Beauchemin c. Varennes (Ville de)

2011 QCCS 2713

JG2163

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

RICHELIEU

 

N° :

765-17-000766-081

 

 

 

DATE :

2 juin 2011

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

GÉRARD DUGRÉ, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

JACQUES BEAUCHEMIN

Demandeur

c.

VILLE DE VARENNES

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT RECTIFIÉ *

______________________________________________________________________

 

I.               INTRODUCTION

[1]            Le demandeur, Jacques Beauchemin (Monsieur Beauchemin), sollicite l'annulation de deux conditions imposées à l'égard de sa nouvelle résidence par deux organismes de la défenderesse, Ville de Varennes (Varennes), et ce, dans deux décisions :

a)             la première, rendue le 18 juin 2007 par le Comité de démolition (le Comité), lui imposant la condition suivante quant à sa nouvelle résidence : « [p]ar contre, afin d’atténuer l’impact causé par l’implantation de la nouvelle résidence sur les propriétés adjacentes, le requérant devra modifier les fenêtres des façades latérales afin de les rendre translucides, et ce, à l’exception du garage et des fenêtres du sous-sol. »;
b)             la seconde, rendue le 20 août 2007 par le Conseil municipal (le Conseil), confirme la décision du Comité et lui impose la condition supplémentaire suivante : « [l]es fenêtres translucides devront ne pouvoir s’ouvrir que de façon à ne donner aucune vue sur les terrains des voisins. »

[2]            Monsieur Beauchemin soutient qu’il est justifié de demander l’annulation de ces décisions dans la mesure où elles imposent ces deux conditions parce que celles-ci sont, selon lui, ultra vires et déraisonnables.  Il réclame en outre 5 000 $ de dommages-intérêts compensatoires et 5 000 $ à titre de dommages-intérêts exemplaires.

[3]            Varennes conteste et demande le rejet du recours de Monsieur Beauchemin parce qu’il est, selon elle, tardif, n’ayant pas été intenté dans un délai raisonnable, et parce que les autorités municipales de Varennes ont agi dans le cadre des pouvoirs qui leur sont conférés et que les conditions imposées sont, selon elle, raisonnables.

[4]            Quant aux dommages réclamés, Varennes plaide qu’ils sont non fondés, exagérés et prescrits.

[5]            Depuis 30 ans, aucun tribunal ne s’est penché sur le sens et la portée de l’article 148.0.12 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme ( L.A.U.) , ou de ceux qui l'ont précédé [1] , afin de définir les conditions qu’un comité de démolition peut imposer relativement à la démolition d’un immeuble ou à la réutilisation du sol dégagé par cette démolition.  La présente affaire donne l’opportunité au Tribunal de préciser les contours de cette disposition législative.

[6]            Pour les motifs qui suivent , le Tribunal est d’avis que les autorités municipales en cause ont excédé leur compétence, que les conditions imposées sont déraisonnables et que, par conséquent, ces conditions doivent être déclarées nulles, mais que la réclamation en dommages doit être rejetée.

II.             LES FAITS

A.            Contexte

[7]            Varennes est une personne morale de droit public légalement constituée en vertu de la Loi sur les cités et villes [2] .

[8]            Monsieur Beauchemin est propriétaire d’un immeuble situé sur le territoire de Varennes en bordure de la route Marie-Victorin. Il possédait, jusqu’à récemment, un chalet construit en 1962 sur ladite propriété.

[9]            Le 14 juin 2006, Monsieur Beauchemin a sollicité auprès de Varennes un permis de démolition du chalet ainsi qu’un permis de construction d’une résidence à quelques mètres de l’emplacement dudit chalet.

[10]         Le permis de démolition n’a pu être délivré parce qu’un avis de motion pour l’adoption d’un règlement de démolition avait été adopté le 5 juin 2006, lequel règlement est entré en vigueur le 29 septembre 2006.

[11]         Le 25 septembre 2006, Monsieur Beauchemin avait à nouveau déposé une demande de permis de démolition du chalet, mais, pour un motif inconnu de ce dernier, le dossier n’a jamais été soumis au Comité pour suivi.

[12]         En octobre 2006, Monsieur Beauchemin obtenait son permis de lotissement.

[13]         Au surplus, la Commission de protection du territoire agricole du Québec a émis un avis de conformité du projet en vertu de l’article 32 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles .

[14]         En outre, pour respecter certaines exigences du règlement municipal, le 13 décembre 2006, Monsieur Beauchemin a procédé à la création d’un nouveau lot en fusionnant les deux terrains qui constituaient sa propriété.

[15]         Monsieur Beauchemin, croyant alors détenir son permis de construction, a commencé les travaux.

[16]         De l’aveu même de Varennes, tous les documents nécessaires pour accompagner la demande de permis ont été soumis et sont complets et la construction de Monsieur Beauchemin est conforme aux règlements de zonage en vigueur.

[17]         Le 9 mai 2007, Monsieur Beauchemin a reçu un avis de Varennes indiquant qu’il avait construit sa résidence sans permis.

[18]         D’octobre 2006 à mai 2007, il n’y a eu aucune communication entre les parties.

[19]         Suivant le nouveau règlement de démolition entré en vigueur le 29 septembre 2006 ( Règlement sur la démolition de bâtiments principaux # 668 (Règlement) ), la demande de permis de démolition déposée par Monsieur Beauchemin le 25 septembre 2006 aurait dû être soumise au Comité, ce qui n’a pas été fait de l’aveu même de Varennes.

[20]         Ce n’est que le 18 juin 2007 que le Comité a été appelé à statuer sur ladite demande de démolition.

[21]         Tel qu’il appert à ladite décision, bien que la construction de la résidence fut déjà réalisée, le Comité accepta la démolition dudit chalet à la condition que Monsieur Beauchemin modifie les fenêtres des façades latérales de sa nouvelle résidence afin de les rendre translucides, et ce, à l’exception du garage et des fenêtres du sous-sol.

[22]         En toute légalité avec la réglementation en vigueur, Monsieur Beauchemin a construit sa résidence entre 10-15 mètres plus près du fleuve que ses voisins immédiats.

[23]         Or, tel qu’il appert de la décision du Comité, le véritable enjeu dans ce dossier était de déterminer si l’implantation du nouveau bâtiment serait confirmée ou un déplacement serait exigé.

[24]         Après avoir conclu qu’un déplacement de la construction serait déraisonnable dans les circonstances, le Comité autorise la démolition du chalet mais impose une condition, à savoir rendre les fenêtres des façades latérales translucides.

[25]         Insatisfait de la condition imposée par le Comité, Monsieur Beauchemin porta la décision en appel devant le Conseil.

[26]         Le 20 août 2007, le Conseil rend une décision confirmant la décision du Comité et ajoutant une nouvelle condition soit que « les fenêtres translucides devront ne pouvoir s’ouvrir que de façon à ne donner aucune vue sur les terrains des voisins. »

[27]         Le Comité tire ses pouvoirs des articles 148.0.1 et SS L.A.U. [3] .

[28]         Plus précisément, l’article 148.0.12 prévoit que : « lorsque le comité accorde l’autorisation, il peut imposer toute condition relative à la démolition de l’immeuble ou à la réutilisation du sol dégagé ».

[29]         C'est dans ce contexte qu'il convient maintenant de résumer la position de chacune des parties.

[30]         Monsieur Beauchemin soutient qu’en exigeant de telles conditions, Varennes a exercé son pouvoir de façon déraisonnable pour les motifs suivants :

a)             il n’existe aucun lien entre l’obligation de rendre les fenêtres translucides sans possibilité de les ouvrir et le fait que la construction ne soit pas alignée avec les constructions adjacentes;
b)             dans les faits, la soi-disant protection de la vie privée visée par ces conditions peut très bien se réaliser par des mesures moins contraignantes;
c)             Monsieur Beauchemin n’a pas à se soumettre à des conditions plus sévères que n’importe quel autre citoyen en ce qui regarde la protection de la vie privée;
d)             la construction de Monsieur Beauchemin n’affecte pas davantage la protection de la vie privée que n’importe quelle autre construction;
e)             de telles conditions vont à l’encontre de l’article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne ( Charte québécoise ) [4] .

[31]         Selon lui, Varennes a outrepassé ses pouvoirs puisque les conditions imposées ne touchent nullement la réutilisation du sol dégagé, mais plutôt l’aménagement d’un emplacement nouveau.

[32]         Monsieur Beauchemin est donc justifié, selon lui, de demander que les conditions imposées par Varennes dans les décisions du 18 juin et du 20 août 2007 soient déclarées nulles et de nul effet.

[33]         De plus, Monsieur Beauchemin, ayant été contraint de rendre ses fenêtres translucides et de les laisser fermées, il a donc été privé de la jouissance pleine et entière de sa propriété et il réclame la somme de 5 000 $ à titre de dommages-intérêts compensatoires.

[34]         Enfin, il réclame la somme de 5 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs, Varennes ayant contrevenu aux dispositions de l’article  6 de la Charte québécoise .

[35]         Varennes conteste toutes les demandes de Monsieur Beauchemin. Selon elle, la requête de ce dernier doit être rejetée pour les motifs suivants :

a)             son recours est tardif;

b)             il a commencé la construction de sa nouvelle résidence avant d'avoir obtenu son permis de construction;

c)             il a renoncé à soulever l'absence de compétence du Comité;

d)             le Comité et le Conseil avaient le pouvoir d'imposer les deux conditions contestées; et

e)             le permis de démolition était périmé au moment de la démolition du chalet.

[36]         Il importe de souligner que le Tribunal n’est pas saisi, en l’espèce, de la question de la validité du permis de construction octroyé à Monsieur Beauchemin pour la construction de sa nouvelle résidence, mais seulement de la question de la légalité des conditions imposées par le Comité et le Conseil lors de l’émission du permis de démolition.

B.            Chronologie des démarches de Monsieur Beauchemin auprès de Varennes

[37]         Monsieur Beauchemin a fourni au Tribunal la chronologie des documents demandés par Varennes pour l’émission du permis de construction [5] de sa nouvelle résidence qu’il convient de relater :

a)             17 septembre 2001, plan de construction de la nouvelle résidence fourni à Varennes;

b)             14 juin 2006, demande de permis de construction de la nouvelle résidence et de démolition du chalet;

c)             22 août 2006, remise du plan d’implantation de la nouvelle résidence qui avait été demandé le 14 juin 2006;

d)             31 août 2006, remise du plan d’installation de la fosse septique qui avait été demandé le 14 juin 2006;

e)             12 septembre 2006, Monsieur Beauchemin fait une nouvelle demande de permis de construction à la demande de Madame Bonvouloir du bureau de l’urbanisme de Varennes parce que son dossier aurait disparu ou été égaré (il semble qu’il ait été retrouvé ultérieurement);

f)              14 septembre 2006, remise du plan de construction de la nouvelle résidence signé et estampillé et qui avait été demandé à nouveau le 12 septembre 2006 à cause de la disparition de son dossier, mais qui avait déjà été fourni le 17 septembre 2001;

g)             14 septembre 2006, remise de la déclaration relative à la pyrite qui avait été demandée le 12 septembre 2006;

h)             14 septembre 2006, remise du plan de subdivisions pour un lot distinct qui avait été demandé le 14 septembre 2006;

i)              25 septembre 2006, remise du plan des chevrons et des poutrelles et du plan d’installation de ceux-ci qui avaient été demandés le 13 septembre 2006;

j)               25 septembre 2006, Monsieur Beauchemin doit faire une nouvelle demande de permis de démolition parce que son dossier aurait été perdu par Varennes;

k)             6 octobre 2006, remise de l’avis de conformité de la Commission de protection du territoire agricole qui avait été demandé le 12 septembre 2006;

l)               10 octobre 2006, remise du plan des distances séparatrices de la nouvelle résidence qui avait été demandé le 13 septembre 2006;

m)           11 octobre 2006, Monsieur Beauchemin reçoit de Varennes le permis de lotissement;

n)             15 octobre 2006, début des travaux de construction de la nouvelle résidence par l’excavation Les Fondations;

o)             13 décembre 2006, création du lot 1-5 à la suite du permis de lotissement;

p)             9 mai 2007, Monsieur Beauchemin reçoit un avis de cessation des travaux de construction; à cette date, la nouvelle résidence est érigée, mais la finition n’est pas complétée;

q)             17 mai 2007, Monsieur Beauchemin adresse une lettre à Varennes pour justifier les travaux de construction de sa nouvelle résidence;

r)              18 juin 2007, date de la séance du Comité et de sa décision;

s)             22 août 2007, décision du Conseil sur l’appel de la décision du Comité et émission du permis de construction # 2007-0439;

t)              31 août 2007, réception du permis de construction, de démolition et d’installation de la fosse septique;

u)             25 avril 2008, démolition du chalet construit en 1962;

v)             21 mai 2008, avis d’infraction;

w)            9 juillet 2008, avis d’infraction avec délai au 25 juillet 2008 pour remédier à la situation.



