Syndicat canadien de la fonction publique c. Cliche

2011 QCCS 4011

JT1367

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

québec

 

N° :

200-17-013204-102

 

DATE :

Le 29 juillet 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE CLAUDETTE TESSIER COUTURE, j.c.s.

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SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE, S.L. 3810

pierre verreault

Demandeurs

c.

Me nicolas cliche

Défendeur

et

société des arrimeurs de québec

Intimée

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JUGEMENT

sur Requête en révision judiciaire

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[1]        Le Syndicat canadien de la fonction publique, s.l. 3810 (ci-après «le Syndicat»), demande la révision judiciaire de la décision rendue le 14 mai 2010 par l'arbitre Me Nicolas Cliche.

CONTEXTE

[2]        Le Syndicat demandeur a été accrédité par le Conseil canadien des relations de travail (ci-après «le CCRT») comme agent négociateur d'une unité comprenant:

Tous les employés affectés à la vérification des cargaisons à l'emploi de tous les employeurs oeuvrant dans le domaine du débardage dans les limites du territoire géographique du port de Québec.

[3]        Société des arrimeurs de Québec (S.A.Q.), l'intimée en l'instance, a été désignée, conformément à l'article 34 C.c.t., à titre de représentante patronale des employeurs des vérificateurs du Port de Québec.

[4]        La S.A.Q. et le Syndicat demandeur n'ayant pu s'entendre sur le contenu d'une convention collective, le 28 septembre 2001 le médiateur-arbitre nommé a décrété par décision arbitrale le contenu de la convention collective à être appliquée.

[5]        Dès lors des divergences sont soulevées notamment relativement aux salariés couverts par l'annexe C de la convention collective.

[6]        Les procureurs de la partie patronale, la S.A.Q., et du Syndicat conviennent de confier trois griefs à l'arbitrage de Me Nicolas Cliche, arbitre.

[7]        L'audience débute devant l'arbitre Me Cliche, le 19 novembre 2002.

[8]        À sa Requête pour révision judiciaire, le Syndicat précise avoir alors débuté sa preuve au mérite sur les griefs, sans opposition de l'employeur quant à la recevabilité de ceux-ci, toutefois, à la demande du Syndicat, l'audience est suspendue sine die , sans opposition.

[9]        Antérieurement à cette audience devant l'arbitre, une demande du Syndicat pour identification des employeurs faisant partie de la S.A.Q. avait été produite et il avait été convenu qu'une Requête serait déposée au nom du Syndicat demandeur pour déterminer la portée de l'unité d'accréditation.

[10]     Le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a rendu une décision le 9 novembre 2007, laquelle fut portée en réexamen devant un autre banc qui a révisé la décision rendue.

[11]     La S.A.Q. a demandé une révision judiciaire de cette décision devant la Cour fédérale d'appel. Cette demande a été rejetée.

[12]     Suite à ces procédures, le 8 janvier 2008, le Syndicat s'enquiert auprès de l'arbitre Me Cliche de l'état du dossier relativement aux décisions arbitrales sur les trois griefs soumis et avise par lettre de «leurs intentions de procéder aux griefs ci-haut mentionnés, griefs ayant été suspendus pour la durée des audiences au C.C.R.I.» [1]

[13]     À sa Requête en révision judiciaire, le Syndicat allègue notamment quant à la suite des évènements ce qui suit:

33)    Le procureur de la S.A.Q. considère le dossier complètement périmé mais consent à la tenue d'une audience préliminaire tel qu'il appert de la pièce R-19;

34)    Il est convenu de tenir devant l'arbitre, une audition concernant les griefs n os 2002-TH007A; 2001-TH0019 et 2002-TH0017 où l'employeur soumettra ses moyens d'irrecevabilité;

35)    L'employeur soumet deux motifs de rejet des griefs:

a.   Le syndicat a renoncé à ses droits en laissant écouler une si longue période de temps avant de réactiver ses griefs;

b.   Les griefs doivent être rejetés parce qu'ils n'ont pas été soumis conformément à la procédure de grief prévue à la convention collective;

[14]     Le Syndicat allègue aussi:

39)    Les parties ont convenu également de confier à l'arbitre M e Nicolas Cliche tous les griefs liés aux réclamations concernant la protection de l'emploi et la juridiction du syndicat tel qu'il appert de la pièce R-22;

[15]     Le 14 mai 2010, l'arbitre rend sa sentence arbitrale, qu'il conclut ainsi:

[59]       Il n'y a pas eu de la part de la compagnie de renonciation à l'application de la convention collective, à l'abandon de l'application de l'article 5. Il y a eu un simple ajournement de trois griefs sans qu'il y ait abandon à des droits ainsi qu'à la convention collective.

