Bentoura et Maxxam Analytics International Corporation |
2011 QCCSST 119 |
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COMMISSION DE LA SANTÉ
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Direction régionale de l’île-de-Montréal 3 |
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N o Dossier CSST : |
137 423 893 |
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N o Plainte : |
MTL11-089 |
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Décision rendue à Montréal, le : |
6 juillet 2011 |
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DEVANT LE CONCILIATEUR-DÉCIDEUR : |
François Morand |
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Travailleur : |
Camelia Bentoura |
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Employeur : |
Maxxam Analytics International Corporation |
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DÉCISION |
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[1]
Le 24 février 2011, la travailleuse dépose une plainte à la Commission
de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) contre son employeur,
en vertu de l’article
[2] Plus précisément, la travailleuse se plaint d’avoir illégalement été l’objet d’un congédiement le 30 janvier 2011, suite à la remise à son employeur de son certificat visant le retrait préventif de la travailleuse enceinte.
[3] La travailleuse est présente à l’audience et non représentée. L’employeur est présent et représenté.
ADMISIONS
[4] En début d’audience, l’employeur fait les admissions suivantes :
· la travailleuse est une travailleuse au sens de la loi;
· la travailleuse a déposé une plainte et non un grief car elle n’est pas syndiquée;
· la travailleuse a exercé un droit le 6 janvier 2011. Elle a remis à l’employeur un certificat visant l’affectation ou le retrait préventif de la travailleuse enceinte;
· l’employeur n’a pas renouvelé le contrat de la travailleuse le 30 janvier 2011;
· la plainte de la travailleuse a été logée le 24 février 2011, donc dans le délai prescrit par la loi.
PREUVE ET ARGUMENTATION
[5] La travailleuse témoigne qu’elle a été embauchée le 10 août 2010 chez l’employeur à titre de technicienne en microbiologie. Elle a signé à ce moment un contrat de travail à durée déterminée qui se terminait le 31 décembre 2010. L’employeur lui a fait part que ce contrat était renouvelable.
[6] La travailleuse fait part que l’employeur est un laboratoire d’analyses alimentaires et environnementales. Elle précise qu’elle n’était affectée qu’à la section alimentaire . Elle procédait à l’analyse d’aliments provenant de grossistes. Sa tâche principale était le « pipetage », c’est-à-dire qu’elle procédait à l’ensemencement et à la dilution d’échantillons mis sous forme liquide . Elle ne faisait pas la tâche de la « pesée ».
[7] La travailleuse mentionne qu’elle s’est blessée au pouce (fracture) à son domicile à la fin du mois de septembre 2010. Ne pouvant plus manipuler de pipettes car nécessitant l’utilisation des pouces, elle a été assignée durant sa convalescence à la tâche plus cléricale de « runner ». Elle distribuait aux employés les tâches à exécuter au pipetage et à la pesée. Elle a repris son travail régulier deux mois plus tard.
[8] La travailleuse fait part d’une évaluation de son rendement par son employeur le 20 décembre 2010 . Il est mentionné qu’elle devait améliorer sa vitesse à la pipette. Elle relativise cette remarque par le fait qu’elle ne pouvait aller plus vite à cause de sa blessure au pouce.
[9] Le 20 décembre 2010, elle témoigne que son superviseur, monsieur Agogué, lui a offert une prolongation de contrat jusqu’au 30 janvier 2011. Elle confirme que ce dernier devait quitter pour un congé de paternité et il a prolongé pour un mois le contrat de tous les techniciens. Selon la travailleuse, cette prolongation de contrat ne devait être qu’une formalité et il n’a jamais été question d’une fin d’emploi.
[10] Le 4 janvier 2011, lorsqu’elle a su qu’elle était enceinte, la travailleuse a rencontré son médecin traitant. Elle lui a expliqué les risques reliés à son emploi et celle-ci a confirmé ses appréhensions. Son médecin a complété le certificat visant le retrait préventif et l’affectation de la travailleuse enceinte. Des risques ergonomiques reliés à la position debout prolongée (plus de six heures) et à l’exposition à des produits contaminés (de la viande) étaient allégués.
