Vin Eau Plus c. Morimanno |
2011 QCCQ 8272 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
HULL |
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LOCALITÉ DE |
GATINEAU |
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« Chambre civile » |
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N° : |
550-22-010445-086 |
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DATE : |
7 juin 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
GATIEN FOURNIER, J.C.Q. |
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VIN EAU PLUS |
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Demanderesse |
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et |
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LUCIE DOYON |
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et |
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SERGE CHARTRAND |
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Demandeurs |
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c. |
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PIERRE MORIMANNO |
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Défendeur |
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JUGEMENT |
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Introduction
[1] Les demandeurs réclament au défendeur des dommages alléguant que ce dernier aurait commis des fautes dans le cadre de l'exécution du mandat d'architecte octroyé par eux relativement à la conception et la construction d'un édifice commercial.
Question en litige
[2] Le défendeur a t'il commis une faute auprès des demandeurs dans le cadre de l'exécution de son mandat d'architecte leur occasionnant un préjudice pour lequel il est redevable?
Les faits pertinents
[3] Les demandeurs, Lucie Doyon ( Doyon ) et Serge Chartrand ( Chartrand ) sont tous les deux les associés de la demanderesse VIN EAU PLUS s.e.n.c. ( VIN EAU PLUS ).
[4] VIN EAU PLUS est une société en nom collectif et est propriétaire d'un immeuble à Gatineau sur lequel un édifice commercial a été érigé en 2005. C'est le projet de construction de cet édifice qui a donné lieu au litige contre le défendeur ( Morimanno ).
[5] Doyon a fondé l'entreprise Club d'Eau Plus en 1994. Chartrand s'est impliqué dans l'entreprise à partir de 2000 après avoir quitté son emploi chez Bell . Il s'agit d'un commerce de distillerie et d'embouteillage d'eau. Le commerce opérait dans un centre d'achat à Gatineau et ce jusqu'au déménagement dans le nouvel édifice commercial le 1 er novembre 2005.
[6] En 2004, Club d'Eau Plus avait besoin d'espace pour assurer sa croissance. Puisque le bail prenait fin le 31 août 2005 un déménagement de l'entreprise a alors été envisagé par les demandeurs.
[7] À l'automne 2004, les demandeurs entament des démarches en vue de la construction d'un édifice commercial pouvant accueillir Club d'Eau Plus Inc. VIN EAU PLUS se porte acquéreur d'un terrain commercial le 21 décembre 2004 sur le boulevard de la Gappe, à Gatineau.
[8] Les demandeurs obtiennent le financement de la Banque de Développment du Canada ( BDC ). Le budget de construction de l'édifice commercial est fixé à 600 000 $.
[9] Ils invitent cinq firmes d'architectes dont celle de Morimanno à leur soumettre des propositions en fonction de leurs besoins. Ils rencontrent chacune des firmes en décembre 2004. Selon Chartrand , les besoins alors exprimés aux architectes se résumaient ainsi : une bâtisse standard; le respect de l'échéancier du 31 août 2005; et le respect du budget de 600 000 $. Un document exprimant les besoins des demandeurs aurait été remis à chacune des firmes d'architectes.
[10] Une offre de services professionnels est présentée par Morimanno le 21 décembre 2004 (P-1) aux demandeurs. L'offre de services professionnels est accompagnée d'un curriculum vitae de Morimanno indiquant entre autres ses réalisations.
[11] Or, parmi les cinq firmes d'architecte sollicitées, les demandeurs conviennent de retenir les services professionnels de Morimanno . Un contrat intervient entre les parties le 6 janvier 2005 (P-2). Ce contrat est intitulé « contrat entre maître de l'ouvrage et architecte» . Malgré que le nom Club d'Eau Plus apparaisse à titre de maître de l'ouvrage sur le contrat, il est admis par les parties que VIN EAU PLUS agit à ce titre.
[12] Morimanno s'engage ainsi à fournir divers services professionnels devant être rendus par phases, chacune d'elles étant assujettie à un honoraire forfaitaire. La nature des services professionnels pour chacune des phases est décrite à l'offre de services professionnels (P-1) laquelle fait partie intégrante du contrat P-2. Les phases devant être réalisées et les honoraires qui en découlent s'établissent comme suit :
Phases - services professionnels de base |
Honoraires |
Les esquisses |
10 380$ |
Le dossier préliminaire |
10 380$ |
Le dossier définitif (dessins d'exécution et devis) |
20 760$ |
Les services relatifs à l'appel d'offres |
2 595$ |
Les services pendant la construction, sans résident de chantier |
7 785$ |
[13] Morimanno a été retenu notamment parce qu'il offrait un accès direct contrairement aux plus grosses firmes. Morimanno pratique seul et n'a pas d'employé à sa charge. Cet accès direct à l'architecte était important pour les demandeurs car, selon les dires de Chartrand , les demandeurs n'avaient pas d'expérience dans la construction.
[14] Dès le 10 janvier 2005, lors d'une rencontre dans le cadre de la phase des esquisses, les demandeurs sont avisés que le budget de 600 000 $ ne pourra être respecté et que celui-ci doit-être majoré à 680 000 $.
[15] Morimanno présente une esquisse aux demandeurs le 27 janvier 2005. Il remet également par la même occasion une lettre aux demandeurs (P-4) pour confirmer la majoration du budget à 680 000 $. Les demandeurs approuvent l'esquisse et la nouvelle estimation des coûts de l'édifice commercial.
[16] La seconde phase qui concerne les services relatifs au dossier préliminaire est remise pour approbation aux demandeurs le 31 mars 2005. Le coût estimé des travaux passe alors à 725 562 $ en sus des taxes (D-6).
[17] Les demandeurs auraient manifesté à plusieurs reprises leurs inquiétudes quant au respect de l'échéancier du 31 août 2005 durant l'exécution de cette phase. Morimanno leur aurait dit d'attendre et d'être patient.
[18] Lors de la remise du dossier préliminaire le 31 mars 2005, Morimanno a avisé les demandeurs qu'une prolongation de l'échéancier pourra s'avérer nécessaire. Des discussions ont cours entre les parties et ils s'entendent pour une extension d'un mois. Club d'Eau Plus obtient une prolongation de son bail d'un mois et ce jusqu'au 30 septembre 2005. Des démarches doivent également être faites auprès de la BDC relativement au financement et à de possibles pénalités. Les demandeurs disent qu'ils n'avaient pas le choix d'accepter le nouveau délai proposé par Morimanno .
[19] La troisième phase qui concerne les services relatifs au dossier définitif a été présentée aux demandeurs le 26 avril 2005. Les documents contractuels (P-5) préparés par Morimanno permettent aux demandeurs d'aller en appel d'offres.
[20] Un appel d'offres sur invitation est adressé à cinq entrepreneurs en construction. Les entrepreneurs sollicités avaient jusqu'au 10 mai 2005 à 13h00 pour remettre leur soumission. Les documents contractuels indiquent une fin des travaux pour le 30 septembre 2005 au plus tard.