[60]       Les années ont passé, la Commission canadienne des relations de travail a rendu des décisions qui, pour l'avenir, pourront certainement aider les parties à mieux se guider mais l'arbitre doit avoir à l'oeil les objections préliminaires patronales.

[61]       Malheureusement pour les syndiqués, aucun des griefs n'a respecté les dispositions de la convention collective, l'article 5.01. Tous les griefs sont rejetés vu la preuve faite et les décisions en partie reproduites dans la présente sentence.

[16]     Les deux parties soutiennent et conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable établie à la règle Dunsmuir prononcée par la Cour suprême du Canada [2] .

[17]     Le Tribunal doit déterminer si la décision de l'arbitre est raisonnable.

PRÉTENTION DES PARTIES

a)         prétentions du syndicat requérant

[18]     Le procureur du Syndicat écrit:

21)    Le Syndicat prétend que l'employeur a renoncé à faire valoir ces motifs de rejet en débutant l'audition au mérite des griefs en novembre 2002 sans soulever aucun moyen d'irrecevabilité des griefs et en soulevant très tardivement ces moyens d'irrecevabilité;

[19]     Le Syndicat invoque subsidiairement que l'arbitre a les pouvoirs de proroger pour cause les délais de la convention collective. Le Syndicat réfère à l'article 60 (1) (1.1) C.c.t.

[20]     En outre, le Syndicat avance que l'arbitre n'a pas examiné ou pris en compte la renonciation de l'employeur à soulever le défaut par le Syndicat d'avoir suivi la procédure de grief.

b)         prétentions de la s.a.q.

[21]     Pour disposer d'objections à l'arbitrabilité des griefs déposés entre 2001 et 2009, l'arbitre doit interpréter les dispositions de la convention collective établissant la procédure de grief. L'arbitre agit alors à l'intérieur de sa juridiction.

[22]     Les délais encourus ne respectent pas la procédure établie dans la convention collective.

[23]     Quant à la demande de prorogation prévue à l'article 60 C.c.t., l'arbitre ne pouvait l'accorder, car il y aurait ainsi eu atteinte aux droits de l'autre partie.

[24]     L'arbitre devait évaluer si la procédure prévue à la convention collective avait été respectée et apprécier la conséquence juridique du défaut, le cas échéant.

LE DROIT APPLICABLE

[25]     Il y a d'abord lieu de citer les enseignements de la Cour suprême du Canada tirés de l'arrêt de principe Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick [3] , rendu le 7 mars 2008. La Cour suprême du Canada y rappelle les fondements du contrôle judiciaire:

[27]    Sur le plan constitutionnel, le contrôle judiciaire est intimement lié au maintien de la primauté du droit. C’est essentiellement cette assise constitutionnelle qui explique sa raison d’être et oriente sa fonction et son application. Le contrôle judiciaire s’intéresse à la tension sous-jacente à la relation entre la primauté du droit et le principe démocratique fondamental, qui se traduit par la prise de mesures législatives pour créer divers organismes administratifs et les investir de larges pouvoirs . Lorsqu’elles s’acquittent de leurs fonctions constitutionnelles de contrôle judiciaire, les cours de justice doivent tenir compte de la nécessité non seulement de maintenir la primauté du droit, mais également d’éviter toute immixtion injustifiée dans l’exercice de fonctions administratives en certaines matières déterminées par le législateur

[Nos soulignements]

[26]     À cet arrêt Dunsmuir , la Cour suprême du Canada revoit le processus visant à déterminer la norme de contrôle judiciaire applicable.

[27]     La nouvelle démarche analytique enseignée par la Cour suprême du Canada pour la détermination de la norme de contrôle applicable est appelée «analyse relative à la norme de contrôle» et elle remplace celle appelée «analyse pragmatique et fonctionnelle» . L'analyse relative à la norme de contrôle se déroule en deux étapes [4] :

Première étape : «la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier.»

