COMMISSION DE L’ÉQUITÉ SALARIALE
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Dossier n o : |
9313 |
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Québec, le : |
1 er juin 2011 |
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Membres : |
Marie Rinfret, présidente Sophie Raymond, commissaire Carol Robertson, commissaire |
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Clinique communautaire de Pointe Saint-Charles |
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Partie demanderesse
Résolution : CÉS-243-3.3-9313 |
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DÉCISION |
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[1]
La Commission est saisie d’une demande formulée par la
Clinique
communautaire de Pointe-Saint-Charles
(la Clinique) en vertu de l’article
[2] La Clinique est un établissement privé de santé dont les activités sont entièrement financées par l’ Agence de santé et des services sociaux de Montréal (L’Agence).
[3]
Néanmoins, cet établissement, fondé en 1970, est une entreprise
distincte de l’entreprise du secteur parapublic et n’est pas visée par
l’article
[4] À la suite d’une plainte déposée le 1 er juin 2007 alléguant que l’équité salariale n’était pas réalisée dans l’entreprise, l’employeur s’est conformé à la décision de la Commission en réalisant son exercice d’équité salariale. La Commission a confirmé, le 24 février 2011, que l’exercice répondait aux exigences de la Loi. Dans le cadre de l’exercice d’équité salariale, des ajustements de l’ordre de 1 438 690 $ au 21 novembre 2010 ont été déterminés.
[5] La Clinique soutient toutefois qu’elle est dans l’incapacité financière de procéder au paiement des ajustements salariaux dus, sur la base de l’étalement des ajustements sur quatre ans déjà permis par la Loi [1] .
[6] Elle requiert par conséquent l’autorisation de la Commission d’étaler ces correctifs salariaux sur une période additionnelle de deux ans, soit sur six ans ou en sept ajustements.
[7] Le 4 mars dernier, la Commission a fait parvenir à la partie demanderesse un préavis de décision afin d’obtenir ses observations. Des commentaires ont été soumis et la Commission les a pris en considération aux fins de la présente décision.
[8] Pour justifier sa demande, la partie demanderesse soutient que :
o La hauteur de la dépense liée au versement des ajustements salariaux va conduire la Clinique à un déséquilibre budgétaire important.
o En raison de la Loi sur l’équilibre budgétaire [2] à laquelle elle est soumise, la Clinique ne peut effectuer des déficits. Le cas échéant, elle se verrait dans l’obligation de déposer un plan de retour à l’équilibre budgétaire qui pourrait impliquer, selon la hauteur du déficit, d’effectuer des choix difficiles et d’envisager des scénarios tels qu’une réduction d’effectif et une révision des services offerts aux usagers dans le respect, toutefois, de son mandat de CLSC.
o Enfin, la situation financière de la clinique est la même que celle des établissements du réseau de la santé puisque son financement est entièrement assumé par le ministère de la Santé et des Services sociaux (le ministère), par le biais de l’Agence.
[9]
Les dispositions applicables dans le présent dossier sont les articles
[10]
L’article
[11] Par conséquent, la Loi permet d’office à l’employeur d’étaler sur quatre ans la correction des ajustements salariaux identifiés dans le cadre de son exercice d’équité salariale, et ce, sans avoir à justifier les motifs de cet étalement :
70. « Les ajustements salariaux peuvent être étalés sur une période maximale de quatre ans.
Lorsqu'il y a étalement, les versements doivent être annuels et le montant de chacun doit être égal. »
[12] L’article 72 prévoit pour sa part qu’un prolongement de la période d’étalement allant, jusqu’à trois ans, peut être accordé par la Commission, dans certaines circonstances et à certaines conditions :
72. « La Commission peut, aux conditions qu'elle détermine, autoriser un employeur qui lui démontre son incapacité de verser les ajustements salariaux à prolonger d'un maximum de trois ans la période d'étalement de ces ajustements.
Par ailleurs, la Commission peut, lorsqu'elle a des motifs raisonnables de croire que la situation financière de l'employeur s'est améliorée, exiger le versement de ces ajustements ou établir de nouvelles modalités.
