TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt :

2011-7436

 

Date :

21 juillet 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

Me Gabriel-M. Côté, arbitre

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L’ALLIANCE DES SYNDIQUÉES INTERPROFESSIONNELLES DU CHUQ (ASIC - FIQ)

Ci-après appelé(e) « le syndicat »

Et

CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE QUÉBEC (CHUQ)

Ci-après appelé(e) « l’employeur »

 

 

Plaignant(e) :

Madame Lucie Côté

 

Grief(s) :

 

181-2010-620132 et autres (individuels et syndicaux)

 

Convention collective :

         2006 - 2010

 

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DÉCISION ARBITRALE SUR DES POINTS DE PROCÉDURE (REQUÊTE EN RÉUNION DE GRIEFS FORMULÉE PAR LE SYNDICAT, DÉTERMINATION DE LA PROCÉDURE D’ARBITRAGE APPLICABLE [RÉGULIÈRE OU SOMMAIRE?])

 

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[1]            En date du 29 janvier 2011, quelque quatre cent soixante-et-un (461) griefs individuels et cinq (5) griefs du syndicat avaient été déposés pour contester des décisions de l’employeur de recourir au temps supplémentaire.  Quelques griefs relatifs à la même problématique se sont ajoutés par la suite.

[2]            Fondamentalement, en ce qui concerne les griefs individuels, il y a deux (2) modèles de libellé.

[3]            Le premier modèle est le suivant : « Je conteste le traitement abusif que le CHUQ m’a infligé en m’obligeant à effectuer du travail en temps supplémentaire » à telle ou telle date (une ou plusieurs dates) et « Je demande à l’arbitre de déclarer ce traitement discriminatoire, déraisonnable et contraire à la convention collective et aux lois applicables.  Je demande aussi au CHUQ de me traiter avec justice et qu’il cesse de m’obliger à faire du temps supplémentaire.  De plus, je demande à être indemnisée avec intérêts et indemnité additionnelle pour le préjudice que j’ai subi en raison de ses pratiques en matière de temps supplémentaire » (S-4, S-5, S-6).

[4]            Le deuxième modèle est ainsi rédigé : « Je conteste le traitement abusif que le CHUQ m’a infligé en me plaçant dans une situation où je n’ai eu d’autre alternative que d’effectuer du travail en temps supplémentaire » à telle ou telle date (une ou plusieurs dates) et « Je demande à l’arbitre de déclarer ce traitement discriminatoire, déraisonnable et contraire à la convention collective et aux lois applicables.  Je demande aussi à l’arbitre d’ordonner au CHUQ de me traiter avec justice, qu’il me fournisse un environnement de travail sain et sécuritaire et qu’il m’indemnise, avec intérêts et indemnité additionnelle, pour le préjudice que j’ai subi en raison de ses pratiques en matière de temps supplémentaire » (S-11, S-12, S-13).

[5]            En ce qui a trait aux griefs du syndicat, il y a également deux (2) types de libellé.

[6]            Le premier se lit comme suit : « L’ASIC conteste la politique et la pratique de l’employeur d’avoir recours de façon systématique aux heures supplémentaires » à telle ou telle unité et « L’ASIC demande au tribunal de déclarer cette politique et pratique abusive, déraisonnable, discriminatoire, illégale et contraire à la convention collective et d’ordonner à l’employeur de la faire cesser.  De plus, le syndicat réclame des dommages réels, moraux et exemplaires pour chaque salarié ayant subi des préjudices » (S-18, S-19, S-20, S-21, S-22).

[7]            Le deuxième type de libellé se lit ainsi : « L’ASIC conteste le traitement injuste, discriminatoire et contraire à la convention collective que le CHUQ inflige à ses salariés en leur imposant, de façon déraisonnable et abusive, l’obligation d’effectuer des heures supplémentaires.  L’ASIC demande à l’arbitre de déclarer ce traitement injuste, discriminatoire, déraisonnable et contraire à la convention collective et aux lois applicables.  L’ASIC demande donc à l’arbitre d’ordonner au CHUQ de traiter ses salariés avec justice.  L’ASIC demande aussi que les salariées forcées d’accomplir du travail en temps supplémentaire soient indemnisées pour le préjudice subi en raison des pratiques du CHUQ, le tout avec intérêts et indemnité additionnelle » (S-17).

[8]            Dans ses réponses aux griefs, l’employeur a toujours utilisé le même texte :

« Le recours aux temps supplémentaires ne saurait être une mesure abusive, discriminatoire, déraisonnable et contraire à la convention collective puisque cela est une mesure prévue à l’article 19 des dispositions nationales et locales de la convention collective ASIC-FIQ.

En l’absence de disposition restreignant son utilisation, l’employeur peut exercer son droit de gérance dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui ne le prohibent pas, telle la Loi sur les normes du travail.

