TRIBUNAL D’ARBITRAGE
(article
C A N A D A
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT D’IBERVILLE
No. de dépôt: 2011-6742
ASSOCIATION DES ENSEIGNANTES ET ENSEIGNANTS DE MONTRÉAL (MTA)
ET
COMMISSION SCOLAIRE ENGLISH MONTREAL (CSEM)
Grief no 887-151 (Priorité d’emploi)
Comparutions : Me Pierre Moreau pour la partie syndicale
Me Jean-François Séguin pour la partie patronale
Date d’audition : 28 avril 2011
Date de la décision : 17 juin 2011
[1] Les parties, d’un commun accord, me demandent de décider d’une objection de prescription du grief dont je suis saisi portant le numéro 887-151 daté du 14 mai 2009.
[2] Les parties ont aussi convenu de verser au dossier la preuve présentée lors de l’audition du 16 février 2010.
II - LE GRIEF :
[3] Le grief du 14 mai 2009 (887-151) se lit comme suit (S-3) :
«May 14, 2009
Ms. Sophia Kakouratos
Sirector of Human Resources
English Montreal School Board
6000, Fielding Avenue
Montreal, Qc H3X 1T4
Dear Ms. Kakouratos,
The purpose of this letter is to advise you that a grievance has arisen between the Montreal Teachers Association and the English Montreal School Board.
The fact
which gives rise to this grievance is the employment by the School Board of
teachers in part-time and full-time teaching posts in the discipline of
secondary mathematics who are not qualified for any teaching license that may
be issued by virtue of the Regulation Respecting Teaching Licenses, and this despite
the fact that there are no special circumstances that would have permitted the
authorization of such situations by virtue of section
Exemples of employees who have been engaged as mathematics teachers but are not legally qualified (as evidences by a list given to the union on May 7, 2009) are:
Adriano Campili Laurier Macdonald High School
Sabrina Ippolito FACE High School
Anthony Meades Lester B. Pearson High School
Sabrina Pacheco Lester B. Pearson High School
Examples of candidates who are legally qualified and who have applied for such positions are:
Gertie Shuster
Robert Shuster
The necessary corrective would be to compensate, with interest, any loss of revenue Ms. And Mr. Shuster may have suffered as a result of the Board’s failure to engage them for full-time posts in 2008-2009, and furthermore to henceforth engage them for available full-time or part-time posts.
We request a meeting at your earliest convenience in order to resolve this problem.
Please be advised, pursuant to clause 9-1.05 of the collective agreement, that the 21 st workday following this notice of grievance is June 15, 2009.»
[4] En bref, ce grief conteste le fait que la CSEM a engagé des enseignants non légalement qualifiés pour enseigner les mathématiques pour l’année scolaire 2008-2009 alors qu’il y avait des enseignants qualifiés qui ont posé leur candidature soit madame Gertie Shuster et monsieur Robert Shuster.
[5] L’Employeur prétend que ce grief, daté du 14 mai 2009, a été soumis hors des délais prévus à la clause 9-1.04 de la convention collective soit dans les 40 jours de travail de l’événement qui a donné naissance au grief.
III - LA PREUVE SUR L’OBJECTION :
1. Preuve de l’Employeur :
[6] Le procureur de l’Employeur fait entendre madame Gertie Shuster, plaignante.
[7] Elle affirme que le 10 novembre 2008, elle et son mari, Robert Shuster, ont informé le Syndicat MTA, lors d’une rencontre, qu’ils ont appris que la Commission scolaire engageait des enseignants non légalement qualifiés, Anthony Meades et Sabrina Ippolito, pour enseigner les mathématiques et demandaient au Syndicat de faire les démarches pour leur obtenir les postes de mathématiques attribués et compensation pour tout droit perdu.
[8] La même journée, les deux plaignants écrivaient à la représentant de MTA, Beverly Miller, la lettre qui suit (S-8) :
«Novembre 10, 2008
Dear Beverly,
We would like to thank you for meeting with us today to try to clarify how payment for substitute teaching is calculated.