[11] Le 5 janvier 2011, muni du certificat, la travailleuse mentionne qu’elle a rencontré sa cheffe d’équipe, madame Beaupré, pour l’informer des risques présents à son travail pour l’enfant à naître. Cette dernière a réfuté ces dangers, se limitant à lui faire part qu’une employée enceinte avait déjà travaillé à son poste jusqu’au huitième mois de sa grossesse. La travailleuse affirme qu’elle est une scientifique; elle a complété deux « masters » en microbiologie et elle est surqualifiée pour le poste qu’elle occupe. Ainsi, elle a considéré, en accord avec son médecin, que son travail comportait des risques pour son bébé. Elle a donc quitté l’établissement.
[12] Elle confirme que l’employeur lui a payé les trois premières semaines suivant son arrêt de travail, du 5 au 26 janvier 2011. Le 7 janvier 2011, elle a souffert de déshydratation, due à sa grossesse et elle a été hospitalisée jusqu’au 16 janvier 2011.
[13] Le 13 ou 14 janvier 2011, la travailleuse mentionne que madame Belisle, directrice des ressources humaines, l’a contacté à l’hôpital pour l’informer que son emploi se terminait le 30 janvier 2011. Mme Belisle lui a fait part que l’employeur jugeait inutile d’entreprendre des démarches pour un retour au travail, non pas parce qu’elle était enceinte, mais parce qu’elle avait des problèmes de santé l’empêchant de travailler.
[14] Le 17 janvier 2011, l’étude du poste de la travailleuse par le CSSS a recommandé une affectation immédiate pour des risques en fonction de l’horaire de travail, si plus de quarante heures par semaine, et de la station debout, si plus de six heures par jour.
[15] Le 3 mars 2011, la Commission a rendu la décision que la travailleuse n’est pas admissible au retrait préventif prévu par la LSST, parce qu’elle a refusé une affectation offerte par son employeur. La travailleuse témoigne que l’employeur ne lui a jamais fait une proposition d’affectation dans un emploi respectant les recommandations de son médecin traitant. Elle allègue que son employeur ne s’est manifesté que pour la congédier. Elle a contesté cette décision à la Direction de la révision administrative. Elle est d’avis qu’après son hospitalisation, elle était en état de reprendre un poste en affectation.
[16] La travailleuse mentionne que l’employeur a procédé à des entrevues d’embauche pour la remplacer, suite à son congédiement . Elle précise qu’il ne restait qu’une seule personne au pipetage, ce qui est insuffisant. Durant cette période, elle mentionne qu’une employée, madame Sara, a été embauchée et affectée au département de l’environnement. En conséquence, madame Solanie Gendron, a été transféré de l’environnement à l’alimentaire, son département. De plus, M. Théo Sadozai a été embauché à la « pesée ». Elle confirme qu’elle ne faisait pas cette tâche.
[17] La travailleuse confirme qu’elle a reçu le 30 mars 2011 une lettre de son employeur lui offrant de réintégrer un poste de travail comparable à celui qu’elle occupait jusqu’au 30 janvier 2011. Il lui est demandé de se présenter au travail lundi 4 avril 2011. Elle mentionne que suite à la rupture du lien de confiance envers l’employeur, elle a refusé d’y retourner. Elle précise qu’elle ne veut plus travailler pour cet employeur.
[18] Pour l’employeur, Mme Louise Beaupré témoigne qu’elle est cheffe d’équipe dans le laboratoire à Montréal. Elle coordonne le travail et la production d’une vingtaine d’employés, dont la travailleuse. Elle explique que le poste d’entrée dans le département est celui de technicien, suivi des analystes 1, 2 et senior, du chef d’équipe et du superviseur. L’employeur mentionne qu’à son embauche, la travailleuse faisait principalement du pipetage à la production, la première étape de l’analyse micro-biologique. Elle a fait ce travail durant environ un mois, jusqu’à sa blessure au pouce.
[19] Suite à cette blessure, l’employeur a réaménagé les tâches de la travailleuse durant deux mois. Elle a été assignée à la rentrée des résultats et à la sortie des feuilles de travail.