L’article 59 de la Loi des normes du travail permet à l’Employeur d’exiger d’une salariée de travailler au-delà de ses heures habituelles quotidiennes de travail.  Cette dernière peut refuser si elle fait plus de 4 heures au-delà de ses heures habituelles sauf s’il y a danger pour la vie, la santé ou la sécurité des salariés ou de la population ou si ce refus va à l’encontre du Code de déontologie professionnel du salarié.

Le recours au temps supplémentaire s’est effectué dans un ultime recours après avoir épuisé toutes les démarches prévues à la convention collective et avoir évalué qu’aucune réorganisation de travail n’était possible et qu’il était préjudiciable pour la Santé des usagers de ne pas remplacer cette ressource.

Le droit de gérance n’a pas été exercé abusivement ou déraisonnablement.  Le caractère exceptionnel de la situation qui prévalait justifiait le recours aux temps supplémentaires à cette occasion et vous rappelle que cela n’est pas une norme de gestion. etc. » (S-7, S-8, S-9, S-10, S-14, S-15, S-16, S-23, S-24, S-25, S-26).

[9]            La position du syndicat est la suivante : l’ensemble de ces griefs relatifs à des problématiques de temps supplémentaire doivent être confiés à un seul et même arbitre (d’où sa requête en réunion de griefs) et selon lui, la procédure d’arbitrage applicable est la procédure régulière (11.02 à 11.21 du Décret tenant lieu de convention collective [dispositions nationales]).

[10]         Quant à l’employeur, il soutient que c’est plutôt la procédure d’arbitrage sommaire qui doit s’appliquer (11.22 à 11.29 des dispositions nationales) et en outre, il s’oppose à la requête en réunion de griefs formulée par le syndicat soutenant notamment qu’il n’appartient pas « à un seul et même arbitre de disposer de l’ensemble des griefs relatifs aux problématiques de temps supplémentaire » , que cette masse de griefs doit être divisée pour instruction et décision entre les six (6) arbitres mentionnés à la clause 11.01 des dispositions locales et qu’à tout événement, en raison des particularités propres à chaque réclamation, les griefs ne se prêtent pas à une ordonnance de réunion.

[11]         Le syndicat a produit comme témoin, Madame Guylaine Boulanger, agente syndicale.

[12]         De son côté l’employeur a fait témoigner Monsieur Claude Verret, conseiller en gestion des ressources humaines et Monsieur Gilles Bélanger, un cadre de la direction des soins infirmiers, secteur administratif.

[13]         Du témoignage de Madame Boulanger, le tribunal retient essentiellement ce qui suit.

[14]         Madame Boulanger déclare d’abord que le CHUQ, employeur partie aux présentes, est composé de quatre (4) sites, les suivants :

-        Le Centre de pédo-psychiatrie;

-        Le Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL);

-        L’Hôtel-Dieu de Québec (HDQ);

-        L’Hôpital St-François d’Assise (HSFA).

[15]         Elle affirme que l’ensemble des griefs concernés par la présente décision proviennent de l’un ou l’autre de ces quatre (4) sites.

[16]         Elle déclare que le deuxième modèle de rédaction des griefs individuels s’explique par le fait que dans chaque centre d’activités d’un site, il y a généralement une « liste de temps supplémentaire » , bref une liste où les personnes salariées expriment leur disponibilité pour effectuer du travail en temps supplémentaire à tel ou tel moment.  Les personnes salariées le font, dit Madame Boulanger, parce qu’elles n’ont pas le choix, elles savent en effet que de toute façon l’employeur aura recours « au temps supplémentaire obligatoire » , elles se disent donc qu’en s’inscrivant sur la liste, elles peuvent du moins avoir leur mot à dire quant au moment où elles auront à effectuer du travail en temps supplémentaire.  Mais pour le syndicat et les syndiqués, dit Madame Boulanger « c’est du temps supplémentaire obligatoire qu’on appelle « contraint » ou « indirectement obligatoire »  » .

[17]         Madame Boulanger dépose ensuite des documents (S-27 à S-32) qui sont en réalité des mandats d’arbitrage adressés par l’employeur le 12 novembre 2010 aux six (6) arbitres de la liste dont il est question à la clause 11.01 des dispositions locales.

[18]         Le syndicat a avisé l’employeur aussitôt qu’il était en désaccord avec la procédure suivie et l’un de ses conseillers a écrit aux arbitres le 17 novembre 2010 une lettre comportant le texte suivant :

« Le 12 novembre dernier, l’employeur du CHUQ vous offrait un mandat dans le dossier mentionné en objet.