III.            LA PREUVE

[38]         Monsieur Beauchemin a témoigné en demande et a produit plusieurs pièces au soutien de sa requête introductive d’instance, dont 29 photos couleur prises par ce dernier [6] .  Il a aussi fait entendre Madame France Petit, inspectrice municipale, service de l’urbanisme et de l’environnement de Varennes.

[39]         En défense, la procureure de Varennes a fait entendre Madame Judith Bonvouloir, inspectrice municipale, qui a traité la deuxième demande de permis de construction de Monsieur Beauchemin après que la première eut été perdue.  Plusieurs pièces ont aussi été produites en défense, dont 10 photos qui permettent elles aussi de bien saisir la problématique soulevée par le présent dossier.

[40]         Le Tribunal relatera les éléments pertinents des témoignages et des pièces dans le cadre de son analyse, dans la mesure où il est nécessaire de le faire pour trancher les questions en litige.

[41]         Cependant, le Tribunal peut immédiatement souligner que la bonne foi de Monsieur Beauchemin est indéniable.  D’ailleurs, le Comité le confirme dans sa décision du 18 juin 2007.

[42]         Enfin, les 29 photos couleur prises par Monsieur Beauchemin montrent de façon patente les effets graves et néfastes des conditions imposées en l’espèce sur la jouissance paisible de la nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin.

IV.           DÉCISIONS CONTESTÉES

[43]         Il convient de reproduire, par souci de commodité, le texte des deux décisions attaquées en l’espèce.

[44]         Décision du Comité, 18 juin 2007 [7] :

«  COMITÉ DE DÉMOLITION

UR-2007-041 A

VARENNES

REQUÉRANT

Jacques Beauchemin

[...], Varennes (Québec) [...]

IMMEUBLE VISÉ

matricule  :      1267-92-6863

zone :               A03-06

adresse :         [...]

cadastre  : 1-5

RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

Démolition d’une habitation unifamiliale isolée

ANALYSE

Le requérant a déposé une demande de démolition, le 14 mai 2007, pour un chalet situé au [...];

Le requérant justifie la démolition du chalet en raison de la vétusté du bâtiment et sa faible valeur.

Dans le cadre de l’analyse du dossier, le service de l’urbanisme et de l’environnement a identifié les aspects suivants qui devraient être considérés par le Comité de démolition avant de rendre une décision :

·          Le bâtiment visé ne bénéficie d’aucun statut juridique particulier (classement, citation, site du patrimoine, etc.);

·          L’immeuble se situe en zone agricole, mais le Schéma d’aménagement en vigueur reconnaît ce secteur à titre d’îlot déstructuré.  D'ailleurs, l’activité résidentielle de ce terrain bénéficie de droits acquis au sens de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles puisque le chalet à démolir a été construit (1962) avant l’entrée en vigueur de la Loi;

·          Le bâtiment visé ne représente aucun intérêt d’un point de vue patrimonial;

·          Conformément à l’article 3.10 du règlement numéro 668, deux avis motivés d’opposition à la démolition ont été signifiés dans les délais prescrits.  Ces avis portent cependant davantage sur le programme de réutilisation du sol et l’application "équitable" de la réglementation que sur la démolition du bâtiment visé.

Le programme de réutilisation du sol dégagé par la démolition du bâtiment prévoit la construction d’une nouvelle habitation unifamiliale, implantée à plus de 90m de la route Marie-Victorin, immédiatement derrière le chalet à démolir.

À noter que le requérant a procédé à la construction de l’habitation unifamiliale projetée avant même d’avoir obtenu un quelconque permis.  Un avis de cessation des travaux a d’ailleurs été transmis au requérant le 9 mai dernier.  À cette date, le bâtiment était érigé et il ne manquait que la finition intérieure et extérieure.  Bien qu’aucun permis n’ait été émis, les étapes suivantes ont quand même été réalisées :

1.   demande de permis déposée le 14 juin 2006.  Le permis n’a pu être émis car l’avis de motion pour l’adoption du règlement de démolition avait été adoptée (sic) le 5 juin 2006 et le règlement est entré en vigueur le 29 septembre 2006;

2.   le requérant a déposé une demande de permis de démolition le 25 septembre 2006, mais le dossier n’a jamais été soumis au comité de démolition pour suivi;

3.   en octobre 2006, le requérant a obtenu son permis de lotissement.  Croyant qu’il détenait également le permis de construction, il a débuté les travaux.  C’est du moins ce qu’il invoque dans lettre datée du 17 mai 2007 pour justifier les travaux entrepris sans permis.

4.   le lot 1-5 a officiellement été créé le 13 décembre 2006;

5.   La CPTAQ a émis un avis de conformité pour le projet en vertu de l’article 32 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles ;

6.   Les documents soumis pour accompagner la demande de permis sont complets.

Le Comité devra également considérer que l’implantation du nouveau bâtiment contraste avec celle des bâtiments adjacents puisque le requérant a construit sa nouvelle résidence entre 10m et 15m plus près du fleuve que les voisins immédiats.  Cette situation a d’ailleurs généré des plaintes de la part du voisinage, bien que cette implantation soit conforme au règlement de zonage en vigueur.  En vertu de l’article 3.14 du règlement numéro 668, le Comité de démolition peut "…imposer toute condition relative à la démolition de l’immeuble ou à la réutilisation du sol dégagé…", ce qui inclut la possibilité d’exiger que le nouveau bâtiment respecte l’alignement des bâtiments adjacents.

Enfin, le Comité de démolition doit accorder le permis de démolition s’il est convaincu de l’opportunité de la démolition, compte tenu de l’intérêt public et de l’intérêt des parties.  Les facteurs suivants sont considérés pour rendre la décision :

a)   l’état de l’immeuble visé dans la demande;

b)   la détérioration de l’apparence architecturale et du caractère esthétique ou de la qualité de vie du voisinage causée par la démolition de l’immeuble visé dans la demande;

c)   le coût de restauration de l’immeuble visé;

d)   l’utilisation projetée du sol dégagé;

e)   lorsque l’immeuble visé dans la demande comprend un ou plusieurs logements, le préjudice causé aux locataires, les besoins de logements dans les environs et la possibilité de relogement des locataires;

f)    tout autre critère pertinent.

DÉCISION DU COMITÉ DE DÉMOLITION

À la lumière des faits et arguments invoqués par le requérant et en tenant compte des commentaires d’opposition reçus, le Comité de démolition en vient à la conclusion qu’il aurait été souhaitable que le requérant respecte l’alignement des deux voisins immédiats dans son programme de réutilisation du sol dégagé.  Dans ce dossier, le véritable enjeu est donc de déterminer si l’implantation du nouveau bâtiment principal sera confirmée ou si un déplacement sera exigé.

Après analyse, le Comité estime qu’exiger le déplacement du nouveau bâtiment serait une mesure justifiée mais déraisonnable et ce, pour les motifs suivants :

- le requérant prépare son projet depuis 1997.  Il a suivi toutes les exigences qui lui ont été imposées par la Ville afin de réaliser son projet, à savoir l’acquisition d’un terrain lui permettant d’être face à une rue publique, déclaration à la CPTAQ, installation septique, opération cadastrale, etc.;

- son projet aurait pu se réaliser, tel que soumis et sans autres considérations, si une demande de permis avait officiellement été déposée avant le 5 juin 2006, date où un avis de motion a été donné pour le présent règlement de démolition;

- suite à sa demande de permis de démolition datée du 25 septembre 2006 (demande qui était complète), le dossier aurait dû être traité dans les délais prévus au règlement, ce qui n’a pas été le cas;

- la bonne foi du requérant quant à sa prétention qu’il croyait détenir tous les permis nécessaires à la réalisation de son projet peut difficilement être mise en doute compte tenu qu’il a obtenu un permis de lotissement en octobre et compte tenu qu’il n’y a eu aucun autre échange entre la Ville et le requérant jusqu’en mai 2007, date où le service de l’urbanisme a émis un avis de cessation des travaux;

- Le Comité de démolition n’aurait aucun pouvoir d’exiger le déplacement de la nouvelle maison si le requérant décidait de ne plus démolir le chalet.  Par contre, ce dernier devrait trouver une façon de rénover et d’intégrer ce bâtiment à la nouvelle maison, de manière à ce qu’il n’y ait qu’un seul bâtiment principal sur le terrain.

Pour ces motifs, le Comité de démolition ACCEPTE la démolition du chalet existant sur le lot 1-5.  Par contre, afin d’atténuer l’impact causé par l’implantation de la nouvelle résidence sur les propriétés adjacentes, le requérant devra modifier les fenêtres des façades latérales afin de les rendre translucides et ce, à l’exception du garage et des fenêtres du sous-sol.

date de la séance  : 2007-06-18 »

[45]         Décision du Conseil de Varennes, 20 août 2007 [8] :

«  RÉSOLUTION 2007-268      Appel de la décision du Comité de démolition

                                                Immeuble du [...]

Considérant l’appel déposé le 5 juillet 2007 par M. Jacques Beauchemin de la décision du Comité de démolition concernant son immeuble du [...] (règlement 668, article 3.15);

Considérant le rapport de recommandation du directeur du Service de l’urbanisme et de l’environnement en date du 9 août 2007;

En conséquence, il est proposé par monsieur le conseiller Gilles Lebrun, appuyé par madame la conseillère Brigitte Collin et résolu à l’unanimité des conseillers présents

De confirmer la décision des membres du Comité de démolition rendue le 18 juin 2007, à savoir : « Accepter la démolition du chalet existant sur le lot 1-5.  Par contre, afin d’atténuer l’impact causé par l’implantation de la nouvelle résidence sur les propriétés adjacentes, le requérant devra modifier les fenêtres des façades latérales afin de les rendre translucides et ce, à l’exception du garage et des fenêtres du sous-sol »;

D’ajouter à la décision l’élément suivant : « Les fenêtres translucides devront ne pouvoir s’ouvrir que de façon à ne donner aucune vue sur les terrains des voisins ».

Adoptée. »

V.            DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES

[46]         Afin d’alléger le texte du jugement et par souci de commodité, les dispositions législatives et réglementaires pertinentes sont reproduites en annexe.

VI.           QUESTIONS EN LITIGE

[47]         L’argumentation des parties oblige le Tribunal à répondre aux questions suivantes :

A.            Le recours de Monsieur Beauchemin doit-il être rejeté pour cause de tardiveté?

B.            Les décisions du Conseil et du Comité devraient-elles être annulées?  Plus précisément, la condition imposée par le Comité et celle imposée par le Conseil sont-elles ultra vires des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 148.0.12 L.A.U. et l’article 148.0.20 L.A.U. respectivement? Subsidiairement, les conditions imposées relativement aux fenêtres de la nouvelle résidence sont-elles raisonnables?

C.            La réclamation de dommages-intérêts compensatoires et exemplaires est-elle bien fondée?

D.            Les arguments de Varennes sont-ils bien fondés?

E.            Quel est, le cas échéant, le redressement approprié?

VII.          ANALYSE

A.            Le recours de Monsieur Beauchemin doit-il être rejeté pour cause de tardiveté?

[48]         Varennes plaide que le recours de Monsieur Beauchemin n’a pas été intenté dans un délai raisonnable et doit donc être rejeté.

[49]         Un bref rappel des faits est nécessaire pour répondre à cette question.

[50]         Monsieur Beauchemin attaque deux décisions.  La première rendue le 18 juin 2007 et la seconde le 20 août 2007.

[51]          Sa requête introductive d’instance [9] a été timbrée le 21 octobre 2008. Elle a été amendée le 27 octobre 2008 et réamendée au procès pour relater les circonstances qui, selon lui, font qu’il a intenté son recours dans un délai raisonnable.