[21] Un addenda no. 1 est émis par Morimanno le 4 mai 2005 (P-15) précisant que « les travaux devront être entièrement terminés pour le 26 septembre 2005 au plus tard, à l'exception des travaux reliés à l'usine et à la vinerie qui devront être terminés exceptionnellement pour le 15 septembre. L'ensemble du bâtiment devra être opérationnel dès le 1 er octobre 2005 .»
[22] Ce sont les demandeurs qui ont exigé à ce que la fin des travaux soit ainsi devancée pour permettre le déménagement de l'usine et de la vinerie dès le 15 septembre 2005.
[23] Le 10 mai 2005, quatre entrepreneurs déposent leur soumission scellée à l'heure indiquée. Un entrepreneur est en retard et sa soumission n'est pas considérée. Les parties procèdent à l'ouverture des quatre soumissions retenues et dans tous les cas, le prix des soumissions est supérieur à l'estimation des coûts de l'édifice commercial, le tout tel qu'il appert ci-après :
Entrepreneurs |
Prix des soumissions (avant taxes ) |
Boless Inc. |
967 940 $ |
Les Entreprises Beaudoin |
994 969 $ |
Construction JPL |
1 022 907 $ |
Ed Brunet & Associés |
1 055 364 $ |
[24] Les parties ont été toutes surprises par les prix des soumissions. Les demandeurs qui craignaient que leur projet de déménagement ne soit dès lors compromis suggèrent que le soumissionnaire retardataire soit rappelé, ce qui fut fait. Ainsi, l'entrepreneur SLBL est revenu et a présenté sa soumission à un prix de 899 000 $. SLBL avait également inclus à sa soumission un addenda où il a noté des économies de coûts possibles à plusieurs endroits.
[25] Morimanno suggère de son côté de travailler avec le plus bas soumissionnaire conforme pour ainsi voir s'il était possible d'obtenir une soumission révisée acceptable pour les demandeurs. Selon les dires de Chartrand , malgré que les demandeurs auraient préféré travailler avec SLBL qui était le plus bas soumissionnaire et qui proposait des économies possibles, ils ont accepté la recommandation de Morimanno de travailler avec Boless . Un délai d'une semaine est accordé.
[26] Le 16 mai 2005, Boless fait parvenir un facsimile (D-5) à Morimanno et aux demandeurs. Boless proposent deux options que voici :
«(sic) Option A
Nous croyons être en mesure de réduire notre soumission de +ou - $200,000.00 avec plusieurs modifications majeures aux documents de soumission originaux, tout en conservant le concept de base afin de maintenir la demande de permis applicable. Cette réduction assume une baisse minimum de $25,000.00 des travaux mécaniques / électriques à être validé auprès du consultant et des sous-traitants. Si cette option est retenue, nous fournirons une liste détaillée des changements proposés. Bien entendu, le délai de livraison ne peut être respecté, puisque les documents devront être révisés et ré-évalués.
Option B
Si pour des raisons économiques, l'option A ne peut être retenue, une révision complète du programme est alors requise. Nous pourrions proposer un type de bâtiment avec coquille pré-usinée tout en maintenant les besoins du client. Un délai supplémentaire serait alors requis afin de nous permettre de faire une analyse plus élaborée.»
[27] Les propositions de Boless ne sont pas acceptables pour les demandeurs. Les demandeurs confirment le tout par écrit dans une lettre le 18 mai 2005 (D-5). Cette lettre se lit comme suit :
«(sic) Monsieur,
Suite à l'ouverture des soumissions le 10 mai 2005, nous vous avons informé dans le même après-midi qu'aucun soumissionnaire n'était retenu étant donné que le montant des soumissions étaient beaucoup trop élevé. Par contre, M. Pierre Morimanno, notre architecte, suggère d'aller vous rencontrer pour que vous puissiez trouver des solutions pour respecter le budget, puisque vous étiez le plus bas soumissionnaire. Pierre nous recommande de nouveau notre patience jusqu'au lundi suivant.
Suite à cette attente nous avons bien reçu votre fax du 16 mai 2005 avec les 2 options que vous nous proposées. Par contre il est clair que dans aucune de ces options vous arrivez à des propositions concrètes pour réaliser le projet dans le délai demandé qui est le 15 septembre 2005.
La date de livraison n'est pas un point que nous pouvons discuter étant donné qu'elle était bien stipulée dans l'appel d'offre, puisque nous devons libérer nos locaux pour le 30 septembre 2005. Nous devons donc refuser les 2 options proposées.
Un appel à Richard Fortier du BSDQ, nous confirme aussi que nous avons bien suivi toutes les procédures. Nous comprenons par contre votre déception.
Merci d'avoir répondu à ce deuxième essai demandé par notre architecte, M. Pierre Morimanno.
Luci Doyon, Serge Chartrand
Pour Vin-Eau Plus S.E.N.C.»
[28] Les demandeurs communiquent avec Morimanno le 16 mai 2005 qui selon Chartrand , n'a pas vraiment de solution pour eux.
[29] Les demandeurs ont demandé à Morimanno de travailler avec SLBL lequel après avoir hésité accepte de participer à une rencontre fixée d'urgence au lendemain avec l'entrepreneur.
[30] Lors de la rencontre du 17 mai 2005, SLBL présente un document de travail proposant de réduire les coûts de construction de 899 400 $ à 730 098 $ (P-17). Pour ce faire SLBL demande à ce que Morimanno modifie les plans et devis pour répondre aux nouvelles propositions de SLBL .
[31] Morimanno soumet des plans et devis modifiés le 24 mai 2005. SLBL confirme que les modifications apportées par Morimanno ne sont pas suffisantes pour atteindre le nouvel objectif budgétaire de 730 098 $.
[32] Déçus, les demandeurs écrivent à Morimanno le 27 mai 2005 à 21h00 (P-6) afin de lui demander de procéder à seize corrections à ses plans. On lui demande également que ses plans corrigés soient acheminés le 30 mai suivant à midi.
[33] Chartrand indique qu'à cette date, il ne cherchait qu'à limiter les dommages par tous les moyens possibles.
[34] Le 30 mai 2005, Morimanno écrit aux demandeurs (P-7) pour confirmer qu'il ne soumettra pas de modifications additionnelles aux documents contractuels.
[35] Dans les jours qui suivent les demandeurs sont avisés que Morimanno quittent pour quelques jours de vacances.
[36] Les demandeurs perçoivent le refus de Morimanno de faire les modifications aux documents contractuels comme un refus de modifier son concept qui par ailleurs ne respecte pas leur budget.
[37] Les demandeurs prennent donc la décision de transiger seul avec l'entrepreneur SLBL . Cette décision est motivée par les facteurs suivants : ils doivent relocaliser leur entreprise le 30 septembre 2005; ils n'ont plus d'architecte et SLBL représente la seule solution désormais envisageable.
