Champagne Marineau c. Géomatique BLP arpenteurs-géomètres inc. |
2011 QCCQ 8247 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
SAINT-MAURICE |
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LOCALITÉ DE |
SHAWINIGAN |
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« Chambre civile » |
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N° : |
410-32-004642-116 |
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DATE : |
22 juillet 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PIERRE LABBÉ, J.C.Q. |
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JACQUELINE CHAMPAGNE MARINEAU, |
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Demanderesse et défenderesse reconventionnelle |
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c. |
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GÉOMATIQUE BLP ARPENTEURS-GÉOMÈTRES INC. Défenderesse et demanderesse reconventionnelle et YVES BÉLAND, |
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Défendeur |
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JUGEMENT |
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[1] Alléguant que les défendeurs ont commis une faute professionnelle lors de la préparation d'un certificat de localisation, la demanderesse leur réclame 7 000 $ à titre de dommages.
[2] Les défendeurs contestent la demande, le défendeur Yves Béland précisant qu'il n'y a pas de lien de droit entre lui et la demanderesse.
[3] La défenderesse formule une demande reconventionnelle de 1 128,75 $ en recouvrement de sa facture impayée pour la préparation d'un certificat de localisation.
[4] La preuve révèle les faits pertinents suivants.
[5] La demanderesse a retenu les services de la firme Géomatique BLP Arpenteurs-Géomètres inc. (ci-après appelée « BLP ») pour la préparation d'un certificat de location. C'est Yves Béland, arpenteur-géomètre, qui a préparé le document. La demanderesse avait besoin d'un tel document dans le cadre de la vente de son immeuble situé à Shawinigan. Selon la demanderesse, Yves Béland savait que les acheteurs de son immeuble ne désiraient pas acheter toute la terre, mais seulement la partie de l'immeuble où est située sa résidence.
[6] Une promesse d'achat et de vente a été signée le 28 mars 2010 entre la demanderesse et les acheteurs. Ces derniers devaient prendre possession de l'immeuble le 1 er août 2010. La notaire Karine La Haye devait préparer le contrat de vente. Le texte de la promesse d'achat et de vente n'a pas été produit en preuve.
[7] La demanderesse avait loué pour un an un logement en prévision de la vente de son immeuble et elle y avait emménagé.
[8] Environ deux à trois jours avant la signature du contrat de vente, la notaire La Haye a informé Jacinthe Vaugeois, l'agente immobilière de la demanderesse, que l'immeuble ne bénéficiait pas de droits acquis en vertu de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (L.R.Q., c. P-41.1, ci-après citée « LPTAA »). Selon la notaire La Haye, l'immeuble en entier devait être vendu, c'est-à-dire avec toute la terre, contrairement à ce qui était indiqué au certificat de localisation. La notaire La Haye avait reçu copie du certificat de localisation de BLP quelques jours auparavant.
[9] Le paragraphe à l'origine du litige dans le certificat de localisation est le suivant :
Zone agricole :
L'immeuble ci-haut désigné est situé à l'intérieur d'une zone agricole dont le plan a été approuvé par décret du gouvernement en vertu de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (L.r.Q., c. P-41.1) mais possède des droits acquis pour d'autres fins que l'agriculture (1/2 hectare) .
[Soulignement ajouté]
[10] Yves Béland a été informé de cette problématique à son retour de vacances à l'été 2010.
[11] Les acheteurs ne souhaitaient pas acquérir toute la terre; ils ont convenu avec la demanderesse d'annuler la promesse d'achat et de vente. Les conditions de cette annulation ne sont pas connues. La demanderesse a pu sous-louer son logement sans perte et réintégrer sa résidence. Elle réclame aux défendeurs les dommages suivants dont elle attribue la cause à l'erreur contenue dans le certificat de localisation :
- Frais de déménagement (2) 1750$
- balance de loyer payé à M me Gervais 150$
- branchement Bell (2) et Cogeco 360$
- 4 mois de loyer : 2100$
- peinture et peintre 860$
- remplacement de poignées d'armoire 125$
- rebranchement et remplacement de lustres 100$
- bois de chauffage (3) 255$
- nettoyage de la maison, du garage et du terrain 225$
- assurance supp. maison 25$
- consultation notaire Brodeur 50$
- dommages moraux 1000$
[Reproduit tel quel]
[12] La demanderesse n'a pas produit de pièces justificatives pour les dommages autres que moraux.