Nous désirons vous aviser que nous considérons que ce mandat, vous a malheureusement été offert de façon non conforme par l’employeur.  En effet, après analyse, il apparaît que des dispositions de la convention collective concernant la procédure d’arbitrage n’ont pas été respectées et que ce non-respect serait de nature à entacher votre juridiction dans cette affaire, le cas échéant.

Nous espérons que des discussions supplémentaires entre les parties permettront de clarifier la situation et permettront aussi de faire évoluer le dossier en arbitrage dans un cadre qui respecte la convention collective à la satisfaction de tous et de toutes.  Nous devons cependant vous réitérer que, pour l’instant, nous considérons cette offre de mandat non valide.  etc. »

[19]         Puis le 1 er mai 2011, les parties ont convenu de confier au soussigné le mandat de disposer des deux (2) questions préliminaires ci-dessus évoquées.

[20]         En contre-interrogatoire, Madame Boulanger déclare d’important :

-        Que les parties, depuis l’entrée en vigueur des dispositions locales en 2007, ont toujours suivi la pratique de référer les griefs aux arbitres nommés à la clause 11.01 « à tour de rôle » et que cette façon de procéder n’a jamais été contestée par l’une ou l’autre des parties;

-        Que le syndicat partie aux présentes a au CHUQ quelque trois mille (3000) membres qui travaillent dans les divers centres d’activités des quatre (4) sites de l’établissement;

-        Que les personnes salariées représentées par l’unité d’accréditation détenue par le syndicat ne veulent plus du tout « faire du temps supplémentaire obligatoire » ;

-        Que le site qu’elle connaît le mieux, s’est le CHUL, qu’au CHUL, il y a environ quarante (40) centres d’activités, que dans vingt (20) centres il y a eu des griefs de déposés contestant le temps supplémentaire obligatoire, le plus grand nombre concernant cinq (5) centres d’activités en particulier.

[21]         Interrogée par le procureur du syndicat, Madame Boulanger déclare que les parties n’ont jamais eu recours, à sa connaissance, à la procédure d’arbitrage sommaire prévue à la convention collective.

[22]         Monsieur Claude Verret dépose comme pièces E-1-A à E-1-I des tableaux donnant des précisions sur l’ensemble des griefs concernés par le présent dossier et qui avaient été déposés en date du 29 janvier 2011.  Ces précisions sont les suivantes pour chaque grief : le numéro attribué par l’employeur au grief, le numéro matricule de la personne salariée plaignante, le nom de la personne salariée plaignante, son statut, le site et l’unité où il est allégué que du travail en temps supplémentaire a été fait, le nombre d’heures concernées, le quart de travail, la date etc.  Il est indiqué en ces tableaux si la personne salariée plaignante a fait ou non du travail en temps supplémentaire deux (2) jours consécutivement, le nombre de services en temps supplémentaire qu’elle a faits durant cette semaine-là ou durant la période de paie (deux (2) semaines) et parfois différents commentaires propres à chaque grief.  Dans ces tableaux, les griefs sont « triés » soit par unités (E-1-A), soit par griefs (E-1-B), soit par dates du temps supplémentaire (E-1-C), soit par nombre d’heures travaillées en temps supplémentaire (E-1-D), soit par numéros matricule (E-1-E), soit par quarts de travail (E-1-F), soit par nombre de jours consécutifs où du temps supplémentaire a été fait par les personnes salariées etc.

[23]         Suivant Monsieur Verret, les tableaux dont il s’agit permettent de faire les constatations suivantes (E-2) :

«  Ø   461 griefs de TS qui totalisent 715 quarts de travail en TS déposés par 197 personnes et 5 par le syndicat.

Ø   Déposées par 197 personnes/3012 membres ASIC (catégorie # 1) au 1 er avril 2010 = 6,54 %.

Ø   Le total des heures = 2995 soit près de 413 (413,1) quarts complets.

Ø   101 quarts (14,1 %) pour 14 centres d’activités au CHUL, 114 quarts (15,9 %) pour 10 centres d’activités à l’HDQ et 500 quarts (70 %) pour 9 centres d’activités à HSFA dont 406 (81,2 %/HSFA et 56,8 %/CHUQ) pour les IPE.

Ø   357 quarts de nuit, 168 quarts de jour et 188 quarts de soir.

Ø   59 des 715 quarts (8,2 %) sont des quarts complets de 7 h 25 et cinq sont consécutifs et totalisent jusqu’à 13 h 50, cependant pour 4 d’entre eux le second quart n’a pas  fait l’objet de grief.  Donc, un seul totalise seulement 10 h 25 sur 2 jours.

Ø   Il y a 172 dates différentes où un quart a été identifié en litige sur les 251 jours de la période du 23 mai 2010 (1 er grief) et le 29 janvier 2011.

Ø   Il y a 133 quarts répartis sur 91 journées où il y avait plus d’une personne qui a fait du temps supplémentaire dans un même centre d’activités.