Elle peut à ces fins requérir de l'employeur tout document ou renseignement, notamment les résultats de toute démarche effectuée auprès d'une institution financière en vue d'obtenir un prêt. »
[13] À sa face même, le prolongement prévu à l’article 72 constitue donc une exception au principe de l’étalement des ajustements sur quatre années prévu à l’article 70 de la Loi, ce qui suggère une interprétation restrictive de l’option qui y est prévue. Pareille approche apparaît d’autant plus pertinente que l’on est en présence d’un droit fondamental et que, par essence, tout étalement reporte à plus tard l’atteinte de l’objectif visé par la Loi, soit la pleine correction de la discrimination systémique identifiée.
[14] Dans un tel contexte, considérant les termes et l’objectif premier de la Loi, la Commission estime que le législateur ne pouvait envisager l’étalement additionnel prévu à l’article 72 autrement que comme une mesure d’exception.
[15] Par conséquent, l’application de l’article 72 de la Loi repose essentiellement sur l’appréciation, par la Commission, de l’incapacité d’un employeur de verser les ajustements requis au terme de son exercice d’équité salariale.
[16] La Loi fait d’ailleurs porter à celui qui réclame un tel prolongement le fardeau de démontrer son incapacité de payer, malgré la possibilité déjà prévue d’étaler les ajustements sur quatre ans.
[17] Ceci étant, le caractère exceptionnel de l’article 72 et l’interprétation restrictive qui doit en être faite ne signifient pas pour autant que l’incapacité de payer de l’employeur doit être absolue. Le législateur s’est plutôt intéressé à la « situation financière » de l’employeur, ce qui implique un examen plus général de sa capacité financière et l’appréciation, par la Commission, de l’opportunité d’accorder ou non un prolongement de la période d’étalement des ajustements salariaux requis pour corriger la discrimination.
[18] En d’autres termes, il revient à la Commission de s’assurer que le fardeau des difficultés financières vécues par un employeur ne sera pas indûment supporté par les personnes salariées de l’entreprise visée par un ajustement salarial en vertu de la Loi sur l’équité salariale.
Les coûts de l’équité salariale et la situation financière de la Clinique
[19] Dans l’hypothèse d’un étalement des ajustements salariaux sur quatre ans (2001 à 2005), soit cinq ajustements, c’est une somme identifiée au 21 novembre 2010 de 1 438 690 $ qui s’ajouterait aux dépenses prévues de 6 642 596 $ pour l’année 2010-2011.
[20] Dans l’hypothèse d’un étalement des ajustements salariaux sur six ans (2001 à 2007), soit sept ajustements, c’est une somme identifiée au 21 novembre 2010 de 1 274 475 $ qui s’ajouterait aux dépenses prévues de 6 642 596 $ pour l’année 2010-2011, soit 11 % de moins que la dépense liée à un étalement sur quatre ans.
[21] Nous comprenons également du dossier qu’aucune provision comptable n’a été faite en prévision des ajustements salariaux qui découleraient des résultats de l’exercice d’équité salariale.
[22] Par conséquent, dans les deux cas, la dette estimée liée aux paiements des ajustements d’équité salariale placerait la Clinique dans une situation budgétaire déficitaire.
[23] À cet égard, la Commission prend note qu’en vertu de la Loi sur l’équilibre budgétaire , un déficit au terme d’une année financière enclenche normalement un mécanisme contraignant de résorption du déficit dès l’année financière suivante.
[24] Par ailleurs, comme le financement de la Clinique est entièrement assumé par le ministère, par le biais de l’Agence, la décision de cette dernière d’absorber (en partie ou en totalité) ou non la dette de la Clinique est indispensable pour évaluer la capacité financière de la Clinique à rencontrer ses obligations envers les personnes salariées créancières.
[25] Or, sur la base des renseignements obtenus et des documents transmis, l’enquête révèle que le ministère aurait effectivement prévu un certain montant d’argent pour couvrir la dette de la Clinique liée au versement des ajustements salariaux identifiés dans le cadre de la Loi sur l’équité salariale. Selon les renseignements obtenus, ce montant serait établi en fonction d’un étalement des ajustements salariaux identifiés sur une période de six ans, soit sept ajustements, comme pour le réseau de la santé. [3]
[26] La Commission prend acte que le ministère a prévu couvrir la dette liée à l’application de la Loi sur l’équité salariale, au minimum, à hauteur de 1 274 475 $, soit le montant estimé par la Clinique pour un paiement des ajustements étalés sur six ans, ainsi que les coûts récurrents (estimés à plus ou moins […] $). Par conséquent, la dette réelle pour la Clinique ne serait plus que de l’ordre de […] $, pour un budget de 6 642 801 $.