[38] Le ou vers le 2 juin 2005, les demandeurs rencontrent l'entrepreneur SLBL afin de refaire les plans de manière à respecter le budget. SLBL engage un architecte. En quelques jours, les changements sont apportés et les plans sont modifiés.
[39] Le coût de construction de l'édifice tel que modifié est désormais de 705 000 $. Une ventilation des coûts de construction (P-12) a été produite.
[40] Les travaux de construction ont été terminés à la fin octobre 2005 à l'intérieur des coûts selon Chartrand . Des frais supplémentaires au montant de 11 000 $ pour assurer la construction accélérée du projet auraient cependant été encourus.
[41] Les demandeurs reprochent à Morimanno ce qui suit :
· De ne pas avoir rendu les services professionnels dans des délais raisonnables;
· De ne pas avoir conçu un édifice en fonction de leur budget;
· De ne pas avoir fait les efforts raisonnables pour récupérer le projet.
[42] En gros, les demandeurs aimaient le concept proposé par Marimanno mais ils n'étaient pas disposés à payer plus que le budget établi.
[43] Les demandeurs réclament à Morimanno le somme de 42 274,70 $ à titre de dommages et intérêts.
[44] Cette somme se compose d'un montant de 23 274,70 pour les mois de loyers perdus en septembre et octobre 2005.
[45] À cet égard, Chartrand confirme que le loyer payable par Club d'Eau Plus à VIN EAU PLUS a été fixé en fonction de la dette assumée par cette dernière et qui s'élevait à un peu plus de 11 000 $/mois sans préciser exactement le montant et sans produire d'entente ou de bail. La dette assumée par VIN EAU PLUS se composait du prêt sur le terrain et du prêt sur l'édifice commercial.
[46] Le prêt de VIN EAU PLUS sur le terrain était remboursable au moyen d'un versement mensuel de 3 382,58 $ qui a été effectué à compter du 1 er avril 2005. VIN EAU PLUS a ainsi effectué deux versements mensuels en septembre et octobre 2005 au montant de 3 282,58 $ chacun (P-20).
[47] Par ailleurs, VIN EAU PLUS a versé à la BDC la somme de 1 604,61 $ pour le mois de septembre 2005 et 7 012,27 $ pour le mois d'octobre 2005 à titre d'intérêts et de frais bancaires sur les déboursés effectués pour la construction de l'édifice (P-22).
[48] Les demandeurs réclament également à Morimanno la somme de 11 000 $ pour ce qu'ils qualifient de frais supplémentaires encourus pour assurer la construction accélérée du projet. Cette somme est incluse dans la ventilation des coûts produite sous la cote P-12 sous les rubriques de mise en chantier (10 000 $) et de plans et surveillance (7 000 $).
[49] Finalement, les demandeurs réclament une somme de 8 000 $ pour troubles et inconvénients. Ils expliquent cette somme compte tenu de la perte de temps subie et des efforts qu'ils ont dû déployer pour mener à bien leur projet de construction. Chartrand indique qu'à compter du 30 mai 2005, ils ont dû prendre la relève de Morimanno . Selon leurs dires, ils devenaient désormais maître d'œuvre et ont dû faire le nécessaire pour mener à bien le projet. Ils suppléaient ainsi au travail de Morimanno qui les a laissé en plan.
[50] En contre-interrogatoire Chartrand admet n'avoir payé les honoraires de Morimanno relativement à ses services professionnels que pour les deux premières phases du contrat (P-2) intervenues entre les parties. Quant à la troisième phase des travaux, seulement 50% des honoraires de Marimanno ont été payés. Chartrand reconnaît également que Morimanno a fait des modifications aux documents contractuels que les demandeurs n'ont pas payés. Selon lui, ces modifications aux documents contractuels ne devaient pas être assumées par les demandeurs. Morimanno avait la responsabilité de produire des documents contractuels qui étaient en accord avec leur budget ce qui ne s'est pas avéré être le cas. Morimanno n'a, par ailleurs, jamais demandé à être payé.
[51] Chartrand dit ne pas avoir été mis au courant que les règles du bureau des soumissions déposées ( BSDQ ) s'appliquaient aux soumissionnaires. Il dit avoir été mis au courant d'une problématique à cet égard que dans le cadre de la préparation du procès.
[52] Chartrand dit en ré-interrogatoire que le document intitulé « Services, responsabilité et tarif de l'architecte, octobre 1986 » dont il est question dans le contrat intervenu entre les parties (P-2) et qui constitue les conditions générales de celui-ci ne leur a pas été présenté.
[53] Sylvain Bertrand de SLBL a témoigné. Il est entrepreneur en construction commerciale depuis 15 ans. Il a livré l'édifice aux demandeurs à la fin octobre 2005 au prix convenu. Il a travaillé avec Morimanno dans le passé notamment pour la construction d'une garderie en 2003 ou 2004. SLBL se spécialise dans les projets « Design Built ou clé en main» .
[54] Il confirme que la soumission déposée par SLBL suivant les documents contractuels préparés par Morimanno était au montant de 899 000 $. Il avait l'habitude à l'époque de déposer avec ses soumissions des propositions pour générer des économies. Le document de travail (P-17) en est un exemple.
[55] SLBL propose donc des changements dans le document P-17 pouvant générer des économies de l'ordre de 170 000 $ permettant ainsi de rencontrer le budget des demandeurs. Les changements proposés se situent à plusieurs niveaux soit en ce qui concerne l'infrastructure (civil), la structure, l'enveloppe extérieure, la construction intérieure, la finition intérieure, les services, l'aménagement extérieur, les conditions générales, le profit et l'administration.
[56] Dans les faits les changements proposés ont permis des réaliser les économies suivantes:
Domaine |
Économies réalisées |
Infrastructure/civil |
15 000$ |
Structure |
40 000$ |
Architecture |
105 000$ |
Mécanique |
2 500$ |
Électrique |
9 000$ |
Général |
0$ |
Total: |
171 500$ |
[57] Pour réaliser ces économies, des modifications importantes ont dû être apportées au bâtiment tel que proposé notamment au niveau des toitures et de l'enveloppe.
[58] C'est à ces deux niveaux, selon SLBL , que Morimanno refusait d'apporter les modifications permettant d'atteindre les économies escomptées.
[59] SLBL confirme qu'il était disposé à travailler avec Morimanno advenant que ce dernier ait modifié ses plans à la satisfaction des demandeurs.
[60] Suivant la lettre de Morimanno du 30 mai 2005 (P-7), les demandeurs ont donné le mandat à SLBL de construire le bâtiment selon les modifications proposées au concept de Morimanno . Une entente est intervenue entre eux le 8 juin 2005 (D-7).Le mandat conféré à SLBL est décrit par les demandeurs comme étant un contrat " clé en main ".