We would also like to thank you for including our names on the grievance that the Montreal Teachers’ Association is filing against the English Montreal School Board for hiring under-qualified and uncertified personnel to fill teaching positions which have been denied to qualified and certified applicants.
In addition, if there is any other action you can take on our behalf to re-instate us to our teaching positions, we would appreciate that that be done as well.
We had four contrats from January 2005 through July 2008 at Marymount academy and acquired seniority rights during that time. Despite this and the fact that we repeatedly requested to be re-employed for the 2008-2009 school year, with the knowledge that vacancies existed, our requests were denied. Please be kind enough to keep un informed on an ongoing basis as to the status of this grievance and any other new developments.
We wish you well in your upcoming retirement.»
[9] Le 2 février 2009, madame Shuster a rencontré monsieur John Winrow (executive assistant of MTA) concernant le dépôt d’un grief relatif à l’engagement par la CSEM de professeurs non légalement qualifiés.
[10] Elle dit avoir été en contact avec le Syndicat de façon répétée (elle a parlé à monsieur Winrow plus de dix fois entre novembre 2008 et février 2009) à ce sujet.
[11] Elle se demandait pourquoi le Syndicat n’était pas capable d’obtenir l’information de la Commission scolaire. Elle était inquiète et exaspérée de la situation.
2. Preuve du Syndicat :
Témoin : monsieur John Winrow
[12] Il est employé du Syndicat MTA depuis 1976 à titre d’executive assistant. Son patron est la présidente du Syndicat, madame Ruth Rosenfield.
[13] Il est en contact régulier dans son travail avec la directrice des ressources humaines Sophia Kakouratos et avec madame Ann Watson, l’assistante directrice des ressources humaines qui s’occupe de l’application de la convention collective des enseignants notamment de l’engagement et des mouvements de personnel.
[14] Monsieur Winrow a reçu, en début de l’année scolaire 2007-2008, une plainte de monsieur et madame Shuster concernant une nouvelle clause de la convention collective en 2007 en vertu de laquelle les retraités ne pourraient pas être sur la liste de priorité (5-1.10.104, paragraphe d) de l’entente locale 2007). Cette clause a fait l’objet d’une plainte à la C.D.P.J. (E-1). Il leur a dit qu’il ne pouvait pas les aider.
[15] Monsieur Winrow confirme la rencontre de novembre 2008 avec les deux plaignants qui lui ont dit que des professeurs enseignaient les mathématiques alors qu’ils n’étaient pas légalement qualifiés.
[16] Il déclare qu’il a, suite à cette rencontre, procéder à vérifier la prétention de madame et monsieur Shuster auprès de la Commission scolaire afin de s’assurer de ce fait. Pour ce faire, monsieur Winrow nous dit qu’il y avait deux options possibles : soit (A) vérifier auprès des professeurs identifiés par madame Shuster leurs qualifications pour enseigner, en leur téléphonant, soit (B) aller chercher l’information directement à la Commission scolaire (CSEM).
[17] Monsieur Winrow a décidé de ne pas prendre l’option A parce qu’il pense que les professeurs ne connaissent pas bien les règles complexes de la qualification légale d’enseignement et parce qu’il ne voulait pas retourner les informations des professeurs contre eux-mêmes, étant eux aussi syndiqués avec le MTA.
[18] Monsieur Winrow a choisi l’option B parce que le Syndicat a le droit de connaître les qualifications des enseignants selon l’entente locale, clause 3-3.05 et annexe A (S-6).
[19] Il déclare que le Syndicat reçoit électroniquement l’information mentionnée à l’annexe A sauf le point 6 «qualifications légales» (brevets d’enseignement, permis d’enseigner, autorisation provisoire d’enseigner, tolérance, etc.).
[20] Il affirme avoir dit aux plaignants qu’il ne pouvait pas vérifier les qualifications par ce document. Il déclare que ce n’est pas nouveau que le Syndicat n’ait pas reçu l’information prévue au point 6 de l’annexe A.
[21] Le Syndicat a mis à l’ordre du jour du Comité de relations de travail (CRT) du 2 décembre 2008, le point suivant (S-7) :
«12. Grievances
New grievance
r) grievance non-legally qualifies teachers.»