 

[52]         Les circonstances qu’il allègue sont les suivantes [10]  :

a)             À la suite de la décision du Conseil, Monsieur Beauchemin a examiné la possibilité d’intégrer le chalet à sa nouvelle maison, ce qui aurait eu pour effet d’annuler la décision du Comité;

b)             à la fin du mois d’avril 2008, Monsieur Beauchemin a démoli le chalet, ne trouvant pas comment l’intégrer à sa nouvelle maison;

c)             le 21 mai 2008, Monsieur Beauchemin a reçu un avis d’inspection demandant de se conformer aux décisions du Comité et du Conseil;

d)             l’inspecteur de Varennes a visité les lieux et Monsieur Beauchemin lui a indiqué que les haies constituaient un écran pour les voisins;

e)             suite à cette visite, Monsieur Beauchemin a reçu un appel du directeur de l’urbanisme de Varennes qui l’a avisé qu’il n'y avait rien à négocier;

f)              un avis d’inspection, daté du 9 juillet 2008, fut transmis à Monsieur Beauchemin le sommant de se conformer aux deux conditions imposées par le Comité et le Conseil au plus tard le 25 juillet 2008;

g)             Monsieur Beauchemin a posé la pellicule sur les fenêtres de sa nouvelle maison afin de les rendre translucides le 24 juillet 2008 afin d’éviter d’être condamné à payer une amende de 5 000 $;

h)             c’est en installant la pellicule sur les fenêtres de sa nouvelle maison que Monsieur Beauchemin a constaté l’ampleur des dommages qui y étaient causés par les conditions imposées par le Comité et le Conseil.

 

[53]         Il y a 89 jours entre le 24 juillet 2008, date du constat des effets réels des conditions imposées, et le 21 octobre 2008, date de l'institution du recours de Monsieur Beauchemin, soit moins de trois mois.

[54]         Par ailleurs, il s’est écoulé 14 mois entre le 20 août 2007, date de la décision finale du Conseil qui tranche l’appel et ajoute une condition, et le 21 octobre 2008, date de l’institution du recours de Monsieur Beauchemin.

[55]         Le recours de Monsieur Beauchemin est-il tardif? Autrement dit, le recours dont est saisi le Tribunal a-t-il été intenté dans un délai raisonnable?

[56]         Le Tribunal est d’avis, pour les motifs qui suivent, que le recours de Monsieur Beauchemin n’est ni tardif ni prescrit, et qu’il a été intenté dans un délai raisonnable compte tenu des circonstances prouvées en l’espèce.

[57]         L’exigence voulant qu’une action directe en nullité soit intentée dans un délai raisonnable a été confirmée dans l’arrêt Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine (Village) [11] .

[58]         Sauf les cas d' ultra vires pour cause d'absence totale de compétence, le Tribunal possède certes une discrétion d’accorder ou de refuser une action directe en nullité, mais cette discrétion doit être exercée judiciairement.

[59]         Quant à l’appréciation de la diligence de Monsieur Beauchemin, elle doit être fondée sur un ensemble de facteurs qui sont énoncés par le juge Gonthier, pour la Cour, dans l’arrêt Immeubles Port Louis Ltée  :

«  D'une part, le juge doit tenir compte de la nature de l'acte attaqué, de la nature de l'illégalité commise et ses conséquences, et d'autre part, des causes du délai entre l'acte attaqué et l'institution de l'action. La nature du droit invoqué est un facteur pertinent à l'exercice de la discrétion, mais il n'est pas le seul. Il y a lieu aussi d'évaluer le comportement du demandeur.  Ce dernier dans une action directe en nullité selon l'art. 33 du Code de procédure civile peut être appelé à justifier ou du moins à expliquer son inaction de façon à ce que la Cour supérieure puisse évaluer dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, le caractère raisonnable du délai d'exercice de son droit. » [12]

[60]         Ainsi, pour évaluer, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, le caractère raisonnable du délai d’exercice de son droit, la jurisprudence a élaboré les critères suivants : a) la matière dont il s’agit; b) la nature du droit que le requérant prétend exercer; c) la nature de la décision attaquée; d) la nature de l’illégalité alléguée et ses conséquences; e) les causes du délai entre la décision attaquée et l’institution de l’action; f) le préjudice causé par les délais [13] .

[61]         En matière de recours extraordinaires, le délai raisonnable a été établi à 30 jours de la décision attaquée, à moins de circonstances exceptionnelles alléguées et prouvées. Dans le cas de l'action en nullité, aucun délai n'est prévu par la loi. Il est donc nécessaire de référer à la jurisprudence.

[62]         Dans l’arrêt Immeubles Port Louis Ltée , précité, à la page 372, le juge Gonthier précise que « sauf le cas d’absence totale de compétence », le Tribunal peut refuser d’accorder le redressement recherché si, eu égard aux circonstances, il estime justifié de le faire.

[63]         Le juge Gonthier confirme aussi qu’en matière d’ ultra vires, on peut toujours recourir à l’article 33 du Code de procédure civile .  La difficulté réside dans la qualification de l’acte posé par l’autorité municipale.  Le juge Gonthier, pour la Cour, s’exprime ainsi :

«  Déjà au premier quart de notre siècle, une définition précise de l' ultra vires était difficile à établir.  Le juge en chef Lamothe formule certains principes dans Ville de La Tuque v. Desbiens (1919), 30 B.R. 20.  La municipalité avait commis une série d'actes dont on recherchait la nullité par l'action directe du Code de procédure civile .  La déclaration de principe du Juge en chef que l'on trouve en p. 21 fut reprise maintes fois par nos tribunaux :

Deux grands principes ont été affirmés dans des décisions antérieures; ce sont les deux phares qui doivent nous guider:  Quand il s'agit d'une nullité absolue, on peut toujours recourir à l'article 50 C. proc. Quand il s'agit d'illégalités provenant d'informalités, et d'irrégularités, il faut recourir au mode spécial indiqué par la loi, lorsqu'il y en a un.

Il n'est pas toujours facile de distinguer si un acte municipal attaqué est nul absolument ou s'il est simplement annulable.  Quelquefois cette distinction apparaît clairement; d'autres fois, elle reste confuse et nuageuse.  Si un conseil municipal entreprend un commerce sans que le pouvoir exprès lui en ait été donné, on n'hésite pas à déclarer cette entreprise ultra vires . Si un conseil municipal fait un acte qui entre, strictement parlant, dans la limite de ses pouvoirs, mais qu'il fait cet acte autrement que la loi lui prescrit de le faire, les distinctions commencent.  Les tribunaux ont souvent annulé des décisions municipales comportant une injustice criante à l'égard d'un ou de plusieurs contribuables; le fait qu'une décision apparaît arbitraire, oppressive et abusive, peut porter les tribunaux à la considérer comme nulle ab initio .  La tendance de la jurisprudence a été de considérer un abus criant de pouvoir comme équivalent à un excès de pouvoir.  Les mots ultra vires ont reçu par là une signification plus large.

2.  L' ultra vires :  ses diverses manifestations

On voit donc qu'en droit municipal, l' ultra vires réfère aux vices les plus graves.  L'expression signifie à "l'extérieur de la compétence" et peut être synonyme de nullité absolue.  Il nous faut cerner de plus près le traitement jurisprudentiel des motifs d'intervention de la Cour supérieure par le biais de son pouvoir de contrôle et de surveillance, pour distinguer l'absence, l'abus et l'excès de pouvoir afin de décider où se situe la présente espèce et la façon dont on peut ou doit en disposer. » [14] (soulignement ajouté)

[64]         Le juge Gonthier précise ensuite la distinction entre les notions de a) l’absence de compétence; b) l’abus de pouvoir; et c) les illégalités graves qui ne sont pas de simples irrégularités ou informalités.

[65]         Quant à l’absence de compétence, le juge Gonthier conclut son analyse ainsi :

«  L'absence de compétence est la plus nette des formes d' ultra vires mais comme le rappellent les auteurs Pépin et Ouellette ( Principes de contentieux administratifs (2 e éd. 1982), à la p. 88), les tribunaux ont étendu le contrôle judiciaire de droit commun en appliquant la notion d' ultra vires à des conditions ne régissant plus seulement l'existence de la compétence d'agir mais des modalités de son exercice.  Ainsi même si à l'origine l'organe administratif a pleine compétence sur la matière, le territoire ou la personne, les gestes posés en cours d'exercice de cette compétence peuvent affecter sa juridiction.  C'est alors qu'on dira d'un acte qu'il constitue un abus ou un excès de pouvoir. » [15]

[66]         Concernant l’abus de pouvoir, le juge Gonthier s’exprime comme suit :

«  Une municipalité doit exercer ses pouvoirs en poursuivant les fins voulues par le législateur.  Elle entache ses actes et décisions si elle abuse de son pouvoir discrétionnaire.  Un acte municipal posé à des fins déraisonnables ou condamnables ou à des fins non prévues par la loi est nul.  Cette illégalité ne résulte pas de la violation de textes précis mais dérive de limites imposées par les tribunaux au pouvoir discrétionnaire de l'administration et touche le fond de la décision contestée puisque ce sont les motifs de l'acte qu'il faut évaluer.  C'est ainsi que les tribunaux vérifieront si l'acte est frauduleux, discriminatoire, injuste ou empreint de mauvaise foi.  Auquel cas il sera qualifié d'abus de pouvoir et ne saurait être couvert par l'expiration des trois mois requis pour les recours spécifiques.

[…]

Dans l'arrêt Corporation du village de St-Ulric de la Rivière Blanche v. Corporation du comté de Matane (1924), 38 B.R. 247, on lit en p. 252 :

Sur la détermination de la limite jusqu'où la Cour supérieure peut aller la jurisprudence a pu paraître varier, suivant les espèce ( sic ) particulières. On a décidé qu'elle avait le droit d'intervenir dans le cas d'une injustice criante et oppressive, constituant un abus d'autorité tel qu'il marquait de la mauvaise foi et pouvait être assimilé à la fraude et à l'excès de pouvoir; c'est le plus loin qu'on pouvait aller. » [16]

[67]         Relativement aux illégalités graves qui ne sont pas de simples irrégularités ou informalités, il n’est pas nécessaire d’en traiter en l’espèce, sauf pour dire que c’était la nature de la violation invoquée par l’appelante dans l’arrêt Immeubles Port Louis Ltée précité. Dans cette affaire, un délai de cinq ans fut jugé déraisonnable.

[68]         Sur le fond du recours intenté par l’appelante, Immeubles Port Louis Ltée , le juge Gonthier mentionne que l’insuffisance des avis n’emporte pas une absence totale de juridiction, mais elle met plutôt en cause une exigence particulière attachée à l’exercice par la corporation de sa compétence.

[69]         Ainsi, le juge Gonthier conclut qu’il est important de distinguer entre le droit qui est enfreint et le pouvoir « remédiateur » auquel on fait appel.

[70]         En conséquence, même si l’action directe en nullité est recevable, ce qui est le cas en l’espèce, la prescription n’étant pas acquise, le pouvoir discrétionnaire peut être exercé pour refuser le recours, sujet à certaines limites, et compte tenu des circonstances.

[71]         En droit municipal et en regard de l’action directe en nullité, la Cour d’appel a déjà accueilli une action malgré le délai de sept ans écoulé : Corporation municipale de la cité de Sept-Îles c. Rioux [17] .

[72]         Dans le cadre de son examen de la nature discrétionnaire de l’action directe en nullité, le juge Gonthier cite les propos du juge Beetz dans l’affaire Harelkin [18]  :

«  A fortiori , le pouvoir discrétionnaire subsiste dans les cas non pas d'absence de compétence, mais d'excès ou d'abus de compétence , comme ceux où il y a violation de la justice naturelle. » [19] (soulignement ajouté)

[73]         Le juge Gonthier conclut ainsi son analyse du pouvoir discrétionnaire du juge saisi d’une action directe en nullité en matière municipale, eu égard à la nature de l’acte attaqué et de l’illégalité commise :

«  À mon avis et de façon générale, sauf le cas d'absence totale de compétence , le juge saisi en vertu de l'art. 33 du Code de procédure civile peut refuser d'accorder le redressement recherché, si, eu égard aux circonstances dont notamment l'importance de l'atteinte au droit alléguée et le comportement du demandeur, il estime justifié de le faire. » [20] (soulignement ajouté)

[74]         Les conditions imposées en l’espèce pourraient être considérées ultra vires , au sens d’absence de pouvoir, quant à leur objet, à savoir les fenêtres de la nouvelle résidence.  Dans ce cas, le Tribunal n’aurait aucune discrétion et le recours ne serait manifestement pas tardif.

[75]         De plus, les conditions imposées en l’espèce pourraient aussi être qualifiées d’ ultra vires , au sens d’abus de pouvoir, quant au caractère arbitraire et à l'objectif visé par ces conditions, à savoir atténuer l’impact causé par l’implantation de la nouvelle résidence sur les propriétés adjacentes.  Dans ce cas, le Tribunal posséderait une discrétion quant au délai dans lequel le recours a été intenté.

