Savard et Frères ltée c. St-Honoré (Municipalité de) |
2011 QCCS 3949 |
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JD-2703
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE CHICOUTIMI |
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N° : 150-17-001901-104 |
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DATE : 6 juillet 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE JUGE MARTIN DALLAIRE, J.C.S. |
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SAVARD ET FRÈRES LTÉE 1320, chemin de la Réserve, Chicoutimi (Québec) G7J 3P7
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Demanderesse
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c.
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MUNICIPALITÉ DE SAINT-HONORÉ 3611, boul. Martel, Saint-Honoré (Québec) G0V 1L0
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Suite à un appel d'offres public formulé par la défenderesse, la demanderesse se voit écartée pour motifs d'irrégularités quant aux considérations essentielles de la soumission.
[2] Prétendant à des irrégularités mineures, elle réclame à la municipalité les dommages subis en raison de sa perte de qualification.
[3] Le 29 avril 2010, la municipalité de St-Honoré, régie par le code municipal, demande des soumissions pour l'exécution d'un chantier de construction décrit comme étant la réfection des rues Desbiens et de l'Hôtel de Ville.
[4] La municipalité de St-Honoré est une municipalité de tout près de 5 000 âmes et qui gère un budget annuel de 3.5 millions. Dans le cadre des programmes d'infrastructure et dans l'éventualité de subventions disponibles, elle se propose de faire la réfection de la rue de l'Hôtel de Ville et celle de Desbiens pour remplacer les infrastructures existantes. Ce projet requiert des travaux majeurs. Il s'agit d'un chantier d'une importance exceptionnelle compte tenu des budgets en jeu dans cette municipalité.
[5] Les consultants retenus, soit la firme Cégertec, élaborent, comme en semblable matière, un cahier de clauses générales et particulières d'appel d'offres et devis techniques (pièce P-1);
[6] La demanderesse qui œuvre dans le domaine de l'excavation et du terrassement depuis 1984 présente sa soumission selon la formule de soumission (pièce P-2) transmise à l'Hôtel de Ville dans les délais impartis.
[7] Suite à l'ouverture des soumissions le 3 mai 2010, le consultant transmet une correspondance (pièce D-3) qui formule certaines réserves quant à la légalité de la soumission énoncée de la façon suivante :
« La soumission de Savard et Frères ltée, au montant de 2 421 146,73 $, taxes incluses, est la plus basse. Quelques éléments manquants ont été constatés, soit :
o la formule complétée de preuve de qualification;
o le montant du cautionnement de soumission à la page 1-49 de la formule de soumission;
o l'endroit de signature de la formule de soumission à la page 1-50;
o la signature de l'addenda no 2.
Des erreurs au niveau de l'addition des montants de la section 4 du bordereau de soumission et du calcul de la TVQ ont été remarquées. Le montant réel de la soumission est de 2 429 214,51 $ après corrections ».
[8] Le 3 mai 2010, la municipalité adopte une résolution conditionnelle à ce que la conformité de la soumission soit consacrée par ses professionnels soit avocat et ingénieur (pièce D-2). On comprend de cette résolution, selon les propos des parties, qu'il y a eu un certain abattement pour un montant de 200 000 $ pour l'ensemble des soumissions.
[9] Le dossier référé au procureur de la municipalité, M e Gaston Saucier fait l'objet de son analyse, celui-ci transmet une première opinion par voie téléphonique le 11 mai et confirme cette opinion verbale de façon plus détaillée dans une opinion écrite datée du 25 mai 2010, laquelle est déposée au dossier de la cour sous la cote D-1, la défenderesse relevant son conseiller juridique de son secret professionnel.
[10] Suivant son témoignage, bien qu'il connaisse de façon très imprécise la demanderesse, il s'assure d'une absence de conflit d'intérêts et s'autorise à produire son opinion.