[61] SLBL engage un autre architecte pour modifier les plans selon le nouveau concept. Les services de l'architecte retenu par SLBL ont consisté à revoir les plans d'architecture, à effectuer la surveillance qui s'est résumé à une visite et à émettre le certificat d'acceptation des travaux. Les honoraires de l'architecte ont été de 6 500 $ pour les plans et 500 $ pour la surveillance et l'émission du certificat d'acceptation des travaux.
[62] Par ailleurs, Sylvain Bertrand a facturé 10 000 $ pour son temps consacré à la planification du projet. Il estime avoir travaillé plus de 40 heures afin de revoir le concept de telle sorte qu'un bâtiment puisse être construit selon le budget des demandeurs.
[63] Les demandeurs réclament de Morimanno un montant forfaitaire de 11 000 $ afin de les compenser pour ces coûts.
[64] Morimanno a témoigné. Il était architecte au moment des événements depuis 1991. Il opère sa propre firme depuis 1996. Il se spécialise dans les projets de petites à moyennes envergures allant jusqu'à quelques millions de dollars. Son curriculum vitae de l'époque joint à la pièce P-1 fait état de la réalisation de plusieurs projets résidentiels, commerciaux et institutionnels.
[65] Il dit qu'il a été contacté en décembre 2004 par les demandeurs lesquels lui ont alors confirmé qu'il avait été retenu. Lors de leur rencontre à la fin 2004, Morimanno dit avoir mentionné aux demandeurs que le meilleur temps pour procédé à un appel d'offres est en début d'année soit en janvier, février ou mars. Il a rencontré à nouveau les demandeurs en janvier 2005 pour procéder à la signature du contrat (P-2). Il dit qu'il a remis le document intitulé " Services, responsabilités et tarif de l'architecte, octobre 1986 " (D-1) avec le contrat (P-2). Il reconnaît cependant ne pas avoir revu ce document (D-1) avec les demandeurs.
[66] Dans la phase de l'esquisse, Morimanno discute avec Doyon afin de connaître les besoins et ainsi élaborer un concept répondant à ceux-ci.
[67] Doyon aurait dit qu'elle voulait un bel édifice qui donnerait une belle publicité à l'entreprise et qui permettrait à celle-ci de rayonner.
[68] Il ne s'agissait pas ici de construire une " boîte " comme certains autres commerces que l'on trouve dans les environs. Il fallait trouver un concept fort qui donnera une âme au projet. Le concept élaboré par Marimanno a été nommé " Célébration d'eau " et était en lien direct avec les opérations de Club d'Eau Plus .
[69] Morimanno indique qu'avec le budget proposé, il n'avait pas beaucoup de marge de manœuvre. Il devait aller en sous-sol pour réaliser le projet.
[70] Il propose une première esquisse le 26 janvier 2005 avec une estimation des coûts à 680 000 $ (P-4) avec sous-sol et rez-de-chaussée totalisant 6500 pieds carrés.
[71] Une deuxième esquisse est présentée le 8 février et une troisième le 9 février 2005.
[72] Le 10 février 2005, les demandeurs demandent de revoir le concept de telle sorte qu'il n'y aurait plus de sous-sol. Ils veulent plutôt un rez-de-chaussée et une mezzanine. Selon eux, cela serait à la fois plus facile pour l'exploitation mais aussi moins coûteux au niveau de la construction. Morimanno est septique mais il passe tout même à l'étape suivante soit à la phase du dossier préliminaire.
[73] Au cours de cette seconde phase Morimanno discute avec les demandeurs pour leur indiquer que les modifications importantes demandées par eux au concept élaboré à l'étape de l'esquisse auraient des impacts sur les coûts.
[74] Dans l'élaboration des dessins préliminaires qui comprend les plans, les coupes et les élévations nécessaires à la compréhension du projet, Morimanno cherche à avoir un consensus de la part des demandeurs. Il parle parfois à Doyon et parfois à Chartrand et ce, à tous les deux ou trois jours. Les demandeurs, durant l'élaboration du dossier préliminaire, ont formulé beaucoup de demandes de changements. Il y a énormément de pourparlers avec les clients ce qui expliquent le délai entre le 10 février 2005 et la fin mars 2005 où le dossier préliminaire est enfin présenté.
[75] À cette étape, Morimanno à présenté une coupe générale, des plans de tous les planchers, un plan d'implantation, une élévation, un devis préliminaire, une maquette et une estimation des coûts détaillée.
[76] L'estimation du coût des travaux (D-6) passe alors à 725 562 $ qui représente 45 000 $ de plus que ce qui avait été présenté lors de la première esquisse. Cet estimé des coûts (D-6) détaille les montants pour chacune des disciplines soit l'architecture; la structure et génie civil; la mécanique et l'électricité. Quant aux trois dernières disciplines qui relèvent de professionnels autre que Morimanno , l'estimation des coûts des travaux de construction a été fournie par ces derniers. Morimanno a utilisé leur estimation afin de proposer le coût total estimé des travaux (D-6). Le détail de ces coûts se présente comme suit :
DISCIPLINE |
COÛT ESTIMÉ DES TRAVAUX |
Architecture |
263 568 $ |
Structure et génie civil |
252 603 $ |
Mécanique |
133 709 $ |
Électricité |
75 682 $ |
TOTAL: |
725 562 $ |
[77] Morimanno dit que le coût estimé de construction (D-6) tient compte de la période de l'année où les soumissions devaient être déposées. En effet, les montants prévus aux contingences de construction tiennent compte de cet élément. Il précise cependant que les fluctuations du marché sont très difficiles à prévoir et qu'elles varient d'une année à l'autre. Il n'a cependant pas prévu plus de 2 % de contingences de construction ce qui serait en accord avec les manuels d'estimation.
[78] En réponse aux reproches des demandeurs à l'effet qu'il n'ait pas agi assez rapidement, il explique qu'il est dans la norme que les étapes du dossier préliminaire et du dossier définitif prennent de sept à huit semaines. Dans le cas qui nous occupe, Morimanno indique, qu'outre les délais occasionnés par les clients, qu'il a pris plus de temps au dossier préliminaire de manière a bien expliquer aux clients le projet de telle sorte qu'il y ait peu ou pas de changement au dossier définitif qui consiste essentiellement en la mise en plans et en élévation.
[79] Suivant la remise du dossier préliminaire à la fin mars 2005, Morimanno a indiqué aux demandeurs de bien revoir les documents avant leur approbation. Les demandeurs ont alors manifesté des inquiétudes par rapport aux délais. Morimanno aurait confirmé que les délais étaient serrés et qu'il pourrait être approprié d'avoir un peu plus de temps compte tenu des impondérables qui peuvent survenir dans le domaine de la construction. Doyon aurait alors dit que si un ou deux mois supplémentaires s'avéraient nécessaires, qu'elle connaissait le propriétaire et qu'elle pourrait faire les arrangements nécessaires.
