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ARBITRAGE DE GRIEF

SELON LE CODE DU TRAVAIL DU QUÉBEC (L.R.Q., c. C-27)

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ENTRE:

 

FRATERNITÉ DES POLICIERS ET POLICIÈRES DE GATINEAU INC.

 

(«LE SYNDICAT» ou «LA FRATERNITÉ»)

 

ET:

VILLE DE GATINEAU

(«L’EMPLOYEUR», «LA VILLE» ou «LE SPVG»)

 

 

Un (1) grief

Liste d’admissibilité/Affectations au projet ACCÈS

 

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SENTENCE

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Tribunal:                                           François Bastien, arbitre

 

Procureur du Syndicat:                     M e André Fiset, Castiglio & Associés

Assisté de : M. Rock Legault,

président de la Fraternité

 

Procureure de la Ville:                      M e Ariane Pasquier, Bélanger Sauvé

Assistée de : M. Luc Beaudoin,

directeur adjoint SPVG

 

Lieu de l’audience et date :                         Gatineau (Qué.), le 2 mars 2011

 

Derniers documents reçus :              le 13 mai 2011

 

Date de la sentence:                         le 29 juin 2011

 

No de dépôt :                                              2011-7290

 

ANTEA INC.

0903-164-QX

S/A-88-11(QX)

 

 

I

INTRODUCTION

 

[1]   La présente sentence traite du grief no 2008-105 concernant l’affectation temporaire de policiers au projet ACCÈS. La Fraternité des policiers et policières de Gatineau inc. («  la Fraternité  ») et ses membres y contestent l’utilisation abusive par le Service de police de la Ville de Gatineau (« le SPVG » ou « le Service ») de la notion de « projet spécial » aux fins des affectations au Programme ACCÈS.

 

[2]   Selon les diverses rubriques qui y figurent, en l’occurrence la nature, la désignation des plaignants, la date de dépôt, la description (D) et le règlement demandé (R), ce grief comprend tous les renseignements suivants : 

 

- Affectation temporaire au projet Accès

- La Fraternité et ses membres

- Le 9 juillet 2008

 

D - Les plaignants contestent le fait que, le ou vers le 29 juin 2008, l'employeur a assigné M. Miguel Gagnon au projet Accès en contravention de la convention collective, notamment les articles 24.10 et 24.15. Il s'agit également d'une modification illégale des conditions de travail en contravention de l'article 59 du Code du travail, L.R.Q., c. C-27.

En effet, l'employeur a omis ou négligé de renouveler la liste des personnes admissibles à être affectées temporairement au projet Accès publiée le ou vers le 14 novembre 2006 (06-CO-187) et a nommé M. Gagnon sans autrement afficher ou proposer l'affectation aux autres policiers. Il s'agit d'un usage abusif et arbitraire de son droit de gérance par l'employeur.

 

R - Que l'employeur procède à affecter les policiers au projet Accès en respectant les dispositions de la convention collective ;

Que l'employeur renouvelle la liste d'admissibilité pour le projet Accès ;

Que la l'employeur verse à la Fraternité, pour et à l'acquit des policiers lésés, une indemnité compensatoire équivalente au salaire au taux du temps supplémentaire du policier de première classe pour le nombre d'heures effectuées par M. Miguel Gagnon depuis le 29 juin 2008, avec intérêts suivant le Code du travail.

 

[3]   J’ai reçu le mandat d’agir en qualité d’arbitre de grief à l’égard de ce grief le 16 mars 2009. Diverses circonstances ont retardé son audition.  

 

[4]   J’ai donc entendu les parties en audience à son sujet le 2 mars 2011.  Elles ont formulé les admissions d’usage quant à la procédure de grief et à la compétence de l’arbitre. Au terme de la présentation de la preuve, les parties ont convenu de présenter leur argumentation par écrit selon un échéancier déterminé.

 

[5]   Conformément à celui-ci, le tribunal a reçu le 6 avril 2011 l’argumentation écrite de la Fraternité, suivie de celle de l’Employeur le 29 avril.  La réplique syndicale lui a été transmise le 6 mai 2011.

 

 

II

LES FAITS

 

[6]   Appelé par le Syndicat à témoigner en premier, le directeur adjoint du SPVG Luc Beaudoin explique que le projet ACCÈS relève de la division des Enquêtes criminelles, section des crimes spécialisés. Il se veut une action concertée en vue de contrer l’économie souterraine.  Les agents (policiers) affectés en vertu du projet veillent à l’application rigoureuse de la Loi sur les permis d’alcool et des Règlements sur la Régie des alcools, des courses et des jeux. Ils visitent les établissements concernés et vérifient la validité des permis.

[7]   Il reconnaît que le présent grief vise la liste à partir de laquelle se font les affectations.  Les policiers désireux d’y être inscrits soumettent leur candidature et, selon l’affichage qui paraît sous la forme d’un communiqué, ils suivent des épreuves.  Un réservoir de candidats est établi de la sorte.

 

[8]   L’affichage/communiqué à l’origine de la liste que le grief reproche à l’Employeur de ne pas avoir renouvelé paraît le 5 juillet 2006.  Après avoir indiqué que «  le Service de police désire constituer une liste d’admissibilité pour le poste d’agent au projet temporaire  », le communiqué décrit ainsi les tâches de cet agent :

 

Conformément aux lois et règlements en vigueur ainsi qu'à la mission et aux objectifs du Service, sous la surveillance du lieutenant - détective de la section des crimes spécialisés, il organise et planifie la visite des établissements faisant l'objet de permis émis par la régie des alcools des courses et des jeux (RACJ). Il effectue les visites et fait rapport au RACJ sur les infractions constatées, il ouvre des dossiers de suivis sur les établissements à problème dans le but de faire des représentations au RACJ pour la révocation, suspension ou modification du permis selon la gravité des activités, il fait rapport au lieutenant - détective sur les visites effectuées et comptabilise les infractions et visites, il fait le suivi des biens saisis et assure la destruction ou la disposition de ces biens.

 

[9]   La liste d’admissibilité constituée au terme de cet affichage paraît le 14 novembre 2006 sous la forme d’un autre communiqué du SPVG. Signée par le directeur de l’époque John M. Janusz, il indique que, à la suite de la compilation finale des résultats de sélection à la fonction d’agent en affectation temporaire pour le projet, cette liste comprend les policiers suivants:

 

1. Richard Rochon

2. Guy Godmaire

3. Michel Lachapelle

4. Eric Poisson

5. Saskia Lafontaine

6. Jean-Pierre Lusignan

 

[10]       M. Beaudoin souligne que, bien qu’elle n’y soit pas indiquée, la durée d’une telle liste est en pratique d’environ deux (2) ans.  C’est cette même liste qui fait l’objet du présent grief puisque le service a nommé subséquemment le policier Miguel Gagnon alors que son nom n’y figure pas.  En juin 2008, il était un agent de la division de la gendarmerie, confirme le directeur adjoint, soit à l’époque où il a été affecté au projet.

