Clément et Québec (Ministère de la Sécurité publique)

2011 QCCLP 4800

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

30 août 2011

 

Région :

Yamaska

 

Dossier s :

396858-62B-0912-C et 398361-62B-0912-C

 

Dossier CSST :

YAM09-063

 

Commissaire :

Bertrand Roy, juge administratif

 

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Miguel Clément

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ministère de la Sécurité Publique

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION

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[1]            La Commission des lésions professionnelles a rendu le 13 juillet 2011, une décision dans le présent dossier;

[2]            Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles , L.R.Q., c. A-3.001;

[3]            En effet, il faudrait rectifier le nom de la conciliatrice-décideure de la Commission de la santé et de la sécurité du travail aux paragraphes 1 et 3 il faudrait lire Louiselle Viel au lieu de Louise Viel.

[4]            De plus, au paragraphe 5, nous aurions dû lire le 17 mars 2011 au lieu du 17 mars 2001.

 

 

 

 

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Bertrand Roy

 

 

 

 


Clément et Québec (Ministère de la Sécurité publique)

2011 QCCLP 4800

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

13 juillet 2011

 

Région :

Yamaska

 

Dossiers :

396858-62B-0912   398361-62B-0912

 

Dossier CSST :

YAM09-063

 

Commissaire :

Bertrand Roy, juge administratif

 

Membres :

Normand Bédard, associations d’employeurs

 

Noëlla Poulin, associations syndicales

 

 

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Miguel Clément

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ministère de la Sécurité Publique

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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DÉCISION

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[1]    Le 1 er décembre 2009, monsieur Miguel Clément (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 24 novembre 2009 par la conciliatrice-décideure déléguée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), madame Louise Viel.

[2]            Par cette décision, la conciliatrice-décideure de la CSST déclare non fondé le recours exercé par le travailleur le 13 juillet 2009 et rejette la plainte de celui-ci en vertu de l’article 227 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail portant le numéro YAM09-063.

Dossier 393361-62B-0912

[3]            Le 1 er décembre 2009, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 25 novembre 2009 par la conciliatrice-décideure déléguée par la CSST, madame Louise Viel.

[4]            Par cette décision, la CSST déclare non fondé le recours exercé par le travailleur le 13 août 2009 et rejette la plainte en vertu de l’article 227 de la LSST portant le numéro YAM09-082.

[5]            Aux audiences qui ont eu lieu à Saint-Hyacinthe les 8 décembre 2010 et le 17mars 2001, le travailleur était présent mais il n’était pas représenté. Le ministère de la Sécurité publique (l’employeur) était représenté par Me Natasha Lapointe.

[6]            À l’audience du 19 mai 2011, le travailleur a fait défaut de se présenter. Après avoir attendu une demi-heure, un membre du personnel du tribunal a communiqué par téléphone avec lui. Il a alors indiqué qu’il n’avait pas l’intention de se présenter.

[7]            Après avoir entendu le jour même l’argumentation de l’employeur qui était présent tel que convenu, l’affaire a été mise en délibéré.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier 396858-62B-0912

[8]            Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision du 24 novembre 2009 de la CSST et de déclarer fondée sa plainte du 13 juillet 2009 à l’encontre d’une mesure disciplinaire prise par l’employeur à son égard, soit une réprimande en date du 30 juin 2009.

Dossier 398361-62B-0912

[9]            Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision du 25 novembre 2009 de la CSST et de déclarer fondée sa plainte du 12 août 2009 à l’encontre d’une mesure disciplinaire prise par l’employeur à son égard, soit une réprimande en date du 10 août 2009.

L’AVIS DES MEMBRES

[10]         Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que dans ni l'un ni l'autre des deux dossiers dont le tribunal est saisi, le travailleur n’a démontré qu’il a exercé un droit découlant de la loi et qu’il a été victime d’une mesure prohibée soit une réprimande le 30 juin 2009 ou le 10 août 2009. La CSST était justifiée de rejeter les deux recours et il y aurait lieu pour le tribunal de confirmer les deux décisions dont appel.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[11]         La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a été l’objet d’une sanction à cause de l’exercice d’un droit de refus d’exécuter un travail contrairement aux dispositions de l’article 227 de la LSST.