Ø   388 des 715 quarts (54,3 %) en litige sont des quarts de 4 h ou moins.

Ø   Pour 238 quarts (33,3 %), ce fut le seul temps supplémentaire fait dans la période de 2 semaines.

Ø   Pour 237 autres quarts (33,1 %), ce fut un total de 2 quarts pour la période de 2 semaines.

Ø   475 quarts (66,4 %) représentent en moyenne un quart par semaine.

Ø   114 quarts sont successifs sur 2 jours dont 14 n’ont pas fait l’objet de grief.

Ø   La personne ayant fait le plus de griefs (Lucie Durand # 36232) totalise 33 quarts (85 heures) pour la période donnée (30 semaines) une moyenne de 1,1 quart par semaine.  Elle avait fait 253 heures de TS pour la période 30 août 2009 au 28 août 2010.

Ø   18 personnes (9,13 %) ont plus de 10 quarts en réclamations et totalisent 275 quarts (1105 h) soit 38.46 % des quarts en litige.  Pour la période 30 août 2009 au 28 août 2010, ces mêmes personnes avaient totalisé 2668 h de TS. »

et de faire les commentaires suivants (E-4) :

« Un peu plus de 10 % des salariées de la catégorie no 1 (356 personnes) ont fait près de 50 % (48,51 %) des heures faites en temps supplémentaire; dont beaucoup de TS fait volontairement.

De ce nombre, 10 personnes se divisent près de 6 % de toutes les heures faites par cette catégorie.

Des 89 % restants, près de 23 % n’ont fait aucune heure à TS, et les 66 % restants de l’ensemble du personnel de la catégorie no 1 ont fait entre 1 et 99 h de TS dans la dernière année, soit moins de 45 minutes par semaine.

Donc, 2117 membres du personnel de la catégorie no 1 se sont réparti 69934 heures TS, soit une moyenne de 33 h dans l’année, donc moins de 45 minutes par semaine.

La semaine de 36 h et quart plus la moyenne de 45 minutes = 37 h, soit moins que la semaine de travail de 40 h prévue à la LNT. »

[24]         Enfin, concernant la partie suivante du témoignage de Monsieur Verret, le tribunal a permis cette preuve « sous réserve » et indiqué aux parties à l’audience qu’il se prononcera sur sa validité dans le cadre de la présente décision.

[25]         Monsieur Verret témoigne essentiellement que récemment, au printemps 2011, l’employeur et le syndicat ont examiné la possibilité d’établir des conditions de travail pour réduire le temps supplémentaire obligatoire.  On a notamment étudié la possibilité de rehausser les quarts de travail à un minimum de huit (8) quarts, même neuf (9), par période de quatorze (14) jours (au lieu de quatre (4) quarts par période de quatorze (14) jours) et des moyens pour favoriser l’obtention par les personnes salariées de postes à temps complet.  On a examiné aussi d’autres mesures : par exemple permettre à l’employeur d’augmenter le ratio des postes de rotation et/ou des postes composés ou d’établir des postes comportant des horaires de douze (12) heures de travail etc.

[26]         Le tribunal ne croit pas qu’il soit nécessaire, ni même utile, pour les fins de la présente décision, de résumer le témoignage rendu par Monsieur Gilles Bélanger, un témoignage allant dans le sens que l’employeur n’a recours au temps supplémentaire que lorsque les autres mesures à sa disposition ne lui ont pas permis d’avoir du personnel en nombre suffisant pour répondre aux besoins du service.

DISPOSITIONS NATIONALES PERTINENTES  :

« 11.01 L’une ou l’autre des parties peut exiger que le grief soit entendu en arbitrage, par un avis envoyé à l’autre partie.  Cet avis ne peut être envoyé avant l’expiration du délai prévu au paragraphe 10.09 ou, si la rencontre n’a pas lieu, avant que le délai de quatre-vingt-dix (90) ou trente (30) jours prévu au paragraphe 10.08 ne soit expiré.  Cet avis peut être envoyé en tout temps si les parties conviennent que la rencontre n’aura pas lieu.  Si aucune des parties n’a fait parvenir cet avis à l’autre dans un délai de six (6) mois du dépôt du grief, il est réputé retiré. » (ARBITRAGE)

« 11.02 Détermination de la procédure d’arbitrage

Les parties procèdent devant un (1) arbitre.

Dans ces cas, une partie avise l’autre du nom de l’arbitre qu’elle suggère; dans les dix (10) jours de la réception de cet avis, l’autre partie doit communiquer, soit son accord sur l’arbitre suggéré, soit le nom d’un autre arbitre.  Si, à la suite de cette procédure, il n’y a pas d’accord sur le choix de l’arbitre, l’une ou l’autre partie demande au ministre responsable de l’application du Code du travail de le nommer d’office.