 

[11]       Selon un document administratif daté du 28 juin 2008 et que le SPVG émet chaque semaine sur le mouvement de personnel, l’agent régulier Miguel Gagnon reçoit à cette date une affectation temporaire au projet ACCÈS.  L’agent régulier Jean-Pierre Lusignan, le no 6 de la précédente, reçoit à la même occasion une affectation temporaire à titre de Sergent-détective intérimaire. L’affectation de M. Gagnon résulte directement de cette dernière puisqu’il prend la place devenue ainsi vacante.

 

[12]       S’il précise n’avoir pas participé lui-même à ces décisions, M. Beaudoin explique qu’elles résultent normalement de rencontres que tiennent les inspecteurs.  Il ignore si, en l’instance, la décision a été prise par l’inspecteur des enquêtes.

 

[13]       Il confirme enfin que la liste de 2006 mentionnée plus tôt est la seule banque de candidatures utilisée depuis pour les affectations temporaires au projet ACCÈS. Affectés d’abord au projet, MM. Rochon et Godmaire ont quitté par la suite, le premier en raison d’une promotion à sergent-détective en avril 2007, le second par suite de sa demande de retourner à la gendarmerie en janvier 2007. M. Lachapelle ne s’est pas prévalu de sa priorité étant nommé sergent à la gendarmerie, ni non plus M me Lafontaine en raison d’une grossesse et d’un congé de maternité. M. Lusignan a remplacé M. Rochon au projet ACCÈS, y rejoignant son collègue Éric Poisson. 

 

[14]       M. Lusignan a quitté un an plus tard, soit en juin 2008, pour occuper un poste à durée indéterminée de sergent-détective aux crimes spécialisés. À la suite de ce départ, aucune discussion n’a eu lieu pour reconstituer une nouvelle banque de noms. La décision de ne pas le faire, à laquelle il dit avoir participé, n’en était pas vraiment une à ses yeux puisque le projet disposait de tout son personnel.  Quoiqu’il en soit, M. Lusignan est retourné au projet alors que son affectation précédente s’est terminée en septembre 2008.

 

[15]       Le 23 septembre 2010, le SPVG émet le communiqué/affichage no 10-CO-130 dont le sujet est intitulé Offre d’affectation temporaire - liste d’amissibilité - Agent Projet ACCÈS . Le document de deux (2) pages transmis aux policiers décrit sommairement les tâches et les conditions générales de travail, les qualifications et compétences recherchées et le processus de mise en candidature. Selon ce dernier, les agents du Service sont invités à soumettre leur candidature écrite à l’attention de l’inspecteur-chef Dany Montmigny avant le 14 octobre 2010.

 

[16]       Le 18 novembre 2010, le Service émet un nouveau communiqué (no 10-C-146) dans lequel il dresse la liste des policiers constituée au terme de la « compilation finale des résultats du processus de sélection à la fonction d’agent au projet ACCÈS en affectation temporaire ». Cette liste comprend dans l’ordre les treize (13) noms suivants :

 

1. Bruno Joseph

2. Isabelle Bélair

3. Eric St-Germain

4. Christine Girard

5. Bruno Castonguay

6. Sonia Loiseau

7. Denis Pelletier

8. Julie Gagné

9. Isabelle Vachon

10. Brigitte Rose

11. Jean Bourdeau

12. Véronique Doyon

13. Éric Quevillon

 

[17]       Le processus comprenait, selon M. Beaudoin, des épreuves sous la forme d’entrevues structurées, et cette liste a été confectionnée de la même manière que la liste précédente. Elle remplace de fait cette dernière, qui marquait l’aboutissement du même processus de sélection qu’avait amorcé un communiqué de même nature que celui évoqué plus tôt. Ce communiqué no 06-CO-129 avait été émis le 5 juillet 2006 (E-1).

 

[18]       Le directeur adjoint explique qu’ACCÈS est un projet spécial dont la durée dépend du budget octroyé par le Conseil du Trésor du Québec. Il a fait à l’époque l’objet d’une entente de trois (3) ans avec l’Association des policiers du Québec. Il comprend deux volets, soit l’alcool et le tabac, le premier étant celui ici en cause. L’organisme rembourse 60% des dépenses qu’encourt le Service pour la visite des établissements en cause. En 2006, le remboursement a été de 65 000$ du total du budget, soit pour les 190 visites effectuées sur un potentiel total de plus de 300 établissements. 

 

[19]       Ce projet a toujours existé, souligne-t-il. Il l’a lui-même dirigé alors qu’il était directeur des enquêtes criminelles en 2005. La Fraternité s’y est toujours opposée comme à tout projet spécial.  Il renvoie à ce sujet au grief déposé par celle-ci le 8 mai 2007 dans lequel elle conteste l’utilisation « illégale et abusive » de la notion de « projet spécial » aux fins de l’application de l’article 12.1 vi) et, plus particulièrement, à l’endroit du programme ACCÈS et ERM «  qui sont devenus des projets à caractère permanent  ».

 

[20]       Le dépôt de ce grief, dont un autre arbitre est saisi, a donné lieu à une objection du procureur de la Fraternité au motif justement que je n’en suis pas saisi. Après avoir entendu les arguments des procureurs, notamment de la part de M e Pasquier qui estime que j’aurai à trancher la question de savoir si les articles 24.10 et 24.15 s’appliquent, j’ai autorisé le dépôt du document. 

 

[21]       Interrogé sur l’affectation de M. Miguel Gagnon au projet ACCÈS en juin 2008, M. Beaudoin explique qu’elle résulte du fait qu’il s’agissait d’un projet spécial et que la liste des candidats ayant réussi les épreuves était épuisée.  Le Service s’est référé alors à la liste des candidats qui avaient exprimé un intérêt sans pouvoir obtenir la note minimale de 60%.  Le policier Daniel Bourgeau, qui avait obtenu la meilleure note de ce groupe, a refusé l’offre cependant choisissant d’aller du côté de la section communauté. M. Gagnon, le 2 e sur la liste, « a accepté notre offre » précise-t-il.  On ne savait pas combien de temps pourrait durer son affectation. Elle a duré en fait jusqu’en septembre 2008, soit jusqu’au retour de M. Lusignan. 

 

[22]       Même si la Ville a répété le processus de sélection en 2010, M. Beaudoin est d’avis « qu’elle n’est pas obligée de faire ça », l’article 24 traitant de mutations.  Pour les postes permanents, on procède de la même manière qu’en 2006, soit selon le grade.  Tel est le régime suivi, selon lui, depuis l’entrée en vigueur de la convention collective.

 

[23]         Témoignage de M. Rock Legault .  Élu président de la Fraternité en octobre 2005, il est policier à Montréal en 1985 avant de se joindre à la police de Hull l’année suivante. Il s’acquitte d’un mandat de trois (3) ans de vice-président du syndicat dans l’ex-Hull à compter de 1996. À la fin de ce mandat et jusqu’en 2005, il est sergent-détective.

 

[24]       Le présent grief reproche à la Ville de ne pas avoir renouvelé la banque de candidates au projet ACCÈS ». Selon lui, il faut remonter avant la fusion pour comprendre l’apparition de la liste de mutations.