[76]         Ces conditions pourraient aussi être qualifiées de déraisonnables. Dans ce cas, le Tribunal posséderait aussi un pouvoir discrétionnaire.

[77]         À la lumière de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le caractère ultra vires des conditions imposées par le Comité et le Conseil, le Tribunal est d’avis que, eu égard aux circonstances prouvées et à l’importance de l’atteinte au droit alléguée, le recours intenté par Monsieur Beauchemin n’est pas tardif.

[78]         À tout événement, dans les circonstances, le Tribunal n’exercerait pas son pouvoir discrétionnaire pour rejeter le recours de Monsieur Beauchemin pour cause de tardiveté.

[79]         Monsieur Beauchemin a expliqué de façon parfaitement crédible le délai entre la décision du Conseil, le 20 août 2007, et le 24 juillet 2008, date où il a pu constater et qu’il s’est rendu compte des conséquences graves résultant des conditions imposées par le Comité et le Conseil et le préjudice considérable qu’elles lui causaient.

[80]         De surcroît, ces conditions touchent à son droit de propriété et à son droit de jouissance paisible de sa nouvelle résidence, le premier droit étant consacré par l’article  947 du Code civil du Québec et le second étant protégé par l’article  6 de la Charte québécoise , sauf dans la mesure prévue par la loi.

[81]         Quant au délai de 89 jours entre le 24 juillet 2008 et l’institution de l’action directe en nullité, le 21 octobre 2008, il n’apparaît pas déraisonnable eu égard aux critères applicables, aux circonstances prouvées et à la discrétion que possède le Tribunal.

[82]         En conséquence, le Tribunal conclut qu’une réponse négative s’impose à cette question en litige.

B.            Les décisions du Conseil et du Comité devraient-elles être annulées?  Plus précisément, la condition imposée par le Comité et celle imposée par le Conseil sont-elles ultra vires des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 148.0.12 L.A.U. et l’article 148.0.20 L.A.U. respectivement? Subsidiairement, les conditions imposées relativement aux fenêtres de la nouvelle résidence sont-elles raisonnables?

[83]         Avant de répondre à ces interrogations, il importe de faire une remarque préliminaire.

[84]         Le procureur du demandeur plaide que le Comité n’avait pas le pouvoir de prescrire la condition qu’il a imposée en vertu de l’article 148.0.12 L.A.U. et que le Conseil n’avait pas non plus le pouvoir d’imposer la condition qu’il a imposée en vertu de l’article 148.0.20 L.A.U .

[85]         La procureure de Varennes plaide pour sa part que le Comité et le Conseil pouvaient exercer les pouvoirs qui leur sont conférés par les articles 2.3, 3.14 et 3.16 du Règlement.

[86]         Il est vrai que le Règlement n’est pas contesté par le demandeur.  Cependant, cela ne dispense pas le Tribunal de déterminer la compétence du Comité et celle du Conseil.  Il est donc nécessaire de déterminer la source de la compétence du Comité et celle du Conseil.

[87]         L’article 148.0.2 L.A.U. permet au conseil d’une municipalité d’adopter un règlement relatif à la démolition d’immeubles.

[88]         Cependant, cette disposition habilitante n’autorise pas le Conseil à déléguer ou à conférer par ce Règlement des pouvoirs au Comité ou au Conseil.

[89]         De plus, le libellé du paragraphe 148.0.2 ( 4 o ) L.A.U. indique clairement que si des conditions sont imposées, elles le sont en vertu de l’article 148.0.12 et non en vertu du Règlement.

[90]         En outre, l’article 148.0.3 L.A.U. précise qu’un comité a pour fonction d’autoriser les demandes de démolition et d’exercer tout autre pouvoir que lui confère le présent chapitre .

[91]         Enfin, l’article 148.0.3 alinéa 3 édicte que si le Conseil s’attribue les fonctions conférées au Comité par le présent chapitre , les articles pertinents de la L.A.U . s’appliquent au Conseil, compte tenu des adaptations nécessaires.

[92]         En conséquence, il ressort de ces dispositions de la L.A.U. que le pouvoir d’imposer des conditions est conféré par la L.A.U ., soit au Comité par l’article 148.0.12, soit au Conseil par l’article 148.0.20, et non par les articles 2.3, 3.14 et 3.16 du Règlement.  Cependant, il convient de le rappeler, ce Règlement n’est pas contesté et il est donc présumé valide.

[93]         Cela dit, il convient maintenant de répondre à cette question en litige.

[94]         En l'espèce, il s’agit essentiellement d’une demande de révision judiciaire de la décision du Comité et de celle du Conseil par le biais d'une action en nullité.

[95]         Ainsi, le rôle du Tribunal est donc de choisir et d’ appliquer la norme de contrôle appropriée dans le cadre de la révision judiciaire des décisions rendues par le Comité et le Conseil, et imposant les conditions contestées.

[96]         Les décisions du Conseil et du Comité comportant deux volets chacune, le principe de fractionnement ou de segmentation oblige le Tribunal à faire cet exercice pour chacun de ces volets.

[97]         En effet, la décision du Conseil, d'une part, confirme la décision du Comité d'autoriser la démolition du chalet et d'imposer une condition relative aux fenêtres, et, d'autre part, impose une condition supplémentaire relative elle aussi aux fenêtres de la nouvelle résidence. La décision du Comité, d'une part, autorise la démolition du chalet, et, d'autre part, impose une première condition aux fenêtres de la nouvelle résidence.

1)             Le choix de la norme de contrôle applicable

[98]         Il convient de faire un bref survol des principes applicables à la révision judiciaire des décisions en matière municipale.

[99]         D’abord, l’existence d’un pouvoir d’une municipalité doit être déterminée en appliquant la norme de la décision correcte [21] .

[100]      Ensuite, l’exercice d’un pouvoir municipal doit être révisé en appliquant la norme du caractère raisonnable [22] .

[101]      De plus, si la municipalité exerce une fonction juridictionnelle, par exemple si une audition doit être tenue et une décision doit être rendue, la norme de révision doit être déterminée en procédant à l’analyse relative à la norme de contrôle [23] .

[102]      En outre, la question de savoir si un acte posé par une municipalité est ultra vires de ses pouvoirs doit toujours être révisé en appliquant la norme de la décision correcte [24] .

[103]      Enfin, un pouvoir discrétionnaire encadré par la loi doit être révisé en appliquant la norme du caractère raisonnable. C’est ce que rappelait le juge LeBel, pour la Cour, dans l’arrêt Montréal (Ville) c. Administration portuaire de Montréal [25] .

[104]      En l'espèce, l’article 148.0.12 L.A.U. confère certes un pouvoir discrétionnaire au Comité.  Cependant, ce pouvoir discrétionnaire ne peut être exercé de façon arbitraire.  La loi habilitante et le Règlement gouvernent et encadrent son exercice et permettent d’en apprécier le caractère raisonnable.

[105]      Le procureur de Monsieur Beauchemin plaide que la question de savoir si le Comité et le Conseil ont le pouvoir d'imposer des conditions portant sur les fenêtres de la nouvelle résidence, est une véritable question de compétence ou d' ultra vires qui doit être tranchée en appliquant la norme de la décision correcte. En effet, il s'agit, en l'espèce, de définir correctement les limites du pouvoir du Comité quant aux conditions que l'article 148.0.12 L.A.U. l'habilite à imposer. L'illégalité commise par le Comité et celle commise par le Conseil résultent de la violation du texte précis de l'article 148.0.12 L.A.U. qui confère certes le pouvoir d'imposer des conditions, mais en établit aussi les limites.

[106]      Cet argument est sérieux, particulièrement à la lumière du premier volet de l'arrêt Nanaimo, précité, aux par. 26 et 34.  Toutefois, il n'est pas nécessaire de le trancher en l'espèce.

[107]      L’analyse relative à la norme de contrôle amène le Tribunal à conclure que tant la décision du Comité que celle du Conseil, ainsi que les deux conditions qu’ils ont imposées en exerçant leur pouvoir discrétionnaire, doivent être révisées en appliquant la norme du caractère raisonnable.

[108]      Premièrement, il n’existe aucune clause privative protégeant le Comité ou le Conseil.

[109]      Deuxièmement, la raison d’être du Comité est d’analyser les demandes de démolition et, le cas échéant, d’imposer les conditions relatives à la démolition ou à la réutilisation du sol dégagé par la démolition.

[110]      Troisièmement, la nature de la question en cause est celle de savoir si les deux conditions imposées en l’espèce par le Comité et le Conseil sont valides.

[111]      Quatrièmement, ni le Comité ni le Conseil ne possèdent d’expertise particulière quant à l’interprétation des lois.

[112]      Toutefois, il est manifeste que le législateur a conféré au Comité, et en appel au Conseil, le pouvoir d’autoriser les demandes de démolition et, le cas échéant, d’imposer des conditions.  De plus, le pouvoir conféré au Comité et au Conseil est un pouvoir discrétionnaire encadré par la loi. Le vocable «peut» le confirme.

[113]      En conséquence, l’analyse contextuelle relative à la norme de contrôle amène le Tribunal à conclure que la décision du Comité et celle du Conseil, imposant les deux conditions contestées en l’espèce, doivent être révisées en appliquant la norme de la raisonnabilité, puisqu’il s’agit de réviser l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire conféré au Comité et au Conseil dans le cadre de l'exercice de leur fonction juridictionnelle. En outre, cette norme sera appliquée à la révision de chacun des volets de la décision du Comité et de celle du Conseil.

2)             Application de la norme de contrôle appropriée

[114]      Il faut maintenant déterminer, à la lumière de la norme de contrôle appropriée, soit la norme du caractère raisonnable, si la décision du Conseil doit être annulée.

 

a)             Volet de la décision du Conseil confirmant la décision du Comité autorisant la démolition du chalet

[115]      La décision du Conseil confirmant l’autorisation du Comité de démolir le chalet n’est pas contestée en l’espèce.  Il n’y a donc pas lieu de s’y attarder.

b)             Volet de la décision du Conseil confirmant la décision du Comité imposant une condition relative aux fenêtres de la nouvelle résidence obligeant à les rendre translucides

[116]      Le caractère raisonnable de ce volet de la décision du Conseil, prise suite à l’appel logé en vertu de l’article 148.0.20 L.A.U. , est évidemment tributaire de la réponse à la question de savoir si la condition imposée par le Comité est déraisonnable.  En effet, la décision du Conseil ne pourrait, évidemment, être jugée raisonnable si elle a confirmé une décision déraisonnable du Comité.

[117]      Il est donc nécessaire de se pencher sur la question de savoir si la condition imposée par le Comité, en vertu de l’article 148.0.12 L.A.U. , est déraisonnable.

i)              La condition imposée par le Comité est-elle déraisonnable?

[118]      Il importe, par souci de commodité de reproduire à nouveau le texte de la conclusion de la décision du Comité :

« Pour ces motifs, le Comité de démolition ACCEPTE la démolition du chalet existant sur le lot 1-5.  Par contre, afin d’atténuer l’impact causé par l’implantation de la nouvelle résidence sur les propriétés adjacentes, le requérant devra modifier les fenêtres des façades latérales afin de les rendre translucides, et ce, à l’exception du garage et des fenêtres du sous-sol. »

[119]      La décision du Comité, imposant une condition, est fondée sur l’article 148.0.12 L.A.U. Il convient d’en reproduire le texte français et le texte anglais.

«  148.0.12. Lorsque le comité accorde l'autorisation, il peut imposer toute condition relative à la démolition de l'immeuble ou à la réutilisation du sol dégagé. Il peut notamment déterminer les conditions de relogement d'un locataire, lorsque l'immeuble comprend un ou plusieurs logements.

 

148.0.12. If the committee grants the authorization, it may impose conditions for the demolition of the immovable or the utilization of the vacated land. It may, in particular, determine the conditions on which a lessee may be relocated, when the immovable includes one or more dwellings. »

[120]      Il s’agit donc d’interpréter cette disposition législative afin de cerner les contours du pouvoir délégué au Comité par le législateur.  Cette interprétation doit être faite de manière textuelle, contextuelle et téléologique.

        Interprétation textuelle

[121]      D'emblée, il importe de souligner que l'article 2 de la Loi sur les compétences municipales [26] , qui a édicté l'article 148.0.12 L.A.U. , prévoit que cette disposition ne doit pas s'interpréter de façon littérale ou restrictive. Cette règle concorde d'ailleurs avec celle de l'article 41 de la Loi d'interprétation [27] .