[80] Ce n'est que le 5 avril 2005 que les demandeurs approuvent le dossier préliminaire avec la nouvelle estimation de coûts à 725 562 $. Morimanno indique que ses honoraires et ceux des autres professionnels (ingénieurs) avaient été établis en fonction d'un budget de construction de 600 000 $ mais que malgré la hausse de celui-ci, ils ont accepté de ne pas hausser leurs honoraires.
[81] Morimanno a complété le dossier définitif entre le 5 avril 2005 et le 21 avril 2005 et ce, malgré que Chartrand ait demandé de faire une modification aux plans le 18 avril 2005. Morimanno a incorporé cette modification par un addenda aux devis plutôt que de modifier les plans. Chartrand a demandé une autre modification aux plans le 26 avril 2005 (D-10). Les changements sont effectués sans exiger d'honoraires additionnels.
[82] Lors de l'ouverture des soumissions, Morimanno n'a considéré que quatre soumissions conformes. Selon lui, l'heure fixée pour le dépôt est un impondérable. Cela fait partie des conditions contractuelles. Il ne voulait pas engager la responsabilité de ses clients. Il avait déjà plusieurs ouvertures de soumission à son actif à ce moment soit plus d'une trentaine.
[83] Lors de l'ouverture des soumissions, il constate que les montants sont hors normes et grossièrement exagérés selon ses dires. Il est aussi surpris que les demandeurs à cet égard. Il dit qu'il n'a jamais changé sa façon d'estimé les coûts depuis 19 ans de pratique et il ne s'explique pas ces prix des soumissions.
[84] De retour au bureau, il fait de nombreux appels. Suite à ceux-ci, il constate que l'appel d'offres est sorti alors que plusieurs contrats avaient déjà été octroyés aux entrepreneurs pour la période en cours. Par ailleurs, il constate que la construction commerciale au cours de l'année 2005 était en pleine effervescence ce qui explique des prix très élevés soumis par les sous-traitants. Ceux-ci auraient eu à ce moment des carnets de commandes remplis. Par exemple, le sous-traitant pour la portion infrastructure aurait soumissionné à des prix 25 à 30 % supérieurs à ce qui se faisait normalement.
[85] Dès le 10 mai 2005, Morimanno s'emploie à trouver une solution en suggérant de travailler avec Boless ce que les demandeurs acceptent. Il rencontre l'entrepreneur Boless et travaille alors à modifier les plans. Le 12 mai 2005, il envoie une demande de prix révisée à Boless suivant des modifications apportées.
[86] Le même jour soit, le 12 mai 2005 le permis de construction a été émis. L'émission du permis n'a pris que deux semaines après sa demande ce qui s'avère très rapide et confirme que les plans étaient bien faits selon Morimanno .
[87] De façon concurrente, et ce à l'insu de Morimanno , les demandeurs envoient une lettre à trois des soumissionnaires leur demandant de faire une proposition à 705 000 $ dans un très court délai. Ceci allait à l'encontre des démarches convenues entre les demandeurs et Morimanno lesquelles avaient déjà été entreprises par ce dernier. Par ailleurs, selon Morimanno , il était impossible pour les soumissionnaires de soumettre une proposition dans un laps de temps si court.
[88] Le 13 mai 2005, les demandeurs acheminent une autre lettre aux trois soumissionnaires faisant part de points supplémentaires pour réduire les coûts de construction. Les demandeurs demandent aux soumissionnaires de travailler avec Morimanno et les autres professionnels impliqués afin de préparer leur proposition. Morimanno indique que cette façon d'agir des demandeurs, sans son consentement, enlève de la crédibilité au projet ainsi qu'aux professionnels impliqués. D'ailleurs les entrepreneurs Boless et Beaudoin communiquent avec lui et le questionnent sur les agissements des demandeurs.
[89] Le 16 mai, Boless présente sa proposition suivant les discussions de modifications intervenues avec Morimanno aux termes de laquelle il propose les deux options dont nous faisions état ci-devant (D-5).
[90] Le même jour, les demandeurs envoient une autre lettre à tous les soumissionnaires (D-5). Elle se lit comme suit :
«Nous vous remercions de l'intérêt que vous avez portez à ce projet. Nous vous informons que vos services ne sont plus requis. Nous procèderons d'une autre manière à partir d'aujourd'hui, en choisissant un entrepreneur de notre choix.
Bien à vous».
[91] Dès lors, Morimanno remet en question la confiance des demandeurs en lui et le respect par eux du contrat (P-2) intervenu entre les parties.
[92] Morimanno explique qu'il était réticent à rencontrer SLBL car selon lui il n'était pas un soumissionnaire conforme. Il ne voulait pas engager la responsabilité des demandeurs.
[93] Par ailleurs, il indique qu'il était disposé à apporter certaines modifications aux plans mais pas toutes celles proposées. Selon lui, les changements à la volumétrie et au revêtement extérieur allaient à l'encontre du concept proposé et accepté par les demandeurs. Il n'avait jamais été question avec les demandeurs de faire ce qu'il appelle une " boîte carrée ".
[94] Le 20 mai 2005 à 9h21, il reçoit une liste de suggestions pour réduire les coûts du côté architectural. À 13h51, il reçoit une autre liste de suggestions pour les portions mécaniques et électriques. Il transmet ces changements aux ingénieurs le même jour. Ces derniers indiquent qu'ils sont prêts à collaborer moyennant des honoraires professionnels que Morimanno accepte de payer lui-même. Il aurait défrayé près de 2 000 $ à cet égard.
[95] Le 23 mai 2005, les demandeurs rencontrent SLBL en l'absence de Morimanno . Ce dernier en est informé ultérieurement par SLBL .
[96] Le 25 mai 2005, Morimanno soumet des nouveaux plans qui respectent le concept initial et selon lui le budget de 725 000 $.
[97] Le 27 mai 2005 (P-6), les demandeurs demandent à Morimanno d'apporter 16 modifications au plans soumis le 25 mai suivant une rencontre intervenue dans l'après-midi avec SLBL . Morimanno se questionne à savoir pourquoi il n'a pas été invité à cette rencontre. Par ailleurs, ce que l'on propose se rapproche désormais d'une boîte carrée ce qui ne représente plus ce que les clients ont convenu initialement.
[98] Selon Morimanno , SLBL était prêt à tout pour obtenir ce contrat. Il reconnaît que SLBL est un bon entrepreneur mais il a sa façon de faire. Par exemple, il propose de réduire la couche de béton bitumineux de 4 pouces d'épaisseur à 2 pouces et ce à l'encontre de la recommandation des ingénieurs civils. Il faut se rappeler que des camions lourds chargés d'eau auront à circuler à ces endroits. Un professionnel ne peut proposer un tel design sans engager sa responsabilité.
[99] Après d'autres échanges infructueux entre les parties entre le 27 et le 30 mai 2005, Morimanno croit qu'il n'a plus la confiance des demandeurs.
[100] Il écrit sa lettre du 30 mai 2005 aux demandeurs (P-7) indiquant qu'il ne peut accepter les derniers changements proposés.
