Pinard c. Lincourt

2011 QCCQ 8143

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE ROUYN-NORANDA

LOCALITÉ DE

ROUYN-NORANDA

« Chambre civile »

N° :

600-32-003028-115

 

 

DATE :

13 juillet 2011

______________________________________________________________________

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MARC E. GRIMARD, J.C.Q.

 

 

______________________________________________________________________

 

 

GUY PINARD , domicilié au […], Rouyn-Noranda, district de Rouyn-Noranda, province de Québec, […]

 

Partie demanderesse

c.

 

LUC LINCOURT, domicilié au […], McWatters, district de Rouyn-Noranda, province de Québec, […]

 

Partie défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

[1]            La partie demanderesse, monsieur Guy Pinard, réclame 7261,09 $ pour dol à la partie défenderesse, monsieur Luc Lincourt, somme qu’il réduit à 7000 $, après avoir acquis de ce dernier un édifice à logements situé au […] à Rouyn-Noranda le 22 octobre 2009 (acte notarié, pièce P-4).

[2]            Monsieur Pinard a visité l’immeuble à quelques reprises avant d’en faire l’acquisition. Il ne l’a pas fait inspecter par un expert ou un entrepreneur, car il s’y connaissait un peu ayant déjà possédé d’autres immeubles. Il était au fait que celui-ci n’était pas de construction récente, que c’était autrefois une boulangerie convertie en immeuble à logements vers 1974 et qu’un ajout avait été fait en 1984. Les dommages dénoncés se situent dans la vieille partie.

[3]            Tant à la promesse d’achat qu’au contrat notarié, il fut notifié que :

Le vendeur déclare n’avoir jamais eu d’infiltration d’eau dans l’immeuble vendu et ignorer le type d’isolation dans la vieille partie de l’immeuble vendu (partie ouest).

[4]            Au début de mois de septembre 2010, monsieur Pinard entreprend de faite changer toutes les ouvertures de l’immeuble (fenêtres et portes) par un entrepreneur. Lorsque les ouvriers sont arrivés à la fenêtre de l’appartement 9, ils se sont rendu compte qu’il y avait de la pourriture autour du châssis en raison d’infiltration d’eau, la laine isolante étant souillée et le fer angle (fer en té) formant le dessus du châssis corrodé (pourri).

[5]            Quand monsieur Pinard a reçu l’appel de l’entrepreneur l’informant de l’état du mur à l’appartement 9, il n’a pas communiqué avec monsieur Lincourt pour le mettre au fait de la situation. Il lui en a fait part seulement une fois les réparations effectuées. Monsieur Lincourt n’a donc pas pu constater l’état du mur. Plusieurs photographies déposées au dossier montrent bien la dégradation des matériaux constituant le châssis et le mur en question.

[6]            Le 22 décembre 2010, monsieur Pinard fait parvenir une mise en demeure à monsieur Lincourt par laquelle il réclame 5002,09 $, montant correspondant au coût des travaux nécessaires à la réparation, à l’analyse de l’isolant trouvé dans les murs et aux frais de la mise en demeure (pièce P-3).

[7]            Monsieur Gilles Bouchard, locataire de l’appartement 9 de l’immeuble entre les mois de juin 2002 et novembre 2005, témoigne avoir constaté des infiltrations d’eau au-dessus de la fenêtre côté Nord à deux ou trois reprises lors de fortes pluies et affirme en avoir informé son propriétaire, monsieur Lincourt. Il dit que ce dernier a à ce moment fait mettre du goudron au-dessus de la fenêtre en question et dessous le balcon de l’appartement 11 qui se trouve au-dessus de ladite fenêtre. Monsieur Bouchard a par la suite déménagé à l’appartement 11 à la fin 2005. Lorsque son balcon fut changé en 2008, il a pu constater par lui-même qu’il y avait de la pourriture sous le seuil de la porte et dit que les ouvriers ont à ce moment remplacé la lisse.

[8]            Monsieur Jean-Marie Lavoie, employé chez Poirier Rénovation qui a remplacé les fenêtres de l’immeuble, a aussi témoigné. Il dit avoir constaté, lors de remplacement de la fenêtre de l’appartement 9 côté Nord, que la laine isolante était détrempée, que le fer angle était percé et que le châssis était pourri. Il fallait donc remplacer le châssis et une partie du mur au-dessus du châssis. Il précise que l’infiltration d’eau provenait probablement du joint entre le balcon au-dessus de la fenêtre et l’immeuble, joint qui ne devait plus être étanche.

