[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Vancouver (Colombie-Britannique) , le 6 juin 2011
En présence de madame la juge Snider
ENTRE :
|
|
|
|
|
|
et
|
|
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
|
|
|
|
|
|
|
|
|
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Le demandeur, Masoud Mosavat, est un citoyen iranien qui est arrivé au Canada en décembre 2008. Il a immédiatement demandé l’asile en raison de sa présumée homosexualité. Le demandeur prétend avoir entretenu une relation à long terme avec un homme (S). Dans une décision datée du 4 décembre 2009, un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés (la SPR), a rejeté la demande d’asile du demandeur au motif que la SPR n’a pas estimé le demandeur crédible.
[2] Le 12 mai 2010, le demandeur a présenté une demande d'examen des risques avant le renvoi (ERAR). Dans une décision datée du 6 août 2010, un agent d’ERAR (l’agent) a rejeté sa demande d’ERAR. L’agent avait admis la preuve que les homosexuels souffrent de persécution en Iran et que les relations sexuelles homosexuelles consentantes y constituent un crime punissable de la peine de mort. Cependant, l’agent a jugé que la preuve fournie par le demandeur était insuffisante pour établir qu’il était homosexuel.
[3] Le demandeur veut maintenant faire annuler la décision concernant l’ERAR.
II. La question en litige
[4] La présente demande ne soulève qu’une question :
Est-ce que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas une audience parce que le nouvel élément de preuve du demandeur soulevait une question sérieuse concernant sa crédibilité?
III. Analyse
A. Le cadre légal
[5] Les demandes d’ERAR sont habituellement étudiées en fonction des observations écrites et de la preuve documentaire du demandeur. L’alinéa 113 b ) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés , L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR ou la Loi) prévoit qu’une audience peut être tenue « si le ministre l'estime requis[e] compte tenu des facteurs réglementaires ».
[6]
L’article
Pour l’application de l’alinéa 113 b ) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :
a
) l’existence d’éléments
de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles
b ) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection; c ) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection. |
For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113( b ) of the Act, the factors are the following: ( a ) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;
( b ) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and ( c ) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection. |
B. La norme de contrôle
[7] La première question à laquelle il faut répondre est : laquelle des normes de contrôle faut-il appliquer à la décision de l’agent de ne pas convoquer une audience? Le demandeur soutient que cette question est une interprétation légale, à laquelle s’applique la norme de la décision correcte. Le défendeur allègue que cette question en est une d’équité procédurale et nécessite la norme de la décision correcte.
[8]
La
jurisprudence de la Cour fédérale concernant la norme de contrôle appropriée
est divergente. Par exemple, voir :
Sen c. Canada (Ministre de la
Citoyenneté et de l’Immigration)
, 2006 CF 1435, et
Hurtado
Prieto c. Canada (Citoyenneté et Immigration)
,
[9]
Selon
moi, la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité. La tâche
de l’agent est d’analyser la pertinence de tenir une audience compte tenu du
contexte particulier d’un dossier et d’étudier les faits en question à la
lumière des facteurs prévus à l’article
[10] Concernant cette norme, la Cour ne peut intervenir que si la décision de l’agent n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » ( Dunsmuir , au paragraphe 47).
C. La nécessité d’une audience
[11]
Une
audience est seulement nécessaire si
tous
les facteurs prévus à l’article
[12] La preuve démontrant l’homosexualité du demandeur est essentielle à la décision. De plus, l’agent a reconnu l’existence d’un risque pour les homosexuels en Iran. Il est logique de croire que si l’agent avait admis la preuve de l’homosexualité du demandeur, la preuve aurait justifié l’acceptation de la demande d’ERAR. La seule question est de savoir si la preuve soulève une question sérieuse concernant la crédibilité du demandeur.
[13]
Comme
l’a étudié le juge Zinn dans l’affaire
Ferguson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)
,
[14]
Dans
ce contexte légal, si justement établi par le juge Zinn, il y a eu des
affaires pour lesquelles la Cour a conclu que l’agent d’ERAR avait rendu une
décision « déguisée » en matière de crédibilité (voir, par
exemple,
Begashaw c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration)
,
[15] Dans sa demande d’ERAR, le demandeur a inclus de volumineuses observations déclarant son homosexualité. Le demandeur a aussi joint à sa demande plusieurs autres éléments de preuve qui ont été admis par l’agent en tant que « nouvelle preuve ». Je mets en doute le fait que ces éléments de preuve étaient réellement « nouveaux » au sens du paragraphe 113 a ) de la LIPR, puisqu’ils constituent le genre de preuve documentaire qui aurait pu et aurait dû être présentée au cours de l’audience du demandeur devant la SPR. Toutefois, je n’ai pas à trancher sur cette question, car l’agent a admis et étudié tous les documents présentés en tant que « nouveaux ».