[12]         Cet article se lit comme suit :

227.  Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'un congédiement, d'une suspension, d'un déplacement, de mesures discriminatoires ou de représailles ou de toute autre sanction à cause de l'exercice d'un droit ou d'une fonction qui lui résulte de la présente loi ou des règlements, peut recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou, à son choix, soumettre une plainte par écrit à la Commission dans les 30 jours de la sanction ou de la mesure dont il se plaint.

 

1979, c. 63, a. 227; 1985, c. 6, a. 548.

 

[13]         Le droit de refus que le travailleur prétend avoir exercé est celui prévu aux articles 12 à 31 de la LSST. Les dispositions les plus pertinentes sont les suivantes :

12.  Un travailleur a le droit de refuser d'exécuter un travail s'il a des motifs raisonnables de croire que l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou peut avoir l'effet d'exposer une autre personne à un semblable danger.

 

1979, c. 63, a. 12.

 

13.  Le travailleur ne peut cependant exercer le droit que lui reconnaît l'article 12 si le refus d'exécuter ce travail met en péril immédiat la vie, la santé, la sécurité ou l'intégrité physique d'une autre personne ou si les conditions d'exécution de ce travail sont normales dans le genre de travail qu'il exerce.

 

1979, c. 63, a. 13.

 

14.  Jusqu'à ce qu'une décision exécutoire soit rendue ordonnant au travailleur de reprendre le travail, l'employeur ne peut, sous réserve de l'article 17 et du deuxième alinéa de l'article 19, faire exécuter le travail par un autre travailleur ou par une personne qui travaille habituellement hors de l'établissement et le travailleur qui exerce son droit de refus est réputé être au travail lorsqu'il exerce ce droit.

 

1979, c. 63, a. 14.

 

15.  Lorsqu'un travailleur refuse d'exécuter un travail, il doit aussitôt en aviser son supérieur immédiat, l'employeur ou un représentant de ce dernier; si aucune de ces personnes n'est présente au lieu de travail, le travailleur doit utiliser les moyens raisonnables pour que l'une d'entre elles soit avisée sans délai.

 

1979, c. 63, a. 15.

 

30.  L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction pour le motif que ce travailleur a exercé le droit visé dans l'article 12.

 

Toutefois, dans les 10 jours d'une décision finale, l'employeur peut congédier, suspendre ou déplacer le travailleur ou lui imposer une autre sanction si le droit a été exercé de façon abusive.

 

1979, c. 63, a. 30; 1985, c. 6, a. 523.

 

[14]         En l’espèce, il faut retenir plus particulièrement de l’article 13 cité plus haut que le droit de refus qui est reconnu à l’article 12 ne peut s’exercer si les conditions d’exécution du travail demandé à un travailleur sont « normales dans le genre de travail » que ce dernier exerce.

[15]         Monsieur Miguel Clément a refusé à deux reprises, c'est-à-dire le 29 juin 2009 et le 16 juillet 2009, de faire du temps supplémentaire soit au-delà des 12 heures de sa journée de travail régulière. Il est employé comme agent de correction dans un établissement situé à Sorel.

[16]         L’horaire de travail en vigueur prévoit que les agents travaillent 12 heures par jour mais jamais plus de trois jours de suite. Par ailleurs, en vertu de la convention collective qui s’applique au travailleur, les employés doivent demeurer au travail s’ils sont requis de faire du temps supplémentaire pour assurer la continuité du service. Il existe une directive qui précise les modalités de gestion des heures supplémentaires, notamment la séquence d’attribution. Il y a aussi une entente entre le syndicat et l’employeur sur les modalités de « réquisition obligatoire » pour le temps supplémentaire.

[17]         Selon la preuve révisée au dossier, beaucoup d’agents sont ainsi affectés à du temps supplémentaire et le travailleur n’est pas visé plus que ses collègues. Le seul agent à avoir refusé d’exécuter du temps supplémentaire est monsieur Clément. Il soutient qu’au-delà des douze heures régulières de son horaire, il y a un danger lié à la fatigue de telle sorte que dans le milieu carcéral où il est employé, il ne serait plus en mesure d’assumer ses fonctions et ses responsabilités sans compromettre sa sécurité, celle de ses collègues, celle des personnes incarcérées et de la population en général.