[101] Malgré cela, il demeure disponible. Il communique avec SLBL le 2 juin pour lui dire qu'il sera absent du 6 au 9 juin 2005. Il envoie un facsimile aux demandeurs en ce sens le 3 juin 2005 (D-8).
[102] À son retour, il communique avec Sylvain Bertrand de SLBL qu'il l'avise qu'une entente est intervenue entre son entreprise et les demandeurs.
[103] Morimanno n'a pas facturé aux demandeurs le 5 % convenu pour la phase de l'appel d'offres.
[104] Le 28 juin 2005 les demandeurs envoient une lettre (P-8) à Morimanno faisant état de leur point de vue.
[105] Le 2 juillet 2005, Morimanno est avisé par le fournisseur d'acier DM qui entend dénoncer le contrat de fourniture qu'il travaille à partir de ses plans.
[106] Le 12 juillet 2005, Morimanno envoie une lettre (P-9) par l'entremise de son avocat en réponse à celle des demandeurs du 28 juin 2005.
[107] Morimanno termine en disant qu'il a tout fait pour continuer le projet et soumettre des plans qui auraient permis d'être à l'intérieur d'un écart de 10 % de l'estimation des coûts de construction et ce conformément au contrat intervenu entre les parties.
[108] Quant à l'estimation des coûts de construction par rapport aux prix des soumissions, il dit qu'il a préparé le tout en collaboration avec les sous-traitants et les fournisseurs comme il l'a toujours fait. Par exemple, dans les mois précédents, il a travaillé sur les plans d'une garderie. Son estimation de coûts était à 650 000 $ et le meilleur prix soumis aux termes de l'appel d'offres a été de 610 000 $.
[109] Morimanno est d'avis que l'écart dans le prix des soumissions avec son estimation des coûts est conjoncturel et n'est pas dû à une faute de sa part.
[110] En contre-preuve Chartrand a reconnu qu'il a accepté le concept « Célébration d'ea u» proposé par Morimanno . Il dit cependant que dès l'ouverture des soumissions, ce concept n'avait plus aucune importance pour les demandeurs. Ils ne voulaient plus qu'avoir un édifice construit selon leur budget et à l'intérieur des délais discutés. Les changements au toit ou à l'enveloppe ne les importaient plus.
[111] Ils désiraient de plus que Morimanno s'implique dans l'élaboration des nouveaux plans car ils avaient payé et ils voulaient qu'il contribue à la solution.
[112] Suivant la réception de la lettre de Morimanno du 30 mai 2005 (P-7), Chartrand confirme que les demandeurs ont pris la décisions de ne plus travailler avec Morimanno et de retenir les services de SLBL en " Design Built ".
[113] Chartrand reconnaît que les demandeurs n'ont pas payé 50 % des honoraires professionnels de la phase du dossier définitif soit la somme 10 380 $ et ce, malgré que les services ont été rendus en totalité. Il reconnaît également qu'ils n'ont pas payé les honoraires professionnels pour la phase de l'appel d'offres au montant de 2 595 $.
Position des demandeurs
[114] Un contrat de service est intervenu avec Morimanno aux termes duquel ce dernier s'engageait à prodiguer des services liés à la conception et à la construction d'un édifice commercial.
[115] Les demandeurs soutiennent que Morimanno avait aux termes de ce contrat de service une obligation de résultat qu'en aux coûts de construction de l'édifice commercial qu'il a présenté aux demandeurs et qui ont été acceptés par eux. Ils sont ainsi d'avis que dès leur acceptation de l'estimation de coûts soumise par Marimanno, ce dernier s'engageait auprès d'eux à ce qu'un édifice commercial leur soit livré à un coût égal ou inférieur à ce qui avait été soumis. Marimanno n'a su respecter son engagement puisque les prix des soumissions déposées par les entrepreneurs étaient tous supérieurs à l'estimation de Marimanno . Il est ainsi redevable envers eux.
[116] Les demandeurs allèguent également que Marimanno n'a pas agi dans des délais raisonnables et qu'il n'a pas collaboré à la récupération de leur projet ce qui a contribué au préjudice qu'ils disent avoir subi.
Position du défendeur
[117] Morimanno soutient qu'il n'a pas commis de faute dans la préparation de l'estimation de coût de construction de l'édifice commercial et il ne peut être tenu responsable des prix des soumissions déposées par les entrepreneurs qui se sont avérés, de fait, supérieurs à son estimation. Marimanno est aussi d'avis qu'il a agi dans des délais raisonnables et qu'il a tout fait pour récupérer le projet, allant au-delà de ses obligations contractuelles vis-à-vis les demandeurs.
Analyse
[118] Les demandeurs soutiennent que le simple fait que les prix des soumissions déposées aient été supérieurs à l'estimation des coûts de construction préparée par Morimanno et acceptée par eux, établit ou démontre que ce dernier a commis une faute et n'a ainsi pas honoré ses engagements contractés auprès d'eux. Selon les demandeurs, Morimanno s'est trompé dans la préparation de son estimation de coûts.
[119] Le tribunal n'est pas de cet avis. Ce n'est pas parce que les prix des soumissions sont supérieurs à l'estimation que l'on doit nécessairement conclure à la faute. D'autres facteurs peuvent expliquer cet écart.
[120] Pour déterminer si Morimanno a engagé sa responsabilité professionnelle auprès des demandeurs il faut d'abord s'en remettre à la convention intervenue entre les parties.
« La responsabilité contractuelle de droit commun se fonde sur la notion de faute contractuelle, elle-même définie par l'inexécution d'une obligation stipulée dans la convention ou qui en découle d'après sa nature et suivant les usages, l'équité ou la loi. Il devient alors nécessaire de qualifier la nature et de cerner le contenu du contrat conclu par le professionnel dans l'exercice de sa profession .» [1]
[121]
Il ne fait
nul doute ici que nous sommes en présence d'un contrat de service ou
d'entreprise au sens de l'article
« 2098. Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.»
[122]
Dans
l'exercice de ses obligations contractuelles découlant d'un contrat de service,
le prestataire de service doit agir conformément à l'article
« 2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.»
[123] «Le professionnel de la construction est donc tenu minimalement à une obligation générale de diligence et de prudence, à laquelle se greffe l'obligation d'agir suivant les règles de l'art codifiées ou non et de s'assurer que la prestation fournie est conforme aux engagements contractuels . [2] »
[124] Dans le cas qui nous occupe, les engagements contractuels de Morimanno auxquels sont associés des prestations de service que ce dernier doit rendre conformément à l'article 2100 sont prévus au contrat P-2 qui renvoie à l'offre de services professionnels (P-1) pour en faire partie intégrante ainsi qu'au document intitulé " Services, responsabilités et tarifs de l'architecte, octobre 1986 " (D-1). Ces engagements contractuels se définissent comme suit :
· Les esquisses;
· Le dossier préliminaire;
· Le dossier définitif (dessins d'exécution et devis);
· Les services relatifs à l'appel d'offres; et
· Les services pendant la construction, sans résident de chantier . (Cette étape n'est pas en cause pour les fins du présent litige et elle n'en sera pas traitée).