[13] La demanderesse affirme qu'elle a communiqué avec la Commission de protection du territoire agricole du Québec (la Commission) et on lui aurait dit qu'une demande d'autorisation pour la vente devait être faite et que le délai à prévoir était d'environ un an.
[14] La notaire La Haye n'a pas fourni d'opinion juridique écrite. Madame Vaugeois affirme qu'elle a consulté un autre notaire qui lui aurait dit que la décision de la Commission portait à confusion.
[15] La décision que mentionne madame Vaugeois est celle du 7 novembre 2002 [1] qui a été produite par les défendeurs avec une copie du dossier de la Commission (D-4). Il s'agit du dossier de Raymond Marineau, conjoint à l'époque de la demanderesse. Yves Béland avait travaillé dans ce dossier et connaissait bien la situation. La demanderesse affirme même que monsieur Béland a rédigé le paragraphe 12 de son certificat de localisation de mémoire tellement il connaissait bien le dossier.
[16] Raymond Marineau avait acquis l'immeuble le 19 juin 1970.
[17] La décision du 7 novembre 2002 de la Commission traitait d'une demande de Raymond Marineau pour utiliser à une fin autre que l'agriculture, soit la construction d'une résidence, une partie du lot 535 du cadastre de la paroisse de Sainte-Flore, sur une superficie d'environ 0,5 hectare. Raymond Marineau voulait remettre en valeur l'érablière et le boisé et entreprendre l'élevage de bovins sur cette terre. La résidence en question est celle qui a fait l'objet de la promesse d'achat et de vente entre la demanderesse et les acheteurs.
[18] Il y a lieu de citer les paragraphes pertinents suivants de la décision de la Commission :
La Commission est saisie d'une demande pour une utilisation à une fin autre que l'agriculture, soit la construction d'une résidence à même une partie du lot 535, du cadastre de la Paroisse de Sainte-Flore, dans la circonscription foncière de Shawinigan, sur une superficie d'environ 0,5 hectare.
[…]
Bien qu'il s'agisse d'une demande pour implanter un nouvel usage non agricole, les circonstances entourant la demande ne justifient pas de la rejeter en vertu de l'application de l'article 61.1 de la loi car la résidence serait rattachée à une propriété de 56 hectares avec projets agricoles en développement. La Commission analysera donc la demande en vertu de l'article 12 et des critères de l'article 62 de la loi.
[…]
La terre est majoritairement boisée, mais monsieur Marineau respecte le plan d'aménagement forestier soumis. Il a aussi l'intention de faire un petit élevage de bovins et ainsi, bien utiliser ses quelques champs en prairie.
La maison serait construite au même endroit que celle incendiée en 1980; on reviendra à la situation qui prévalait à cette époque. Ainsi, cette nouvelle maison ne générera aucune nouvelle contrainte pour l'agriculture en regard de l'application des distances séparatrices car une demi-douzaine de résidences séparent les établissements de production animale du site visé.
[…]
Finalement, la Commission est d'avis qu'une autorisation n'occasionnera pas d'inconvénients pour l'agriculture du secteur mais permettra plutôt une exploitation optimale de la terre concernée et que, compte tenu des particularités du dossier, l'effet d'entraînement n'est pas à craindre.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION
AUTORISE l'utilisation non agricole pour la construction d'une résidence à même une partie du lot 535, au cadastre de la Paroisse de Sainte-Flore, dans la circonscription foncière de Shawinigan sur une superficie maximale de 0,5 hectare.
[19] Yves Béland a dit s'être fondé sur cette décision de la Commission pour écrire au paragraphe 12 du certificat de localisation que l'immeuble bénéficiait de droits acquis.