Les parties peuvent aussi, au niveau local, s’entendre sur une liste d’un (1) ou plusieurs arbitre(s), pour la durée de la présente convention collective.

Cependant, dans tous les cas, les parties peuvent convenir de procéder devant un arbitre avec assesseurs. » (PROCÉDURE RÉGULIÈRE)

« 11.13 Juridiction limitative de l’arbitre

En aucun cas, l’arbitre n’a le pouvoir de modifier, amender ou altérer le texte de la présente convention collective. » (PROCÉDURE RÉGULIÈRE)

« 11.22 La procédure sommaire s’applique aux dispositions de la convention collective relatives à l’une ou l’autre des matières prévues à l’annexe A.1 de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., c.R-8.2) qui ont été négociées et agréées par les parties locales.

D’ici la date d’entrée en vigueur des dispositions négociées et agréées à l’échelle locale, les parties peuvent, après entente, convenir de procéder à l’arbitrage selon la procédure sommaire sur tout grief relatif à l’une ou l’autre des matières prévues à l’annexe A.1 de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., c. R-8.2).

Les parties peuvent, après entente, convenir de procéder à l’arbitrage selon la procédure sommaire sur d’autres matières.

Les modalités prévues aux paragraphes suivants s’appliquent. » (PROCÉDURE SOMMAIRE)

« 11.23 L’audition est tenue devant un arbitre choisi par les parties au niveau local. » (PROCÉDURE SOMMAIRE)

« 11.24 L’audition des griefs soumis à cette procédure devrait se limiter à une (1) journée par grief. » (PROCÉDURE SOMMAIRE)

« 19.01 Définition

Tout travail fait en plus de la journée régulière ou de la semaine régulière, approuvé ou fait à la connaissance du supérieur immédiat et sans objection de sa part, est considéré comme temps supplémentaire.

Tout travail exécuté par la salariée durant son congé hebdomadaire, en autant qu’il est approuvé ou fait à la connaissance de l’Employeur ou de son représentant, est considéré comme temps supplémentaire et rémunéré au taux de temps et demi. »

« 19.03 Mode de rémunération

La salariée qui effectue un travail en temps supplémentaire est rémunérée, pour le nombre d’heures effectuées, de la façon suivante :

1- au taux et demi de son salaire régulier, à l’exception de toute prime d’inconvénient;

2- au taux double de son salaire régulier 1 , à l’exception de toute prime d’inconvénient si le travail en temps supplémentaire est effectué durant un congé férié et ce, en plus du paiement du congé.

1 Pour le paiement des heures effectuées en temps supplémentaire à Noël et au jour de l’An, le salaire régulier s’entend au sens du paragraphe 7.08. »

STIPULATIONS LOCALES PERTINENTES :

«  11.01 Conformément au paragraphe 11.02 des dispositions nationales de la convention collective, les parties s’entendent qu’aux fins d’audition de grief, les arbitres ci-dessous seront nommés à partir de la liste suivante :

1. Francine Beaulieu

2. Marc Poulin

3. Marcel Morin

4. Gabriel Marie Côté

5. Denis Gagnon

6. Denis Tremblay »

«  11.02 Suite à la transmission de l’avis prévu au paragraphe 11.01 des dispositions nationales de la convention collective, une partie qui désire mandater l’arbitre pour procéder à l’audition et disposer du grief devra en informer l’autre partie par un préavis d’un minimum de dix (10) jours.  Ce préavis peut être verbal. »

 

«  19.01 Utilisation des heures supplémentaires

L’employeur s’efforce, dans la mesure du possible, de ne pas recourir au temps supplémentaire dans un cadre de pratique systématique pour combler les absences. »

 

«  19.02 Répartition équitable

Si du travail doit être exécuté en temps supplémentaire, l’Employeur doit l’offrir aux salariées disponibles à tour de rôle, de façon à le répartir équitablement entre les salariées qui font normalement ce travail.

Aux fins de répartition du temps supplémentaire, chaque fois que la salariée refuse de faire du temps supplémentaire, elle est considérée avoir fait le temps supplémentaire offert.

Il appartient aux salariées d’exprimer leur disponibilité pour le temps supplémentaire à l’intérieur d’une période donnée et de la respecter.

L’Employeur s’engage à respecter la procédure établie sauf dans les cas imprévus ou dans les cas d’urgence, auxquels cas, l’Employeur l’offre de préférence aux salariées sur place.