[20] L’employeur mentionne qu’après un mois de travail, la travailleuse ne rencontrait pas les exigences attendues en terme de vitesse au pipetage. En comparaison, une employée, madame Dulin, a été embauchée au début du mois de novembre 2010 à ce poste. L’employeur fait part que suite à son évaluation, après un mois de travail, cette nouvelle employée avait acquis une remarquable rapidité et elle surpassait la performance de la travailleuse. De plus, elle s’intégrait bien au groupe. Ainsi, le contrat de Mme Dulin a été reconduit et elle travaille toujours pour l’entreprise.
[21] Mme Beaupré explique le contexte qui a prévalu à la fin du mois de décembre 2010 pour la prolongation des contrats qui devaient se terminer le 31 décembre 2010. En effet, le superviseur du département, M. Agogué, devait quitter pour un congé de paternité. N’ayant pas le temps pour s’occuper d’un processus d’embauche, il a décidé de reconduire pour un mois tous les contrats (Mme Dulin, M. Ciabanu et la travailleuse). L’employeur allègue que si le choix avait été finalisé en décembre 2010, le contrat de la travailleuse n’aurait pas été prolongé car elle ne remplissait pas les exigences du poste.
[22] Le 6 janvier 2011, l’employeur témoigne que la travailleuse l’a rencontré pour lui remettre le certificat de retrait préventif. La travailleuse alléguait que son médecin lui recommandait un arrêt de travail immédiat, suite à des risques pour sa grossesse. Mme Beaupré mentionne qu’elle a informé la travailleuse du fait qu’il y a eu plusieurs femmes enceintes qui ont travaillées dans son département et que l’employeur a toujours réussi à les accommoder afin d’éliminer les risques. Devant les réticences de la travailleuse, elle a recommandé à celle-ci de rencontrer un gynécologue, et de la revoir le lendemain.
[23] Le 7 janvier 2011, la travailleuse lui a téléphoné pour l’aviser qu’elle allait suivre les recommandations de son médecin, et cesser de travailler. L’employeur précise qu’il aurait été possible de réaffecter la travailleuse au même poste que lorsqu’elle a eu sa blessure au pouce; elle avait la formation pour faire de l’entrée de données. Le poste s’exécute en position assise, il n’y a pas de risque chimique ou pathogène. Cependant, elle n’a pas eu le temps de discuter avec la travailleuse de son affectation, cette dernière a décidé de cesser le travail à compter du 7 janvier 2011.
[24] L’étude de poste a été réalisée par le CSSS Jeanne-Mance le 14 janvier 2011. L’inspectrice lui a confirmé que le poste était sans danger pour la condition de la travailleuse.
[25] Mme Beaupré commente les mouvements de personnel qui ont eu lieu au début de l’année 2011. En janvier 2011, une personne a été embauchée, une étudiante travaillant une journée par semaine (Mme Nash). En février 2011, deux techniciens ont été embauchés : M. Sadozai à la pesée, tâche que la travailleuse ne faisait pas, et Mme Sokhna Faty, au département de l’environnement.
[26] Mme Francine Bélisle témoigne qu’elle occupe le poste de directrice régionale des ressources humaines chez l’employeur. Elle mentionne que la majorité des postes dans le laboratoire ont déjà fait l’objet d’une étude du CSSS. En effet, 60% du personnel est féminin et il y a plusieurs employées en retrait préventif. Elle précise que dans la plupart des cas, ces dernières sont réaffectées jusqu’au terme de leur grossesse. Bref, elle mentionne qu’elle connaît bien la procédure.
[27] L’employeur mentionne que le poste de la travailleuse en microbiologie a déjà été évalué avant la grossesse de celle-ci suite au retrait préventif d’une autre travailleuse enceinte qui l’occupait (Mme Castonguay). Le 14 janvier 2011, le poste de la travailleuse a été réévalué car il se situait dans un nouvel endroit. L’inspectrice du CSSS qui a fait l’étude du poste a confirmé verbalement que le poste n’était pas dangereux. L’employeur a reçu le rapport du CSSS le 18 février 2011.