 

[25]       Dans l’ex-Hull à son arrivée, aucune procédure n’existait pour traiter des mutations, ce qui donnait lieu à beaucoup d’arbitraire.  Pour cette raison, la Fraternité a obtenu d’encadrer le processus en signant autour de 1990, se rappelle-t-il, une lettre d’entente, consignée comme l’Annexe K de la convention collective. Elle visait à assurer par ce moyen une permanence aux mutations de sorte qu’il ne revienne plus à l’employeur de les terminer mais aux policiers. Cette entente, à la négociation de laquelle il n’avait pas participé, marchait bien. D’une durée de deux (2) ans au départ, elle est demeurée et donnait lieu à la confection de banques de candidats.

 

[26]       Pour les policiers, la constitution de telles listes d’admissibilité avait valeur de promotion selon M. Legault. Elle comportait une définition des tâches, un classement et permettait une amélioration de la qualité de vie des policiers en leur apportant davantage de stabilité. La liste était dressée au terme d’un concours impliquant des entrevues. 

 

[27]       Cette question est devenue un enjeu important à la fusion car il n’y avait pas à Gatineau, comme dans l’ex-Hull avant la lettre d’entente, de mutations permanentes.  C’est la raison pour laquelle, dit-il, l’article 24.10 de la convention collective de la nouvelle Ville est venu encadrer la mutation en dressant une liste demeurant en vigueur pour deux (2) ans, en plus d’une autre année dans le cas de remplacements temporaires.

 

[28]       Du début de la fusion à la signature de la nouvelle convention collective, aucun affichage n’est survenu aux fins du projet ACCÈS ». Celui-ci était un « vieux projet spécial » qui existait dans l’ex-Hull affirme M. Legault. Il a lui-même fait le concours et figuré sur la liste.  Il ignore s’il y a eu dépôt de griefs durant cette première période de la fusion ou si des sentences arbitrales ont été rendues à cet effet.

 

[29]       À compter de l’entrée en vigueur de la convention collective, des listes d’admissibilité sont réapparues dans la nouvelle Ville. M. Legault ignore cependant si le communiqué du 14 novembre 2006 était la première liste pour combler les affectations au projet ACCÈS.

 

[30]       Pour d’autres projets, il y a toujours eu de telles listes.  L’exception en a été le projet « Gangs de rues » amorcé au printemps ou début d’été 2007 et auquel trois (3) policiers et un sergent-détective ont été affectés. La Fraternité a déposé un grief à ce sujet, grief qui s’est réglé de lui-même par la suite.  Il ignore si les trois (3) policiers affectés se sont retirés mais «  ils ne sont pas venus nous voir  ».  Quoi qu’il en soit, personne ne s’est montré intéressée par la suite selon ce que M. Bertholet du Service lui a dit. Le dirigeant syndical ajoute qu’il a été lui-même en mesure de constater l’insatisfaction des membres lors d’assemblées syndicales sur le défaut de suivre la procédure établie.

 

[31]       Interrogé en contre-interrogatoire sur la nature de l’autre grief invoqué plus tôt relativement au projet ACCÈS, il indique qu’il y avait beaucoup de discussions à ce sujet et que la Fraternité attendait la position de l’Employeur. En attendant, « elle protégeait nos droits ».  


III

LES DISPOSITIONS LÉGALES

ET CONVENTIONNELLES PERTINENTES

 

Code du travail

(L.R.Q., c. C-27)

CHAPITRE III

DE LA CONVENTION COLLECTIVE

(…)

59 . À compter du dépôt d'une requête en accréditation et tant que le droit au lock-out ou à la grève n'est pas exercé ou qu'une sentence arbitrale n'est pas intervenue, un employeur ne doit pas modifier les conditions de travail de ses salariés sans le consentement écrit de chaque association requérante et, le cas échéant, de l'association accréditée.

 

Il en est de même à compter de l'expiration de la convention collective et tant que le droit au lock-out ou à la grève n'est pas exercé ou qu'une sentence arbitrale n'est pas intervenue.

 

Les parties peuvent prévoir dans une convention collective que les conditions de travail contenues dans cette dernière vont continuer de s'appliquer jusqu'à la signature d'une nouvelle convention.

 

SECTION III

DE L'ARBITRE DE GRIEF

 

100.12. Dans l'exercice de ses fonctions l'arbitre peut:

 

a) interpréter et appliquer une loi ou un règlement dans la mesure où il est nécessaire de le faire pour décider d'un grief;

(…)

g) rendre toute autre décision propre à sauvegarder les droits des parties.

 

Convention collective

 

(…)

ARTICLE 3             DROITS DE LA DIRECTION

 

3.1      La Fraternité reconnaît qu'il est du ressort exclusif de La Ville de gérer, de définir et d'assigner les tâches, de diriger et d'administrer ses affaires, de façon compatible avec les stipulations de la présente convention.

 

3.2      Rien dans cette convention ne doit être interprété comme étant une renonciation à aucun droit ou obligation de La Ville, des policiers ou de La Fraternité en vertu d'aucune loi applicable, fédérale ou provinciale.

 

3.3      La Fraternité devra être informée de toutes ententes prévues et futures intervenues entre un policier et La Ville en vertu de l'article 27.

 

ARTICLE 4             DÉFINITIONS DES TERMES

(…)

4.5      FONCTION

 

Désigne l'ensemble des tâches et responsabilités normalement effectuées par un policier.

 

4.6      POSTE

 

Désigne une position occupée par un policier dans la structure organisationnelle du SPVG.

(…)

4.15    MUTATION

 

Désigne l'affectation en permanence d’un policier d’une fonction à une autre du même grade.

(…)

4.17    ASSIGNATION

 

Désigne l'affectation temporaire d’un policier d’une fonction à une autre du même grade.

(…)

ARTICLE 12                     UTILISATION DES POLICIERS TEMPORAIRES

 

12.1      a) La Ville peut embaucher un policier temporaire dans les seules circonstances suivantes :

 

i)           Pour le remplacement d'un policier régulier ou à l'essai qui est affecté à une école de formation policière reconnue à titre d'instructeur ou d'administrateur, et ce, pour le terme de l'affectation;

ii)         Pour le remplacement d'un policier régulier qui est en invalidité pour une période minimale de deux (2) semaines, pour le terme de son invalidité, et dans tous les cas pour la période maximale prévue aux régimes d'assurances collectives;

iii)       Pour le remplacement d'un policier régulier en congé sans solde ou en congé autofinancé, pour le terme dudit congé;

iv)       Pour le remplacement d'une policière régulière en congé de maternité, parental ou d'adoption, ou un policier en congé parental ou d'adoption selon les dispositions de la présente convention collective, pour le terme dudit congé;

v)         Pour le remplacement d'une policière régulière en retrait préventif pour cause de grossesse, pour le terme dudit retrait;

vi)       Lorsqu'un projet spécial, non prévu à la convention collective, est mis sur pied et que ce projet nécessite l'affectation temporaire de policiers réguliers, les policiers réguliers ainsi affectés seront remplacés numériquement par des policiers temporaires. Le remplacement est obligatoire et devra s'effectuer dans les meilleurs délais en tenant compte de la disponibilité des policiers temporaires. Lorsque les exigences du projet le permettent, la Direction informera la Fraternité de la teneur desdits projets spéciaux;

vii)     Pour le remplacement d'un policier régulier affecté à la patrouille des pistes cyclables et ce pour la durée de l’affectation;

viii)   Pour le remplacement d'un policier régulier appelé à occuper une fonction syndicale, locale, régionale ou à la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec, pour la durée de son terme.