[22] Monsieur Winrow affirme que lors de cette rencontre, la partie patronale a accepté de produire la preuve des informations demandées par la partie syndicale re : les qualifications légales.
[23] Le prochain CRT a eu lieu le 5 février 2009 où l’on retrouve au point 19 (S-9) :
«19. List of non-legally qualifies teachers.»
[24] La partie patronale n’avait pas l’information demandée. Au procès-verbal de la rencontre, il est mentionné au point 19 : «A. Watson will provide the list.»
[25] Le CRT suivant a eu lieu le 27 mars 2009, le point 16 mentionne (S-11) :
«List of non-legally qualifies teachers - can we have this please?»
[26] Le procès-verbal de ce CRT du 27 mars 2009 indique (S-12):
«Point 16. A Watson is having this list revised and cleaned up. It should be ready next week. R.Rosenfield has indicated that this list takes prioriry over the list required in #6.»
[27] Monsieur Winrow a envoyé un courriel à madame Watson, le 7 mai 2009, demandant immédiatement la liste des enseignants engagés en mathématiques. Madame Watson lui a répondu le même jour par courriel avec les noms de quatre (4) enseignants non légalement qualifiés (S-13). Il a, suite à cela, écrit le grief S-3 le 14 mai 2009.
[28] En contre-interrogatoire , monsieur Winrow reconnaît que c’est un fait qu’il y a manque de professeurs de mathématiques au Québec.
[29] Il reconnaît aussi qu’en vertu de l’entente locale, clause 5-1.10.103, le 15 juin de chaque année, la Commission scolaire doit faire la liste de priorité d’emploi et la remettre au Syndicat. Après le 15 juin, il a reçu des avis de poste vacant en mathématiques.
[30] Il ne présume pas que les personnes qui vont présenter leur candidature pour les postes de mathématiques seront nécessairement non qualifiés.
[31] Pour l’année 2008-2009, il y avait au moins deux postes en mathématiques où des professeurs étaient non-qualifiés, donc des postes que madame et monsieur Shusters auraient pu obtenir.
[32] Monsieur Winrow déclare que lors de la rencontre de novembre 2008, ils ont discuté de la possibilité d’un grief, oui, mais après vérification des assertions de madame et monsieur Shuster, selon lui.
[33] Il ne se souvient pas que les Shuster lui ont donné deux (2) noms de professeurs non légalement qualifiés.
[34] Il n’a pas téléphoné, entre novembre 2008 et mai 2009, aux quatre professeurs nommés au grief pour connaître leurs qualifications légales parce qu’il a choisi l’option B d’aller chercher l’information à la CSEM.
[35] Monsieur Winrow savait que la liste prévue à la clause 3-3.05 avec les informations de l’annexe A de l’entente locale était due le 31 octobre et à tous les mois suivants, incluant le point 6 de ladite annexe.
[36] Monsieur Winrow déclare qu’il n’a pas fait de grief pour obtenir la liste de la clause 3-3.05 parce qu’en CRT, il a reçu l’assurance à trois reprises que le MTA recevrait cette liste. Il a fait le choix d’attendre la liste promise par la Commission scolaire.
[37] Monsieur Winrow connaît la possibilité prévue à la clause 9-1.08 d’obtenir la prolongation des délais pour faire un grief. Il l’a déjà fait dans le passé. Dans le cas présent, il déclare qu’il fonctionnait sur un engagement de la Commission scolaire de lui donner les informations demandées.
[38] Réinterrogé par son procureur, monsieur Winrow déclare qu’il n’a pas choisi le plan A pour deux (2) raisons. D’abord parce qu’il n’était pas sûr que les professeurs lui donneraient leurs qualifications. Ensuite, parce qu’il ne voulait pas avoir à tourner les informations obtenues contre eux-mêmes, étant eux aussi syndiqués avec MTA.
IV - ARGUMENTATION DES PARTIES :
1. L’Employeur :
[39] Le procureur me soumet que monsieur Winrow connaissait la clause 9-1.08 (extension de délais) et il l’avait fait dans le passé. Il a choisi, ici, de ne pas le faire et d’attendre la Commission scolaire (plan B). Par prudence, le Syndicat aurait dû préserver ses droits en faisant grief dans le délai ou en obtenant une extension des délais selon 9-1.08.