[122]      Ensuite, le libellé de l’article 148.0.12 L.A.U. par l’emploi du terme « relative à » et dans le texte anglais « for » exige qu’il y ait un lien entre, d'une part, la condition imposée par le Comité et, d'autre part, la démolition de l’immeuble ou la réutilisation du sol dégagé.

[123]      Il appert, en l'espèce, que la condition imposée par le Comité concerne les fenêtres de la nouvelle résidence, et non la démolition du chalet. Il n'y a donc aucun lien entre cette condition et cette démolition.

[124]      Quant aux termes « à la réutilisation du sol dégagé », il est nécessaire de s’y attarder brièvement.

[125]      D’abord, le Tribunal est d’avis qu’il s’agit de la réutilisation du sol dégagé par la démolition du chalet .  L’emploi des termes « réutilisation » et « dégagé » oblige le Tribunal à conclure en ce sens.

[126]      De plus, c’est ainsi que Varennes interprète ce texte dans son Règlement : articles 3.2 i) et 3.14 b).

[127]      Or, comme le reconnaît le Comité dans sa décision, et tel que le confirme tant le plan d’implantation de la nouvelle résidence que le programme de réutilisation du sol dégagé, la nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin a été implantée à plus de 90 mètres de la route Marie-Victorin, immédiatement derrière le chalet à démolir.  Ainsi, la nouvelle résidence n’a pas été construite sur le sol dégagé par la démolition du chalet.

[128]      L’emplacement du chalet démoli est demeuré vacant comme prévu dans les renseignements et documents fournis au soutien de la demande d’autorisation de le démolir soumise au Comité par Monsieur Beauchemin.

        Interprétation contextuelle

[129]      Le chapitre V.0.1 de la L.A.U. dans lequel s'inscrit l’article 148.0.12 s’intitule « La démolition d’immeubles ».

[130]      Le contexte de cette disposition indique donc clairement qu’il s’agit de démolition et non pas de construction, de zonage, de lotissement ou d’implantation et d’intégration architecturale, matières qui sont prévues ailleurs dans la L.A.U.

[131]      Il importe de bien saisir le contexte dans lequel s’insère l’article 148.0.12 L.A.U. afin d’en préciser le sens et la portée.

[132]      D’abord, son libellé indique clairement que l’article 148.0.12 L.A.U. ne s’applique que si le Comité accorde l’autorisation.  Ce n’est donc que si la demande d’autorisation de démolition reçoit une réponse favorable que le Comité peut imposer des conditions.

[133]      Or, au moment où le Comité autorise la démolition et a le pouvoir d’imposer des conditions, le programme préliminaire de réutilisation du sol a déjà été approuvé.

[134]      En effet, d’une part, l’article 3.5 du Règlement prévoit que le programme doit être soumis au Comité pour approbation préalablement à l’étude de la demande du permis de démolition par le Comité et, d’autre part, l’article 148.0.11 L.A.U. oblige le Comité à refuser la demande d’autorisation si le programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé n’a pas été approuvé.

[135]      En conséquence, pour que l’article 148.0.12 L.A.U. puisse s’appliquer, il faut donc que le programme ait été préalablement approuvé par le Comité.

[136]      Or, l’article 148.0.4 alinéa 2 L.A.U. prévoit clairement que le programme ne peut être approuvé par le Comité que s’il est conforme aux règlements de la municipalité [28] .

[137]      Il découle donc de ce qui précède que le 18 juin 2007, lorsque le Comité autorise la démolition du chalet et impose sa condition, et que le 20 août 2007, le Conseil rejette l’appel de Monsieur Beauchemin et impose une condition additionnelle, le programme de réutilisation du sol dégagé a déjà été approuvé et jugé conforme aux règlements en vigueur.

[138]      Ainsi, les conditions que le Comité ou le Conseil peut décider d’imposer ne peuvent donc modifier, ou avoir pour effet de modifier, le programme de réutilisation du sol dégagé qui a déjà été approuvé et, surtout, jugé conforme aux règlements en vigueur.

[139]      En effet, dans le cas contraire, de telles conditions auraient pour effet d’opposer un refus au programme préliminaire soumis et, dans un tel cas, l’article 148.0.12 L.A.U. n’a aucune application et aucune condition ne peut être imposée puisqu’alors l’article 148.0.11 L.A.U. oblige le Comité à refuser la demande d’autorisation de démolition.

[140]      En conséquence, le contexte dans lequel s’insère l’article 148.0.12 L.A.U. limite les conditions que peut imposer le Comité ou le Conseil.  Le programme ayant déjà été approuvé et jugé conforme aux règlements en vigueur, ces conditions ne peuvent, ni directement ni indirectement, modifier le programme ou les règlements en vigueur.

[141]      En somme, les conditions que le Comité peut imposer s’inscrivent dans le contexte de la démolition du chalet alors que la construction de la nouvelle résidence doit être conforme aux règlements municipaux en vigueur.

[142]      Or, comme le confirment la décision du Comité, le certificat de localisation et le plan d’implantation soumis au soutien de la demande du permis de démolition, la construction de même que l’implantation de la nouvelle résidence sont parfaitement conformes aux règlements de zonage en vigueur au moment où le Comité a rendu sa décision le 18 juin 2007.

[143]      Enfin, il importe de souligner qu’au moment de la décision du Comité et de la construction de la nouvelle résidence, Varennes n’avait pas encore adopté un règlement sur les plans d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) [29] .

        Interprétation téléologique

[144]      La méthode d’interprétation téléologique met l’accent sur les objectifs du texte législatif [30] .  Elle est consacrée, au moins en partie, par l’article 41 la Loi d’interprétation [31] .

[145]      Ainsi, un bref historique de l’article 148.0.12 L.A.U. s’impose en l’espèce.

[146]      Cet article est entré en vigueur le 1 er janvier 2006, date d’entrée en vigueur de la  Loi sur les compétences municipales [32] qui a édicté l'ensemble des dispositions du chapitre V.0.1 de la L.A.U.

[147]      Cette loi opérait une refonte notamment des dispositions de la Loi sur les cités et villes [33] et du Code municipal [34] qui avaient été édictées par la Loi instituant la Régie du logement et modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives [35] sanctionnées le 7 novembre 1979 et entrées en vigueur le 1 er octobre 1980.

[148]      Ces dispositions législatives, qui portent sur le contrôle des démolitions, visent deux objectifs : favoriser le remplacement des constructions démolies par une réaffectation des espaces dégagés et protéger les unités de logements existantes [36] .

[149]      L’examen de l’ensemble des dispositions du chapitre V.0.1 de la L.A.U. , à la lumière de leur objet, amène le Tribunal à conclure que l’article 148.0.12 L.A.U. permet d’imposer les conditions relatives à la démolition et à la réutilisation du sol dégagé, mais ce pouvoir ne s’étend pas à gérer les caractéristiques d’un nouveau bâtiment.

[150]      En somme, le Tribunal juge que ce pouvoir d'imposer des conditions n’a pas pour effet d’assujettir les règles du zonage applicables au nouveau bâtiment à la discrétion du Comité ou à celle du Conseil. Conclure autrement aurait la fâcheuse conséquence d’assujettir les nouvelles constructions à des règles de zonage différentes selon qu’elles sont ou non précédées d’une démolition.

[151]      Les nouvelles constructions sont assujetties aux règlements en vigueur et non à la discrétion du Comité : article 148.0.4 L.A.U.

[152]      À la lumière de ce qui précède, la condition imposée par le Comité, obligeant Monsieur Beauchemin à rendre translucides les fenêtres latérales de sa nouvelle résidence, est-elle raisonnable?

[153]      Dans l’arrêt Dunsmuir , les juges Bastatrache et LeBel, dans leurs motifs conjoints pour la majorité, ont précisé en quoi consiste cette nouvelle norme de la raisonnablité [37] .  Le juge LeBel a eu l’occasion de préciser sa pensée sur cette norme de contrôle.  Il est utile de citer ses savants propos :

« Cependant, cette exigence de déférence ne signifie pas que la cour qui procède à un contrôle judiciaire sur la base de la norme du raisonnable doive identifier un degré particulier de déférence.  En réalité, lorsqu’une cour décide que la norme du raisonnable s’applique, elle doit alors décider si le résultat se situe bien dans un ensemble de résultats possibles et acceptables, défendables au regard des faits et du droit.  Avec le juge Bastarache, j’ai souligné l’importance, à cet égard, des principes de justification, de transparence et d’intelligibilité pour décrire la norme de contrôle des procédures et des décisions du décideur administratif : est-il possible de justifier la procédure ou le résultat au regard des faits et du droit relatif à la question?  La procédure de décision est-elle demeurée libre de toute influence de facteurs externes qui n’ont pas été clairement articulés ou déclarés?  Le résultat est-il compréhensible en tenant compte du contexte factuel et juridique dans lequel il est survenu?  La déférence, tout comme le raisonnable, ne se prête pas aisément à la quantification.  Si une attitude de déférence est justifiée, la cour chargée de la révision judiciaire doit examiner la matière soumise à son contrôle, en gardant à l’esprit les idéaux de justification de transparence et d’intelligibilité, mais en acceptant de s’incliner devant une décision rendue dans le respect de ces idéaux.  Le concept de déférence implique aussi la nécessité de reconnaître qu’une question peut souvent recevoir plus d’une réponse et que la cour exerçant le pouvoir de contrôle devrait respecter un résultat et un processus décisionnel qui se situent dans le domaine du raisonnable.  La cour de révision ne devrait pas chercher à imposer sa propre conception de ce que serait nécessairement une meilleure solution lorsqu’une attitude de déférence s’impose à l’égard d’une décision. » [38] (notes omises)

[154]      Pour les motifs qui suivent, le Tribunal est d’avis que la condition imposée en l’espèce par le Comité et la décision du Conseil la confirmant sont déraisonnables.

[155]      D’abord, cette condition portant sur les fenêtres de la nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin ne peut rationnellement s’appuyer sur le texte de l’article 148.0.12 L.A.U. , particulièrement sur les termes « relative à la démolition de l’immeuble ou à la réutilisation du sol dégagé » et ce, au point d’exiger l’intervention du Tribunal : Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick [39] .

[156]      En effet, l’interprétation adoptée par le Comité et la condition imposée relativement aux fenêtres de la nouvelle résidence ne respectent ni le texte de l’article 148.0.12 L.A.U. , ni la volonté du législateur.  Force est donc de conclure au caractère déraisonnable de cette interprétation et de cette condition.

[157]      Ensuite, cette condition est déraisonnable parce qu’elle est irrationnelle en ce qu’elle n’a aucun lien logique entre son objet et le but poursuivi par l’imposition de cette condition.

[158]      De plus, cette condition est déraisonnable parce que le raisonnement du Comité qui a conduit à son imposition est erroné et irrationnel.

[159]      En effet, le raisonnement du Comité est fondé sur les prémisses que le Comité a le pouvoir « d’exiger que le nouveau bâtiment respecte l’alignement des bâtiments adjacents » et « qu’exiger le déplacement du nouveau bâtiment serait une mesure justifiée mais déraisonnable … » [40] .

[160]      Ces prémisses sont erronées.

[161]      Le programme préliminaire soumis pour l’implantation de la nouvelle résidence indiquait clairement l’emplacement et l’implantation de la nouvelle résidence. Le plan d’implantation de la nouvelle résidence a été respecté. Le programme a été approuvé par le Comité, et il était donc conforme aux règlements en vigueur.

[162]      Or, au moment de la décision du Comité ou de celle du Conseil, aucun règlement municipal en vigueur sur le territoire de Varennes ne prévoyait l’alignement de la nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin avec les bâtiments adjacents [41] .

[163]      Enfin, la condition imposée en l’espèce par le Comité est déraisonnable parce qu’elle a pour effet de rendre illégales des vitres et des fenêtres qui sont parfaitement conformes à toute la législation applicable à la nouvelle résidence [42] .

[164]      Le Tribunal estime que le Conseil n’avait pas le pouvoir, par le biais de ces articles, d’entraver les vues de la résidence de Monsieur Beauchemin, lesquelles sont parfaitement légales puisque conforme aux articles 993- 996 du Code civil du Québec.   À cet égard, le certificat de localisation [43] est sans équivoque.

