant, son comportement permettant des doutes à ce sujet, on ne peut reprocher à la ville la décision raisonnable et responsable de déplacer le plaignant pour prévenir tout incident regrettable.

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

REJETTE                       la plainte CM-2010-2247;

CONSTATE                    le désistement de Richard Lussier à l’égard de la plainte CM-2010-3037.

 

 

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Michel Denis

 

M e Alain Bond

CHAREST GAGNIER BIRON DAGENAIS

Représentant de l’intimée

Date de la dernière audience :

17 février 2011

/jt