[11] Quoiqu'il en soit, l'opinion qu'il dépose s'avère fatale pour la demanderesse. En effet, il en vient à la conclusion que deux éléments lui apparaissent majeurs militent en faveur du rejet de la soumission, à savoir :
Ø « Elle n'a pas joint à sa soumission le formulaire prescrit et complété faisant état de la preuve de qualification ;
Ø Elle n'a pas joint à sa soumission l'autorisation de signature complétée par le formulaire fourni et prévu à la page 1-45 du cahier des clauses générales et particulières de l'appel d'offres et devis techniques pour la réfection de la rue Hôtel de Ville et n'a pas obtenu l'autorisation préalable de la municipalité tel que prescrit à l'article 1, page 1.6 du même devis.
Les deux irrégularités ci-haut mentionnées font partie des conditions essentielles à la recevabilité de la soumission tel que prescrit au cahier des clauses générales et particulières…. ».
[12] Le rejet de la soumission ne fait pas l'affaire de la municipalité en raison des budgets disponibles. Celle-ci constate que le deuxième soumissionnaire, prétendument conforme, présente une différence appréciable de tout près de 313 000 $.
[13] La municipalité décide donc, de concert avec ses consultants, de reprendre l'appel d'offres (pièce P-3). Elle aménage des modifications à l'appel d'offres, notamment en abaissant le niveau de la couche d'asphalte et de l'enfouissement de certains conduits pour permettre d'atteindre les objectifs budgétaires qu'elle a en tête et présente donc un deuxième appel d'offres au cours du mois de juin 2010.
[14] Entre temps la demanderesse, par la voix de son procureur, s'enquiert auprès de la municipalité et de son conseiller juridique des justifications qui entraînent le rejet de sa soumission (pièce P-4 en liasse).
[15] Quoi qu'il en soit, la demanderesse obtient les formulaires pour le nouvel appel d'offres, mais ne transmettra pas de soumission, puisqu’à l'analyse de celle-ci, elle constate une bonne part de dégraissage au niveau de l'asphalte de même que sur la hauteur des conduits de la rue de l'Hôtel de Ville et que somme toute, elle n'a plus le même intérêt à présenter sa soumission, puisqu'elle estime que sa marge de profit est passablement affectée. Au surplus, la municipalité émet certaines réserves quant à l'attribution du contrat, et la demanderesse s'estime vulnérable par rapport à la volonté de la municipalité.
[16] À la suite de ce deuxième appel d'offres, la soumission la plus basse est celle de la firme MJR. Le contrat lui est attribué.
[17] La preuve révèlera également que les professionnels jugent cette soumission conforme (pièce D-5) et que de façon plus explicite, l'autorisation de signature et la formule de résolution ont été dûment complétées selon le formulaire présenté (pièce D-4).
[18] La demanderesse dépose un tableau (pièce P-5) faisant état de sa perte ventilée sur la marge bénéficiaire de ses sous-traitants.
[19] Il s'avère que dans la plupart des cas, la marge de profit évolue entre 5 et 21% et qu'au total, il s'agit d'une réclamation présentée pour une somme de 85 744,34 $ (pièce P-5).
[20] Pour la demanderesse, le rejet de la soumission est empreint d'une rigueur et d'un formalisme qui n'a pas raison d'être, puisque les erreurs ou irrégularités formulées à l'encontre de sa soumission sont mineures et pouvaient facilement être corrigées et/ou précisées.
[21] Par ailleurs, certains des autres soumissionnaires n'étaient pas plus conformes qu'elle et la règle du traitement de l'égalité de tous les soumissionnaires doit recevoir son application puisqu'on aurait toléré chez les autres soumissionnaires ce qu'on reproche à la demanderesse.
[22] Enfin, le dommage est réel et précis puisqu'il ne concerne que la marge bénéficiaire.
[23] Pour la défenderesse, celle-ci prétend qu'il n'y a pas eu de traitement distinct entre la demanderesse et les autres soumissionnaires. Quant aux irrégularités, il s'agit pour elle de considérations essentielles formulées à la soumission et présentées spécifiquement selon ses exigences et qu'il ne saurait y avoir de dérogation. Enfin, les dommages réclamés sont excessifs et la demanderesse n'a aucunement minimisé sa perte en refusant de soumissionner au nouvel appel d'offres.
[24] Le Code municipal du Québec prévoit à l'article 935 qu'un contrat comportant une dépense de 100 000 $ ou plus ne peut être adjugé qu'après une demande de soumission publique faite par annonce dans un journal.