[18]         Il est, par ailleurs, entendu que le temps supplémentaire ne doit pas dépasser 16 heures par jour.

[19]         Dans le cas sous étude, on ne conteste pas qu’il y a eu exercice du pouvoir de l’employeur de réquisitionner obligatoirement le travailleur. En fait, lors du premier refus, il est question du nombre de 2 h ½ à effectuer et dans le cas du deuxième refus, le travailleur venait de reprendre le travail après avoir bénéficié de deux jours de congé.

[20]         Il est également en preuve qu’il ne s’est pas produit un événement spécial hors de l’ordinaire, qui aurait nécessité que le travailleur fasse du temps supplémentaire. En fait, la raison pour laquelle on a fait appel au travailleur vient tout simplement du fait qu’il y a une pénurie d’agents. Il est vrai qu’il a été question d’une situation reliée à un détenu perturbé mais cela ne peut être considéré comme dépassant la limite du normal en lieu carcéral.

[21]         Ainsi, le tribunal estime qu’il faut en venir à la conclusion que dans le genre de travail dont il s’agit les conditions de son exécution en terme de temps supplémentaire sont normales au sens de l’article 13 de la loi. Le tribunal tient compte du fait qu’il s’agit d’un travail en établissement de détention où la notion de continuité de service est manifestement centrale et essentielle. Il a été pris en considération que le syndicat et l’employeur ont inscrit dans la convention collective ainsi que dans une entente particulière, le régime d’attribution de temps supplémentaire dont il s’agit. Le fait que beaucoup d’autres agents effectuent du temps supplémentaire dans les conditions que l’on connaît sans soulever d’objection montre que la situation telle qu’elle est vécue, dans les faits dans ce milieu, ne peut être vu comme échappant à la « normalité ». La notion de ce qui est normal ne doit pas être envisagée «  in abstracto  ».

[22]         Monsieur Clément ne pouvait donc pas avoir exercé le droit de refus tel que prévu à la loi.

[23]         Monsieur Clément a exercé deux recours à l’encontre de mesures disciplinaires liées à son refus d’exécuter le temps supplémentaire demandé. Il considère qu’à cause de l’exercice d’un droit prévu à la loi, il a été victime de mesures de représailles.

[24]         En l’occurrence, le tribunal est d’avis que monsieur Clément n’a pas exercé un droit en vertu de la loi lorsqu’il a refusé d’exécuter du temps supplémentaire tel qu’il a déjà été expliqué précédemment.

[25]         Rappelons que les heures supplémentaires qui ont été demandées l’ont été dans le cadre des dispositions de la convention collective et de l’exercice légitime du droit de gérance de l’employeur. C’est ce qui ressort de la preuve. Si le travailleur estime, malgré tout, que « la loi entre les parties », soit la convention collective, n’a pas été respectée, il lui incombe de faire grief et de défendre éventuellement son point de vue devant un arbitre.

[26]         De plus, le cas échéant, si le travailleur désire éliminer le travail en temps supplémentaire obligatoire, il lui appartiendra de demander à son syndicat de régler la situation lors d’une future négociation collective. Actuellement, il ne semble pas y avoir d’appui pour cette dernière éventualité s’il est vrai que monsieur Clément est le seul à se plaindre du temps supplémentaire obligatoire.

[27]         Les considérations qui précèdent montrent que le litige qui oppose monsieur Clément à l’employeur relève essentiellement de la pratique des relations de travail dans un contexte normal qui ne paraît pas déroger à la Loi sur la santé et la sécurité du travail . C'est pourquoi la Commission des lésions professionnelles n’entend pas s’immiscer dans cette affaire et accueillir la requête du travailleur.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE les requêtes de monsieur Miguel Cément, le travailleur;

CONFIRME les décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail  le 24 novembre 2009 et le 15 novembre 2009;

DÉCLARE non fondés les recours exercés par le travailleur le 13 juillet 2009 et le 12 août 2009.

 

 

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Bertrand Roy

 

 

Me Natasha Lapointe

Dir. Affaires juridiques législatives

Représentant de la partie intéressée