Section des affaires sociales
En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière
Référence neutre : 2011 QCTAQ 05408
Dossier : SAS-Q-168311-1010
DANIEL LAGUEUX
ANDRÉE DUCHARME
c.
SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC
[1] Le requérant conteste la décision en révision du Service de l’évaluation médicale de l’intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec (la Société), rendue le 17 août 2010.
[2] Cette décision maintient la suspension du permis de conduire du requérant. Selon la Société, les évaluations fonctionnelles effectuées par un ergothérapeute et le test sur route subit par le requérant démontrent qu’il ne peut conduire un véhicule routier de façon sécuritaire en raison de troubles cognitifs.
[3] De la preuve documentaire au dossier, le Tribunal retient les éléments pertinents suivants.
[4] Le requérant, alors âgé de 70 ans, est hospitalisé pendant une période de 41 jours, soit du 29 août au 9 octobre 2009. Il a connu des étourdissements et une chute à son domicile.
[5] Au dossier hospitalier, il est indiqué que le requérant est atteint de la maladie de Parkinson depuis 2006. Comme diagnostic on mentionne aussi un déficit cognitif progressif et une démence à corps de Léwy [1] probable.
[6] Pendant son hospitalisation, le requérant est évalué en ergothérapie le 10 septembre 2009. Notamment, l’examen de Folstein sur l’état mental donne un résultat de 20/30, le situant sous le 5 e percentile par rapport à l’âge et à la scolarité. Le test de l’horloge révèle une reproduction désorganisée.
[7] L’ergothérapeute de l’hôpital fait l’analyse suivante [2] :
« Globalement, monsieur présente une diminution de son rendement occupationnel notamment au niveau de la réalisation des AVD’s en raison de ses troubles cognitifs importants. Tel qu’observé lors des évaluations, ses difficultés (c.f. dimension cognitive ci-haut) ont un impact dans la réalisation des activités occupationnelles dont la prise de la médication, la gestion des biens, la préparation des repas et les habiletés requises à la conduite automobile [ … ] »
[8] Une évaluation de l’aptitude à conduire une automobile est alors recommandée.
[9] En date du 8 octobre 2009, le Dr Josée Vocelle complète un rapport médical à l’intention de la Société. Elle mentionne que le requérant souffre de troubles cognitifs (Folstein 20/30) et de Parkinson. Elle précise qu’il est limité dans ses mouvements (lenteur, tremblements de repos, nécessité d’aide à la marche). Il éprouve même des difficultés à s’orienter dans l’espace. Elle croit qu’un test sur route s’impose.
[10] Le 30 octobre 2009, la Société informe le requérant qu’il n’est plus autorisé à conduire un véhicule lorsqu’il est seul. Il devra fournir un rapport d’évaluation fonctionnelle et se soumettre à un test sur route pour démontrer sa capacité à conduire un véhicule automobile.
[11] Le rapport d’évaluation fonctionnelle est complété par une ergothérapeute accréditée le 2 février 2010. En premier lieu, le requérant a été soumis à un test en salle. Relativement à celui-ci, l’ergothérapeute fait les commentaires suivants [3] :
« Les résultats obtenus me permettent de douter fortement des capacités du client pour la conduite autonome et sécuritaire. En effet, ce dernier présente une faible reconnaissance des panneaux routiers, présente une lenteur notable au traitement de l’information et présente des difficultés attentionnelles.
[ … ] »
[12] Quant au test sur route, l’ergothérapeute en fait l’analyse suivante [4] :
« Il ressort de cette évaluation que le client ne présente pas les habiletés perceptivo-cognitives pour une conduite automobile autonome et sécuritaire. Plusieurs erreurs ont été notées et le moniteur a dû intervenir à quelques reprises. De plus, le client ne se rendait pas compte de ses erreurs et n’arrivait pas à les corriger [ ... ] »
[13] Le requérant est alors informé que son permis de conduire est suspendu à compter du 11 mars 2010 et ce, en raison des séquelles secondaires à sa maladie neurologique.