935. 1. Ne peut être adjugé qu'après demande de soumissions publiques faite par annonce dans un journal, s'il comporte une dépense de 100 000 $ ou plus :
[…]
Une demande de soumissions publiques relative à un contrat de construction, d'approvisionnement ou de services comportant une dépense de 100 000 $ et plus doit:
1° être publiée dans le système électronique d'appel d'offres approuvé par le gouvernement pour l'application de la Loi sur les contrats des organismes publics (chapitre C-65.1) et dans un journal qui est diffusé sur le territoire de la municipalité ou, à défaut d'y être diffusé, qui est une publication spécialisée dans le domaine et vendue principalement au Québec;
2° prévoir que tout document auquel elle renvoie de même que tout document additionnel qui y est lié ne peuvent être obtenus que par le biais de ce système.
Pour l'application du troisième alinéa, on entend par:
1° «contrat de construction» : un contrat pour la construction, la reconstruction, la démolition, la réparation ou la rénovation d'un bâtiment ou d'un ouvrage de génie civil, y compris la préparation du site, les travaux d'excavation, de forage et de dynamitage, la fourniture de produits et de matériaux, d'équipement et de machinerie si ceux-ci sont prévus au contrat et y sont reliés, ainsi que l'installation et la réparation des équipements fixes d'un bâtiment ou d'un ouvrage de génie civil;
[25] Par ailleurs, une municipalité ne peut, sans l'autorisation préalable du ministre, accorder le contrat à une personne autre que celle qui formule dans le délai fixé la soumission la plus basse.
[26] Il s'agit là d'un principe qui est généralement bien reconnu et que le code ne fait qu'étayer dans le souci de gestion transparente du bien public pour obtenir le meilleur prix, tout en éliminant le favoritisme, et ce, dans le respect du droit à l'égalité devant le service public.
[27] Tout le débat tourne autour de l'élément de la conformité. Or, la conformité d'une soumission s'énonce par le devis ou le cahier de l'appel d'offres (pièce P-1). Ainsi, dans le présent litige, on formule les stipulations suivantes :
LE CAHIER DE CHARGES
4. Demande de renseignements
Toute demande de renseignements de la part d'un soumissionnaire doit être adressée à :
CEGERTEC INC.
200, Avenue du Pont sud
Alma (Québec) G8B 2T6
Téléphone : 418-668-5236
Télécopieur : 418-668-0931
À l'attention de M. Gaétan Bouchard, ing.
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1-4
4. Lecture des soumissions
[…]
Toute soumission jugée non équilibrée ou qui ne contient pas tous les renseignements permettant l'analyse et la comparaison des soumissions peut être rejetée.
Conditions essentielles à la recevabilité d'une soumission
1. FORMULES OBLIGATOIRES
Le soumissionnaire doit présenter sa soumission sur les formules fournies par le propriétaire ou sur toute reproduction exacte de ces formules , lesquelles doivent être remplies avec clarté et exactitude et dûment signées aux endroits prévus à cette fin par la ou les personnes autorisées à cet effet. (soulignements ajoutés).
La soumission doit être remise dans une enveloppe cachetée portant la mention :
Soumission - Projet - Réfection rue de l'Hôtel-de-Ville et rue Desbiens
Municipalité de Saint-Honoré
et l'adresser conformément à ce qui est indiqué dans l'appel d'offres. Tout changement à la forme et au contenu de ces formules devra avoir reçu au préalable l'approbation du propriétaire. Fournir un original et deux copies de la soumission.
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1-6
Les documents obligatoires à fournir avec la soumission sont :
Ø Preuve de qualification ;
Ø Autorisation de signature ;
Ø Garantie de soumission;
Ø Formule de soumission.