[27] L’ajout de cette dépense, soit le montant résiduel à payer, à l’exercice budgétaire de 2010-2011, entraînerait néanmoins un déficit. Conséquemment, la Clinique devrait présenter un plan de retour à l’équilibre budgétaire de manière à réaliser, dans le futur, un excédent équivalent à ce dépassement. Les commentaires de l’employeur indiquent toutefois qu’il bénéficie d’une certaine flexibilité quant aux moyens à prendre pour atteindre un retour à l’équilibre budgétaire.
[28] La Commission est d’avis que l’application de l’article 72 de la Loi suppose que l’employeur qui présente une demande de prolongement de la période d’étalement se trouve dans une situation financière difficile lorsque confronté au scénario d’étalement sur quatre ans permis par la Loi. De même, le prolongement de l’étalement doit être considéré comme une mesure exceptionnelle et de dernier recours.
[29] L’ensemble de ces considérations amène la Commission à apprécier la demande de la Clinique en fonction des conséquences qu’aurait un étalement des ajustements sur une période de quatre ans sur la situation financière de celle-ci. Elle doit également soupeser les impacts de cette situation financière en relation avec le droit à l’équité salariale et, dans le cadre de cette analyse, choisir un juste équilibre entre la capacité de payer et le respect des droits fondamentaux en cause.
[30] Dans ce contexte, bien que la difficulté financière puisse être réelle en raison des obligations d’équilibre budgétaire, il ne semble pas qu’elle serait d’ampleur comparable à celle évoquée en l’absence de financement et elle ne permet pas de conclure que la Clinique se trouverait en situation d’incapacité de verser les ajustements.
En conséquence :
[31] CONSIDÉRANT que l’application de l’article 72 de la Loi suppose que l’employeur qui présente une demande de prolongement se trouve dans l’incapacité financière de verser les ajustements lorsque confronté au scénario d’étalement des ajustements sur quatre ans, tel que permis par la Loi;
[32] CONSIDÉRANT que, selon la Clinique, le ministère se serait engagé à financer une part importante de la dette de la Clinique liée au versement des ajustements salariaux identifiés dans le cadre de cette Loi;
[33] CONSIDÉRANT que, selon la Clinique, le montant pour lequel le ministère se serait engagé couvre en grande partie la dette reliée au versement des ajustements salariaux même s’ils sont étalés sur une période de quatre ans;
[34] CONSIDÉRANT que la Clinique n’a pas démontré que le montant pour s’acquitter de ses obligations en matière d’équité salariale, en étalant les ajustements sur une période de quatre ans, mettrait en péril sa situation financière;
[35] CONSIDÉRANT l’impact d’une prolongation de l’étalement des ajustements sur le montant des ajustements salariaux à être versés aux personnes salariées occupant un emploi dans une catégorie d’emplois à prédominance féminine visée par le programme réalisé dans l’entreprise;
Après étude et délibération, la Commission, à l’unanimité :
[36] REFUSE d’accorder l’autorisation de prolonger la période d’étalement permise par la Loi pour le versement des ajustements salariaux identifiés dans le cadre de cette Loi.
Résolution prise à l’unanimité par la Commission de l’équité salariale à sa 243 e séance tenue le 1 er juin 2011 (résolution CÉS- 243-3.3-9313).
La secrétaire générale, |
________________________________ __ Johanne Tremblay |
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Les ajustements salariaux peuvent être étalés sur une période maximale de quatre ans.
Lorsqu'il y a étalement, les versements doivent être annuels et le montant de chacun doit être égal.
La Commission peut, aux conditions qu'elle détermine, autoriser un employeur qui lui démontre son incapacité de verser les ajustements salariaux à prolonger d'un maximum de trois ans la période d'étalement de ces ajustements.
Par ailleurs, la Commission peut, lorsqu'elle a des motifs raisonnables de croire que la situation financière de l'employeur s'est améliorée, exiger le versement de ces ajustements ou établir de nouvelles modalités.
Elle peut à ces fins requérir de l'employeur tout document ou renseignement, notamment les résultats de toute démarche effectuée auprès d'une institution financière en vue d'obtenir un prêt.
Article pertinent de la Loi modifiant la Loi sur l’équité salariale