Deuxième étape : «lorsque cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend l'analyse des éléments qui permettent d'arrêter la bonne norme de contrôle.»

[28]     Les enseignements de la Cour suprême du Canada [5] sont à l'effet que l'analyse doit être contextuelle. Son issue dépend de l'appréciation de facteurs pertinents, à savoir:

n   la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel;

n   l'expertise du tribunal administratif par rapport à l'expertise de la cour de révision sur le point en litige;

n   l'objet de la loi, la raison d'être du tribunal administratif suivant l'interprétation de sa loi habilitante; et

n   la nature de la question en cause.

Elle écrit:

[55] Les éléments suivants permettent de conclure qu’il y a lieu de déférer à la décision et d’appliquer la norme de la raisonnabilité :

Une clause privative: elle traduit la volonté du législateur que la décision fasse l’objet de déférence.

Un régime administratif distinct et particulier dans le cadre duquel le décideur possède une expertise spéciale (p. ex., les relations de travail).

La nature de la question de droit. Celle qui revêt «une importance capitale pour le système juridique [et qui est] étrangère au domaine d’expertise» du décideur administratif appelle toujours la norme de la décision correcte ( Toronto (Ville) c. S.C.F.P. , par. 62). Par contre, la question de droit qui n’a pas cette importance peut justifier l’application de la norme de la raisonnabilité lorsque sont réunis les deux éléments précédents.

[29]     Examinons ces éléments dans le cadre de la présente affaire.

Clauses privatives

[30]     La Cour suprême du Canada, Ivanhoe Inc. c. T.U.A.C., section locale 500 [6] , a qualifié d'«intégrale» la clause privative protégeant les décisions de l'arbitre.

L'objet de la loi

[31]     Dans l'arrêt Voice Construction Ltd. c. Construction & General Worker's Union, Local 92 [7] , la Cour suprême du Canada indique que le facteur relatif à l'objet de la loi en matière de rapport collectif du travail milite en faveur d'une grande déférence à l'égard des décisions de l'arbitre.

L'expertise du décideur

[32]     Dans ce même arrêt, la Cour a rappelé que l'arbitre possède une compétence spécialisée en matière d'interprétation et d'application d'une convention collective. Elle précise qu'ils «sont susceptibles d'avoir dans ce domaine plus d'expérience et d'expertise en ce qui concerne l'interprétation des conventions collectives …» .

[33]     Quant au choix de la norme de contrôle judiciaire applicable aux décisions de l'arbitre, l'auteur Robert P. Gagnon écrit [8] :

Dans son rôle d'interprète de la convention collective et, accessoirement, dans la mesure où il lui est nécessaire de faire appel à des règles de droit commun ou à des lois relevant de son expertise pour décider d'un grief , l'arbitre bénéficie d'une autonomie décisionnelle maximale et d'une obligation de retenue proportionnelle de la part des tribunaux supérieurs; seule une erreur déraisonnable de sa part justifiera l'annulation de sa décision.

 

On se rapportera plutôt à la norme de la décision correcte lorsque la détermination de l'arbitre porte sur sa compétence à l'endroit du litige, ou s'il contrevient aux règles de la justice naturelle . S'agissant en particulier d'une loi de nature constitutionnelle ou quasi constitutionnelle comme c'est le cas pour les chartes, l'arbitre ne disposera d'aucune marge d'erreur en droit.

[Nos soulignements, nos gras]

[34]         La Cour d'appel du Québec, sous la plume de monsieur le Juge Baudouin, traitant d'une décision arbitrale, rappelle que, depuis l'arrêt Dunsmuir , deux normes d'intervention sont retenues, celle de la décision raisonnable et celle de la décision correcte, il écrit [9] :

[19] (…) la norme de la décision raisonnable s'applique à l'espèce, puisque le Code du travail confère à l'arbitre une compétence exclusive en matière de règlement des griefs et que le litige était au coeur même de la compétence de ce dernier.

 

[20] Cette nouvelle norme de «raisonnabilité» est ainsi définie par les juges LeBel et Bastarache dans un passage souvent cité de l'arrêt Dunsmuir :

 

[47]   La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité: certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise , mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel , ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[21] Depuis cet arrêt, un certain nombre de décisions de notre Cour ont eu l'occasion d'appliquer le critère de la raisonnabilité. Je renvoie, entre autres, à l'arrêt Commission scolaire de Montréal c. Alliance des professeures et professeurs de Montréal , du 29 mai 2008.