[20] Les parties ont tenté de régler le litige hors de Cour en incluant les deux agences immobilières, mais sans résultat.
ANALYSE
[21] Il y a lieu de citer les articles 12 , 61.1 et 62 LPTAA :
12. Pour exercer sa compétence, la commission tient compte de l'intérêt général de protéger le territoire et les activités agricoles. À cette fin, elle prend en considération le contexte des particularités régionales.
La commission peut prendre en considération tous les faits qui sont à sa connaissance.
61.1. Lorsqu'une demande porte sur une autorisation d'une nouvelle utilisation à des fins autres que l'agriculture, le demandeur doit d'abord démontrer qu'il n'y a pas, ailleurs dans le territoire de la municipalité locale et hors de la zone agricole, un espace approprié disponible aux fins visées par la demande.
La commission peut rejeter la demande pour le seul motif qu'il y a des espaces appropriés disponibles hors de la zone agricole.
62. La commission peut autoriser, aux conditions qu'elle détermine, l'utilisation à des fins autres que l'agriculture, le lotissement, l'aliénation, l'inclusion et l'exclusion d'un lot ou la coupe des érables.
Pour rendre une décision ou émettre un avis ou un permis dans une affaire qui lui est soumise, la commission doit se baser sur:
1° le potentiel agricole du lot et des lots avoisinants;
2° les possibilités d'utilisation du lot à des fins d'agriculture;
3° les conséquences d'une autorisation
sur les activités agricoles existantes et sur le développement de ces activités
agricoles ainsi que sur les possibilités d'utilisation agricole des lots
avoisinants notamment, compte tenu des normes visant à atténuer les inconvénients
reliés aux odeurs inhérentes aux activités agricoles découlant de l'exercice
des pouvoirs prévus au paragraphe 4° du deuxième alinéa de l'article
4° les contraintes et les effets résultant de l'application des lois et règlements, notamment en matière d'environnement et plus particulièrement pour les établissements de production animale;
5° la disponibilité d'autres emplacements de nature à éliminer ou réduire les contraintes sur l'agriculture, particulièrement lorsque la demande porte sur un lot compris dans une agglomération de recensement ou une région métropolitaine de recensement telle que définie par Statistique Canada ou sur un lot compris dans le territoire d'une communauté;
6° l'homogénéité de la communauté et de l'exploitation agricoles;
7° l'effet sur la préservation pour l'agriculture des ressources eau et sol sur le territoire de la municipalité locale et dans la région;
8° la constitution de propriétés foncières dont la superficie est suffisante pour y pratiquer l'agriculture;
9° l'effet sur le développement économique de la région sur preuve soumise par une municipalité, une communauté, un organisme public ou un organisme fournissant des services d'utilité publique;
10° les conditions socio-économiques nécessaires à la viabilité d'une collectivité lorsque la faible densité d'occupation du territoire le justifie.
Elle peut prendre en considération:
1° un avis de non-conformité aux objectifs du schéma d'aménagement et de développement et aux dispositions du document complémentaire ou au plan métropolitain d'aménagement et de développement transmis par une municipalité régionale de comté ou par une communauté;
2° les conséquences d'un refus pour le demandeur.
[22] Les droits acquis sont prévus aux articles 101 , 101.1 , 102 et 103 LPTAA dont le texte est le suivant :
101. Une personne peut, sans l'autorisation de la commission, aliéner, lotir et utiliser à une fin autre que l'agriculture un lot situé dans une région agricole désignée, une aire retenue pour fins de contrôle ou une zone agricole, dans la mesure où ce lot était utilisé ou faisait déjà l'objet d'un permis d'utilisation à une fin autre que l'agriculture lorsque les dispositions de la présente loi visant à exiger une autorisation de la commission ont été rendues applicables sur ce lot.
Ce droit n'existe qu'à l'égard de la superficie du lot qui était utilisée à une fin autre que l'agriculture ou pour laquelle un permis d'utilisation à une fin autre que l'agriculture avait déjà été délivré lorsque les dispositions de la présente loi visant à exiger l'autorisation de la commission ont été rendues applicables à ce lot.