[28] Vers le 24 janvier 2011, l’employeur témoigne qu’elle a contacté la travailleuse pour l’aviser que son contrat prenait fin le 30 janvier 2011 et qu’il ne sera pas renouvelé. Elle précise qu’en microbiologie, tous les contrats d’embauche sont à durée déterminée et se terminent habituellement en fin d’année. Elle réitère que suite au congé de paternité de M. Agogué, une prolongation des contrats a été accordée aux travailleurs(euses) jusqu’à son retour.
[29] Le conjoint de la travailleuse (Ridouane Mezarie) a commenté les propos rapportés par son épouse à domicile , au sujet de sa fin d’emploi.
[30] Le représentant de l’employeur s’est objecté à la réception de cette preuve car ne représentant que du « ouïe-dire ». La Commission rejette cette objection. Cependant le soussigné est d’avis que l’opinion du conjoint au sujet d’événements dont aurait été victime sa femme chez l’employeur constitue une faible valeur probante en preuve.
ARGUMENTATION
[31] Le représentant de l’employeur plaide que la travailleuse a été embauchée le 10 août 2010 sur un contrat temporaire qui se terminait à la fin du mois de décembre 2010. Un accident au pouce a forcé l’employeur à réaménager ses tâches. L’employeur a évalué par la suite la performance de la travailleuse en vertu de son droit de gérance. Il a identifié que celle-ci devait améliorer sa vitesse à la pipette, ce pourquoi elle a été embauchée. Le congé du superviseur, M. Agogué, a favorisé la prolongation des trois contrats temporaires jusqu’à la fin janvier 2011.
[32] Au début du mois de janvier 2011, la travailleuse a donné à son employeur un certificat de retrait préventif non conforme. En effet, c’est selon la seule version de la travailleuse que son médecin a recommandé son arrêt de travail car le poste a été jugé dangereux. L’étude du poste par le CSSS fait mention du contraire. Quand la travailleuse a rencontré Mme Beaupré, le 6 janvier 2011, cette dernière lui a offert de l’accommoder dans ses tâches en fonction de sa grossesse. La travailleuse a décidé le 7 janvier 2011 de ne pas se présenter au travail. Cette dernière n’a jamais demandé d’être réaffectée; elle s’en est tenue aux recommandations de son médecin traitant.
[33] Le représentant réitère qu’il y a une pratique établie chez l’employeur qui consiste à réaffecter les femmes enceintes selon les recommandations de l’étude de poste du CSSS. Il est clair que dès le 6 janvier 2011, une affectation était disponible pour la travailleuse, le poste ayant déjà fait l’objet d’une étude pour une autre travailleuse enceinte.
[34] Le représentant précise que l’employeur a payé à la travailleuse les trois premières semaines durant son arrêt de travail suite à sa grossesse. Elle a été payée jusqu’au 26 janvier 2011. Ainsi, dans le cas ou la travailleuse aurait demandé d’être réaffectée au travail, l’enjeu en terme de salaire aurait pour objet les journées du 27, 28 et 29 janvier 2011, car elle terminait son contrat le 30 janvier (un dimanche, elle ne travaillait pas). Il note qu’en vertu de la loi, l’employeur n’avait aucune obligation de reconduire un contrat à durée déterminée. Ainsi, il plaide que le non-renouvellement du contrat de la travailleuse n’a rien à voir avec sa grossesse.
[35] La travailleuse argumente qu’elle a maintenu une très bonne performance au travail, malgré sa blessure au pouce. Elle mentionne que tous ses collègues reconnaissaient ses habiletés. L’employeur a dû à l’occasion faire appel à un analyste de niveau 2 pour la remplacer. Elle n’a pu augmenter sa vitesse à la pipette à cause de son accident au pouce.
[36] La travailleuse mentionne qu’elle était apte à reprendre le travail le 16 janvier 2011, lorsqu’elle est sortie de l’hôpital. L’employeur ne lui a jamais précisé le type d’affectation qu’il comptait lui assigner. L’employeur l’a appelé lorsqu’elle était hospitalisée, le 12 ou 13 janvier 2011, pour l’informer de la fin de son contrat. Ainsi, une semaine après avoir su qu’elle était enceinte, l’employeur a abrogé son contrat sans attendre la fin. L’employeur l’a accommodé durant sa blessure au pouce, il n’a pas voulu faire de même pour sa grossesse. Elle est d’avis qu’il a mis fin à son contrat du fait qu’elle était enceinte.