[16] Lors de mon évaluation de la décision de l’agent, j’ai fait les deux observations suivantes :
1. Le demandeur a le fardeau de la preuve lorsqu’il s’agit d’une demande d’ERAR (voir, par exemple, Ferguson , au paragraphe 21);
2. La SPR a conclu que l’allégation du demandeur selon laquelle il était homosexuel n’était pas crédible. Comme l’a noté la SPR au paragraphe 18 de sa décision :
En raison du témoignage qui a changé à de nombreux égards sans explication satisfaisante, je conclus que cet incident clé n’a pas eu lieu. Cela, doublé d’un manque de preuves à l’appui et d’un témoignage vague au sujet de son style de vie me portent à conclure que le demandeur d’asile n’est pas homosexuel . [Non souligné dans l’original.]
[17] En somme, le demandeur essayait de démontrer que la SPR faisait erreur. Pour se décharger de son fardeau, le demandeur devait présenter une preuve d’une valeur probante suffisante pour démontrer que, si elle avait été soumise à la SPR, elle aurait influencé l’issue de l’audience.
[18] Dans cette optique, les seules affirmations émises par le demandeur selon lesquelles il était homosexuel sont insuffisantes pour le décharger de son fardeau; il avait déjà fait de telles allégations à la SPR. Il n’était pas déraisonnable pour l’agent de conclure que les affirmations intéressées du demandeur selon lesquelles il avait assisté à une parade de la fierté gaie et qu’il était membre du [ traduction ] « centre communautaire gai sur la rue Dave [sic], à Vancouver » étaient insuffisantes pour démontrer que le demandeur était homosexuel.
[19] Il ne reste que les divers documents présentés par le demandeur. Il me semble que, lorsqu’un demandeur essaie de démontrer que la SPR a tiré une conclusion erronée, la « nouvelle » preuve doit être claire et convaincante. Selon moi, l’agent a raisonnablement conclu qu’aucun élément de preuve n’était suffisant pour atteindre ce seuil. Spécifiquement :
[20] Le seul autre élément de preuve était le résultat d’une recherche du nom du demandeur sur Internet réalisée par l’agent. L’agent a découvert des profils sur deux sites de réseautage social qui semblaient appartenir au demandeur et qui indiquaient qu’il cherchait à rencontrer des femmes, contrairement à son affirmation selon laquelle il était homosexuel. Ils ont été présentés au demandeur le 26 juillet 2010. Le demandeur n’a pas contesté que les profils étaient les siens et il a expliqué qu’il était bisexuel.
[21] Dans sa décision, l’agent a examiné les réponses du demandeur de manière assez détaillée. Les observations de l’agent, si elles sont prises en considération séparément, semblent remettre en question la crédibilité du demandeur. Cependant, selon moi, ces remarques ne sont vraiment pas pertinentes quant à la décision dans son ensemble. Les profils des sites Web ne présentaient pas le demandeur en tant qu’homosexuel ou bisexuel. En d’autres mots, ils ne représentaient pas une preuve étayant l’allégation du demandeur. Bien que les profils puissent être considérés comme contredisant l’allégation du demandeur, l’agent n’a pas rejeté la demande pour cette raison. L’explication du demandeur, se révélant une autre allégation sans preuve de son orientation sexuelle, était aussi insuffisante pour le décharger de son fardeau. Les profils Internet et les explications du demandeur pour ceux-ci ne soulèvent pas une question sérieuse quant à la crédibilité du demandeur en ce qui concerne sa demande d’ERAR.
IV. Conclusion
[22] En somme, je suis convaincue que l’évaluation de la preuve par l’agent à savoir si elle répondait aux exigences du paragraphe 167 a ) du Règlement était raisonnable. En d’autres mots, il était raisonnable pour l’agent de conclure qu’il n’y avait pas de « nouvel » élément de preuve qui pouvait soulever une question sérieuse quant à la crédibilité, tel que le prévoit le paragraphe 167 a ) du Règlement. Une audience n’était pas nécessaire. La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[23] Aucune des parties n’a soumis de question aux fins de certification.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que :
1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;
2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.
« Judith A. Snider »
Juge
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne , traductrice-conseil
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-6385-10
INTITULÉ : MASOUD MOSAVAT c. MCI et al .
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (C.-B.)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 1 er juin 2011
DATE DES MOTIFS : Le 6 juin 2011
COMPARUTIONS :
Gabriel Chand |
POUR LE DEMANDEUR
|
Edward Burnet
|
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Chand & Company Law Corporation Vancouver (C.-B.)
|
|
Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Vancouver (C.-B.)
|
|