 

b)              Les remplacements prévus ci-haut doivent s'effectuer à l'équipe de la patrouille (excluant l'accueil) à laquelle est affecté le policier régulier remplacé. Dans le cas où le policier régulier à être remplacé serait affecté à une division autre que la patrouille, il doit être remplacé à cette division par un autre policier régulier de la gendarmerie; par la suite, le policier temporaire remplace le policier régulier de la gendarmerie.

 

c)              Le policier temporaire n'a pas droit aux bénéfices de la présente convention collective, sauf en ce qui a trait aux dispositions énumérées ci-dessous :

Article 4 :           Définition des termes

Article 43 :         Salaire et classification

Article 7 :           Heures de travail

Article 8 :           Horaire de travail

Article 13 :         Travail supplémentaire

Article 14 :         Temps à la Cour

Article 15 :         Vacances annuelles

Article 17 :          Congés sociaux (seuls les articles 17.1 c),d), e) & h) et 17.6)

Article 16 :         Congés fériés

Article 40 :         Régime de retraite (adhésion selon la Loi)

Article 34 :         Accident de travail

Article 42 :         Régime de remplacement du salaire

Article 45 :         Jour de paie

Article 5 :           Prérogatives syndicales (article 5.8 seulement)

Article 32 :         Protection des policiers

Article 30 :          Procédure de règlement des griefs (pour les articles énumérés au présent article)

Article 31 :         Mesures disciplinaires et dossiers

Article 27 :         Formation et perfectionnement

Article 35 :         Identification

Article 46 :         Uniformes et équipements

Article 44 :         Allocations de déboursés

Article 36 :         Conditions particulières de travail

Article 41 :         Assurances collectives

Article 47 :        Durée de la convention collective et a droit à toutes les annexes, relatives à son statut.

(…)

ARTICLE 24                              MUTATION

 

24.1    La mutation signifie le transfert ou l'affectation en permanence d'un policier d'un poste à un autre poste du même grade.

 

24.2    Lorsqu'un poste devient vacant suite à une promotion, une mutation, un décès ou pour toutes autres raisons, tout policier du même grade pourra poser sa candidature dans le cas où le poste est maintenu. La Ville a alors quatre-vingt dix (90) jours pour combler le poste dans le cas où il n'y a pas de liste d'admissibilité existante.

 

24.3    Le processus de mutation doit être annoncé vingt et un (21) jours à l'avance sur les tableaux d'affichage prévus à cet effet. Les policiers intéressés doivent poser leur candidature par écrit à l'intérieur des 21 jours.

 

24.4    a) Les parties conviennent de constituer un comité d'entrevue structurée tel que défini à l'article des promotions.

- ( 70 %) des notes sont accordées pour l'entrevue structurée

- ( 20 %) des notes sont accordées pour l'évaluation

- (10 %) des notes sont accordées pour l'ancienneté.

b) Une note de passage globale de 60 % sera obligatoire pour être inscrit sur les listes d'admissibilité. Le rang de chaque policier à l'intérieur de la liste d'admissibilité est déterminé par le résultat du processus.

c) Lors d'une mutation, les policiers sont choisis suivant l'ordre (classement) établi par la liste d'admissibilité et leur affectation se fera dans les plus brefs délais.

 

24.5    En cas de résultats égaux, le poste sera accordé à celui qui aura le plus d'ancienneté.

 

24.6    Tout policier désirant être muté doit en faire la demande par écrit au Directeur du SPVG. Le Directeur n'est pas tenu de procéder à la dite mutation, sauf dans les cas d'un poste vacant ou d'un poste nouvellement créé.

 

24.7    Le policier qui est muté sans en avoir fait expressément la demande est informé, sur demande, des motifs qui justifient cette mutation. La dite mutation peut faire l'objet d'un grief.

 

24.8    Le défaut de demander, le refus d'une mutation ou l'échec à l'entrevue n'affecte en rien le droit d'un policier à toutes demandes futures de mutation.

 

24.9    Seul les policiers ayant 4 ans d'ancienneté et plus peuvent se porter candidat lors de la constitution d'une liste d'admissibilité pour mutation.

 

24.10  La liste d'admissibilité est élaborée selon les besoins, en tenant compte des postes à combler. Une fois la liste établie, elle demeure en vigueur pour une période de deux (2) ans. La liste est refaite dès qu'elle est vide ou qu'elle est venue à échéance. La liste demeurera valide pour une (1) année supplémentaire pour des fins de remplacements temporaires.

 

24.11  Le refus d'une mutation, suite à son classement sur une liste d'admissibilité, fait en sorte que le policier verra son nom retiré de cette liste pour toute la durée de cette dernière.

 

24.12  Dans le cas où suite à l'affichage prévu en 24.3, il n'y a aucun policier ou aucun policier n'est devenu admissible suite à un processus de mutation. La Ville peut combler le poste par le policier de son choix à l'intérieur du Service. Par contre, un policier qui a vu son nom retiré d'une liste d'admissibilité en vertu de l'article 24.11 ne peut être considéré pour la présente situation.

 

24.13  Le SPVG remet à la Fraternité, dans les dix (10) jours suivants la fin d'un processus de mutation, une copie de la liste prévue en 24.10.

 

24.14  Les dispositions suivantes s'appliquent aux policiers de la Section filature et aux agents de la Section des crimes spécialisés :

 

·      Les policiers sont mutés pour une période minimale de trois (3) ans. Ces mutations peuvent être reconduites pour une nouvelle période de trois (3) ans après entente entre les parties.

·      Au terme de la période de trois (3) ans, chacune des parties pourra mettre fin à la mutation en informant l'autre partie, par écrit, au moins trente (30) jours avant l'expiration de la période. Dans un tel cas, le policier retourne au poste qu'il détenait avant ladite mutation.

 

24.15  Le SPVG utilisera les listes d'admissibilité existantes pour combler temporairement les postes dans les cas d'absence au travail suivants:

 

a) de plus de trois (3) semaines;

b) immédiatement lorsque l'absence nui au bon fonctionnement des opérations du SPVG.

 

ARTICLE 25                              PROMOTION

(…)

25.2      a) Lorsqu'un poste d'officier ou de sous-officier couvert par la présente convention est déclaré vacant de façon définitive ou est nouvellement créé, les dispositions ci-dessous s'appliquent :

(…)

e) Pour le processus d'entrevue structurée, six (6) policiers syndiqués seront formés afin de participer aux entrevues à titre d'évaluateur.

 


IV

ARGUMENTATION

 

La Fraternité

 

[32]       Après avoir rappelé les points saillants de la preuve et souligné que l’article 24 de la convention collective sont les dispositions applicables en l’espèce, le procureur soumet que l’objectif de cet article est d’« encadrer les mutations de poste au sein du corps de police  ». Pour la Fraternité, «  un des éléments clés de cet article consiste à la création et au maintien en vigueur des listes d'admissibilité pour combler lesdits postes  ».

