Section des affaires sociales
En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière
Référence neutre : 2011 QCTAQ 07442
Dossier : SAS-M-160118-0906
PRESHA BOTTINO
c.
SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC
[1] Il s’agit d’un recours interjeté par le requérant à l’encontre d’une décision rendue le 25 mars 2009 par l’intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec.
[2] Cette décision confirme la révocation du permis de conduire du requérant considérant que le rapport d’évaluation sommaire transmis par la Fédération Québécoise des Centres de réadaptation pour personnes alcooliques et autres toxicomanes (F.Q.C.R.P.A.T.) démontre que son comportement face à la consommation d’alcool et/ou de drogues représente un risque pour la sécurité routière.
[3] Lors de l’audience, bien que dûment avisé, le requérant n’est pas présent ni représenté par procureur. Il n’a pas avisé le Tribunal quant à son absence.
[4]
Comme le permet l’article
[5] Le Tribunal dispose de la preuve documentaire ainsi que des représentations du procureur de l’intimée.
Les faits
[6]
Suite à une déclaration de culpabilité survenue le 17 août 2007 pour une
infraction à l’article
[7] Comme il s’agit d’une première sanction en matière d’infraction au Code criminel [4] reliée à l’alcool au cours des dix dernières années, pour être admissible à l’obtention d’un nouveau permis le 17 août 2008, si son permis ne fait l’objet d’aucune autre sanction reliée à l’alcool, le requérant doit :
- Suivre le programme d’éducation Alcofrein; et
- Se soumettre à une évaluation sommaire.
[8] De plus, à partir du 17 novembre 2007, si aucune autre sanction n’était en vigueur à son dossier, le requérant pouvait bénéficier de la possibilité d’obtenir un permis restreint lui permettant de conduire avec l’utilisation d’un antidémarreur.
[9] Le 24 février 2009, le requérant s’est soumis à une évaluation sommaire auprès de la F.Q.C.R.P.A.T.
[10] Le 23 mars 2009, un rapport d’évaluation sommaire est émis par l’évaluateur, monsieur C… G... avec une recommandation non favorable.
[11] Ce dernier recommande que le requérant soit soumis à une évaluation complète et la mise en place d’un plan d’encadrement afin de s’assurer que ses habitudes de consommation d’alcool ou de drogues ne soient plus incompatibles avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.
[12] Le 25 mars 2009, suite à la réception dudit rapport, l’intimée émet la décision de maintenir la révocation du permis de conduire du requérant.
[13] Cette décision exige du requérant qu’il subisse un examen médical et qu’il se soumette à une évaluation complète auprès de la F.Q.C.R.P.A.T.
[14] Elle lui précise également qu’au moment d’obtenir son permis de conduire, son véhicule devra être muni d’un dispositif détecteur d’alcool pour un an additionnel.
[15] Le 4 juin 2009, le requérant conteste cette décision auprès du Tribunal administratif du Québec. D’où le présent recours.
[16] Le 17 novembre 2009, le Tribunal administratif du Québec relève le requérant de son défaut d’avoir agi en temps utile et déclare le recours du requérant recevable.
Argumentation du procureur de l’intimée
[17] Le procureur de l’intimée plaide que suite à une évaluation sommaire lorsqu’il y a une recommandation non favorable, la Loi oblige le requérant à se soumettre à une évaluation complète car l’évaluation sommaire a démontré qu’il y a encore des risques de danger pour la conduite sécuritaire d’un véhicule automobile.
[18] Il soumet que dans le cas du requérant l’évaluation a été faite et complétée selon les normes. Le protocole a été bien administré. C’est un processus standardisé et uniforme qui a été administré par une personne dûment autorisée et qualifiée.
[19] Il soutient qu’une expertise médicale n’est pas nécessaire pour contester la décision du 25 mars 2009 et que le fardeau de la preuve reposait sur les épaules du requérant.
[20] Il s’agit ici de l’application des articles 180 et 76 du Code de la sécurité routière [5] qui se lisent ainsi :
« 180 . Sont révoqués le permis d’apprenti-conducteur, le permis probatoire et le permis de conduire d’une personne déclarée coupable d’une infraction au Code criminel commise avec un véhicule routier ou un véhicule hors route et prévue aux articles suivants :
1 0 les articles 220, 221 ou 236;
2 0 le sous-paragraphe a du paragraphe 1, les paragraphes 3 ou 4 de l’article 249 ou l’article 249.1;
3 0 les paragraphes 1.2 ou 1.3 de l’article 252;
4 0 l’article 253, le paragraphe 5 de l’article 254 ou les paragraphes 2 ou 3 de l’article 255.
[…]»
« 76 . Aucun permis ne peut être délivré à une personne dont le permis a été révoqué ou dont le droit d’en obtenir un a été suspendu à la suite d’une déclaration de culpabilité pour une infraction visée à l’article 180 avant l’expiration d’une période d’un, de trois ou de cinq ans consécutive à la date de la révocation ou de la suspension selon que, au cours des 10 années précédant cette révocation ou cette suspension, elle s’est respectivement vu imposer aucune, une seule ou plus d’une révocation ou suspension en vertu de cet article.
Si la déclaration de culpabilité est suivie d’une
ordonnance d’interdiction de conduire prononcée en vertu des paragraphes 1 ou 2
de l’article
Dès l’expiration de l’ordonnance d’interdiction de conduire visée au deuxième alinéa ou dès que le Code criminel le permet, une personne, dont l’infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension en est une visée au paragraphe 4 0 du premier alinéa de l’article 180, peut être autorisée, moyennant l’obtention d’un permis restreint, à conduire un véhicule routier mais uniquement si le véhicule est muni d’un antidémarreur éthylométrique. Le permis restreint demeure valide jusqu’à l’expiration de la période établie en application du premier alinéa.