[Nos soulignements]

[35]     La Cour d'appel du Québec a donc établi le degré de déférence que doit exercer la Cour supérieure dans le cadre d'une demande de révision judiciaire d'une décision arbitrale dans laquelle l'arbitre interprète une convention collective, ce qui est une question au coeur de sa compétence.

[36]     En l'instance, le Tribunal conclut que la norme applicable est celle du caractère raisonnable. Le Tribunal doit donc se demander si l'interprétation donnée par l'arbitre possède les attributs de la raisonnabilité.

LA DÉCISION ARBITRALE

[37]     La fonction principale d'un arbitre de griefs est d'interpréter la convention collective qui doit gouverner les relations entre les parties. L'arbitre a donc toute la compétence nécessaire pour interpréter cette convention collective.

[38]     Afin de déterminer si la procédure prévue a été respectée, l'arbitre analyse les dispositions de la convention collective et les témoignages entendus. Il écrit alors:

[33]       La preuve ne démontre pas, et à ce sujet l'arbitre n'a aucun souvenir, qu'il a été question de renoncer à l'application de l'article 5 de la convention collective lors de l'audition du 19 novembre 2002.

[…]

[35]       Jamais il n'a été dit, par les témoins, qu'il y avait renonciation à l'application de la clause 5 de la convention collective. […]

[36]       L'arbitre fait une nette distinction entre la prorogation d'un délai qui est permise et celle qui fait perdre un droit à une partie. La convention collective prévoit une procédure très stricte qui encadre le dépôt d'un grief et qu'il faut, selon le présent arbitre, respecter.

[37]       L'arbitre doit respecter les dispositions de la convention collective car les parties ont prévu une procédure qui les lie .

[…]

[39]       L'arbitre constate qu'à sa face même, il y a non respect de l'article 5 et aucune renonciation par l'employeur à invoquer ce moyen de défense.

[Nos soulignements]

[39]     L'arbitre examine ensuite le déroulement de l'audition du 19 novembre 2002 et la question de la procédure d'arbitrage dont l'application de la clause 5.01 de la convention collective ainsi que les décisions rendues par le Conseil canadien des relations industrielles dont il note certains passages, soulignons:

[42] […] Le Conseil est également d'avis que les différends en l'espèce ne débordent pas du champ d'application de la convention collective, de sorte qu'ils doivent faire l'objet de la procédure de règlement des griefs et d'arbitrage prévue à la convention collective. […] [10]

[43] […] Ce n'est pas le rôle du Conseil de juger des infractions à la convention collective, le cas échéant. Cette fonction relève de la compétence exclusive de l'arbitre de griefs, […]. [11]

[44] […] Le banc de révision note avec consternation que les parties ont passé de nombreuses années devant le Conseil dans cette affaire. L'arbitre de griefs est pourtant la seule instance habilitée à trancher des litiges relevant de l'interprétation de la convention collective. [12]

[…]

[48] […] À cet égard, le Conseil ne peut que renvoyer le syndicat à la procédure obligatoire de règlement des griefs qui fait partie de la convention collective pour faire valoir ses droits concernant l'unité de négociation et les travaux qui y sont visés. […] [13]

[40]     Relativement à la prorogation de délai, l'arbitre écrit:

[54] L'arbitre peut proroger des délais comme c'est prévu à 60.1.1 mais il ne peut pas faire perdre des droits qui appartiennent aux parties et qui sont inclus dans une convention collective.

[41]     L'arbitre conclut en rejetant tous les griefs et précisant: «[…] vu la preuve faite et les décisions en partie reproduites dans la présente sentence.» [14]

[42]     L'arbitre a exercé sa compétence, examiné les faits et analysé le droit applicable, soit la convention collective et il conclut au rejet des griefs, considérant que les délais prévus à la convention collective, «une procédure très stricte qui encadre le dépôt d'un grief» , [15] ne permettent plus que les griefs soient soumis à l'arbitrage, car il n'y a pas eu renonciation à l'application de la convention collective et les délais sont expirés.