[165]      La nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin est parfaitement conforme à toutes les lois et à tous les règlements applicables.  Elle ne comporte aucune vue illégale et est conforme à la réglementation de Varennes en matière de zonage, particulièrement en ce qui a trait aux marges de recul frontales et latérales.

[166]      Le Comité ne peut donc pas modifier, directement ou indirectement, la réglementation applicable à la nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin par le biais de conditions visant la démolition du chalet ou liées à la réutilisation du sol dégagé par sa démolition.

[167]      En effet, la réglementation de zonage doit établir des normes objectives et non discrétionnaires.  Or, Monsieur Beauchemin était parfaitement en droit de décider de ne pas réutiliser le sol dégagé par la démolition de son chalet pour construire sa nouvelle résidence.  Le Comité ne pouvait donc pas étendre sa compétence en imposant des conditions à la nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin, puisqu’il n’était saisi que d’une demande de démolition du chalet.

[168]      Le Tribunal juge, en outre, que la condition imposée en l’espèce par le Comité est déraisonnable parce qu’elle constitue, à toutes fins utiles, du spot zoning particularisé à la résidence de Monsieur Beauchemin.  En l’espèce, l'autorisation de démolir accordée par le Comité et le certificat de localisation [44] confirment que la nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin est conforme aux lois et règlements de zonage applicables.  En conséquence, les deux conditions imposées sont donc incompatibles avec la réglementation applicable.

[169]      Le Comité ne peut s’improviser législateur en exerçant son pouvoir d’imposer des conditions en vertu des articles 148.0.12 L.A.U .

[170]      Quoique les termes « relative à » et dans la version anglaise «  for  » indiquent une relation large [45] entre, d’une part, les conditions et, d’autre part, leur objet, soit la démolition de l’immeuble ou la réutilisation du sol dégagé par la démolition, il demeure que les deux conditions imposées en l'espèce n’ont aucun lien quelconque avec la démolition du chalet ou la réutilisation du sol dégagé : elles n’ont pour objet que les fenêtres de la nouvelle résidence.

[171]      Mais il y a plus.

[172]      Il n’y a aucun lien rationnel entre la condition imposée en l’espèce par le Comité et l’objectif que vise à servir cette condition.

[173]      Selon le Comité, l’objectif visé par l’imposition de cette condition est d’atténuer l’impact causé par l’implantation de la nouvelle résidence sur les propriétés adjacentes.  Le Tribunal a cherché comment la condition relative aux fenêtres, lesquelles sont pourtant parfaitement légales et conformes à la réglementation en vigueur, pouvait servir à atteindre cet objectif.

[174]      En vain.

[175]      Enfin, cette condition est déraisonnable parce qu’elle ne fait manifestement pas partie de l’éventail des conditions acceptables pouvant être imposées en vertu de l’article 148.0.12 L.A.U. au regard des faits et du droit [46] .

[176]      En conséquence, le Tribunal est d’avis que la décision du Conseil confirmant la condition imposée par le Comité ainsi que cette condition sont déraisonnables et doivent donc être annulées.

c)             Volet de la décision du Conseil imposant une condition limitant l’ouverture des fenêtres de la nouvelle résidence

[177]      L’article 148.0.20 L.A.U. et l’article 3.16 du Règlement confèrent le pouvoir au Conseil de rendre toute décision que le Comité aurait dû prendre.

[178]      Exerçant ce pouvoir, le Conseil a imposé la condition suivante qu’il convient, par souci de commodité, de reproduire à nouveau :

« Les fenêtres translucides devront ne pouvoir s’ouvrir que de façon à ne donner aucune vue sur les terrains des voisins »

[179]      Pour les mêmes motifs, mutatis mutandis , que ceux énoncés précédemment et confirmant le caractère déraisonnable de la condition imposée par le Comité, le Tribunal conclut que ce volet de la décision du Conseil, ainsi que la condition additionnelle restreignant l'ouverture des fenêtres de la nouvelle résidence, sont déraisonnables et doivent être annulés.

d)             Volet de la décision du Comité autorisant la démolition du chalet

[180]      Cette décision du Comité n'est pas contestée en l'espèce et a même été confirmée par le Conseil. Il n'est donc pas nécessaire de s'y attarder sauf pour constater qu'elle a maintenant acquis l'autorité de la chose décidée.

e)             Volet de la décision du Comité imposant une condition obligeant à rendre translucides les fenêtres de la nouvelle résidence

[181]      Le Tribunal a déjà conclu que la décision du Comité imposant cette condition est déraisonnable. En conséquence, ce volet de la décision du Comité et cette condition doivent donc être annulés.

C.            La réclamation de dommages-intérêts compensatoires et exemplaires est-elle bien fondée?

[182]      Monsieur Beauchemin réclame 5 000 $ à titre de dommages-intérêts compensatoires et 5 000 $ à titre de dommages-intérêts exemplaires parce que, selon lui, Varennes aurait contrevenu à l’article 6 de la Charte québécoise .

[183]      Malgré les inconvénients sérieux auxquels Monsieur Beauchemin a dû faire face, le Tribunal estime que ces deux réclamations sont non fondées et doivent être rejetées, mais sans frais.

[184]      Comme le souligne la juge Deschamps dans l’arrêt Entreprises Sibeca Inc. c. Frelighsburg (Municipalité) [47]  :

« 15  Il importe de ne pas confondre les règles du droit administratif avec celles du droit de la responsabilité extracontractuelle d’un corps public.  Les premières permettent de présenter à la Cour supérieure une demande de révision judiciaire d’une décision d’un corps public.  L’annulation d’une telle décision n’entraîne pas nécessairement la responsabilité civile de la municipalité. »

[185]      Ainsi, sur le plan de la responsabilité civile d’une municipalité, celle-ci bénéficie d’une protection qualifiée d’immunité relative.  Alors, Monsieur Beauchemin, pour avoir gain de cause, doit démontrer que Varennes a agi de mauvaise foi ou dans des circonstances qui permettent de conclure à sa mauvaise foi.

[186]      En l’espèce, aucune faute de Varennes n’a été prouvée.  De surcroît, il n’y a aucun élément de preuve permettant au Tribunal de conclure qu'elle a agi de mauvaise foi, ni même qu'elle n'était pas de bonne foi.

[187]      La responsabilité civile de Varennes ne peut donc être retenue en l’instance : article 1457 du Code civil du Québec .

[188]      Enfin, il n’y a aucune preuve que Varennes a porté atteinte de façon illicite ou intentionnelle aux droits de Monsieur Beauchemin, au sens des articles 6 et 49 de la Charte québécoise .

[189]      En conséquence, la réclamation de dommages-intérêts exemplaires est, elle aussi, rejetée.

[190]      Il n’est donc pas nécessaire de trancher cette prétention de Varennes fondée sur le délai de prescription prévu à l’article 586 de la Loi sur les cités et villes [48] .

D.            Les arguments de Varennes sont-ils bien fondés?

[191]      Il convient maintenant de traiter des arguments invoqués par Varennes au soutien de sa défense qui demande le rejet du recours de Monsieur Beauchemin.

1)        Tardiveté du recours

[192]      Varennes plaide que le recours en nullité n’a pas été intenté dans un délai raisonnable. Le Tribunal a déjà conclu que ce moyen est sans fondement.

2)         Monsieur Beauchemin a commencé à construire avant d’avoir obtenu son permis de construction

[193]      Varennes plaide que Monsieur Beauchemin, ayant agi sans permis de construction, ne peut se plaindre des inconvénients qu’il subit maintenant et découlant de ses propres agissements.

[194]      À la lumière de la preuve, le Tribunal conclut que la bonne foi de Monsieur Beauchemin est indéniable.  N’eut été du cafouillage administratif au sein de Varennes, Monsieur Beauchemin aurait reçu son permis de construction beaucoup plus tôt.  De plus, comme le confirme le Comité, la bonne foi de Monsieur Beauchemin, qui croyait détenir tous les permis nécessaires à la construction de sa nouvelle résidence, peut difficilement être mise en doute.  En effet, il a obtenu son permis de lotissement le 11 octobre 2006 et il n’y a eu aucun autre échange entre lui et Varennes jusqu’en mai 2007, date où le service de l’urbanisme de Varennes lui a signifié un avis de cessation des travaux.

[195]      À tout événement, Monsieur Beauchemin a construit sa nouvelle résidence conformément à tous les documents qu’il avait fournis à Varennes pour l’obtention de son permis de construction qui lui a finalement été délivré le 22 août 2007.  Il appert de la preuve que la nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin est en tous points conforme à l'ensemble de la réglementation en vigueur.

[196]      En conséquence, le simple fait que Monsieur Beauchemin ait commencé la construction de sa nouvelle résidence en croyant avoir en mains son permis de construction, alors qu’il s’agissait du permis de lotissement, n’a aucune pertinence quant à savoir si le Comité et le Conseil avaient le pouvoir d’imposer les conditions contestées, et si ces dernières sont raisonnables.

3)         Renonciation tacite de Monsieur Beauchemin

[197]      La procureure de Varennes plaide qu’en soumettant son dossier au Comité, Monsieur Beauchemin a renoncé tacitement à soulever l’absence de compétence du Comité au motif qu’il est maintenant insatisfait des conditions qui lui sont imposées.

[198]      Cet argument n’a aucun mérite.

[199]      En soumettant sa demande au Comité, Monsieur Beauchemin a simplement demandé l’obtention d’un permis de démolition pour son chalet construit en 1962.  Il ne pouvait pas renoncer, à l’avance, à contester l’imposition d’une condition dont il ne connaissait pas la teneur.  Or, la renonciation à un droit ne se présume pas et, pour qu’il y ait une renonciation valide en droit, elle doit être faite en toute connaissance de cause.

[200]      La preuve est concluante que Monsieur Beauchemin n’a jamais renoncé à contester les conditions qui lui ont été imposées par le Comité et le Conseil.

4)         Le Comité et le Conseil avaient le pouvoir d’imposer les deux conditions contestées

[201]      Selon la procureure de Varennes, le Comité pouvait exiger que le nouveau bâtiment respecte l’alignement des bâtiments adjacents.

[202]      Cette assertion est sans fondement.

[203]      D’abord, le plan d’implantation de la nouvelle résidence, daté du 22 août 2006 [49] montre clairement l’emplacement de la nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin qui est distinct du sol sur lequel repose le chalet existant.

 

[204]      Le permis de construction [50] émis le 22 août 2007, le certificat de localisation du 6 janvier 2009 [51] ainsi que le plan y annexé, montrent que l’implantation de la nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin s’est faite à l’emplacement prévu dans la demande de permis de construction, conformément au zonage et sans aucune vue illégale, et non sur le sol dégagé par la démolition du chalet.

[205]      En conséquence, le Tribunal estime que ni le Comité ni le Conseil ne pouvaient utiliser les pouvoirs qui leur sont conférés par les articles 148.0.12 et 148.0.20 L.A.U. pour modifier la réglementation applicable à la nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin.

[206]      La compétence du Comité et du Conseil se limite à la démolition du chalet et à la réutilisation du sol dégagé par cette démolition. Or, les deux conditions imposées portent sur les fenêtres d'une nouvelle construction.

[207]      À tout événement, comme le confirme le 2 e alinéa de l’article 148.0.04 L.A.U. , le programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé ne peut être approuvé que s’il est conforme aux règlements de la municipalité.  Autrement dit, un tel programme ne peut être refusé s’il est conforme aux règlements de la municipalité.

[208]      Or, en l’espèce, le programme a été approuvé, Monsieur Beauchemin a décidé de ne pas réutiliser le sol dégagé par la démolition du chalet et, enfin, sa nouvelle résidence est en tous points conforme à la réglementation en vigueur, comme le confirment le certificat de localisation daté du 6 janvier 2009 [52] et le plan d’implantation daté du 22 août 2006. [53]

5)         Le permis de démolition était périmé au moment de la démolition du chalet

[209]      Enfin, la procureure de Varennes plaide que le certificat d’autorisation pour la démolition du chalet, émis le 22 août 2007, était périmé au moment de la démolition du chalet le 25 avril 2008, et ce, en vertu de l’article 3.5.3 du Règlement de construction # 468 .

[210]      D'emblée, il importe de souligner que le Comité a autorisé la démolition du chalet en vertu du Règlement, lequel porte spécifiquement sur la démolition, et non en vertu du Règlement de construction # 468 , lequel porte spécifiquement sur la construction. En conséquence, les principes d'interprétation fondamentaux dictent d'appliquer le Règlement, portant spécifiquement sur la démolition, de préférence au Règlement de construction # 468 régissant généralement la construction.

