9165-8591 Québec inc. (Foresterie D. Daigle inc.) c. Yamaha Moteur Canada ltée

2011 QCCQ 5809

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT  D'

ABITIBI

LOCALITÉ D’

AMOS

« Chambre civile »

N° :

605-32-002427-101

 

 

 

DATE :

25 mai 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

CLAUDE BIGUÉ, J.C.Q.

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9165-8591 QUÉBEC INC. , faisant affaires sous la raison sociale de Foresterie D. Daigle inc.

Demanderesse

c.

YAMAHA MOTEUR CANADA LTÉE

Défenderesse

 

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JUGEMENT

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[1]            Il s’agit d’une réclamation contre le fabricant d’un véhicule tout-terrain en raison du mauvais fonctionnement prématuré du bien vendu.

QUESTIONS EN LITIGE :

[2]            Le problème survenu au véhicule résulte-t-il d’un défaut de fabrication ou d’un usage abusif?

[3]            Le fabricant du véhicule a-t-il des obligations envers l’acheteur du véhicule même si la garantie conventionnelle de six mois est expirée, dans des circonstances où le véhicule n’a parcouru que 315 kilomètres?

[4]            La présomption de l’article 1729 du Code civil du Québec, concernant la présence d’un vice caché en cas de mauvais fonctionnement prématuré ou de  détérioration prématurée, trouve-t-elle application?

LES FAITS :

[5]            Le 31 janvier 2010, la demanderesse achète un véhicule hors route de marque Rhino 700 chez un concessionnaire Yamaha, Mont-Laurier Sport inc. Le prix est de     17 915,87 $, taxes incluses.

[6]            Le véhicule est destiné à servir aux activités de l’entreprise et aussi pour les besoins personnels de son propriétaire, monsieur Denis Daigle. Pour l’entreprise, le véhicule servira au mesurage de l’inventaire forestier et à la délimitation des aires d’intervention en forêt. Pour M. Daigle, le véhicule servira à la promenade en forêt, au déneigement de l’entrée de cour et pendant la période de chasse à l’orignal.

[7]            Livré en janvier 2010, le véhicule n’est pas utilisé avant le mois d’avril. À l’été, il sert à l’inventaire forestier.

[8]            Vers le 3 octobre 2010, le véhicule est apporté au camp de chasse de M. Daigle. Un orignal est abattu à 400 pieds du camp de chasse; le véhicule est utilisé par le fils de M. Daigle, pour ramener l’orignal abattu au camp.

[9]            Une semaine plus tard, le 10 octobre 2011, M. Daigle est au camp. Il se rend compte, en démarrant le véhicule, que le moteur ne tourne pas rond et qu’il connaît des ratés. Il parcourt 50 pieds, le véhicule s’arrête. Il redémarre et parcourt un demi-kilomètre. Là, le véhicule s’arrête pour de bon.

[10]         Le véhicule est sorti de la forêt et ramené chez le frère de M. Daigle, puis chez le commerçant à Mont-Laurier.

[11]         Le diagnostic tombe : il en coûtera 5 513,75 $ pour réparer le moteur et la transmission. M. Daigle ne fait pas la preuve directe de cette estimation, mais l’ordre de grandeur est réaliste puisque la défenderesse a estimé que le seul coût des pièces de remplacement, sans les taxes et sans le coût de la main-d’œuvre, s’établit à 2 626,91 $.

[12]         Des communications ont lieu entre le client, le commerçant et le fabricant. Ce dernier refuse d’absorber le coût de la réparation, invoquant un usage abusif et aussi l’expiration de la garantie. Le commerçant adopte la même position de refus.

[13]         M. Daigle laisse le véhicule chez le commerçant. Insatisfait des réponses obtenues, M. Daigle intente le présent recours contre le fabricant, invoquant le mauvais fonctionnement prématuré du bien, au sens de l’article 1729 du Code civil du Québec .  

[14]         La réclamation se détaille ainsi :

Ø   Coût de la réparation selon l’estimation :                             5 513,75 $

Ø   Troubles, inconvénients et perte de jouissance :                 1 486,25 $

TOTAL RÉCLAMÉ :                                                   7 000,00 $

ANALYSE :

[15]         La Loi sur la protection du consommateur [1] ne peut trouver application pour décider de la présente demande. La demanderesse, une personne morale qui exploite une entreprise de foresterie, n’est pas un consommateur au sens de cette Loi.

- La garantie conventionnelle :

[16]         Une garantie conventionnelle de six mois s’appliquait à cette vente. Cette garantie a pris fin le 31 juillet 2010. La garantie est expirée depuis deux mois et onze jours au moment où le bris est survenu, le 10 octobre 2010.

[17]         Le calcul de la période de couverture de la garantie, en l’absence d’une stipulation contraire, a comme point de départ le 31 janvier 2010, date de la livraison du bien, et non la date où l’acheteur aurait commencé à utiliser le véhicule, ce qui se situe vers le mois d’avril 2010. La garantie conventionnelle ne peut pas servir pour régler le présent litige.

- La garantie légale du vendeur :

[18]         La solution au présent litige sera décidée en fonction des dispositions du Code civil du Québec concernant la garantie légale de qualité à laquelle est tenu le vendeur.