[43]     En interprétant la convention collective et en décidant comme il l'a fait, l'arbitre a exercé sa compétence.

[44]     Sa décision est-elle raisonnable? … L'arbitre écrit:

[54] L'arbitre peut proroger des délais comme c'est prévu à 60.1.1 mais il ne peut pas faire perdre des droits qui appartiennent aux parties et qui sont inclus dans une convention collective.

[55] Monsieur Verreault, pour faute de moyen du syndicat et pour différentes raisons n'appliquait pas la clause 5.01. Il faisait des griefs, il pensait les régler en médiation ou en négociation. Il aurait pu réussir son pari mais à partir du moment où son pari n'est pas réussi et à partir du moment où il s'en va devant un arbitre, l'employeur peut soulever l'article 5.01, qui selon l'aveu même de Richard Verreault et de Guy Lamontagne, ne fut pas respecté. […]

[45]     L'arbitre a agi à l'intérieur de sa juridiction, sa décision est rationnelle, elle est raisonnable, elle doit être respectée comme l'enseigne la Cour suprême du Canada [16] :

[47] La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité: certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit .

[48] L’application d’une seule norme de raisonnabilité n’ouvre pas la voie à une plus grande immixtion judiciaire ni ne constitue un retour au formalisme d’avant l’arrêt Southam . À cet égard, les décisions judiciaires n’ont peut-être pas exploré suffisamment la notion de déférence, si fondamentale au contrôle judiciaire en droit administratif. Que faut-il entendre par déférence dans ce contexte? C’est à la fois une attitude de la cour et une exigence du droit régissant le contrôle judiciaire. Il ne s’ensuit pas que les cours de justice doivent s’incliner devant les conclusions des décideurs ni qu’elles doivent respecter aveuglément leurs interprétations. Elles ne peuvent pas non plus invoquer la notion de raisonnabilité pour imposer dans les faits leurs propres vues. La déférence suppose plutôt le respect du processus décisionnel au regard des faits et du droit. Elle «repose en partie sur le respect des décisions du gouvernement de constituer des organismes administratifs assortis de pouvoirs délégués»: Canada (Procureur général) c. Mossop , [1993] 1 R.C.S. 554 , p. 596, la juge L’Heureux-Dubé, dissidente. Nous convenons avec David Dyzenhaus que la notion de [ traduction ] «retenue au sens de respect» n’exige pas de la cour de révision [ traduction ] «la soumission, mais une attention respectueuse aux motifs donnés ou qui pourraient être donnés à l’appui d’une décision» : «The Politics of Deference : Judicial Review and Democracy», dans M. Taggart, dir., The Province of Administrative Law (1997), 279, p. 286 (cité avec approbation par la juge L’Heureux-Dubé dans l’arrêt Baker , par. 65; Ryan , par. 49).

[Nos soulignements]

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[46]     REJETTE la Requête introductive d'instance en révision judiciaire présentée par le Syndicat canadien de la fonction publique, s.l. 3810;

[47]     AVEC DÉPENS.

 

 

 

__________________________________

CLAUDETTE TESSIER COUTURE, j.c.s.

 

Me Marius Ménard (casier 107)

ménard milliard caux s.e.n.c.

 

Procureur des demandeurs

 

Me François Bourbeau (casier 6)

joli-coeur lacasse

 

Procureur de la partie défenderesse et de l'intimée

 

Date d’audience :

Le 24 février 2011

 



[1]     Pièce P-15.

[2]     [2008] 1 R.C.S. 190 .

[3]     Id .

[4]     Id. , par. 62.

[5]     Id .

[6]     [2001] 2 R.C.S. 565 .

[7]     [2004] 1 R.C.S. 609 .

[8]     Syndicat de l'enseignement du Grand-Portage c. Morency , [2000] 2 R.C.S. 913 .

[9]     Fraternité des policières et policiers de la Régie de police Thérèse-de-Blainville inc. c. Régie intermunicipale de police Thérèse-de-Blainville , 2008 QCCA 1925 .

[10]    Sentence arbitrale, 14 mai 2010, Me Nicolas Cliche, par. 42.

[11]    Id. , par. 43.

[12]    Id. , par. 44.

[13]    Id. , par. 48.

[14]    Id. , par. 61.

[15]    Id. , par. 36.

[16]    Précité , note 2.