[211]      De plus, le Tribunal n’est pas saisi de la question de la légalité de la démolition du chalet, mais seulement de la validité des deux conditions imposées par le Comité et le Conseil à l’égard de la nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin.

[212]      De surcroît, Varennes, par ses avis d’infraction du 23 mai 2008 et du 9 juillet 2008, lesquels sont fondés sur le Règlement, a continué de réclamer l’application de ces deux conditions même après la prétendue «expiration» du certificat d’autorisation pour la démolition du chalet.

[213]      Or, le Comité n'a imposé aucun délai pour la démolition du chalet malgré que l'article 3.14 c) du Règlement lui en donnait expressément le pouvoir.

[214]      En conséquence, le Tribunal est d'avis que cet argument est sans fondement.

E.            Quel est, le cas échéant, le redressement approprié?

[215]      Le Tribunal ayant conclu que le Comité et le Conseil ont excédé leur compétence en imposant les deux conditions contestées, celles-ci étant déraisonnables, Monsieur Beauchemin est en droit d’obtenir qu’elles soient déclarées nulles.

[216]      De plus, il est inutile de retourner le dossier au Comité puisqu’il a épuisé sa compétence.

[217]      En effet, comme le Comité le reconnaît dans sa décision, le véritable enjeu devant lui était de déterminer si l’implantation du nouveau bâtiment principal, la nouvelle résidence, devait être confirmée ou si un déplacement devait être exigé.

[218]      Après analyse, le Comité a décidé de ne pas exiger le déplacement de la nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin. Cette décision du Comité a été confirmée par le Conseil et personne ne l’a contestée.

[219]      Le Comité est désormais functus .

[220]      Enfin, le Tribunal estime qu’il s’agit d’un cas qui se prête à l’application du principe de la divisibilité puisque l’annulation des deux conditions ne compromet pas la décision du Comité d'autoriser la démolition du chalet et de ne pas exiger le déplacement de la nouvelle résidence (si tant est que le Comité possède un tel pouvoir, ce que le Tribunal ne croit pas). Ces deux volets de la décision du Comité ont d'ailleurs été confirmés en appel par le Conseil et ne sont plus contestés. À tout événement, comme l'a reconnu le Comité dans sa décision, il aurait été déraisonnable d'exiger le déplacement de la nouvelle résidence.

 

 

VIII.        CONCLUSION

[221]      En somme, le Tribunal conclut que le Comité et le Conseil ont excédé leur compétence en imposant les deux conditions contestées liées aux fenêtres de la nouvelle résidence de Monsieur Beauchemin puisqu'elles sont déraisonnables.

[222]      En conséquence, ces deux conditions et les décisions les imposant doivent être annulées. Toutefois, la réclamation de dommages-intérêts compensatoires et exemplaires est sans fondement et est donc rejetée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[223]      ACCUEILLE en partie la requête introductive d’instance réamendée de Monsieur Beauchemin;

[224]      DÉCLARE nulle la décision du 20 août 2007 du Conseil de Varennes dans la mesure où elle confirme cette partie de la décision du Comité rendue le 18 juin 2007 à savoir : « Par contre, afin d’atténuer l’impact causé par l’implantation de la nouvelle résidence sur les propriétés adjacentes, le requérant devra modifier les fenêtres des façades latérales afin de les rendre translucides et ce, à l’exception du garage et des fenêtres du sous-sol. »;

[225]      DÉCLARE nulle la condition supplémentaire imposée par le Conseil de Varennes, dans sa décision du 20 août 2007, à savoir : « les fenêtres translucides devront ne pouvoir s’ouvrir que de façon à ne donner aucune vue sur les terrains des voisins »;

[226]      DÉCLARE nulle la condition imposée par le Comité de démolition de Varennes, dans sa décision du 18 juin 2007, à savoir : « le requérant [demandeur] devra modifier les fenêtres des façades latérales afin de les rendre translucides et ce, à l’exception du garage et des fenêtres du sous-sol »;

[227]      LE TOUT , avec dépens.

 

 

__________________________________

GÉRARD DUGRÉ, J.C.S.

 

M e Pierre Blain

(Procureur du demandeur)

 

M e Mélanie St-Onge

Deveau Bourgeois Gagné Hébert & Associés

(Procureurs de la défenderesse)


ANNEXE - DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES

Code de procédure civile [54]  :

«  33. À l'exception de la Cour d'appel, les tribunaux relevant de la compétence du Parlement du Québec, ainsi que les corps politiques, les personnes morales de droit public ou de droit privé au Québec, sont soumis au droit de surveillance et de réforme de la Cour supérieure, en la manière et dans la forme prescrite par la loi, sauf dans les matières que la loi déclare être du ressort exclusif de ces tribunaux, ou de l'un quelconque de ceux-ci, et sauf dans les cas où la compétence découlant du présent article est exclue par quelque disposition d'une loi générale ou particulière. »

Code civil du Québec [55]  :

«  947 . La propriété est le droit d'user, de jouir et de disposer librement et complètement d'un bien, sous réserve des limites et des conditions d'exercice fixées par la loi.

Elle est susceptible de modalités et de démembrements. »

Charte des droits et libertés de la personne [56]  :

«  6. Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi. »

Loi sur l'aménagement et l'urbanisme [57]   :

«  CHAPITRE V.0.1

LA DÉMOLITION D'IMMEUBLES

148.0.1.     Dans le présent chapitre, on entend par «logement»: un logement au sens de la Loi sur la Régie du logement (chapitre R-8.1).

148.0.2.     Le conseil d'une municipalité peut, par règlement :

1    interdire la démolition d'un immeuble, à moins que le propriétaire n'ait été autorisé par un comité visé à l'article 148.0.3 ;

2    prescrire la procédure de demande d'autorisation;

3    prévoir que l'avis public prévu par l'article 148.0.5 n'est pas requis;

4    exiger que, si des conditions sont imposées en vertu de l'article 148.0.12, le propriétaire fournisse à la municipalité, préalablement à la délivrance d'un certificat d'autorisation, une garantie monétaire pour assurer le respect de ces conditions.

               Pour l'application des paragraphes 1° et 3° du premier alinéa, le règlement peut établir des catégories d'immeubles.

148.0.3.      Un conseil qui a adopté un règlement en vertu de l'article 148.0.2 doit constituer un comité ayant pour fonctions d'autoriser les demandes de démolition et d'exercer tout autre pouvoir que lui confère le présent chapitre.

                  Ce comité est formé de trois membres du conseil désignés pour un an par le conseil. Leur mandat est renouvelable.

                  Le conseil peut, par règlement qu'il adopte en vertu de l'article 148.0.2, s'attribuer les fonctions conférées au comité par le présent chapitre, auquel cas les articles 148.0.1, 148.0.2 et 148.0.4 à 148.0.18 et 148.0.21 à 148.0.24 s'appliquent au conseil, compte tenu des adaptations nécessaires.

148.0.4.     Le règlement visé à l'article 148.0.2 peut exiger que, préalablement à l'étude de sa demande d'autorisation, le propriétaire soumette au comité pour approbation un programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé. Le règlement peut aussi exiger que, si le programme est approuvé, le propriétaire fournisse à la municipalité, préalablement à la délivrance d'un certificat d'autorisation, une garantie monétaire de l'exécution de ce programme.

                  Ce programme ne peut être approuvé que s'il est conforme aux règlements de la municipalité. Pour déterminer cette conformité, le comité doit considérer les règlements en vigueur au moment où le programme lui est soumis, sauf dans le cas où la délivrance d'un permis de construction pour le programme proposé est suspendue en raison d'un avis de motion. Lorsque la délivrance des permis est ainsi suspendue, le comité ne peut approuver le programme avant l'expiration de la suspension ou avant l'entrée en vigueur du règlement de modification ayant fait l'objet de l'avis de motion si cette entrée en vigueur est antérieure à l'expiration de la suspension ; la décision du comité est alors rendue eu égard aux règlements en vigueur lors de cette décision.

                  […]

148.0.10.    Le comité accorde l'autorisation s'il est convaincu de l'opportunité de la démolition compte tenu de l'intérêt public et de l'intérêt des parties.

                  Avant de se prononcer sur une demande d'autorisation de démolition, le comité doit considérer l'état de l'immeuble visé par la demande, la détérioration de l'apparence architecturale, du caractère esthétique ou de la qualité de vie du voisinage, le coût de la restauration, l'utilisation projetée du sol dégagé et tout autre critère pertinent, notamment, lorsque l'immeuble comprend un ou plusieurs logements, le préjudice causé aux locataires, les besoins de logements dans les environs et la possibilité de relogement des locataires.

148.0.11.   Le comité doit, en outre, refuser la demande d'autorisation si le programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé n'a pas été approuvé ou si les frais exigibles n'ont pas été payés.

148.0.12.    Lorsque le comité accorde l'autorisation, il peut imposer toute condition relative à la démolition de l'immeuble ou à la réutilisation du sol dégagé. Il peut notamment déterminer les conditions de relogement d'un locataire, lorsque l'immeuble comprend un ou plusieurs logements.

                  […]

148.0.15.   Lorsque le comité accorde l'autorisation, il peut fixer le délai dans lequel les travaux de démolition doivent être entrepris et terminés.

                  Délai modifié.

                  Il peut, pour un motif raisonnable, modifier le délai fixé, pourvu que demande lui en soit faite avant l'expiration de ce délai.

148.0.16.   Si les travaux de démolition ne sont pas entrepris avant l'expiration du délai fixé par le comité, l'autorisation de démolition est sans effet.

                  Prolongation du bail.

                  Si, à la date d'expiration de ce délai, un locataire continue d'occuper son logement, le bail est prolongé de plein droit et le locateur peut, dans le mois, s'adresser à la Régie du logement pour fixer le loyer.

                  […]

148.0.18.   La décision du comité concernant la démolition doit être motivée et transmise sans délai à toute partie en cause, par courrier recommandé ou certifié.

148.0.19.    Toute personne peut, dans les 30 jours de la décision du comité, interjeter appel de cette décision devant le conseil.

                  Tout membre du conseil, y compris un membre du comité, peut siéger au conseil pour entendre un appel interjeté en vertu du premier alinéa.

148.0.20.    Le conseil peut confirmer la décision du comité ou rendre toute décision que celui-ci aurait dû prendre. »

Loi sur les cités et villes [58]  :

«  412.11.    Lorsque le comité accorde le permis, il peut imposer toute condition relative à la démolition de l'immeuble ou à la réutilisation du sol dégagé. Il peut notamment déterminer les conditions de relogement d'un locataire, lorsque l'immeuble comprend un ou plusieurs logements.

412.19.       Le conseil peut confirmer la décision du comité ou rendre toute décision que celui-ci aurait dû rendre. »

Code municipal du Québec [59]  :

«  505.    Lorsque le comité accorde le permis, il peut imposer toute condition relative à la démolition de l'immeuble ou à la réutilisation du sol dégagé. Il peut notamment déterminer les conditions de relogement d'un locataire lorsque l'immeuble comprend un ou plusieurs logements.

513.       Le conseil peut confirmer la décision du comité ou rendre toute décision que celui-ci aurait dû rendre. »

Loi d’interprétation [60]   :

«  41. Toute disposition d'une loi est réputée avoir pour objet de reconnaître des droits, d'imposer des obligations ou de favoriser l'exercice des droits, ou encore de remédier à quelque abus ou de procurer quelque avantage.

Une telle loi reçoit une interprétation large, libérale, qui assure l'accomplissement de son objet et l'exécution de ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin. »

Règlement 668 : Règlement sur la démolition de bâtiments principaux [61]  :

«          1.1.4    démolition interdite sans permis

                        Nul ne peut procéder à la démolition d’un bâtiment principal à moins que le propriétaire n’ait au préalable obtenu un permis à cet effet.

                        Nonobstant ce qui précède, un bâtiment détruit à plus de 50% et qui ne peut être reconstruit à partir de la même structure n’est pas assujetti au présent règlement.

2.3       obligation du comité

            Le Comité doit décider des demandes de permis de démolition qui lui sont présentées, et exercer tout autre pouvoir que lui confère le présent règlement.

2.7       immunité

            Un membre du Conseil ne peut être poursuivi en justice en raison d’un acte officiel accompli de bonne foi en vertu du présent règlement.