 

[33]       Il ressort de la simple lecture de la clause 24.10 de la convention collective que, lorsque la liste d’admissibilité qu’elle vise est vide, elle doit être confectionnée à nouveau.  Pour M e Fiset, «  il est clair que l'employeur a l'obligation conventionnelle de refaire une liste d'admissibilité lorsque celle-ci est vide et que subsiste encore un besoin de combler un poste  ».   

 

[34]       Qualifier le projet ACCÈS de « projet spécial » comme le fait l’Employeur pour se soustraire à cette obligation constitue pour la Fraternité une interprétation qui va à l’encontre de la convention collective et contraire à la jurisprudence.

 

[35]       Citant ce qu’elle appelle la décision clé en la matière, soit Fraternité des policiers et policières de Gatineau Inc. et Ville de Gatineau , le 15 mai 2007, T.A. Richard Guay arbitre, elle estime qu’il est faux de prétendre qu’un projet spécial met fin aux obligations prévues par la convention collective.  L’arbitre l’a rappelé clairement, en page 20, en notant que les parties n’ont pas convenu de cette notion «  pour permettre à l'Employeur de faire fi de la convention collective lorsque cela l'arrange ». 

[36]       L’argument de la Ville selon lequel la création de listes d’admissibilité ne s’applique pas à un projet spécial est d’autant plus étonnant car elle a décidé elle-même de refaire un affichage pour le projet ACCÈS le 23 septembre 2010 tel qu’il ressort du communiqué déposé à cette fin.  Pareille décision témoigne de son intention manifeste de respecter les exigences de l’article 24 même en présence d’un projet spécial.

 

[37]       Le procureur conclut donc que «  les dispositions de l'article 24 de la convention collective continuent de s'appliquer pour toutes les mutations de poste, incluant ceux qui font partie d'un « projet spécial »  ».

 

La Ville

 

[38]       Après être revenue également sur les faits saillants de la preuve, M e Pasquier annonce son argumentation à partir des trois (3) propositions suivantes :

a) Le projet ACCÈS est «  un projet spécial qui n’est pas soumis à l’établissement de la liste d’admissibilité prévue à l’article 24 de la convention  ». Cette liste s’adresse aux seules mutations et remplacements temporaires en cas d’absence de policiers de leurs postes permanents;

b) Le Service de police «  n’avait pas l’obligation de constituer une nouvelle liste d’admissibilité au sens du paragraphe 24.10 dès que la première liste était épuisée  », la procédure d’affectation temporaire au Projet ACCÈS s’inscrivant dans le cadre du droit de gérance de la Ville;

c) La Ville n’a pas fait un usage abusif et arbitraire de son droit de gérance en utilisant comme elle l’a lait la liste des candidats intéressés à travailler sur un tel projet et en affectant temporairement au projet M. Miguel Gagnon. 

 

[39]       La jurisprudence qu’elle soumet s’attache à chacun des trois thèmes de son argumentation, soit la nature d’un projet spécial et l’étendue du droit de gérance, l’absence d’obligation de renouveler la liste d’admissibilité même après l’avoir fait une première fois et, enfin, l’absence d’usage abusif et arbitraire du droit de gérance.  Pour le premier, elle comprend les décisions Fraternité des policiers et policières de Gatineau inc. et Ville de Gatineau , 15 mai 2007, AZ-50435556 (Richard Guay); Montréal (Ville de) et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 , SA 95-05041 (Jean-Pierre Tremblay); Colacem Canada inc. et Syndicat des salariés de Cimenterie de la région de Montréal , SA 10-04004 (Maureen Flynn); Acier Leroux inc. et Syndicat des travailleurs d'Acier Leroux (CSN) , SA 07-01031 (Jean Gauvin).

 

[40]       Pour le second, ce sont les décisions Société canadienne des postes et Association canadienne des maîtres de poste et adjoints , D.T.E. 92T-831 (M e André Sylvestre); Société canadienne des métaux Reynolds Ltée, Baie-Comeau (Québec) et Syndicat national des employés de l'aluminium de Baie-Comeau (CSN) , SA 98-07051 (François G. Fortier). Le troisième réfère enfin au texte de doctrine des auteurs BLOUIN, Rodrigue et Fernand MORIN, Droit de l'arbitrage de grief , 5e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2000, pp. 548 à 552 et aux décisions Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et Centre de santé et de services sociaux de Sept-Îles (CSSS Sept-Îles) , A.A.S. 2008A-12 (M e Jean Gauvin); Syndicat de l'enseignement et de la région du fer et Commission scolaire de la région du fer , 24 janvier 2006, AZ-50354090 (M e Jean Gauvin).

 

[41]       De l’avis de la procureure, la nature spéciale du projet ACCÈS n’a pas à être tranchée en l’espèce puisqu’elle fait l’objet du grief no 08052007-04 mentionné plus tôt dont un autre arbitre est saisi.  De plus, la nature spéciale et temporaire de ce projet ressort clairement du communiqué émis en juillet 2006 pour constituer la liste ici en cause.  Ce constat s’autorise enfin de la décision précitée de l’arbitre Richard Guay dans laquelle il a eu l’occasion de «  déterminer si un projet estival de patrouille pédestre pouvait être considéré comme un projet spécial au sens de l’article 12.1a) vi) de la convention collective et incidemment faire l’objet de conditions de travail différentes de celles qui prévalaient dans la convention  ».  L’arbitre a conclu que tel était le cas et rejeté l’argument syndical prétendant que la Ville ne pouvait unilatéralement modifier l’horaire prévu à la convention collective pour les patrouilleurs affectés à ce projet spécial. 

 

[42]       Par delà cette reconnaissance du droit de gérance de la Ville en cette matière, la procureure estime qu’il n’y a pour cette dernière aucune obligation conventionnelle de recourir à une liste d’admissibilité pour affecter temporairement un agent à ce genre de projet, cette liste liée à l’application de l’article 34 qui traite de mutation au sens de la même convention collective.

 

[43]       Les paragraphes 4.15 et 24.1 de la convention collective limitent en effet la mutation à une affectation en permanence d’un policier, ce qui exclut ainsi toute affectation temporaire. Or, la preuve documentaire et testimoniale établit nettement que l’affectation au projet ACCÈS est temporaire et, de ce fait, la soustrait à l’application de l’article 24.  

 

[44]       Après avoir reproduit l’alinéa vi) du sous paragraphe a) du paragraphe 12.1 et le paragraphe 24.10 sur lequel se fonde la position syndicale et sa référence aux remplacements temporaires , M e Pasquier soumet que dans ce cas «  non seulement il s’agit de remplacements par opposition à des affectations , mais il ne peut de plus uniquement s’agir que des cas de remplacements temporaires prévus à l’article 24, soit ceux énumérés au paragraphe 24.15  ».