101.1. Malgré l'article 101, une personne ne peut, à compter du 21 juin 2001, ajouter une nouvelle utilisation principale à une fin autre que l'agriculture sur la superficie bénéficiant de ce droit ni modifier l'utilisation existante en une autre utilisation à une fin autre que l'agriculture, sans l'autorisation de la commission.
102. Le droit reconnu par l'article 101 subsiste malgré l'interruption ou l'abandon d'une utilisation autre que l'agriculture. Il est toutefois éteint par le fait de laisser sous couverture végétale la superficie sur laquelle il porte, pendant plus d'un an à compter du moment où les dispositions de la présente loi visant à exiger l'autorisation de la commission ont été rendues applicables sur cette superficie. Il est également éteint aux mêmes conditions sur la partie de cette superficie qui a fait l'objet d'un acte d'aliénation; il en est de même quant à la superficie qui a été réservée par le vendeur à l'occasion d'un lotissement ou d'une aliénation, intervenue après le 20 juin 1985.
103. Une personne peut, sans l'autorisation de la commission, étendre la superficie sur laquelle porte un droit reconnu par l'article 101.
Cette superficie peut être portée à un demi-hectare si, au moment où les dispositions de la présente loi visant à exiger une autorisation de la commission y ont été rendues applicables, ce lot était utilisé ou faisait déjà l'objet d'un permis d'utilisation à des fins résidentielles. Elle peut être portée à un hectare s'il s'agissait d'une utilisation ou d'un permis d'utilisation à des fins commerciales, industrielles ou institutionnelles.
L'extension prévue par l'alinéa précédent peut être faite sur plus d'un lot lorsqu'une personne était propriétaire de plusieurs lots contigus à la date où les dispositions de la présente loi visant à exiger l'autorisation de la commission ont été rendues applicables à ces lots.
[23] Au moment où Raymond Marineau a fait sa demande à la Commission, l'immeuble bénéficiait en apparence de droits acquis au sens de l'article 101 de la Loi, car au moment de l'entrée en vigueur de celle-ci, le 9 novembre 1978, il y avait une résidence sur l'immeuble, et ce, jusqu'en 1980. Ces droits acquis ont cependant été perdus en vertu de l'article 102 de la Loi puisque la maison a été incendiée en 1980.
[24] Yves Béland a interprété la décision de la Commission du 7 novembre 2002 comme conférant un droit acquis à l'immeuble, c'est-à-dire que la résidence pouvait être aliénée sans l'autorisation de la Commission. Il a conclu que si la Commission avait autorisé une utilisation autre que l'agriculture en 2002, l'autorisation de la Commission n'était pas nécessaire pour aliéner la partie résidentielle de l'immeuble. D'autre part, la lecture de la décision révèle que l'autorisation accordée de construire une résidence est intimement liée à l'exploitation du reste de la terre. La Commission, dans son orientation préliminaire, avait l'intention de refuser la demande. Elle a changé son orientation à la suite des observations présentées par Raymond Marineau, qu'elle a reproduites à la page 2 de la décision, à savoir :
Les observations dont ils nous ont fait part peuvent se résumer ainsi :
- actuellement, des travaux d'entretien sont exécutés selon un plan d'aménagement forestier conçu par le Syndicat des producteurs de bois de la Mauricie;
- monsieur Marineau se réserve du bois de sciage pour ses futures constructions;
- la terre en question appartenait à son père et présentement, il passe presque tout son temps à l'entretenir adéquatement. Malgré tout, il se fait souvent voler ou subit des dommages car il n'est pas sur les lieux en permanence;
- il y avait une grange et une maison sur cette terre mais des vandales y ont mis le feu. Il souhaite d'ailleurs construire sa maison au même endroit;
- malgré le fait qu'une partie de sa terre se trouve en zone non agricole, il ne peut s'y construire car c'est trop éloigné de la route et en flanc de montagne;
- il est aussi mentionné lors de la rencontre que la nouvelle résidence serait située loin des bâtiments de production animale existants et que de toute façon, il y a déjà au moins 6 maisons situées plus près.