[40] Le Syndicat aurait pu aussi vérifier avec les deux (2) professeurs dont il avait les noms en demandant les documents à ces professeurs. Mais le Syndicat ne voulait pas impliquer deux membres contre deux autres membres du même Syndicat. Il doit choisir et agir au profit de ceux qui ont raison. Le procureur plaide que la clause 3-3.05 de l’entente locale est claire, le Syndicat n’a pas fait de grief pour obtenir la liste.
[41] L’agenda du CRT du 2 décembre 2008 (S-7), préparé par la présidente du Syndicat, met à l’ordre du jour un grief concernant les enseignants non légalement qualifiés et madame Shuster avait l’impression que le Syndicat ferait grief lorsqu’elle écrit le même jour la lettre S-5 remerciant MTA de prendre action («…is filing…»).
[42] Le procureur me soumet que le 10 novembre 2008, le Syndicat était informé par madame Shuster, lors d’une rencontre à cet effet, que deux (2) professeurs (Meades et Ippolito) étaient non légalement qualifiés. Le délai pour faire le grief débutait à cette date.
[43] Le 2 février 2009, madame Shuster rencontre monsieur Winrow après une douzaine d’appels téléphoniques pour savoir ce qui arrive avec son grief. Rien n’avait été fait. Le Syndicat aurait dû encore une fois faire le grief.
2. Le Syndicat :
[44] Le procureur syndical me soumet que le déclencheur du grief c’est la liste du 7 mai 2009 (S-12). Il prétend que ce que les Shuster croient, c’est une opinion et non un événement déclencheur. Bref, la question est «quels sont les faits à l’origine du grief?»
[45] Le procureur me soumet que monsieur Winrow a choisi l’option B parce que la Commission scolaire a l’obligation de lui fournir l’information de l’annexe A, paragraphe 6, quand il le demande.
[47] La preuve démontre que la liste n’était pas prête parce que la Commission scolaire était en train de reviser ladite liste. Le Syndicat prétend qu’il n’avait pas à faire grief tant que la liste n’était pas prête. La Commission ne peut invoquer sa propre turpitude. Dans les circonstances, la Commission ne peut plaider la prescription du grief.
[47] Selon le procureur, je dois décider si monsieur Winrow aurait dû téléphoner les deux professeurs nommés par madame Shuster à savoir Sabrina Ippolito et Anthony Meades pour obtenir l’information.
3. Réplique de l’Employeur :
[48] Le procureur me soumet que la question est plus large que le plan A ou B.
[49] Le texte de la clause 3-3.05 oblige la Commission scolaire à fournir la liste complète avec les informations de l’annexe A. Le paragraphe 6 de l’annexe A n’est pas exclus de l’obligation prévue à la clause 3-3.05 et ne fonctionne pas sur la base du «need to know». C’est une obligation de la Commission scolaire.
V - DÉCISION :
[50] Les dispositions les plus pertinentes pour décider de la question soumise se lisent comme suit :
Entente locale
9-1.04
Le syndicat avise par écrit la commission de la naissance d’un grief. L’avis de grief doit être transmis à la commission dans les 40 jours de travail de l’événement qui a donné naissance au grief sous pli recommandé, par poste certifiée, par télécopieur, par remise de main à main ou par signification par huissière ou huissier. L’avis de grief soit contenir les principaux faits qui sont à son origine et, à titre indicatif, les articles ou les clauses concernés et le correctif requis et ce, sans préjudice.
9-1.05
Une copie de l’avis de grief doit être également transmise à l’APEQ et à l’ACSAQ par le syndicat. Le syndicat doit aussi indiquer la date du 21 e jour de travail qui suit la date de l’avis de grief.
9-1.08
Le syndicat et la commission peuvent convenir, par écrit, de prolonger le délai prévu à la clause 9-1.05. Dans ce cas, les parties doivent informer l’APEQ et l’ACSAQ de la nouvelle date aux fins d’application de la clause 9-1.07.