(soulignements ajoutés)
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1-7
PREUVE DE QUALIFICATION
__________________________________________
Projet
__________________________________________
Nom du propriétaire
[…]
5. Licence(s) de la Régie des entrepreneurs en construction
Description de la (des) licence(s) : ____________________
______________________________________________________
______________________________________________________
Numéro(s) : ____________________________________________
Date d'expiration : _______________________________________
6. Résumé de l'expérience générale et en particulier de l'exécution de contrats comparables
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______________________________________________________
______________________________________________________
7. Nom des hommes clés que le soumissionnaire entend employer et résumé de leur expérience et compétence
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______________________________________________________
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8. Description de l'équipement que le soumissionnaire entend utiliser pour l'exécution des travaux
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9. Liste et prix des travaux qu'exécute actuellement le soumissionnaire
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______________________________________________________
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Autres directeurs :
Nom : : ___________________ Domicile : _____________
Nom : : ___________________ Domicile : _____________
Signature du soumissionnaire : ____________________________
Adresse : _____________________________________________
______________________________________________________
_______________________________________________________
_______________________________________________________
1-34, 1-35, 1-36, 1-37
FORMULE DE RÉSOLUTION
POUR AUTORISER LA SIGNATURE DE LA SOUMISSION
ET DES DOCUMENTS QUI Y SONT ANNEXÉS
EXTRAIT du PROCÈS-VERBAL d'une assemblée du conseil d'administration de :
________________________________
(Nom de la compagnie/corporation)
Tenue le ________________________
(date)
IL EST PROPOSÉ, APPUYÉ ET RÉSOLU QUE :
_________________________________
(Nom et titre)
soit autorisé, par la présente résolution, à signer et à présenter une soumission et à signer un contrat le cas échéant pour :
TITRE DU PROJET
CLIENT
en conformité avec les dessins et devis et autres documents de soumission.
ADOPTÉ
Copie certifiée conforme
Ce _______________________
__________________________
(Secrétaire-trésorier)
_______________________________________________________
1-45
[28] Il s'agit là pour l'essentiel des documents qui sont formulés par le cahier de charges, objet du présent litige.
A) IRRÉGULARITÉS
[29] Il s'avère, de l'aveu même du représentant de la demanderesse, monsieur Mario Savard, et selon la preuve documentaire que la formule 1-45 n'a pas été remise avec la soumission. Il s'agit plutôt d'une résolution générale de l'entreprise rédigée en 2005 et qui autorise monsieur Bertrand Savard à signer pour l'entreprise, et sur laquelle il y a un ajout le 16 avril 2010 pour confirmer cette signature.
[30] Il est à l'évidence et au vu et au su du document qu'il ne s'agit pas du formulaire présenté et exigé par l'appel d'offres.
[31] Par ailleurs, les exigences de qualification plus spécifiquement, celles prévues aux paragraphes 6, 7, 8 et 9, ne sont pas complétées (pièces I-36 et I-37 de P-1). La demanderesse a bien déposé sa licence de la Régie des entrepreneurs en construction, mais il s'avère qu'elle n'a pas déposé les exigences de qualification et le résumé de son expérience générale d'entrepreneur, soit l'exécution de contrat comparable, ainsi que les autres informations exigées.
[32] De l'aveu même de monsieur Savard, ces documents ne sont pas complétés, puisqu'il lui apparaît qu'une simple lecture de la licence d'entrepreneur en construction obtenue en 1984 devrait permettre de conclure qu'il s'agit d'un entrepreneur d'expérience.
[33] Par ailleurs, la liste des équipements a été omise, bien qu'elle ait été préparée.
[34] Aux yeux de la demanderesse, ces exigences n'étaient pas fondamentales et pouvaient être facilement suppléées par une simple demande d'information.
[35] Au surplus, le représentant de la demanderesse a bien compris les formules d'appel d'offres et n'a pas jugé utile d'appeler le consultant pour formuler des exigences de vérification et/ou dissiper toute ambiguïté. Donc de façon manifeste, le devis était suffisamment explicite et ne souffrait d'aucune ambiguïté dans l'esprit de la demanderesse.
[36] La demanderesse soulève qu'en raison du récent jugement de la Cour d'appel dans le dossier Ville de Rimouski [1] , une certaine ouverture s'impose dans l'approche et l'analyse des soumissions et qu'on ne doit pas faire preuve de formalisme et rigorisme tels que les citoyens se voient privés d'une opportunité d'un avantage économique favorable.
[37] Rappelons que cette décision concerne la qualification d'un écart de 9 517 $ dans l'exigence d'un cautionnement.