[25] Bien que la décision de la Commission ne traite pas de droits acquis, elle peut laisser place à interprétation. Mais la prudence aurait exigé que l'arpenteur-géomètre fasse des vérifications auprès de la Commission avant d'émettre un avis que l'immeuble pouvait être aliéné sans autorisation sur la base de droits acquis.
[26]
Il y a lieu de citer les dispositions pertinentes de la
Loi sur les
arpenteurs-géomètres
(L.R.Q., c. A-23), celles du
Code de déontologie
des arpenteurs-géomètres
(L.R.Q., c. A-23, r. 3)
de même que les
articles
Loi sur les arpenteurs-géomètres
34. L'arpenteur-géomètre est un officier public.
Constituent l'exercice de la profession d'arpenteur-géomètre :
a) tous arpentages de terrains, mesurages aux fins de borner, bornages, levés de plans, toutes confections de plans, de procès-verbaux, de rapports, de descriptions techniques de territoires, de certificats de localisation et de tous documents ainsi que toutes opérations faites par méthode directe, photogrammétrique, électronique ou autre se rapportant de quelque manière que ce soit au bornage, lotissement, établissement d'assiette de servitude, piquetage de lots, et relevés des lacs, rivières, fleuves et autres eaux du Québec, aux calculs de superficies des propriétés publiques et privées, à toutes les opérations cadastrales ou aux compilations de lots ou de parties de lots, ainsi qu'à la représentation cartographique de territoire aux fins susdites;
b) l'établissement et la tenue à jour du canevas des points géodésiques de tout ordre de précision et l'établissement des contrôles photogrammétriques aux fins des travaux énumérés au paragraphe a .
35. Aucune des opérations définies à l'article 34 n'est valide, à moins qu'elle n'ait été entreprise par un arpenteur-géomètre et exécutée conformément à la loi et aux règlements de l'Ordre.
49. L'arpenteur-géomètre, dans l'exercice de sa profession, est tenu de suivre les normes de pratique établies par les règlements du Conseil d'administration.
[Soulignements ajoutés]
Code de déontologie des arpenteurs-géomètres
3.02.01. L'arpenteur-géomètre doit s'acquitter de ses obligations professionnelles avec intégrité.
3.02.03. Avant d'entreprendre l'exécution d'un travail, l'arpenteur-géomètre doit, dans la mesure du possible, faire en sorte que le client soit bien informé des implications des services professionnels requis , notamment en ce qui concerne la durée, la quantité du travail et le coût approximatif de ces services.
3.02.04. L'arpenteur-géomètre doit exposer à son client d'une façon complète et objective la nature et la portée du problème qui, à son avis, ressort de l'ensemble des faits qui ont été portés à sa connaissance .
3.02.05. L'arpenteur-géomètre doit chercher à avoir une connaissance complète des faits avant de donner un avis ou un conseil .
3.02.06. L'arpenteur-géomètre doit prendre les mesures les plus appropriées pour réparer, dans un délai raisonnable, toute erreur ou omission qu'il a pu commettre en rendant un service professionnel.
3.03.02. En plus des avis et des conseils, l'arpenteur-géomètre doit fournir à son client les explications nécessaires à la compréhension et à l'appréciation des services qu'il lui rend .
3.04.01. L'arpenteur-géomètre doit, dans l'exercice de sa profession, engager pleinement sa responsabilité civile personnelle. Il lui est donc interdit de limiter cette responsabilité ou, le cas échéant, la responsabilité de la société au sein de laquelle il exerce ses activités professionnelles ou celle d'une autre personne qui y exerce aussi ses activités.
[Soulignements ajoutés]
Code civil du Québec
1458. Toute personne a le devoir d'honorer les engagements qu'elle a contractés.
Elle est, lorsqu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu'elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l'application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.