 

[45]       Les situations prévues expressément par ce paragraphe, notamment des absences de plus de trois semaines, ou qui dans l’immédiat nuisent au bon fonctionnement des opérations du SPVG, ne se retrouvent pas en l’espèce «  puisqu’il n’est aucunement question de remplacer un policier absent de son poste mais plutôt d’affecter temporairement un policier au projet ACCÈS, tel que libellé d’ailleurs à l’article 12.1 a) vi)  ».  

 

[46]       Invoquant le titre « mutation » de l’article 24, de même que toute l’économie du régime qu’il décrit et l’interprétation qu’il commande, il ne faut pas confondre, estime la procureure, «  la procédure applicable au remplacement temporaire d’un policier absent de son poste permanent pendant plus de trois (3) semaines avec l’affectation temporaire d’un agent à un projet spécial en remplacement d’un autre agent qui était aussi affecté à ce poste de façon temporaire  ».

 

[47]       Les paragraphes 24.10 et 24.15 qu’invoquent le Syndicat ne peuvent donc s’appliquer en l’espèce. Il en résulte que l’affectation temporaire à un projet spécial n’est du seul ressort que des droits de gérance que reconnaît à la Ville l’article 3.3 de la convention collective. En l’absence d’obligation conventionnelle, le SPVG n’était pas tenu de renouveler la liste d’admissibilité, épuisée au moment de l’affectation de Miguel Gagnon.   

 

[48]       Le recours à la liste d’admissibilité ou à la procédure prévue à l’article 24 n’était qu’un moyen efficace et équitable pour la Ville de lui permettre d’affecter deux agents au projet, nullement l’expression d’une obligation.  Selon la procureure, les tribunaux reconnaissent d’emblé la discrétion dont jouit l’employeur dans l’exercice de son droit de gérance.

 

[49]       M e Pasquier cite et commente à ce sujet les affaires précitées Société des postes et Société canadienne des métaux Reynolds, dans lesquelles les arbitres maintiennent le droit d’un employeur de recourir à une méthode envisagée par la convention collective mais qui, parce qu’appliquée à une matière qui relève du droit de gérance, n’est pas assujettie à toutes les modalités propres à la matière expressément prévue par cette même convention. Le même raisonnement doit prévaloir en l’espèce.

 

[50]       Traitant du 3 e thème et citant sur ce point la décision Alliance du personnel professionnel et technique, supra , la procureure est d’avis que «  dans la mesure où la Fraternité allègue que la décision de la Ville est abusive et arbitraire, c’est sur ses épaules que repose le fardeau d’en apporter la preuve  ». Après avoir reproduit un extrait l’ouvrage précité des auteurs Blouin et Morin (paragr. IX.66 ) sur la notion d’abus de droit, elle soumet que «  la compétence de l’arbitre doit se limiter à vérifier si la Ville a exercé son droit de gérance de façon abusive ou arbitraire, le tout en fonction du critère de l’employeur prudent et compétent placé dans les mêmes circonstances  ».  

 

[51]       Aucun des éléments reconnus par la jurisprudence, notamment dans l’affaire précitée Syndicat de l'enseignement et de la région du fer ( page 13), n’apparaît ni n’a été démontré par la Fraternité en l’espèce, souligne la procureure.  Au contraire, la Ville a eu recours à la liste d’admissibilité même si elle jouissait de toute la discrétion voulue pour affecter temporairement des policiers au projet. Elle l’a fait également pour offrir une telle affectation au premier sur la liste qui n’avait pas obtenu la note de passage.  En procédant ainsi «  la Ville a suivi un processus qui conciliait des objectifs légitimes d’efficacité en lien avec le projet ACCÈS ainsi qu’un souci d’équité envers tous les policiers intéressés à y participer  ».

 

[52]       Qui plus est, ajoute M e Pasquier, le paragraphe 24.12 permet expressément à la Ville de combler un poste par le policier de son choix en l’absence de policiers intéressés ou admissibles. Il y a là, pour elle, une indication claire de «  la volonté des parties de s’assurer d’appliquer des règles précises uniquement lorsque des candidats se montrent intéressés par un poste permanent et démontrent qu’ils sont compétents pour l’occuper  », ou d’accorder pleine discrétion au service dans le cas contraire.  Sur ce denier point, elle cite la décision Ville de Montréal , supra , dans laquelle l’arbitre a rejeté le grief au motif de l’absence de noms sur la liste de disponibilité pour le temps supplémentaire et, au même effet, les décisions précitées Colacem Canada inc. et Acier Leroux .

 

[53]       Elle conclut qu’en l’absence de restrictions dans la convention collective et d’un exercice approprié de son droit de gérance à partir d’une procédure répondant aux besoins de son entreprise, la Ville «  a judicieusement exercé ses droits de gérance en affectant Miguel Gagnon au projet ACCÈS et qu’en conséquence, le tribunal n’a pas à intervenir à l’égard de cette décision  ».  

 

Réplique de la Fraternité

 

[54]       Les prétentions de la Ville centrées sur les trois (3) propositions évoquées plus tôt ne sont pas conformes, selon la Fraternité, ni à la convention, ni à l’intention des parties. Sa réplique reprend dans l’ordre les trois questions ou thèmes auxquels ces propositions renvoient.

 

[55]       Concernant l’étendue du droit de gérance dans le cadre d’un projet spécial, la Fraternité soumet que l’arbitre Guay dans l’affaire citée n’a jamais déterminé que, s’il y a projet spécial, toute la convention collective ne s’y applique plus. Selon sa procureure, le présent litige «  ne porte pas sur la nature et la portée d'un projet spécial, mais plutôt sur l'application de l'article 24 de la convention collective à ce type de projet  ».  Elle soumet que, conformément à son argument initial, «  cet article s'applique au projet ACCÈS dû au fait que la Ville a décidé de créer une liste d'admissibilité pour un tel projet  ».

 

[56]       En ce qui a trait à l’argument de l’absence d’obligation d’établir une liste d’amissibilité invoquée par la Ville, M e Fiset rétorque que sa décision d’en créer une pour ce type de projet fait en sorte que «  la Fraternité s'attendait à ce que la Ville respecte ses engagements et continue d'appliquer les dispositions de l'article 24 de la convention collective  ».

 

[57]       L’article 30.6 de la convention collective dont se réclame la Ville pour restreindre le pouvoir de l’arbitre d’interpréter la convention collective en y ajoutant ne signifie pas pour autant que ce dernier ne peut, «  en se servant de l'usage, interpréter un article de la convention en regardant la pratique entre les parties  ». Citant un extrait de l’ouvrage de Blouin et Morin, supra , paragr. II.62, p. 117, sur la pratique comme source d’interprétation, le procureur soumet qu’en acquiesçant à la pratique de la liste d’admissibilité prévue à l’article 24, la Ville crée chez la Fraternité le droit de prétendre qu’elle «  respectera cette façon de faire même si cela n'est pas mentionné spécifiquement dans la convention collective et par conséquent, l'obligation pour la Ville de créer une liste est justifiée  ».

 

[58]       Pour ce qui est du dernier argument patronal d’absence d’usage abusif et arbitraire du droit de gérance, le non respect par la Ville de l’obligation de respecter les dispositions de l’article 24 démontre qu’il en fait effectivement un tel usage. Sa décision de refaire un affichage pour un poste d'agent au projet ACCÈS le 23 septembre 2010 démontre clairement, de l’avis du procureur, que la Ville «  a l’intention de faire respecter les balises de l'article 24 de la convention collective même en présence d'un « projet spécial »».

