COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
261561 |
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Cas : |
CQ-2010-5780 |
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Référence : |
2011 QCCRT 0378 |
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Québec, le |
10 août 2011 |
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DEVANT LE COMMISSAIRE : |
Raymond Gagnon, juge administratif |
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Chantal Bellerive |
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Plaignante |
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c. |
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Bravo Pizzeria Shawinigan inc.
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Intimée |
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DÉCISION |
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[1]
Le 14 octobre 2009, madame Chantal Bellerive dépose une plainte à
l’encontre du congédiement que lui a imposé Bravo Pizzeria Shawinigan inc. (le
restaurant) le 30 septembre précédent. Sa plainte prend appui sur
l’article
[2] Elle croit que cette mesure a été prise sans cause juste et suffisante. Elle demande que la mesure soit annulée, qu’une indemnité correspondant à vingt semaines de rémunération lui soit payée (septembre 2010 à janvier 2011) et qu’elle puisse reprendre son travail de serveuse à ce restaurant si ce dernier, qui a été la proie des flammes le 17 janvier dernier, ouvre à nouveau.
[3] Le restaurant répond qu’il a pris cette mesure en raison de la conduite inacceptable de madame Bellerive, que cette dernière n’a pas corrigé les graves lacunes qui avaient été notées dans son comportement et qu’elle a refusé de recevoir les soins requis pour lui permettre d’être capable de faire son travail de serveuse. Il n’a eu d’autre choix que de l’aviser le 29 septembre qu’il mettait fin à son emploi.
[4] Madame Bellerive est déjà au service de ce restaurant depuis de nombreuses années, lorsqu’il est acquis en septembre 2009 par monsieur Jean-Marc Grenier de monsieur Denis Mourelatos. Ce dernier demeure responsable de la cuisine et continue à intervenir dans la gestion des activités du restaurant dont les activités se poursuivent avec le même personnel.
[5] Jusqu’au printemps 2010, madame Bellerive donne satisfaction.
[6] À ce moment-là, elle commence à présenter de sérieux problèmes de comportement envers les clients du restaurant et ses collègues de travail.
[7] Au début d’avril, monsieur Mourelatos la rencontre au restaurant. Il est accompagné de deux collègues de travail de madame Bellerive. La rencontre se déroule bien. Ils lui font part d’observations personnelles et de remarques négatives qui leur ont été faites par des clients : elle parle toute seule, fredonne des chansons de son cru, tient des propos grossiers, prononce des jurons, éructe et échappe des gaz dans la salle à manger. Cela n’est pas acceptable et doit cesser. Madame Bellerive réagit en leur disant qu’elle a bien compris le message.
[8] En mai, elle s’absente du travail pour raisons médicales.
[9] À la fin de l’été, la situation empire. Elle est dépressive, tient des propos parfois erratiques et réagit même violemment à des remarques ou à des demandes de collègues de travail tout à fait normales en contexte de travail. Ses relations avec l’ensemble des collègues de travail sont conflictuelles.
[10] Le mercredi 25 août, monsieur Grenier la rencontre afin de savoir ce qui ne va pas et dans le but de lui fournir de l’aide. Il est accompagné de deux autres personnes du restaurant bien au fait de la situation.
[11] De toute évidence, madame Bellerive n’est pas bien et elle ne peut continuer à travailler dans cet état physique et psychologique. Elle doit cesser de travailler immédiatement et quitter le restaurant. Sa journée de travail lui sera payée de même que les journées de travail restantes dans la semaine. Elle doit consulter un médecin et ce dernier doit attester qu’elle est apte à travailler au restaurant. Il est très clair qu’elle ne pourra pas reprendre le travail à moins d’avoir consulté un médecin et obtenu une attestation de ce dernier avant de reprendre le travail.
[12] À l’audience, monsieur Grenier explique que, par ces demandes, la direction du restaurant s’interdisait d’entrer dans le domaine de la vie privée de madame Bellerive, mais qu’on était grandement préoccupé par son état.
[13] Le lendemain, monsieur Grenier communique avec la fille de madame Bellerive afin de la mettre au courant des derniers événements et la prier d’intervenir auprès de sa mère afin qu’elle obtienne les soins que son état requiert.
[14] Le 31 août, l’hôtesse du restaurant lui demande de se présenter au travail pour remplacer une serveuse qui est absente. Madame Bellerive se présente au travail. L’hôtesse communique avec monsieur Grenier et, comme madame Bellerive ne peut pas présenter l’attestation médicale qui lui a été demandée, elle doit repartir.
[15] Le lundi, 6 septembre, madame Bellerive se présente au restaurant pour travailler. Son comportement demeure aussi problématique que la semaine précédente. Il est clair qu’elle ne peut travailler dans cet état. Elle n’a pas encore consulté son médecin et, conséquemment, elle ne peut remettre l’attestation médicale qui lui a été demandée la semaine précédente. Elle sort précipitamment du restaurant.
[16] Le 20 septembre, monsieur Grenier veut faire le point sur l’évolution de la situation. Il prévoit rencontrer madame Bellerive au restaurant en soirée. À l’heure prévue pour la rencontre, madame Bellerive n’y est pas. On la contacte par téléphone. Elle indique être venue plus tôt dans la journée. Personne ne l’a vue au restaurant. Monsieur Grenier déclare qu’on était toujours prêt à la reprendre comme serveuse, mais il lui fallait donner suite à sa demande de requérir des soins, s’y soumettre et l’informer de l’évolution de la situation. Madame Bellerive fait défaut à encaisser le chèque fait par le restaurant pour les journées de la fin août alors qu’on lui demandait de consulter un médecin.
[17] Après un mois d’attente et avoir constaté que madame Bellerive ne donnait pas suite à sa demande, monsieur Grenier décide de mettre fin à son emploi. Le 28 août, le restaurant émet un relevé d’emploi et indique comme raison pour l’arrêt de rémunération le code M — Congédiement en y précisant : « Conflits entre M me Bellerive et le personnel, les employeurs, ainsi que les clients ».
[18] Cette décision du restaurant s’appuie-t-elle sur une cause juste et suffisante?
[19] À la fin de l’été 2009, madame Bellerive continue à présenter de graves problèmes de comportement au travail. Il est manifeste qu’elle ne peut continuer à travailler dans cet état. La direction du restaurant lui a déjà clairement indiqué que cela ne pouvait continuer. Elle doit requérir des soins et elle ne pourra reprendre le travail que lorsque son médecin attestera sa capacité pour ce faire.
[20] L’exigence du restaurant est justifiée et raisonnable. Des journées de travail lui sont payées pour lui permettre de consulter. Madame Bellerive ne donne pas suite à la demande de son employeur et rien n’indique qu’elle était disposée à le faire dans un délai raisonnable.
[21] En émettant le relevé d’emploi à la fin du mois de septembre, geste administratif qui marque en l’occurrence la fin de l’emploi de madame Bellerive, le restaurant ne fait que constater son incapacité de travailler, et que celle-ci, après un délai raisonnable, n’a pas pris les mesures adéquates afin de retrouver cette capacité.
[22] Dans ces circonstances, la terminaison de son emploi était justifiée.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
REJETTE l a plainte.
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__________________________________ Raymond Gagnon |
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M e Jocelyne Bolduc RIVEST, TELLIER, BRETON |
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Représentante de la plaignante |
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M. Jean-Marc Grenier |
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Représentant de l’intimée |
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Date de la dernière audience : |
17 mai 2011 |
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/jb