[14] Un nouvel examen médical a lieu le 8 juin 2010 par le Dr Robert Legendre. Celui-ci reprend les diagnostics antérieurs.
[15] Finalement, à l’audience le requérant dépose un nouvel examen de Folstein et un test de l’horloge, réalisés respectivement les 14 et 24 mars 2011 par le Dr André Vachon [5] . Le Folstein indique un résultat de 22/30. Or, il appert que le médecin a commis une erreur en additionnant les données. En effet, il a ajouté à son calcul le nombre d’essais (3) pour une des questions. Le résultat exact se trouve donc à être19/30.
[16] Lors de son témoignage, le requérant explique qu’il vit seul dans sa maison. Il fait ses repas mais il a de l’aide pour effectuer son ménage. Il a besoin de sa voiture pour faire ses commissions.
[17] Le test sur route ne s’est pas bien déroulé parce qu’il a eu lieu en hiver. Il est d’avis que la Société n’avait pas d’affaire à lui enlever son permis.
[18] Le frère cadet du requérant est présent à l’audience. Il explique que le requérant tient à utiliser tous les recours disponibles pour récupérer son permis.
[19] Le fait d’être privé de son droit de conduire constitue une perte de son autonomie. Toutefois, il peut bénéficier de l’aide de ses autres frères qui résident dans la même municipalité, dont un qui demeure dans la même rue.
[20] Les dispositions législatives qui s’appliquent au présent cas sont les suivantes. Tout d’abord, le Code de la sécurité routière [6] énonce ce qui suit :
« 191. La Société doit suspendre un permis d'apprenti-conducteur et un permis probatoire ou un permis de conduire ou une classe de ceux-ci lorsque le titulaire de l’un ou plusieurs de ces permis, selon un rapport d’examen ou d’évaluation visé aux articles 64,73, 76.1.2 ou 76.1.4 ou un rapport visé à l’article 603, est atteint d’une maladie, d’une déficience ou se trouve dans une situation qui, suivant les normes concernant la santé établies par règlement, son essentiellement incompatibles avec la conduite d’un véhicule routier correspondant à l’un des permis ou à l’une des classes de permis qu’il possède. »
[21] Puis, l’article 47 du Règlement sur les conditions d’accès à la conduite d’un véhicule routier relatives à la santé des conducteurs [7] trouve application :
« SECTION VIII
MALADIES ET DÉFICIENCES DU SYSTÈME NERVEUX
47. Les troubles neurologiques entraînant des perturbations importantes des fonctions cognitives, de l’état d’éveil, de la conscience, des fonctions motrices ou sensitives, de l’équilibre ou de la coordination sont essentiellement incompatibles avec la conduite d’un véhicule routier. »
[22] La preuve médicale révèle que le requérant souffre de la maladie de Parkinson. De plus, sa condition entraine des troubles cognitifs qui l’affectent dans la réalisation de ses activités de la vie domestique (AVD).
[23] Trois examens de Folstein sur l’état mental du requérant réalisés de 2009 à 2011 donnent des résultats inférieurs aux attentes.
[24] Le rapport d’évaluation fonctionnelle préparé par une ergothérapeute démontre que les fonctions perceptivo-cognitives du requérant sont insuffisantes pour la conduite automobile. D'ailleurs, le test sur route a confirmé les appréhensions de celle-ci.
[25] Rappelons que c’est au requérant de démontrer par une preuve prépondérante le bien-fondé de ses prétentions. Or, ce n’est pas le cas ici.
[26] Le Tribunal est conscient que la perte du permis de conduire amène une perte d’autonomie pour la personne concernée. Toutefois, les dispositions du Code de la sécurité routière précitées sont strictes. Elles ont pour but d’assurer la sécurité du public et celle du requérant.
[27] POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
REJETTE le recours du requérant;
CONFIRME la décision du service de l’évaluation médicale de l’intimée en date du 17 août 2010.
Dussault, Mayrand avocats
Me Nadia Chrétien
Procureurs de la partie intimée