[9]            Monsieur Lincourt témoigne avoir été propriétaire de cet immeuble pendant 29 ans et, qu’à sa connaissance, il n’y a jamais eu d’infiltration d’eau. Il finit par dire qu’il a déjà reçu des appels de son locataire, monsieur Bouchard, l’informant d’un tel problème, mais qu’il ne l’a pas personnellement constaté. Il a fait refaire les joints d’étanchéité autour de la fenêtre et sous le balcon par son homme à tout faire, monsieur Carrière. Il dit aussi n’avoir jamais vu l’isolant de cet immeuble, malgré qu’il ait fait remplacer une fenêtre en 2008, car ce n’est pas lui qui a effectué les travaux.

[10]         Monsieur Yves Carrière témoigne à son tour. Il a effectivement apposé du scellant au-dessus de la fenêtre de l’appartement 9 qu’il a changé en 2008, le thermos n’étant plus étanche. Ce n’est pas lui qui a changé le balcon de l’appartement 11, mais il croit qu’il était installé trop haut par rapport au seuil de la porte. C’est pourquoi il a dû mettre un joint d’étanchéité (silicone) sur le seuil pour éviter toute infiltration d’eau.

[11]         Monsieur Pinard prétend qu’il a été trompé du fait que monsieur Lincourt a déclaré qu’il n’y a jamais eu d’infiltration d’eau alors que son locataire, monsieur Bouchard, témoigne au contraire. Ceci constitue un dol pour la partie demanderesse.

[12]         Monsieur Lincourt se défend de n’avoir pu examiner les lieux, ayant été informé des prétendus dommages qu’une fois les travaux de réparations effectués, que le fer angle était peut-être dans cet état avant même qu’il se porte acquéreur de l’immeuble et qu’il n’a pas constaté personnellement des infiltrations d’eau dans l’immeuble. Il ne peut donc, selon lui, être tenu responsable.

LE DROIT

[13]         Dans la présente affaire, y a-t-il dol de la part de la partie défenderesse? Le Code civil du Québec établit aux articles 1401 et 1407 que :

1401.  L'erreur d'une partie, provoquée par le dol de l'autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.

1407.  Celui dont le consentement est vicié a le droit de demander la nullité du contrat; en cas d'erreur provoquée par le dol, de crainte ou de lésion, il peut demander, outre la nullité, des dommages-intérêts ou encore, s'il préfère que le contrat soit maintenu, demander une réduction de son obligation équivalente aux dommages-intérêts qu'il eût été justifié de réclamer.

Le dol peut résulter du silence ou d'une réticence.

[14]         La doctrine et la jurisprudence reconnaissent deux formes de dol : le dol principal et le dol incident. Le premier peut entraîner la nullité du contrat alors que dans le cas de dol incident, l’acheteur aurait contracté à d’autres conditions.

[15]         Dans la présente affaire, la preuve démontre par prépondérance que la partie défenderesse savait qu’il y avait eu infiltration d’eau dans l’immeuble et, par ce fait, avait l’intention de tromper l’acheteur, soit la partie demanderesse. En effet, monsieur Lincourt déclare spécifiquement, tant à la promesse d’achat qu’au contrat notarié, qu’il n’y a jamais eu d’infiltration d’eau dans l’immeuble vendu. La preuve démontre aussi que monsieur Pinard n’aurait pas contracté ou encore qu’il l’aurait fait à d’autres conditions s’il avait connu l’existence d’infiltration d’eau dans l’immeuble.

[16]         Il n’est pas nécessaire en matière de dol, contrairement à une demande pour vices cachés, de faire une dénonciation écrite au défendeur en vertu de l’article 1739 du Code civil du Québec . Il y a une distinction à faire entre cette notion et la mise en demeure prévue à l’article 1595 du C.c. En l’occurrence, seule la mise en demeure était nécessaire.

[17]         Monsieur Pinard a fait la preuve des dommages causés et réclame les sommes suivantes :

·         4677,13 $       Réparation du mur

·         545,10 $         Matériaux finition extérieure

·         400 $               Estimation du coût de l’installation finition extérieure

·         100 $               Plâtre et peinture à l’intérieur

·         42,78 $            Huissier;

·         300 $               Dommages et intérêts

[18]         Le Tribunal n’accordera pas le montant réclamé pour l’analyse de l’isolant de l’immeuble parce qu’il n’a pas la preuve que monsieur Lincourt en connaissait le type. Il n’accordera pas non plus le montant réclamé pour les honoraires professionnels, car il s’agit de frais d’avocat pour avis juridique et préparation du dossier pour sa présentation à la Cour.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE la demande en partie;

CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme de 6065,01 $ (détaillée au paragraphe 17) avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec ;

CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse les frais judiciaires de la présente demande au montant de 159 $.

 

 

__________________________________

MARC E. GRIMARD, J.C.Q.

 

Date d’audition : 9 mai 2011