DÉCISION
[37]
La Commission doit décider si la travailleuse a été illégalement
l’objet d’un congédiement le 30 janvier 2011 sous la forme du
non-renouvellement de son contrat de travail, en raison de l’exercice d’un
droit prévu à la LSST, soit la remise d’un certificat de retrait préventif de
la travailleuse enceinte, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article
[38]
Les articles
ART
« Le travailleur qui croit avoir été l’objet d’un congédiement, d’une suspension, d’un déplacement, de mesures discriminatoires ou de représailles ou de toute autre sanction à cause de l’exercice d’un droit ou d’une fonction qui lui résulte de la présente loi ou des règlements, peut recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou, à son choix, soumettre une plainte par écrit à la Commission dans les 30 jours de la sanction ou de la mesure dont il se plaint. »
ART
« La section III du chapitre VII de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (chapitre A-3.001) s’appliquent, en y faisant les adaptations nécessaires, à une plainte soumise en vertu de l’article 227 comme s’il s’agissait d’une plainte soumise en vertu de l’article 32 de cette loi.
La décision de la Commission peut faire
l’objet d’une contestation devant la Commission des lésions professionnelles conformément à l’article
Les articles pertinents de la LATMP se lisent comme suit :
ART
« L’employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu’il a été victime d’une lésion professionnelle ou à cause de l’exercice d’un droit que lui confère la présente loi.
Le travailleur qui croit avoir été l’objet d’une sanction ou d’une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l’article 253 . »
ART
« S’il est établi à la satisfaction de la Commission que le travailleur a été l’objet d’une sanction ou d’une mesure visée dans l’article 32 dans les six mois de la date où il a été victime d’une lésion professionnelle ou de la date où il a exercé un droit que lui confère la présente loi, il y a présomption en faveur du travailleur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui parce qu’il a été victime d’une lésion professionnelle ou à cause de l’exercice d’un droit.
Dans ce cas, il incombe à l’employeur de prouver qu’il a pris cette sanction ou cette mesure à l’égard du travailleur pour une autre cause juste et suffisante. »
[39]
Pour qu’il y ait ouverture au recours en vertu de l’article
· être une travailleuse au sens de la loi;
· avoir opté pour une plainte;
· avoir exercé un droit conféré par la loi;
· avoir subi une sanction de son employeur;
·
avoir formulé sa plainte dans le délai prévu à l’article
[40] En début d’audience, l’employeur a admis tous les critères permettant l’ouverture d’une plainte. Ainsi, le soussigné constate que la plainte est recevable.
[41] De plus, la Commission est d’avis que la travailleuse bénéficie de la présomption prévue à l’article 255 de la loi. En effet, cette dernière a fait l’objet d’une sanction alléguée le 30 janvier 2011, l’employeur n’a pas renouvelé son contrat de travail, soit dans les six mois de la date ou elle a exercé un droit, suite à la remise du certificat visant le retrait préventif. L’employeur doit donc démontrer qu’il a refusé de prolonger le contrat de la travailleuse après le 30 janvier 2011 pour une autre cause juste et suffisante.
[42] Le soussigné retient de la preuve les éléments suivants:
42.1. Le 10 août 2010 la travailleuse a signé un contrat de travail à durée déterminée. Il est précisé que le contrat se termine au plus tard le 31 décembre 2010.
42.2. Le 20 décembre 2010, la travailleuse a signé une prolongation de contrat, qui se termine au plus tard le 30 janvier 2011;
42.3. Le 20 décembre 2010, la travailleuse a signé une évaluation de mi-année par son supérieur, qui proposait une « amélioration de la vitesse à la pipette »;
42.4. Le superviseur du laboratoire, M. Agogué, a reconduit le contrat temporaire de trois travailleur(se)s jusqu’au 30 janvier 2011, le temps qu’il revienne d’un congé de paternité;
42.5. En terme de mouvements de personnel, l’employeur a embauché une étudiante le 20 janvier 2011 (Sara Nasr) pour une prestation de travail d’une journée / semaine. En février, il a embauché deux techniciens; M. Théo Sadozai, assigné à la pesée, et Mme Sokhna Faty au département de l’environnement.