[19]         La vente a été faite par un vendeur professionnel, Mont-Laurier Sport inc. En vertu de l’article 1729 du Code civil du Québec , le vice allégué, qui s’est manifesté le 10 octobre 2010, est présumé avoir existé au moment de la vente.

[20]         Cependant, cette présomption peut être repoussée si la défenderesse démontre une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.

[21]         La défenderesse a démontré de façon prépondérante que le véhicule avait forcé de façon excessive, tant au niveau du moteur que de la transmission.

[22]         Monsieur Denis Daigle ne connaît rien dans la mécanique. Il a expliqué que, une semaine avant la survenance du bris, son fils de 22 ans avait utilisé le véhicule pour ramener dans le sentier un orignal abattu, sur une distance de 30 pieds, puis pour le ramener au camp de chasse, sur une distance d’environ 400 pieds. Monsieur Denis Daigle n’était pas présent quand l’orignal a été abattu.

[23]         Le fils n’est pas venu témoigner pour expliquer ce qui s’est passé le 3 octobre quand il a utilisé le véhicule pour sortir l’orignal de la forêt. Les affirmations de M. Daigle rapportant les propos de son fils, ne sont pas recevables, constituant une preuve par ouï-dire, en plus d’être incomplètes quant aux circonstances de l’utilisation du véhicule  par le fils. 

[24]         Le véhicule n’a pas été utilisé entre le 3 et le 10 octobre 2010. Avant le 3, il fonctionnait très bien. Après le 10, il ne fonctionnait plus. L’article 2849 du Code civil du Québec permet au Tribunal d’en déduire une présomption de faits.

[25]         De plus, les représentants de Mont-Laurier Sport inc., ainsi que le représentant de Yamaha Moteur Canada inc., ont exposé de façon convaincante, par prépondérance de preuve, que le bris du véhicule était attribuable à une surchauffe due à l’utilisation qu’en a fait le fils du propriétaire. Sans prêter de mauvaises intentions au fils de M. Daigle, il s’agit d’une situation qui correspond à la notion de « mauvaise utilisation du bien » par l’acheteur, ou par les personnes qu’il a autorisées à se servir du bien, et ceci, au sens de l’article 1729 du Code civil du Québec . Dans la Loi sur la protection du consommateur , on réfère plutôt à l’expression « d’usage abusif du consommateur ». Cependant, le Tribunal précise qu’aucune des parties n’est de mauvaise foi.

[26]         De son côté, et en toute bonne foi, M. Daigle ne peut pas expliquer ce qui s’est réellement passé le 3 octobre 2010, quand son fils a utilisé le véhicule, puisqu’il n’était pas présent. Il est bien surpris qu’un problème puisse survenir quand un véhicule n’a que 315 kilomètres au compteur, mais il n’est pas en mesure de faire la preuve prépondérante de ses allégations. Ainsi, M. Daigle ne rencontre pas les exigences de l’article 2803 du Code civil du Québec, en matière de preuve :

«Art. 2803        Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.»

[27]         La défenderesse a repoussé la présomption de l’article 1729 du Code civil du Québec . Elle a fait une preuve convaincante que le problème survenu au véhicule en octobre 2010 est attribuable à l’utilisation du véhicule et non à un défaut imputable au  fabricant ou manufacturier.

[28]         Pour ces raisons, le recours de la demanderesse ne peut pas réussir.

- Les frais de remisage :

[29]         Les parties avaient tenté de régler leur différend à l’amiable, sans toutefois y parvenir. Il a alors été convenu que le litige serait soumis à la division des petites créances de la Cour du Québec.

[30]         Il y avait eu entente avec Mont-Laurier Sport inc. à l’effet que le véhicule demeurerait à l’établissement de ce commerçant tant que le litige n’aurait pas été tranché par la Cour. Ce remisage ne comportait aucuns frais pour Foresterie D. Daigle.

[31]         Le litige entre les parties, de nature contractuelle, est maintenant résolu par la Cour en application des principes de droit pertinents à un contrat de vente.

[32]         La demanderesse pourra donc aller chercher son véhicule chez Mont-Laurier Sport inc., sans payer de frais pour le récupérer. L’entreprise de M. Daigle devra par contre assumer les frais de transport du véhicule pour le ramener à Senneterre. M. Daigle pourra aussi décider s’il confie la réparation du véhicule à Mont-Laurier Sport inc. ou à un autre commerçant.

- Frais de témoins et dépens :

[33]         Les témoins convoqués ont tous renoncé à la taxation. Il n’y a donc pas de frais de témoin.

[34]         Tous sont de bonne foi : dans ces circonstances, chaque partie assumera ses frais de Cour.

[35]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[36]         REJETTE la demande de la demanderesse.

[37]         PREND acte de la renonciation par tous les témoins à leurs frais.

[38]         CHAQUE partie payant ses frais.

 

 

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CLAUDE BIGUÉ, J.C.Q.

 

 

 

 

 

Date d’audience :

27 avril 2011

 



[1] Loi sur la protection du consommateur , L.R.Q., c. P-40.1, ci-après appelée la L.P.C. ou la Loi.