 

[59]       Il conclut que, compte tenu de la convention collective et de la jurisprudence, «  les dispositions de l'article 24 de la convention collective continuent de s'appliquer pour toutes les mutations de poste, incluant ceux qui font partie d'un « projet spécial» » .

 

 

 

V

ANALYSE ET DÉCISION

 

[60]       Il convient de circonscrire au départ la nature et la portée du présent grief, à partir de son libellé bien sûr, mais aussi de la preuve et des arguments entendus.  Comme l’a reconnu d’ailleurs la Fraternité, ce grief ne porte pas sur la nature du projet ACCÈS, une question débattue présentement devant un autre arbitre dans le cadre de l’audition du grief déposé le 10 mai 2007. Dans ce dernier grief, la Fraternité reproche au service son utilisation « abusive et illégale » de la notion de « projet spécial ».

 

[61]       Bien qu’elle figure dans le libellé du présent grief, la «  modification illégale des conditions de travail en contravention de l'article 59 du Code du travail  » n’est pas non plus une question que le tribunal est ici appelé à trancher.  On aura noté qu’elle ne figure nulle part dans l’argumentation soumise par la Fraternité, non plus forcément dans celle de la Ville.

 

[62]       Relativement au bien-fondé du grief ainsi circonscrit, la Fraternité soumet deux arguments nettement distincts.  Selon le premier, l’article 24 de la convention collective s’applique aux affectations temporaires et crée ainsi l’obligation pour la Ville d’établir et de maintenir une liste d’admissibilité.  Le second, énoncé lors de la réplique à l’argumentation patronale et appuyé par la citation de Blouin et Morin au paragr. II.62 , repose sur l’existence invoquée d’une pratique, amorcée en l’instance avec l’affichage du 5 juillet 2006, puis répétée dernièrement avec l’affichage du 23 septembre 2010.  Il renvoie également à la preuve extrinsèque présentée par le président de la Fraternité. 

 

[63]       Par delà leur caractère distinct, le sort du 2 e argument dépend étroitement du premier dans la mesure où, selon la dernière phrase de l’extrait du texte de doctrine cité, il renvoie à la question de savoir si l’arbitre peut «  tenir compte de ces attitudes et réactions pour saisir la portée du texte ou, si on préfère, dans quelle mesure une pratique, une attitude, un comportement, une manière de faire peut servir d'utile et d'efficace éclairage à l'interprétation d'une clause ?». 

 

[64]       Si les auteurs reconnaissent que tel est le cas, ils ajoutent aussitôt que l’arbitre de grief le fera «  seulement s’il est d’abord convaincu que la clause est ambiguë en raison justement du fait d’un écart entre le libellé et le comportement des parties  », II.63 , page 117.  Précisant au paragraphe suivant que «  la pratique n’intervient qu’en matière d’interprétation d’une règle conventionnelle  » qu’elle entend ainsi clarifier, ils rappellent l’actualité des remarques de la Cour d’appel à ce sujet dans Ville de Montréal c. Association des pompiers de Montréal inc. , C.A. no 500-09-000025-783 (hon. Turgeon).  Pour la Cour, «  En résumé, le recours à l’usage n’est permis que lorsqu’il est impossible de dégager l’intention des parties des dispositions mêmes de la convention collective en raison d’une ambiguïté  ».

 

[65]       Il s’ensuit que, à défaut de déceler dans les clauses 12.10 et 12.15 de la convention dont le grief exige l’application, une quelconque ambiguïté ou une impossibilité d’en dégager l’intention des parties, le tribunal n’aura pas à examiner ce 2 e argument syndical.  Il convient donc d’aborder la question par l’examen du premier argument sur la nature et la portée de l’article 24 eu égard aux affectations au projet ACCÈS. 

 

[66]       Qu’il s’agisse de son intitulé ou des clauses qu’il renferme, il est clair d’abord que l’article 24 a pour objet central les mutations dont il présente l’économie générale.  Il le fait d’abord en reprenant au premier paragraphe la définition de l’article 4.15 à savoir qu’une mutation désigne «  l’affectation en permanence d’un policier d’une fonction à une autre du même grade  ». 

 

[67]       La seule différence qu’y insère ce paragraphe est l’ajout du synonyme «  transfert  » qu’il associe au terme «  affectation  ».  Qu’on s’en remette à l’une ou l’autre version, cette définition, il importe de le noter aussitôt, est exactement le contraire de celle de l’«assignation » qui, selon l’article 4.17, est «  l’affectation temporaire d’un policier d’une fonction à une autre du même grade  ».

 

[68]       L’article décrit ensuite le processus de mutation qui va de la vacance de poste qu’une mutation doit servir à combler (24.2), à l’affichage et à la façon de poser sa candidature (24.3), au mode, contenu de l’évaluation des candidats et traitement des résultats (24.4 et 24.5), aux conditions particulières liées à une demande de mutation, à son imposition, ainsi qu’aux conséquences en résultant (24.6 à 24.8).  L’article s’attarde également à définir la liste d’admissibilité à constituer dont copie sera remise à la Fraternité (24.13), ainsi que les conditions qui s’y rattachent, telles le critère de 4 ans d’ancienneté (24.9), sa durée et son renouvellement (24.10), le retrait de cette liste du candidat qui refuse une mutation (24.11 et 24.12) et les conséquences d’une absence totale de candidats admissibles à la suite d’un affichage (24.12).

 

[69]       Enfin, les deux derniers paragraphes de l’article traitent de modalités particulières d’application. Le premier (24.14) définit les conditions applicables aux mutations impliquant des policiers de la Section filature ou des agents de la Section des crimes spécialisés; le second (24.15), celles entourant l’utilisation de la liste d’admissibilité pour combler temporairement des postes en cas d’absence au travail.

 

[70]       De prime abord, il apparaît donc qu’une affectation au projet ACCÈS que la rubrique « sujet » de l’affichage de juillet 2006 qualifie d’«  assignation temporaire  » relève de façon générale d’un processus autre que celui entourant la mutation visée par l’article 24.  À cet égard, le grief laisse entrevoir déjà une difficulté de taille puisqu’il réclame l’utilisation, à des fins d’assignation ou d’affectation temporaire , d’un moyen (la liste d’amissibilité) que la convention collective associe expressément au processus de mutation ou, pour reprendre la définition qu’elle en donne, à une affectation en permanence

 

[71]       L’article 24 n’exclut pas toutefois que cette liste d’amissibilité, constituée nettement au départ pour répondre à des situations de mutations ou d’affectations en permanence comme le souligne la première phrase du paragraphe 24.10, puisse servir aussi dans des situations temporaires.  Ainsi, le paragraphe 24.10 envisage qu’on puisse l’utiliser à des fins de remplacements temporaires, auquel cas sa validité est prolongée d’un an. Le paragraphe 24.15 précise d’autre part que la liste sera utilisée «  pour combler temporairement les postes dans les cas d’absence au travail  » lorsque cette absence dépasse trois (3) semaines, ou encore qu’elle s’avère nuisible dans l’immédiat au bon fonctionnement des opérations du service. 