[125] C'est donc dans l'accomplissement de la prestation de ces services qu'il faut déterminer si Morimanno a engagé sa responsabilité contractuelle parce qu'il aurait commis une faute professionnelle.
[126] Revoyons un à un les engagements contractuels de Morimanno .
Les esquisses
[127] Le contrat P-2 prévoit ceci quant aux services devant être rendus par Morimanno , à la phase de l'esquisse.
· «Étudier le programme et le budget soumis par le maître d'ouvrage et s'assurer auprès de celui-ci de bien comprendre les exigences du programme et leurs implications.
· Effectuer un relevé des installations dans le commerce existant, afin de prévoir les besoins nécessaires dans le nouvel édifice.
· Effectuer un relevé d'arpentage sur l'ensemble du site, incluant les infrastructures en bordure des artères adjacentes.
· Examiner différentes approches de conception et de constructions applicables au projet et à venir, avec le maître d'ouvrage, à un accord sur la compatibilité entre le programme et le budget.
· Exécuter et présenter au maître d'ouvrage une esquisse exprimant sommairement sous forme de croquis ou de dessins, le parti du projet, y compris l'implantation de l'ouvrage.
· Présenter au maître d'ouvrage une estimation sommaire du coût total de l'ouvrage basée sur les prix courants à l'unité de superficie.»
[128] Morimanno se devait ainsi d'accomplir ces divers services convenus pour cette phase. Le tribunal est d'avis qu'à cette étape, la prestation de service fournie par Morimanno est conforme à ses engagements contractuels surtout qu'il n'y a pas eu de preuve établissant que l'estimation alors soumise n'avait pas été faite selon les règles de l'art et était ainsi sous-évaluée.
Le dossier préliminaire
[129] Les engagements contractuels de Morimanno à cette étape étaient les suivants.
· «Les dessins préliminaires qui sont la mise au net de l'esquisse, et comprennent les plans, les coupes et les élévations nécessaires à la bonne compréhension du projet.
· Le devis sommaire, qui énumère brièvement les matériaux qui doivent être employés ainsi que le type de structure et autres détails techniques importants.
· L'estimation préliminaire, qui établit le coût approximatif du projet à ce stade et permet, s'il y a lieu, au maître d'ouvrage et à l'architecte de réviser le programme et le budget.
· Exprimer la volumétrie conceptuelle de l'édifice à même son site par le biais d'une maquette ou d'une perspective.»
[130] Une fois l'étape de l'esquisse complétée et acceptée par les demandeurs, Morimanno devait présenter une coupe générale, des plans de tous les planchers, un plan d'implantation, une élévation, un devis préliminaire, une maquette et une estimation des coûts.
[131] Plusieurs échanges et discussions sont survenus au cours de cette étape et des modifications ont été apportées pour finalement être approuvées par les demandeurs au début avril 2005.
[132] Les demandeurs soumettent que Morimanno a pris trop de temps pour compléter cette étape et qu'il n'aurait ainsi pas honoré ses engagements contractuels à leur égard causant en partie le préjudice qu'ils disent avoir subi. La preuve n'indique aucunement que Morimanno n'a pas été diligent dans l'accomplissement de ses obligations à cette étape. Par ailleurs, Morimanno a expliqué qu'un délai de sept ou huit semaines est normalement nécessaire pour compléter cette étape et celle du dossier définitif. Il y donc lieu de croire que Morimanno aurait agi dans la norme n'eut été des nombreux changements demandés par les demandeurs et des délais occasionnés par eux.
[133] Le tribunal est aussi d'avis qu'à cette étape, la prestation de services fournie par Morimanno est conforme à ses engagements contractuels d'autant plus qu'aucune preuve n'est venue établir que l'estimation, alors soumise, n'a pas été préparée en conformité avec les règles de l'art et était en conséquence sous-évaluée.
Le dossier définitif (dessins d'exécution et devis)
[134] Morimanno devait à cette étape rendre les services suivants:
· «Les dessins d'exécution : le plan d'ensemble, les plans, les coupes et le élévations et certains détails essentiels, le tout pouvant permettre à un entrepreneur d'établir une soumission et de construire l'ouvrage.
· Les détails : les dessins, ordinairement à grande échelle, de certaines parties de l'édifice où les agencements, les profils et les dimensions sont nettement indiqués.
· Le devis : constitué du devis descriptif des matériaux et de leur mise en œuvre.
· Présenter une demande d'alimentation électrique auprès d'Hydro-Québec avec réunion de coordination.
· Remettre à la Ville une fiche technique du nouveau projet, lors de la demande de permis par le client, afin de permettre une analyse du dossier plus complète et rapide.»
[135] Encore une fois, le tribunal se doit de conclure que Morimanno a rendu les services convenus conformément à ses engagements contractuels, les demandeurs n'ayant pas établi que l'estimation soumise à cette étape n'a pas été préparée selon les règles de l'art.
Les services relatifs à l'appel d'offres
[136] Cette étape consistait en :
« Après l'acceptation par le maître d'ouvrage du dossier définitif et de la plus récente estimation, établir les documents d'appel d'offres et l'étude des soumissions et lui faire les recommandations appropriées pour la conclusion des marchés de construction.»
[137] Le processus d'appel d'offres à eu lieu et l'ouverture des soumissions s'est faite en date du 10 mai 2005. Les prix des soumissions se sont avérés plus élevés que ce qu'avait prévu Morimanno .
[138] Selon les demandeurs, le résultat des soumissions démontre que Morimanno n'a pas respecté ses engagements contractuels. Selon eux, Morimanno avait une obligation de résultat qu'en aux prix des soumissions déposées par des tiers. Ceux-ci devaient être à l'intérieur de son estimation de coûts de construction d'autant plus que des frais pour contingences avaient été prévus. Ces frais pour contingences ont été ajoutés pour prévoir les aléas du marché.
[139] Le tribunal convient que Morimanno avait des obligations de résultats à l'égard des demandeurs aux termes du contrat intervenu entre eux. Par contre, en ce qui concerne les coûts de construction, l'obligation de résultat de Morimanno se limite à la préparation d'une estimation de coûts de construction qui se devait d'être faite selon les règles de l'art.
[140] Or, il revient aux demandeurs de démontrer que Morimanno à commis une faute à cet égard et qu'il n'a pas honoré son obligation de résultats de produire une estimation de coûts de construction conforme aux règles de l'art [3] . S'il y a faute de Morimanno , elle se situe à ce niveau.
[141] Les demandeurs adoptent la position qu'il n'était pas envisageable dans le contexte du contrat intervenu avec Morimanno que les prix des soumissions aient été supérieurs à leur budget de construction et dans le cas contraire, ce dernier doit en assumer l'entière responsabilité.