Lorsque l’Employeur raye un nom inscrit à la liste de disponibilité du temps supplémentaire, il fait parvenir un avis indiquant les motifs à cet effet, tant à la salariée concernée qu’au Syndicat. »

 

DISPOSITIONS PERTINENTES DE L’ANNEXE A.1 DE LA LOI SUR LE RÉGIME DE NÉGOCIATION DES CONVENTIONS COLLECTIVES DANS LES SECTEURS PUBLIC ET PARAPUBLIC (L.R.Q., c.R-8.2)  :

 

«  Annexe A.1

Liste des matières négociées et agréées à l’échelle locale ou régionale dans le secteur des affaires sociales

[…]

10 o Modalités relatives à la prise du temps supplémentaire, au rappel au travail et à la disponibilité et ce, à l’exclusion des taux et de la rémunération

[…] »

 

ARGUMENTATION DES PARTIES

A) Argumentation de la partie syndicale

[27]         Le procureur de la partie syndicale est donc d’avis que la procédure d’arbitrage applicable à l’ensemble des griefs concernés par le présent litige est la procédure régulière prévue aux paragraphes 11.02 à 11.21 du Décret S-1 et non pas la procédure sommaire prévue aux paragraphes 11.22 à 11.29 du même Décret qui doivent être interprétés restrictivement, attendu que la procédure sommaire est une procédure d’exception.

[28]         Le paragraphe 11.22 énonce d’ailleurs très clairement que la procédure sommaire ne s’applique qu’aux dispositions de la convention collective relatives à l’une ou l’autre des matières prévues à l’Annexe A.1 de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., c.R-8.2) qui ont été négociées agréées par les parties locales.

[29]         Cette annexe A.1 dit que les modalités relatives à la prise du temps supplémentaire sont négociées et agréées par les parties locales.  Effectivement, les parties, à l’article 19 des dispositions locales, ont établi des règles concernant les heures supplémentaires, mais seulement en ce qui a trait aux « modalités relatives à la prise du temps supplémentaire » .  Il faut voir que pour le reste (définition du temps supplémentaire, le mode de rémunération de la personne qui effectue un travail en temps supplémentaire etc.), les normes sont établies au niveau national et leur interprétation n’est pas arbitrable selon la procédure sommaire, mais selon la procédure régulière (11.22 du décret).

[30]         Tous les griefs individuels contestent l’obligation imposée par l’employeur aux personnes salariées concernées d’effectuer du travail en temps supplémentaire, les griefs du syndicat contestent la même chose, en plus de contester une pratique de l’employeur, mais tous ces griefs, sans exception, sont fondés principalement sur les dispositions de l’article 19 du Décret, de l’article 19 des dispositions locales et certaines dispositions pertinentes de la Loi sur les normes du travail.

[31]         Tous les griefs, dans le fond, posent les mêmes questions principales, au nombre de trois (3), les suivantes.

[32]         Premièrement, est-ce que l’employeur a le droit, selon les termes de la convention collective, d’obliger une personne salariée contre son gré à effectuer du temps supplémentaire, peut-il la forcer à rester au travail après son quart régulier?

[33]         Deuxièmement, si la réponse à cette première question est positive, l’employeur respecte-t-il les limites imposées, en pareil cas, par la Loi sur les normes du travail?

[34]         Ces deux (2) premières questions sont soulevées dans tous les griefs et elles ne concernent en rien les modalités relatives à la prise du temps supplémentaire qui sont négociées et agréées à l’échelle locale, elles demandent plutôt pour leur solution l’application et l’interprétation de l’article 19 du Décret et de certaines dispositions pertinentes de la Loi sur les normes du travail.

[35]         Troisièmement, l’employeur adopte-t-il une pratique systématique consistant à recourir au temps supplémentaire pour combler les absences, violant ainsi le paragraphe 19.01 des dispositions locales?

[36]         Si les griefs ne demandaient des réponses qu’à cette troisième question, il est de bonne logique de penser qu’ils seraient soumis pour audition et décision à la procédure sommaire.  Mais même-là, on ne peut pas appliquer et interpréter le paragraphe 19.01 des dispositions locales sans faire référence à l’article 19 du Décret où se retrouvent les principes de base en matière de temps supplémentaire.

[37]         Il est donc évident que les questions principales soulevées par les griefs ne dépendent pas exclusivement de l’application et l’interprétation des dispositions locales, même les réponses de l’employeur aux griefs font voir qu’il n’en est rien.  L’employeur, dans les réponses dont il s’agit, ne se contente pas d’affirmer que les griefs sont mal fondés en faits et en droit, il invoque que le recours au temps supplémentaire est une mesure prévue à l’article 19 « des dispositions nationales et locales » , il invoque en sa faveur l’article 59 de la Loi sur les normes du travail.

[38]         D’ailleurs, l’objectif de l’arbitrage sommaire est de substituer à la procédure régulière une enquête restreinte (Rodrique BLOUIN, Fernand MORIN, « Le droit de l’arbitrage de grief » , 5 e édition, Les Éditions Yvon Blais Inc., page 431).  Le paragraphe 11.24 du Décret dit d’ailleurs que l’audition des griefs soumis à cette procédure sommaire devrait se limiter à une journée par grief.  Le présent tribunal a consacré quatre (4) jours à l’audition de moyens préliminaires, « on est loin d’une procédure expéditive » .