[38] On y cite plus spécifiquement :
« [31] Cela étant, la jurisprudence exige en outre que la soumission retenue soit substantiellement conforme à l'appel d'offres. Alors qu'une irrégularité majeure entraîne le rejet automatique de la soumission, il est reconnu que la municipalité dispose d'une marge de manœuvre relativement aux soumissions affectées d'une irrégularité mineure ou accessoire.
[32] Le principe de l'égalité des soumissionnaires constitue le facteur déterminant pour qualifier une irrégularité de mineure ou de majeure. Ainsi, l'irrégularité ne doit pas avoir un effet sur le prix de la soumission ou sur une exigence de fond prévue à l'appel d'offres. Dans son ouvrage, André Langlois note que :
Le souci d'assurer l'égalité entre les soumissionnaires et de ne pas favoriser injustement l'un d'entre eux constitue souvent l'élément déterminant en ce qui concerne la qualification d'une irrégularité comme secondaire ou accessoire ou comme portant sur un élément essentiel : il ne faut pas que l'omission ou l'erreur commise ait un effet sur le prix de la soumission ou sur une exigence de fond contenue à l'appel d'offres, car l'acceptation d'une soumission est impossible dans les cas constituant une irrégularité majeure ».
[39] Dans ce présent litige, il n'est pas contesté qu'il y a irrégularités. C'est leur degré d'appréciation qui est débattu. La première irrégularité concerne le formulaire de résolution, à savoir ne pas avoir utilisé le formulaire type.
[40] Pour bien résumer l'enjeu, si l'irrégularité est mineure, il n'y a pas de problème, si elle est majeure, cela s'avère fatal. À cet effet, la Cour d'appel [2] , nous le rappelle :
« [27] Certes, la Ville jouit d'une certaine latitude dans l'analyse de la conformité des soumissions. Ainsi, il faut éviter de l'astreindre à un formalisme qui battrait en brèche les avantages du recours aux soumissions publiques. En revanche, cette latitude ne l'autorise pas à accepter une soumission qui comporte une irrégularité majeure de nature à saper les règles énoncées précédemment et que le législateur a privilégiées. Autrement dit , la faculté reconnue à la ville d'accepter des soumissions qui comportent des irrégularités mineures, ne s'étend pas aux irrégularités majeures, à l'égard desquelles la Ville n'a aucune discrétion, et qui doivent, sous peine de nullité, entraîner le rejet de la soumission ».
(soulignement ajouté).
1) LE FORMULAIRE DE RÉSOLUTION
[41] Or, on voit bien que la résolution générale fait l'objet d'une actualisation le 16 avril 2010 par l'ajout de la date et on comprend que l'entreprise est bien liée par cette résolution.
[42] Sur le formulaire de résolution, s'il n'y avait que ce seul aspect, le tribunal serait enclin à partager le point de vu de la demanderesse et de considérer cette irrégularité comme particulièrement excessive en regard avec l'objectif de la soumission publique.
[43] En effet, même si la forme n'est pas celle souhaitée, l'objectif est atteint, soit de lier et d'engager la personne morale dans la gouvernance.
2) QUALIFICATION
[44] Mais voilà, il y a plus. Au niveau de la qualification, le représentant de la municipalité monsieur Leclerc est suffisamment explicite sur l'importance des travaux et du coefficient particulier d'attention requis pour ce secteur d'activité. En effet, on parle d'une préoccupation de la population concernant la fermeture d'une partie de la route avec effet sur le transport scolaire et de doléance que ceux-ci expriment ouvertement en public. Aux yeux de la municipalité, il apparaît nécessaire d'avoir un entrepreneur qualifié ayant de bonnes recommandations et références pour une gestion d'expérience sur un chantier de cette importance.
[45] Pour la municipalité de Saint-Honoré qui gère un budget de 3.5 millions, un contrat octroyé d'environ 2.2 millions est un contrat d'importance majeur et son souci d'obtenir un entrepreneur efficace et capable de mener à bien les travaux se conçoit aisément.