2098. Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.
2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.
2102. L'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu, avant la conclusion du contrat, de fournir au client, dans la mesure où les circonstances le permettent, toute information utile relativement à la nature de la tâche qu'il s'engage à effectuer ainsi qu'aux biens et au temps nécessaires à cette fin.
[27]
L'article
2. Le certificat de localisation est un document en minute comportant un rapport et un plan, dans lequel l'arpenteur-géomètre exprime son opinion sur la situation et la condition actuelles d'un bien-fonds par rapport aux titres de propriété, au cadastre, ainsi qu'aux lois et règlements pouvant l'affecter . Il ne peut être utilisé ou invoqué à des fins autres que celles auxquelles il est destiné.
[Soulignement ajouté]
[28] L'article 9 prévoit les éléments qui doivent apparaître au rapport de l'arpenteur-géomètre en vue de la préparation du certificat de localisation dont notamment :
9. Sauf dans les cas visés à l'article 10, l'arpenteur-géomètre doit vérifier les divers éléments concernant ou affectant le bien-fonds qui fait l'objet du certificat de localisation et notamment les suivants :
[…]
12° le fait que le bien-fonds soit situé ou non à l'intérieur d'une zone agricole dont le plan a été approuvé par décret du gouvernement en vertu de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (L.R.Q., c. P-41.1) ;
[…]
[29] La préparation d'un certificat de localisation relève de l'exercice exclusif de la profession d'arpenteur-géomètre. L'Ordre des arpenteurs-géomètres a pris la peine d'établir un règlement sur la norme de pratique relative à la préparation d'un tel document, ce qui en dénote l'importance. Dans la préparation de ce document, Yves Béland a manqué de prudence en ne faisant pas de vérifications auprès de la Commission quant à la possibilité que l'immeuble de sa cliente soit aliéné sans l'autorisation de la Commission. Cette vérification aurait été facile à faire. Il a aussi par conséquent manqué à son obligation d'information envers la demanderesse, surtout s'il se basait sur l'interprétation qu'il faisait de la décision de la Commission.
[30] Si la demanderesse avait obtenu ces informations, elle ne se serait pas engagée dans la signature d'une promesse d'achat et de vente pour la résidence seulement. Il y a donc un lien de causalité entre la faute et les dommages.
[31] La responsabilité personnelle d'Yves Béland n'est cependant pas engagée, car c'est avec BLP que la demanderesse a fait affaire. Seule cette dernière est responsable comme le prévoit l'article 3.04.01 du Code de déontologie cité plus haut.
[32] La preuve permet au Tribunal d'accorder à la demanderesse les montants suivants :
- Des frais de déménagement que le Tribunal fixe à 1 500 $ même si la demanderesse n'a pas obtenu de reçu du déménageur, car la preuve révèle qu'elle a dû déménager deux fois;
- Des frais de branchement pour le téléphone et le câble de 360 $;
- Des dommages moraux de 1 000 $ pour les divers inconvénients et ennuis causés (démarches, insécurité, stress).
TOTAL : 2 860 $.
[33] Les autres éléments de la réclamation auraient dû être appuyés de pièces justificatives pour établir un lien de causalité certain avec la faute de la défenderesse.
[34] En demande reconventionnelle, BLP réclame 1 128,75 $, soit sa facture du 8 juillet 2010 pour la préparation du certificat de localisation. Comme ce certificat ne peut être d'aucune utilité pour la demanderesse, la demande est rejetée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[35]
CONDAMNE
la défenderesse, Géomatique BLP Arpenteurs-Géomètres
inc., à payer à la demanderesse la somme de 2 860 $, avec intérêts au
taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article
[36] CONDAMNE la défenderesse, Géomatique BLP Arpenteurs-Géomètres inc., à payer à la demanderesse les frais judiciaires de 159 $;
[37] REJETTE la demande contre Yves Béland, sans frais;
[38] REJETTE la demande reconventionnelle.
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__________________________________ PIERRE LABBÉ, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
12 juillet 2011 |
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