[39]         Même le guide d’interprétation de l’AQESSS, un guide à l’intention des employeurs du réseau de la santé et des services sociaux, dit que la procédure sommaire se veut plus expéditive que la procédure régulière, que son objectif est de réduire les délais le plus possible, même si cet objectif est un voeu pieux en raison des nombreuses contraintes de disponibilité des parties et de l’arbitre.  On y dit que les parties s’entendent au niveau local sur le nom d’un arbitre (11.23 du Décret) et qu’à défaut d’entente à ce sujet, les parties doivent s’en remettre à la procédure régulière.

[40]         Donc, la procédure sommaire exclut un choix d’arbitre au niveau national.

[41]         Au paragraphe 11.01 des dispositions locales, les parties ont établi une liste d’arbitres « conformément au paragraphe 11.02 des dispositions nationales » .  Or, ce paragraphe 11.02 fait partie des dispositions relatives à la procédure régulière.  En outre, l’article 11 des dispositions locales (arbitrage), ne fait aucune référence au paragraphe 11.23 des dispositions nationales (procédure sommaire) qui indique que l’arbitre, dans le cadre de la procédure sommaire, est choisi par les parties au niveau local.

[42]         Donc, comme les parties au niveau local n’ont pas prévu en leur paragraphe 11.01 que la liste des arbitres est applicable aussi bien aux auditions soumises à la procédure sommaire qu’aux auditions soumises à la procédure régulière, il faut conclure que pour que la procédure sommaire s’applique, les parties doivent choisir leur arbitre au niveau local selon les termes du paragraphe 11.23 du Décret.

[43]         C’est donc, de conclure le procureur syndical, la procédure régulière qui doit s’appliquer.

[44]         La requête en réunion de griefs maintenant.

[45]         Il faut dire d’abord que l’article 100.2 du Code du travail qui édicte que « l’arbitre doit procéder… à l’instruction du grief… sauf disposition contraire de la convention collective, selon la procédure et le mode de preuve qu’il juge appropriés » , donne incontestablement à l’arbitre le pouvoir d’accueillir une semblable requête, malgré l’opposition de la partie adverse.

[46]         La convention collective est complètement muette sur cette question de procédure (réunion de griefs).  Il faut donc s’en remettre aux auteurs et à la jurisprudence.

[47]         La doctrine d’abord.  Suivant les auteurs BLOUIN et MORIN, l’arbitre peut décider de réunir pour fins d’enquête plusieurs griefs « soit parce que le même principe est en cause dans plusieurs griefs ou en raison de leur interrelation ou de leur interdépendance, ou encore de leur similitude sur plusieurs points principaux et s’il est d’avis que les fins de la justice arbitrale seraient ainsi mieux servies ». 1

[48]         Il faut insister, plaide le procureur syndical sur les mots « leur similitude sur plusieurs points principaux » .  Point n’est besoin d’une similitude absolue, une grande similitude entre les griefs suffit.

[49]         Suivant la jurisprudence, en l’absence de dispositions spécifiques dans la convention collective interdisant la jonction où la réunion de griefs, comme c’est le cas en l’espèce, un arbitre peut s’appuyer sur l’article 100.2 du Code du travail et s’inspirer des articles 66, 67 et 270 (surtout 270) et suivants du Code de procédure civile pour ordonner la réunion de plusieurs griefs pour fins d’enquête, audition et décision.  Voir :

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1 Rodrigue BLOUIN, Fernand MORIN, « Le droit de l’arbitrage de grief » , 5 e édition, Les Éditions Yvon Blais Inc., page 378.

 

 

 

-        Ministère de la Justice et Syndicat de la fonction publique du Québec (fonctionnaires) , AZ-00142169 , le 15 septembre 2000, Me Daniel Lavery, président;

-        Syndicat de la fonction publique du Québec et Le Gouvernement du Québec (Ministère du Revenu) , AZ-99142021 , le 6 janvier 1999, Pierre A. Fortin, arbitre;

-        Syndicat de la fonction publique du Québec (S.F.P.Q.) et Madame Yvette Pinard -c- Gouvernement du Québec (Ministère du Revenu) , AZ-02142083 , le 7 mai 2002, Me Charles Turmel, arbitre;

-        Syndicat des professeurs et des professeures de l’Université du Québec à Trois-Rivières et Université du Québec à Trois-Rivières , AZ-50498091 , le 23 juin 2008, Gilles Laflamme, arbitre.