Entente locale (juin 2007
3-3.05
Au plus tard le 31 octobre au plus tard, la Commission scolaire fournit au Syndicat la liste complète des enseignantes et des enseignants ainsi que l’information requise selon l’Annexe A. Par la suite, au quinzième jour de chaque mois, la Commission scolaire fournit au Syndicat tous les changements apportés à la liste ou à l’information requise selon l’Annexe A.
ANNEXE A
1) Nom de l’enseignant(e)
2) Adresse
Numéro de téléphone
3) Nom de l’école
4) Type de congé
5) Type de contrat (temps plein, temps partiel, à la leçon)
6) Qualifications légales (brevet d’enseignement, permis d’enseigner, autorisation provisoire d’enseigner,. Tolérance, etc.)
7) Années d’expérience auprès de la Commission scolaire
8) Catégorie et échelon
9) Années d’expérience (conformément à l’article 6-4.00 de l’Entente provinciale)
10) Traitement d’enseignement, suppléments, traitement local
11) Éducation des adultes
a. Nom
b. Adresse
c. Numéro de téléphone
d. Nom du centre
[51] Par ce grief, le Syndicat, pour le compte de madame Gertie Shuster et monsieur Robert Shuster, prétend que la Commission scolaire a engagé des professeurs pour des postes à temps plein et à temps partiel en mathématiques qui ne sont pas légalement qualifiés pour enseigner alors que des professeurs légalement qualifiés (madame et monsieur Shuster) étaient disponibles pour ces postes.
[52] L’Employeur prétend que le grief daté du 14 mai 2009 est prescrit selon la clause 9-1.04 parce que soumis à plus de 40 jours de travail de l’événement qui a donné naissance au grief.
[53] L’Employeur situe l’événement ou sa connaissance au 10 novembre 2008 lorsque les plaignants ont rencontré monsieur John Winrow et madame Beverly Miller du MTA (Syndicat) pour leur signaler qu’ils ont appris que la Commission scolaire avait engagé des professeurs non légalement qualifiés pour enseigner les mathématiques. Les plaignants ont donné les noms de Anthony Meades et de Sabrina Ippolito aux représentants du Syndicat lors de cette rencontre.
[54] Les plaignants confirmaient par écrit le même jour leur rencontre et remerciaient le Syndicat d’inclure leur nom sur le grief que le Syndicat logeait contre la CSEM pour avoir engagé des personnes non qualifiées pour enseigner (S-5).
[55] La preuve révèle que le Syndicat n’a pas fait de grief avant le 14 mai 2009.
[56] Monsieur Winrow a témoigné qu’il avait deux (2) options suite à cette rencontre : soit (A) téléphoner aux professeurs Meades et Ippolito pour vérifier l’information reçu, soit (B) s’adresser à la Commission scolaire qui a l’obligation de fournir cette information en vertu de la clause 3-3.05 Annexe A, paragraphe 6 quand le Syndicat lui fait une demande (je note que selon la clause 3-3.05, l’obligation est de fournir aux dates prévues l’information de façon automatique et non pas à demande).
[57] Monsieur Winrow a déclaré avoir choisi l’option B à cause de son caractère obligatoire. Cependant, la liste prévue à la clause 3-3.05 n’était pas prête mais la preuve démontre que le Syndicat avait un engagement de la part de la Commission scolaire qu’elle lui fournirait la liste, engagement donné à trois (3) occasions lors de rencontres patronales-syndicales en Comité de relations de travail. C’est d’ailleurs pourquoi le Syndicat n’a pas fait de grief concernant la liste.
[58] La partie patronale plaide qu’en ne faisant pas de grief sur la liste de 3-3.05 et en ne demandant pas d’extension de délai selon 9-1.08, le grief du 14 mai 2009 est soumis hors délais.
[59] La partie syndicale réplique que le Syndicat n’avait pas à faire grief tant que la liste promise par la Commission n’est pas faite.
[60] Après réflexion, j’estime que l’on ne peut reprocher au Syndicat de ne pas avoir fait de grief sur la liste de 3-3.05 vu l’engagement de la Commission scolaire de lui fournir la liste, laquelle n’a été fournie que le 7 mai 2009 parce qu’elle n’était pas prête avant cette date.