3.2       contenu minimal d’une demande

               Toute demande de permis de démolition doit contenir les renseignements et documents suivants :

a)      le nom, l’adresse et le numéro de téléphone du requérant ou de son représentant autorisé ;

b)      l’identification et la localisation de tout bâtiment devant faire l’objet d’une démolition ;

c)      des photographies de l’immeuble devant faire l’objet de la démolition ;

d)      la date à laquelle les travaux de démolition sont projetés et le délai requis pour effectuer cette démolition ;

e)      la nature des usages existants et projetés ;

f)       un plan officiel de cadastre pour le terrain sur lequel la démolition est projetée avec indication et description de toute servitude, le cas échéant ;

g)      un certificat de localisation à jour ;

h)      un plan d’implantation de tout bâtiment et aménagement projetés ;

i)       le programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé par la démolition projetée.

3.5       approbation du programme de réutilisation du sol dégagé

Contenu et forme du programme

Préalablement à l’étude de la demande de permis de démolition par le Comité, le requérant doit soumettre à ce dernier, pour approbation, un programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé.

Le programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé doit :

a)         préciser les aménagements proposés lorsqu’il est prévu que l’emplacement demeurera vacant;

b)         préciser les utilisations et les aménagements proposés lorsque lesdites utilisations ne comprennent pas la construction d’un ou plusieurs bâtiments principaux;

c)         préciser la superficie, la hauteur et, au moyen d’un plan préliminaire (coupe, élévation et plan type d’étage), les caractéristiques architecturales et les usages projetés des bâtiments qui seront construits sur l’emplacement.  Lorsqu’il s’agit d’un bâtiment résidentiel, le programme doit préciser le nombre et la superficie des logements projetés;

d)         spécifier le délai de réalisation des travaux prévus.

            Conditions d’approbation

            Le Comité ne peut approuver le programme de réutilisation du sol dégagé que s’il est conforme aux règlements de la Ville.  Pour déterminer cette conformité, le Comité doit considérer les règlements en vigueur au moment où le programme lui est soumis, sauf dans le cas où la délivrance d’un permis de construction pour le programme proposé est suspendue en raison d’un avis de motion.  Lorsque la délivrance des permis est ainsi suspendue, le Comité ne peut approuver le programme avant l’expiration de la suspension ou avant l’entrée en vigueur du règlement de modification ayant fait l’objet de l’avis de motion si cette entrée en vigueur est antérieure à l’expiration de la suspension; la décision du Comité est alors rendue eu égard au règlement en vigueur lors de cette décision.

Approbation du Comité

            Si le Comité approuve le programme préliminaire de réutilisation du sol dégagé, il procède alors à l’étude de la demande de permis de démolition conformément aux dispositions du présent règlement.

3.13     transmission de la décision

            La décision du Comité concernant la délivrance ou le refus du permis de démolition doit être motivée et transmise sans délai à toutes les parties en cause, par courrier certifié, recommandé ou par huissier.

            Le Comité accorde le permis s’il est convaincu de l’opportunité de la démolition compte tenu de l’intérêt public et de l’intérêt des parties.  Avant de se prononcer sur une demande de permis de démolition, il doit considérer :

a)         l’état de l’immeuble visé dans la demande;

b)         la détérioration de l’apparence architecturale et du caractère esthétique ou de la qualité de vie du voisinage causée par la démolition de l’immeuble visé dans la demande;

c)         le coût de la restauration de l’immeuble visé dans la demande;

d)         l’utilisation projetée du sol dégagé;

e)         lorsque l’immeuble visé dans la demande comprend un ou plusieurs logements, le préjudice causé aux locataires, les besoins de logements dans les environs et la possibilité de relogement des locataires;

f)          tout autre critère pertinent.

3.14     conditions établies par le comité

            Lorsque le Comité accorde le permis de démolition, il peut imposer toute condition relative à la démolition de l’immeuble ou à la réutilisation du sol dégagé, il peut notamment :

a)         déterminer les conditions de relogement d’un locataire lorsque l’immeuble comprend un ou plusieurs logements;

b)         obliger la réutilisation du sol dégagé par la démolition selon les termes du programme préliminaire de réutilisation du sol déposé lors de la demande;

c)         fixer le délai dans lequel les travaux de démolition doivent être entrepris et terminés.

3.15     appel au conseil

            Tout intéressé peut, dans les trente (30) jours de la décision du Comité, interjeter appel de cette décision devant le Conseil.  L’appel est formé en transmettant au greffier, dans le délai susmentionné, un avis écrit à cet effet.

3.16     décision du conseil

            Le Conseil peut confirmer la décision du Comité ou rendre toute autre décision du Conseil qui doit être rendue par résolution à la séance régulière suivant la réception par le greffier de l’avis d’appel.

3.17     délivrance du permis de démolition

            Aucun permis de démolition ne peut être délivré avant l’expiration du délai de trente (30) jours prévu par l’article 3.12 de ce règlement ni, s’il y a eu appel en vertu dudit article, avant que le Conseil n’ait rendu une décision autorisant la délivrance d’un tel permis.

            Le permis est délivré par un employé du Service de l’urbanisme et de l’environnement.

            […]

4.1       contraventions au présent règlement

            Commet une infraction toute personne qui :

            a)         procède ou fait procéder à la démolition d’un bâtiment principal sans avoir, au préalable, obtenu un permis de démolition;

            b)         ne respecte pas une ou plusieurs des conditions édictées en vertu de l’article 3.11 de ce règlement;

            c)         refuse de laisser pénétrer le secrétaire du Comité ou la personne qu’il désigne sur les lieux.

4.2       travaux non terminés et frais de démolition

            Si les travaux ne sont pas terminés dans le délai fixé, le Conseil peut les faire exécuter et en recouvrer les frais du propriétaire.  Ces frais constituent une créance prioritaire sur le terrain où est situé l’immeuble au même titre et selon le même rang que les créances visées au paragraphe 5 de l’article 2651 du Code civil du Québec; ces frais sont garantis par une hypothèque légale sur ce terrain.

4.3       initiatives des poursuites judiciaires

            Quiconque procède ou fait procéder à la démolition d’un immeuble sans permis ou à l’encontre des conditions du permis est passible d’une amende d’au moins cinq mille dollars (5 000 $) et d’au plus vingt-cinq mille dollars (25 000 $).

            De plus, cette personne peut être obligée à reconstruire l’immeuble démoli.  À défaut pour le contrevenant de reconstruire l’immeuble, le Conseil peut faire exécuter les travaux et en recouvrer les frais de ce dernier, auquel cas l’article 4.2 de ce règlement s’applique en l’adaptant.

            Quiconque refuse de laisser le secrétaire du Comité ou un employé du Service de l’urbanisme et de l’environnement pénétrer sur les lieux est passible d’une amende n’excédant pas cinq cents dollars (500 $).

            […] »

Règlement de construction #468 [62]  :

« 3.5.3    délais de validité pour le certificat d’autorisation pour la démolition d’une construction

Un certificat d’autorisation pour la démolition d’une construction est valide pour une durée de deux (2) mois à compter de la date d’émission du certificat.

            Passé ce délai, le certificat d’autorisation devient nul et le projet de démolition doit faire l’objet d’une demande de renouvellement de certificat, celle-ci étant assujettie à toute condition pertinente fixée par ce règlement. »

 



*     Le présent jugement donne suite au jugement rectificatif rendu ce jour en vertu de l’art. 475 C.p.c . et, en conséquence, rectifie le jugement rendu le 31 mai 2011 par le Tribunal dans le présent dossier.

[1]     Loi sur les cités et villes , L.R.Q., c. C-19, art. 412.11 et Code Municipal du Québec , L.R.Q., c. C-27.1, art. 505 , entrés en vigueur le 1 er octobre 1980, L.Q. 1979, c. 48, art. 120, 123 et 146, et abrogés le 1 er janvier 2006, L.Q. 2005, c. 6, art. 194.

[2]     L.R.Q. c. C-19.

[3]     L.R.Q. c. A-19.1.

[4]     L.R.Q. c. C-12.

[5]     Pièce P-6.

[6]     Pièce P-2.

[7]     Extrait de la décision UR-2007-041A, pièce D-4.

[8]     Pièce D-4.

[9]     Fondée sur les articles 110 et suivant du Code de procédure civile.

[10]    Voir réponse amendée, par. 39.

[11]    [1991] 1 R.C.S. 326 , 364.

[12]    Id ., p. 372.

[13]    Syndicat des employés de commerce de Rivière-du-Loup (section Émilio Boucher, C.S.N.) c. Turcotte , [1984] C.A. 316 .

[14]    Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine (Village) , préc., note 11, 345-346.

[15]    Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine (Village) , préc., note 11, 348-349.

[16]    Id ., 349-350.

[17]    [1985] C.A. 295 .

[18]    Harelkin c. Université de Régina , [1979] 2 R.C.S. 561 , 576.

[19]    Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine (Village) , préc., note 11, 365.

[20]    Id ., 372.

[21]    Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd ., [2000] 1 R.C.S. 342 ; United Taxi Drivers’ Fellowship of Southern Alberta c. Calgary (Ville), [2004] 1 R.C.S. 485 , par. 5.

[22]    Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd ., préc., note 21 .

[23]    United Taxi Drivers’ Fellowship of Southern Alberta c. Calgary (Ville) , préc., note. 21, par. 5; Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd ., préc., note 21, par. 28-29.

[24]    Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick , [2008] 1 R.C.S. 190 , par. 59.

[25]    [2010] 1 R.C.S. 427 , par. 33.

[26]    L.R.Q., c. C-47.1.

[27]    L.R.Q., c. I-16.

[28]    Voir Règlement, art. 3.2 (i), 3.5.

[29]    Art. 145.15 et suiv. L.A.U.

[30]    Pierre-André CÔTÉ, avec la collab. de Stéphane BEAULAC et Matthieu DEVINAT, Interprétation des lois , 4 e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2009, p. 441, par. 1401 à 1547.

[31]    L.R.Q. c. I-16.

[32]    L.Q. 2005, c. 6, art. 250; L.R.Q., c. C-47.1. Les dispositions relatives aux pouvoirs d’une municipalité locale de contrôler la démolition d’immeubles sur son territoire, auparavant incluses dans la Loi sur les cités et villes aux arts. 412.1 à 412-25 et dans le Code municipal aux articles. 495 à 519, ont été incorporées à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme aux articles. 148.0.1 à 148.0.26.

[33]    L.R.Q., c. C-19.

[34]    L.R.Q., c. C-27.1.

[35]    L.Q. 1979, c. 48, art. 120 et 123.

[36]    Jean-Pierre ST-AMOUR, Le droit municipal de l’urbanisme discrétionnaire au Québec , Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2006, p. 268-269, par. 607.

[37]    Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick , préc., note 24, par. 46 et 47.

[38]    Louis LEBEL, « De Dunsmuir à Khosa » , (2010) 55 McGill L.J. 311, 320-321.

[39]    [1979] 2 R.C.S. 227 , 237.

[40]    Pièce D-4.

[41]    Aucun règlement sur les plans d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) n’avait encore été adopté par Varennes.

[42]    Voir le certificat de localisation, pièce P-10, par. 9; art. 993- 996 C.c.Q.; art. 148.0.4 al. 2 L.A.U .

[43]    Pièce P-10.

[44]    Pièce P-10.

[45]    Pour le sens de l’expression « relative à », voir Québec (Procureur général) c. Paulin , 2007 QCCA 1716 , par. 52; pour le sens du terme «  for  » voir M. & D. Farm Ltd . c. Société du crédit agricole du Manitoba , [1999] 2 R.C.S. 961 , par. 29.

[46]    Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick , préc., note 24, par. 47; voir aussi Louis LEBEL, «De Dunsmuir à Khosa », (2010) 55 McGill L.J. 311.

[47]    [2004] 3 R.C.S. 304 , par. 15.

[48]    L.R.Q. c. C-19.

[49]    Pièce P-4.

[50]    Pièce P-14.

[51]    Pièce P-10.

[52]    Pièce P-10.

[53]    Pièce P-4.

[54]    L.R.Q. c. C-25.

[55]    L.Q. 1991, c. 64.

[56]    L.R.Q. c. C-12.

[57]    L.R.Q. c. A-19.1.

[58]    L.R.Q., c. C-19; les arts. 412.11 et 412.19 de cette loi sont entrés en vigueur le 1 er octobre 1980 et ont été abrogés le 1 er janvier 2006.

[59]    L.R.Q., c. C-27.1; les arts. 505 et 513 de ce Code sont entrés en vigueur le 1 er octobre 1980 et ont été abrogés le 1 er janvier 2006.

[60]    L.R.Q., c. I-16.

[61]    Pièce D-7.

[62]    Pièce D-8.