[46] Or, l'exigence de la qualification des équipements et de la désignation apparaissant à l'annexe I-7 (paragraphes 5, 6,7 et 8) et apparaissent aux yeux des élus et de ses représentants comme étant un élément essentiel qu'ils ne pouvaient contourner.
[47] Et là se pose toute la question de cette appréciation. En effet, quand un donneur d'ouvrage se donne la peine de préciser ses exigences dans les documents d'appel d'offres et de dénoncer qu'il s'agit là de considérations essentielles à ses yeux, il apparaît difficile de les écarter et de les changer de façon unilatérale.
[48] D'ailleurs, le professeur André Langlois, dans les Contrats municipaux par demandes de soumission [3] , écrit ce qui suit :
« Il s'agit de déterminer si les soumissions respectent les exigences contenues à l'appel d'offres. C'est une question administrative généralement technique, où les tribunaux n'interviennent habituellement pas à l'égard des décisions prises de bonne foi . On a même reconnu le droit d'errer dans ce domaine en autant qu'il s'agisse d'une erreur honnête ».
(soulignement ajouté).
[49] S'il faut laisser un certain laxisme et un certain arbitraire à l'entrepreneur qui s'autorise à penser ou à considérer ce qui est fondamental de ce qui ne l'est pas, on laisse place à l'incertitude et le donneur d'ouvrage perd donc tout son champ d'appréciation et fondamentalement, donc sa discrétion. Il apparaît clair au tribunal qu'un donneur d'ouvrage peut encore stipuler ce qui lui semble essentiel. Dans la présente affaire, il s'agit plus que d'une erreur cléricale ou d'un montant à parfaire ou à corriger. D'ailleurs, la cour note non sans intérêt que la demanderesse a fait une erreur de calcul dans son addition et dans son calcul de la TVQ. Le montant réel corrigé par le consultant Cegertec n'est aucunement invoqué pour le rejet de la soumission.
[50] Les considérations essentielles sont manquantes et ne peuvent être suppléées par la notoriété prétendue de la demanderesse.
[51] Enfin, un mot également sur l'égalité de traitement du soumissionnaire. La municipalité n'a pas choisi d'octroyer la soumission à un deuxième soumissionnaire conforme, elle a décidé de reprendre la totalité du processus. En agissant de la sorte, elle n'avantage personne et ne compromet aucunement l'égalité des soumissionnaires.
[52] La demanderesse a vainement tenté de démontrer que sur l'appel d'offres de la nouvelle soumission, le soumissionnaire n'avait pas présenté sa formule de résolution telle que requise par le devis. Mais voilà qu'en raison de la communication de ce document (pièce D-4), la résolution apparaît sur le formulaire type qui était exigé dans l'appel d'offres.
[53] Cette preuve est suffisamment éloquente pour écarter cet argument. Bien au contraire, le tribunal estime que s'il fallait donner raison aux propos de la demanderesse en corrigeant ou en se fiant uniquement à la licence pour en déduire une qualification, on se trouve à ne pas traiter sur le même pied les autres soumissionnaires qui eux, se sont astreints à l'exercice. Or, le traitement équitable est une règle de base en matière de soumission publique [4] .
[54] En considérant donc qu'il s'agissait d'éléments de considération essentielle dans l'analyse de la soumission et donc fondamentalement dans l'appréciation de la conformité et en rejetant cette soumission non conforme, la défenderesse n'a commis aucune faute à l'égard de la demanderesse.
[55] Il n'apparaît pas nécessaire dans les circonstances de traiter des dommages.
[56] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[57] REJETTE la requête;
[58] LE TOUT , avec dépens.
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__________________________________ MARTIN DALLAIRE Juge à la Cour supérieure |
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M e Éric Le Bel Procureur de la demanderesse M es Fradette Gagnon Têtu Le Bel
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M e Marc Choquette Procureur de la défenderesse M es Tremblay Bois Mignault Lemay
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Date d’audience : |
9 juin 2011 |
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[1]
Ville de Rimouski c. Les Structures GB ltée
,
[2]
R.P.M. Tech inc. c. Ville de Gaspé et al,
[3] André LANGLOIS, Les Contrats municipaux par demandes de soumissions , Éditions Yvon Blais, 2005, p.231.
[4]
Martel Building ltd
c. Canada,