[61] La Commission ne peut donc pas plaider la prescription du grief sur la base de la liste prévue à la clause 3-3.05 alors qu’elle n’a fourni cette liste qu’en mai 2009 parce que pas prête avant cette date. L’adage «nul ne peut invoquer sa propre turpitide» prend ici tout son sens.
[62] Par ailleurs, monsieur Winrow a témoigné qu’il avait l’option (A) de téléphoner aux professeurs mentionnés par les plaignants pour vérifier l’information obtenue concernant leur qualification légale.
[63] La partie syndicale pose la question à savoir s’il aurait dû téléphoner à ces professeurs. Je crois qu’il faut y répondre par l’affirmative.
[64] Le Syndicat doit agir avec diligence lorsqu’il reçoit une plainte d’un salarié qui lui paraît suffisamment sérieuse pour faire des vérifications et en établir la vraisemblance afin de décider de l’opportunité de faire un grief et ce dans les délais conventionnés.
[65] À mon sens, le Syndicat ne pouvait, dans les circonstances, ignorer le signalement fait par les plaignants que deux professeurs non légalement qualifiés qu’ils ont nommés (Meades et Ippolito) avaient été engagés pour enseigner les mathématiques. Il y avait là matière sérieuse et suffisante qui requérait une vérification sans délai de la part du Syndicat. Qui plus est, monsieur Winrow a déclaré, lors de son témoignage, que c’est un fait qu’il y a un manque de professeurs qualifiés pour enseigner les mathématiques au Québec bien qu’il ne présume pas nécessairement que les candidats soient tous non qualifiés. Cela laisse entendre qu’il y a de bonnes chances que les professeurs mentionnés soient non qualifiés et donc qu’il fallait vérifier sans délai.
[66] Il aurait été simple, à mon avis, de vérifier auprès des deux professeurs mentionnés (Meades et Ippolito) leur qualification légale. Monsieur Winrow n’a pas voulu aller dans ce sens parce qu’il ne voulait pas se placer dans une situation où il aurait à se servir des informations obtenues de ces professeurs contre eux-mêmes arguant qu’ils sont eux aussi syndiqués avec MTA.
[67] Je ne peux retenir cette raison comme valable pour justifier de ne pas agir. Même s’il est inconfortable d’impliquer deux membres contre deux autres membres, le Syndicat doit choisir entre les intérêts de chacun et poser les gestes qui s’imposent. Cela fait partie de son devoir de représentation et conséquemment, il doit agir avec célérité pour protéger les intérêts des deux plaignants en prenant les moyens nécessaires pour vérifier la vraisemblance de leur information et le cas échéant, faire grief dans les délais impartis à la convention collective.
[68] J’estime que le Syndicat aurait dû sans délai vérifier auprès des personnes mentionnées par madame et monsieur Shuster lors de la rencontre de novembre 2008.
[69] Au surplus, monsieur Winrow aurait pu vraisemblablement vérifier auprès de la Commission scolaire les informations au contrat que ces deux personnes ont dû signer selon l’annexe II de la convention collective et ce, même si la liste complète de tous les enseignants de la clause 3-3.05 n’avait pas été épurée. À mon sens, il fallait au moins faire cette démarche simple.
[70] De ce qui précède, je conclus que si le Syndicat avait fait ces démarches il est probable qu’il aurait pu avoir connaissance, dès novembre 2008, du fait ou l’événement à l’origine du grief à savoir l’engagement de professeurs non légalement qualifiés pour enseigner les mathématiques alors qu’il y avait des candidats qualifiés et disponibles pour ces postes.
[71] Le grief daté du 14 mai 2009 a donc été soumis hors du délai prévu à la clause 9-1.04.
[72] Pour ces motifs, je fais droit à l’objection de prescription de la Commission scolaire et je REJETTE le grief 887-151 à toutes fins que de droit.
St-Jean-sur-Richelieu
Le 17 juin 2011
ME ROBERT CHOQUETTE, arbitre