 

[72]       On constate ainsi que, par delà son origine première liée aux besoins de postes à combler, l’utilisation de la liste d’admissibilité déborde le cadre des seules situations susceptibles d’entraîner une affectation en permanence ou, si l’on veut, une mutation proprement dite.  Par contre, les situations de remplacements temporaires que prévoit le paragraphe 24.15 se révèlent nettement différentes à l’examen de celle en cause dans le présent grief. 

 

[73]       Lorsque M. Miguel Gagnon est affecté au projet ACCÈS, la décision ne vise d’aucune façon en effet à combler temporairement un poste laissé vacant en raison d’une absence au travail de plus de trois semaines de son titulaire ou des conséquences sérieuses pour le Service qui résultent de son absence.  Cette décision entend plutôt répondre au besoin d’une assignation temporaire rattachée à un projet particulier tel que le font voir clairement les renseignements contenus dans le communiqué du 5 juillet 2006 émis à l’intention des policiers réguliers intéressés à y participer.

 

[74]       Les remplacements temporaires effectués dans le cadre de l’article 24 sont en outre d’un type différent de ceux que décrit en détail le sous-paragraphe a) de l’article 12.1 où le policier régulier est remplacé par le policier temporaire.  Contrairement à ces derniers, ce sont d’autres policiers réguliers qui sont appelés en effet à remplacer des policiers réguliers, ce qui explique l’exigence d’utiliser à de telles fins la liste d’admissibilité prévue au paragraphe 24.10.

 

[75]       En relais de la référence en 24.10 aux « remplacements temporaires », l’utilisation en 24.15 de l’expression «  pour combler temporairement les postes dans les cas d’absence au travail  » témoigne à mon avis de cette volonté des parties de restreindre l’application de la liste d’admissibilité à des situations de remplacements bien particulières.  En remarquable symétrie avec le paragraphe 24.10 selon lequel l’élaboration de la liste d’admissibilité se fait à partir des «  postes à combler  », l’expression illustre en même temps la cohérence du régime encadrant les mutations : les remplacements temporaires envisagés demeurent liés aux positions occupées par des policiers au sein de la structure organisationnelle du Service pour reprendre la définition de poste de l’article 4.6.  Bref, les exceptions prévues sont en lien avec les affectations en permanence qui demeurent l’objet central des dispositions de l’article 24. 

 

[76]       Force est donc pour le tribunal de constater, à partir d’un examen attentif de leur contenu et du régime général de mutations prévu par la convention collective à laquelle ils appartiennent, que les articles 24.10 et 24.15 ne présentent pas d’ambiguïtés telles qu’elles appellent un exercice d’interprétation de la nature de celui mentionné précédemment.  Les remplacements temporaires que visent ces articles sont clairs et différents des assignations liées au projet ACCÈS.  Ces articles ne sauraient fonder pour cette raison la prétention syndicale selon laquelle ils imposent à la Ville l’obligation d’utiliser la liste d’admissibilité prévue lors de l’affectation temporaire d’un policier régulier à ce projet, ou de la reconstituer à cette même fin. 

 

[77]       Il demeure bien sûr que, selon la preuve, la Ville a eu recours à cette liste non seulement lors des affectations temporaires à ce projet dès sa constitution en novembre 2006 mais aussi, plus récemment, lors de l’affichage du 23 septembre 2010 tenu aux fins d’en confectionner une nouvelle.   En adoptant ce moyen, la Ville a certainement pu donner à penser à La Fraternité que la liste d’admissibilité devenait dorénavant la règle à suivre en matière d’affectations temporaires. 

 

[78]       Cela étant, la preuve démontre que cette question était loin d’être nouvelle au moment où les parties négocient la présente convention collective qu’elles signent le 18 juin 2004.  Outre le manque d’ambiguïté quant à la portée et à l’aire d’application des articles 24.10 et 24.15, les autres dispositions de l’ensemble de l’article 24 n’offrent aucun autre indice suggérant qu’on ait voulu y inclure les assignations, ou conventionner la pratique invoquée si l’on veut.  L’article 24, tel qu’on le retrouve consigné dans la convention collective, renforce à cet égard la thèse patronale voulant que les affectations temporaires relèvent en l’instance du droit de gérance. 

 

[79]       Cette dernière référence introduit la dernière question que soulèvent le grief et les arguments des parties, à savoir l’exercice abusif et arbitraire de ce droit par la Ville.

 

[80]       Pour en disposer, il importe de bien cerner au préalable les contours de l’argument syndical à son sujet. On comprend à la lecture de la description du grief que la Fraternité associe sa conclusion « d’un usage abusif et arbitraire de son droit de gérance » à l’omission de l’Employeur de renouveler la liste des personnes admissibles à être affectées au projet ACCÈS et à sa décision en découlant de nommer M. Gagnon «  sans autrement afficher ou proposer l’affectation aux autres policiers  ».

 

[81]       Dans sa réplique, la Fraternité confirme la teneur de cet argument alors qu’elle réitère que l’usage reproché de ce droit tient à sa propre prétention que «  la Ville a l’obligation de respecter les dispositions de l’article 24 de la convention collective  » sur les balises des listes d’admissibilité.  Bref, l’argument syndical porte fondamentalement sur le non respect des dispositions conventionnelles invoquées plutôt que sur un exercice abusif du droit de gérance qui n’en est, de ce point de vue, que l’effet.

 

[82]       Ayant déjà disposé de la prétention syndicale quant à la portée et à l’application des articles 24.10 et 24.15 eu égard aux affectations temporaires liées au projet ACCÈS, le tribunal ne croit pas qu’il soit nécessaire ou même utile de traiter longuement de la question de l’exercice en l’espèce du droit de gérance de l’Employeur lorsqu’il affecte M. Gagnon au projet en juin 2008. En l’absence d’une obligation conventionnelle de reconstituer la liste aux fins de ce type d’affectations, l’Employeur peut recourir à tout moyen pour répondre à ce besoin pourvu que ce moyen ne soit ni abusif de son droit de gérance, ni empreint d’arbitraire dans son exercice.

 

[83]       Selon la preuve, le Service l’a fait en l’instance en utilisant en partie le processus visant à établir la liste d’admissibilité aux fins de mutations.  Ainsi, il a retenu les noms de personnes y ayant participé mais qui n’avaient pas obtenu le score exigé à l’épreuve de qualification.  La logique dont témoigne cette façon de faire sert de fondement à sa décision et permet d’écarter, ce faisant, l’idée qu’elle est le résultat d’un geste arbitraire ou d’un exercice abusif de son droit de gérance.  Les autorités soumises par la Ville sur ce point sont des plus pertinentes à cet égard.

 

[84]   Pour toutes les raisons invoquées ci-dessus, le tribunal en vient à la conclusion que le présent grief n’est pas fondé. Le grief no 2008-105 est en conséquence rejeté .

 

 

 

 

________________________

François Bastien, arbitre

Gatineau, le 29 juin 2011

 

 

 

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S/A-88-11(QX)