Dans le cas où l’infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension en est une visée au paragraphe 4 0 du premier alinéa de l’article 180, les conditions additionnelles suivantes s’appliquent à la délivrance du nouveau permis.
1 0 si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, la personne ne s’est vu imposer ni révocation ni suspension en vertu du paragraphe 4 0 du premier alinéa de l’article 180, elle doit alors :
a) suivre avec succès le programme d’éducation reconnu par le ministre de la Sécurité publique et destiné à sensibiliser les conducteurs aux problèmes de la consommation d’alcool ou de drogue;
b) établir à la satisfaction de la Société, au terme d’une évaluation sommaire faite par une personne dûment autorisée oeuvrant au sein d’un centre de réadaptation pour personnes alcooliques et autres personnes toxicomanes ou au sein d’un centre hospitalier offrant un service de réadaptation pour de telles personnes, que son rapport à l’alcool ou aux drogues ne compromettent pas la conduite sécuritaire d’un véhicule routier de la classe demandée. En cas d’échec, il doit être satisfait à cette exigence au moyen d’une évaluation complète;
2 0 si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, la personne s’est vu imposer une ou plusieurs révocations ou suspensions en vertu du paragraphe 4 0 du premier alinéa de l’article 180, elle doit alors satisfaire, au moyen d’une évaluation complète, à l’exigence énoncée au sous-paragraphe b du paragraphe 1 0 ;
Tout rapport d’évaluation doit être transmis à la Société dans le délai qu’elle indique.
Lorsque le permis restreint prévu au troisième alinéa est expiré et que l’évaluation n’a pu établir à la satisfaction de la Société que le rapport de la personne à l’alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d’un véhicule routier de la classe demandée, la Société peut, pour la période qu’elle détermine, délivrer à cette personne un permis probatoire ou un permis de conduire qui ne l’autorise à conduire un véhicule routier que si celui-ci est muni d’un antidémarreur éthylométrique agréé par la Société.»
[21] Ici, le requérant s’est soumis à une évaluation sommaire qui a été effectuée par une personne autorisée et selon des règles très strictes. La preuve soumise au Tribunal n’a pas permis de relever d’erreurs dans l’application des questionnaires et de leurs cotations.
[22] Le fardeau incombait au requérant de prouver que cette évaluation sommaire n’a pas été faite conformément à la Loi et aux Règlements. Le requérant ne s’est toutefois aucunement déchargé de son fardeau de la preuve.
[23] Or, cette évaluation sommaire s’est soldée par un échec et une recommandation non favorable. Compte tenu de cet échec, l’évaluation complète est incontournable. La Loi stipule expressément qu’en cas d’échec, on doit satisfaire aux exigences de l’article 76 au moyen d’une évaluation complète.
[24] La Loi est claire et impérative. Elle prévoit que suite à une recommandation défavorable lors d’une évaluation sommaire, le requérant a l’obligation de se soumettre à une évaluation complète.
[25] Il s’agit d’une Loi d’ordre public et on ne peut y déroger.
[26] L’évaluation sommaire a pour but d’évaluer la compatibilité du comportement du requérant relativement à sa consommation d’alcool avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier. Elle détermine si son comportement face à la consommation d’alcool constitue un danger pour la conduite sécuritaire d’un véhicule automobile.
[27] Ce n’est pas une évaluation de la consommation d’alcool par le requérant mais bien une évaluation du risque de récidive de ce dernier ce qui pourrait constituer un danger pour la sécurité du public.
[28] Or dans le cas du requérant la conclusion de cette évaluation n’a pas été favorable, le comportement du requérant représente donc un risque pour la sécurité routière.
[29] Le but de l’évaluation complète est justement de s’assurer que le comportement du requérant, en ce qui a trait à la consommation d’alcool, est compatible avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier et qu’il n’y a plus de risque de récidive.
[30] Le Tribunal comprend que ces exigences peuvent paraître exorbitantes au requérant, toutefois elles s’inscrivent à l’intérieur d’un régime d’ordre public visant la protection du public en matière de sécurité routière.
[31] La Loi fixe des conditions claires et rigoureuses aux conducteurs qui veulent mettre fin à la révocation de leur permis de conduire.
[32] Le requérant doit donc subir un examen médical et doit se soumettre à une évaluation complète auprès de la F.Q.C.R.P.A.T. La Loi réfère à la Fédération exclusivement plutôt qu’à tout autre centre. Ce choix s’explique par la spécialisation de ces centres de réadaptation dans le domaine des problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie.
[33] Ce recours exclusif à la Fédération permet également d’uniformiser l’évaluation et le traitement des dossiers de façon à rendre des décisions les plus équitables possible.
[34] Le requérant n’a d’autre choix que de se soumettre à toutes les étapes de la procédure, si il veut recouvrer son permis de conduire.
[35] De plus, lors de l’émission de son nouveau permis de conduire, le véhicule automobile du requérant devra être muni d’un dispositif antidémarreur éthylométrique pour une durée d’un an additionnel.
[36] Malheureusement rien au présent dossier ne permet d’établir que le requérant s’est soumis aux conditions et obligations exigées par la Loi pour obtenir à nouveau un permis de conduire.
[37] Rappelons que le requérant n’était pas présent à l’audience pour faire valoir son point de vue.
[38] Par conséquent, le Tribunal estime que la décision de l’intimée est bien fondée en faits et en droit.
[39] POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
- REJETTE le recours du requérant;
- CONFIRME la décision rendue par l’intimée le 25 mars 2009.
Me François Desroches Lapointe
Procureur de la partie intimée