42.6. Le 30 janvier 2011, M. Ciobanu et la travailleuse ont terminé leur contrat de travail et n’ont pas été renouvelés. Quatre autres travailleur(se)s ont cessé de travailler pour l’employeur jusqu’au 8 avril 2011.
42.7. Mme Dubin, qui occupe un poste similaire à celui de la travailleuse, a acquis le statut de permanente suite à sa performance au travail.
[43] Le soussigné est d’avis que l’employeur a renversé le fardeau qui lui incombait de faire valoir une autre cause juste et suffisante pour avoir mis fin au contrat de la travailleuse le 30 janvier 2011.
[44] En effet , le contrat de travail qui liait les parties est à durée déterminée. Ainsi, il s’agit d’un contrat dont l’échéance est fixée à l’avance, à une date précise, le 31 décembre 2010, et prolongé jusqu’au 30 janvier 2011. Le soussigné rappelle que Le code civil spécifie qu’un contrat à durée déterminée peut être renouvelé par « tacite reconduction » [1] lorsque à la fin d’un tel contrat, le salarié continue de travailler pendant plus de cinq jours aux mêmes conditions sans que l’employeur ne s’y oppose. Dans la présente affaire, l’employeur a fait savoir de façon non équivoque à la travailleuse, à la mi-janvier 2011, que son contrat n’était pas renouvelé et qu’elle terminait le 30 janvier 2011. Ainsi, le soussigné ne peut retenir l’argument de la travailleuse que le renouvellement de son contrat n’était qu’une « simple formalité ».
[45] À l’analyse des mouvements de personnel, la travailleuse n’a pas été la seule technicienne où le contrat de travail n’a pas été renouvelé. M. Ciobanu a aussi terminé le 30 janvier 2011. En février 2011, les deux techniciens embauchés ont été assignés à des postes que la travailleuse n’a pas occupés (pesée et département de l’environnement). Jusqu’en avril 2011, il y a eu six travailleurs qui ont été mis à pied ou ont quitté l’entreprise. Quatre travailleurs à temps plein et deux étudiants ont été embauchés durant la même période. Ainsi, l’entreprise a réduit son personnel durant cette période.
[46] L’employeur a choisi de garder à son emploi une employée (Mme Dulin) qui, selon son appréciation, fournissait le meilleur rendement. Ce faisant , le soussigné est d’avis que l’employeur a exercé son droit de gérance en fonction des besoins de l’entreprise en retenant la personne qu’il jugeait la plus performante. Ainsi, Mme Dubin, a acquis rapidement sa permanence.
[47] Compte tenu de ce qui précède, le soussigné ne peut retenir l’argument de la travailleuse que sa blessure au pouce lui a nuit pour acquérir les habiletés au travail et qu’en raison de son ancienneté elle aurait dû conserver en priorité son emploi. La Commission rappelle que sa compétence se limite à examiner la légalité de la mesure prise par l’employeur en regard des dispositions de la loi. Or, aucune disposition de la loi ne prévoit de critères à respecter lorsque l’employeur décide de retenir les services d’un employé plutôt que d’un autre, ou de mettre fin à son emploi.
[48] En conclusion, le soussigné est d’avis que l’employeur s’est acquitté de son fardeau de repousser la présomption et de démontrer par une preuve prépondérante que sa décision de ne pas reconduire le contrat de travail de la travailleuse au-delà de son terme, le 30 janvier 2011 a été motivée par une autre cause juste et suffisante.
[49] Quant à la possibilité d’affectation de la travailleuse enceinte, de la conformité du certificat de retrait préventif et de la perte de salaire durant le mois de janvier 2011, le soussigné note qu’il n’a pas compétence pour entendre ces litiges, le tout étant référé à la Direction de la révision administrative.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION
REJETTE la plainte déposée par la travailleuse le 24 février 2011 à la Commission et la déclare non fondée en faits et en droit.
François Morand
Conciliateur-décideur
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Me Guy Lavoie |
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LAVERY |
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Représentant de l’employeur |
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Date d’audience : |
18 mai 2011 |
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