[142] Or le contrat (P-2) intervenu entre les parties ne confère pas, tel que discuté ci-devant, une telle obligation à Morimanno . De plus le contrat P-2 prévoit spécifiquement aux conditions générales la possibilité que les résultats de l'appel d'offres soient supérieurs aux coûts estimés par le professionnel. Le cas échéant, un mécanisme est prévu pour pallier à la situation où le prix des soumissions est supérieur à 110% de la dernière estimation. Les dispositions pertinentes se trouvent à l'article 2.1.4.3 du document intitulé " Services, responsabilité et tarif de l'architecte, octobre 1986 " (D-1) lequel fait parti intégrante du contrat P-2. Il est donc possible dans le cadre d'un tel contrat que l'on assiste à des prix supérieurs à l'estimation du professionnel ce qui n'engage pas nécessairement ou automatiquement la responsabilité de ce dernier.
[143]
Les
demandeurs soutiennent que puisque ce document intitulé "
Services,
responsabilité et tarif de l'architecte, octobre 1986
" (D-1) ne leur a
pas été remis, il ne peut leur être opposable. L'article
[144] Morimanno n'est pas ici un entrepreneur en construction qui s'est engagé pour un prix donné à un construire un édifice ou un ouvrage. Il est architecte et à ce titre, il a préparé une estimation des coûts qu'il devait faire suivant les règles de l'art. Il est effectivement surprenant que les prix des soumissions aient été de l'ordre de 30% supérieurs à l'estimation des coûts de Morimanno . Il est vrai aussi qu'un tel écart tend à suggérer qu'une erreur ait pu être commise par ce dernier dans la préparation de son estimation mais encore faut-il en faire la preuve.
[145] Morimanno a témoigné et a indiqué que cela fait 19 ans qu'il prépare des estimations de coûts de construction et qu'il l'a toujours fait de la même façon. Il était lui-même surpris des prix des soumissions déposées par les entrepreneurs. Sur le coup, il ne comprenait pas la situation. C'est après avoir fait certaines vérifications qu'il a su que les entrepreneurs et sous-entrepreneurs étaient particulièrement occupés à ce moment ce qui a eu un impact à la hausse sur le prix des soumissions déposées.
[146] Il n'admet pas avoir fait d'erreur dans la préparation de l'estimation des coûts de construction. Il dit que celle-ci a été préparée en conformité avec les règles de l'art. Il ajoute que les prix des soumissions sont sujets aussi à des fluctuations dictées par le principe économique de l'offre et de la demande. Ces facteurs économiques qui influent sur les prix ne sont pas de son contrôle et il ne peut en être tenu responsable.
[147] Les demandeurs reprochent à Morimanno d'avoir mal estimé les coûts. Dans ce contexte, et tel que mentionné précédemment, il revient aux demandeurs de démontrer, s'il y a eu faute commise par Morimanno , qu'elle était cette faute. En d'autres termes, les demandeurs se devaient de démontrer à quels items ou postes de dépenses, tels que décrits entre autres à la pièce D-6, Morimanno a sous-évalué les coûts de construction. S'agit-il de coûts relatifs à l'architecture, au génie civil, à la mécanique ou à l'électricité qui ont été sous-évalués ou peut-être même carrément oubliés. Malheureusement, cette preuve n'a pas été faite. Les demandeurs se sont contentés de tirer une conclusion à partir des résultats de l'appel de soumissions pour conclure à la faute de Morimanno et ce, sans préciser ou circonscrire la faute.
[148] Selon le tribunal, à la lumière de la preuve entendue, la thèse invoquée par Morimanno voulant que les prix des soumissions aient été poussés à la hausse par une une forte demande vaut tout autant que la thèse de l'erreur d'estimation avancée par les demandeurs. Il y a ici absence de preuve prépondérante de ce que soutiennent les demandeurs.
[149] Les demandeurs invoquent aussi que Morimanno aurait dû prendre tous les moyens suite au dépôt des soumissions pour s'assurer qu'un édifice commercial soit construit aux prix convenus par les demandeurs. Ils soutiennent qu'à cet égard, il a manqué à ses obligations contractuelles et qu'il est ainsi redevable du préjudice que les demandeurs auraient subi.
[150] Selon le tribunal, la position adoptée par les demandeurs découle d'une mauvaise compréhension de la nature du contrat intervenu avec Morimanno et des obligations qui en découlent. Ce dernier n'avait pas à prendre tous les moyens pour s'assurer qu'un édifice commercial soit construit selon le budget approuvé des demandeurs. Morimanno avait à respecter les obligations contractuelles découlant du contrat (P-2), de l'offre de services (P-1) et du document intitulé " Services, responsabilité et tarif de l'architecte, octobre 1986 " (D-1) ce qu'il a fait dans les circonstances de la présente affaire.
[151] Surtout que les demandeurs n'ont pas eux-mêmes respecté certaines de leurs obligations découlant du contrat. Morimanno n'a pas été payé pour la totalité des services rendus en ce qui concerne les étapes du dossier définitif et celle de l'appel d'offres. Les demandeurs doivent toujours la somme de 12 975 $ à Morimanno que ce dernier ne leur à toujours pas réclamé. De plus, les demandeurs ont ni plus ni moins écarter le défendeur du processus de révision quantitative et qualitative du projet en prenant des démarches unilatérales auprès des entrepreneurs et auprès de SLBL sans le consulter. La preuve indique que le lien de confiance qui a pu exister entre les parties n'y était plus à compter du 10 mai 2005. Comment une partie à un contrat peut-elle exiger que l'autre partie assume ses obligations, qu'elle n'aurait pas par ailleurs, alors qu'elle est elle-même en défaut aux termes de ce même contrat. Cela relève du principe de l'exception d'inexécution des obligations [4] .
[152]
On
reproche aussi à
Morimanno
d'avoir résilié unilatéralement le contrat de
service et ce, contrairement à l'article
[153] Mais à cet égard, le tribunal est plutôt d'avis que se sont les demandeurs qui ont résilié le contrat intervenu avec Morimanno de part leurs agissements. Comme l'a dit Chartrand dans son témoignage " dès l'ouverture des soumissions, le concept proposé par Morimanno n'avait plus aucune importance. Les demandeurs ne voulaient plus qu'avoir un édifice construit selon leur budget et à l'intérieur de des délais discutés. Les changements au toit ou à l'enveloppe ne les importaient plus ." Ainsi à partir de cette date, les demandeurs ont décidé de ne plus respecter les effets du contrat intervenu avec Morimanno et d'agir selon de nouvelles règles du jeu qu'ils ont établi unilatéralement mais auxquelles Morimanno n'a jamais souscrit.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la demande des demandeurs, avec frais en faveur du défendeur.
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__________________________________ GATIEN FOURNIER, J.C.Q. |
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Me Anthony Robert |
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Procureur des demandeurs |
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Richard Leblanc |
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LeBlanc Donaldson |
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Procureur du défendeur |
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Date d’audience : |
24, 25 et 26 novembre 2010 |
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