[50]         Dans la deuxième décision ( Syndicat de la fonction publique du Québec et Le Gouvernement du Québec [Ministère du Revenu] ), l’arbitre a accueilli la requête du syndicat parce qu’il y avait selon lui une grande similitude entre les dossiers, que la réunion n’était pas préjudiciable à l’employeur et qu’elle était avantageuse sur le plan des délais et des coûts et que finalement la réunion servirait mieux les fins de la justice arbitrale.

[51]         Suivant le procureur syndical, il ressort de cette décision et des trois (3) autres, que ce n’est pas parce qu’il y a des distinctions à faire sur les faits d’une réclamation à l’autre qu’il y a lieu de ne pas accorder la requête en réunion de griefs.

[52]         Dans la première décision ( Ministère de la Justice et Syndicat de la fonction publique du Québec [fonctionnaires] ), l’arbitre Daniel Lavery est d’avis que les griefs devraient être réunis lorsqu’ils sont susceptibles de soulever les mêmes points de droit, des faits en partie similaires et il estime que leur réunion servirait mieux les fins de la justice, notamment pour éviter des interprétations différentes et des décisions contradictoires.

[53]         Selon le procureur du syndicat donc, si les questions de droit sont identiques d’un grief à l’autre, même si les faits diffèrent, comme c’est le cas dans le présent dossier, il est souhaitable selon la jurisprudence, d’accueillir la requête en réunion de griefs présentée par l’une ou l’autre des parties.

[54]         Dans la troisième décision ( Syndicat de la fonction publique du Québec [S.F.P.Q.] et Madame Yvette Pinard -c- Gouvernement du Québec [Ministère du Revenu] ), l’arbitre Charles Turmel reprend les mêmes principes.  Il est d’avis que peu importe les étapes de la procédure où en sont rendus certains griefs par rapport à d’autres, ils peuvent être réunis si les autres critères pour leur réunion sont respectés.  Cet arbitre ajoute que la réunion est souhaitable pour éviter des décisions contradictoires.

[55]         Pour le procureur syndical, ce dernier élément est important.  Si les six (6) arbitres mentionnés au paragraphe 11.01 des dispositions locales avaient à répondre aux trois (3) questions fondamentales soulevées par les griefs, il y aurait risque de décisions contradictoires sur des questions importantes de principe de sorte que les parties, dans l’avenir, ne sauraient plus comment se comporter.  En outre, une telle multiplication d’auditions entraînerait, à n’en point douter, des délais et des coûts considérables.

[56]         Dans la quatrième décision ( Syndicat des professeurs et des professeures de l’Université du Québec à Trois-Rivières et Université du Québec à Trois-Rivières ), l’arbitre Gilles Laflamme suit cette jurisprudence.  Il écrit notamment ce qui suit :

« Pour juger de l’opportunité de réunir les griefs et si cette réunion de griefs sert mieux les fins de la justice, il faut s’en référer aux parties visées, à la présence ou non d’un fil conducteur qui relie l’objet même de chacun des griefs, à une certaine similitude dans la réclamation de chacun des griefs, à la possibilité de décisions contradictoires et à l’absence de préjudice causé à l’une ou l’autre des parties au litige ou encore à un tiers. »

[57]         Dans le présent dossier, estime le procureur syndical, le « fil conducteur » , c’est l’article 19 du Décret.

[58]         Pour toutes ces raisons, de conclure le procureur de la partie syndicale, la requête en réunion de griefs formulée par le syndicat devrait être purement et simplement accueillie.

[59]         Voilà donc pour l’essentiel de l’argumentation du syndicat sur ces points de procédure.

B) Argumentation de la partie patronale

[60]         Pour le procureur de la partie patronale la procédure d’arbitrage applicable est la procédure sommaire, celle qui s’applique aux dispositions de la convention collective relatives à l’une ou l’autre des matières prévues à l’Annexe A.1 de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic qui ont été négociées et agréées par les parties locales (11.22).

[61]         L’Annexe A.1 dit clairement que « les modalités relatives à la prise du temps supplémentaire » font partie des matières négociées et agréées à l’échelle locale; donc la procédure sommaire s’applique aux dispositions locales concernant ces modalités (11.22).

[62]         Le syndicat affirme que tous les griefs posent trois (3) questions principales, que les deux (2) premières ne concernent aucunement les modalités relatives à la prise du  temps supplémentaire, que donc la procédure sommaire ne s’applique pas, mais cette affirmation est inexacte à en juger strictement par les différents libellés des griefs.

[63]         Tous les griefs individuels contestent un « traitement abusif » du fait de l’employeur qui aurait obligé les personnes salariées concernées à effectuer du travail en temps supplémentaire.  Quant aux griefs du syndicat, ils contestent pareil traitement injuste fait aux personnes salariées ou la politique et la pratique de l’employeur d’avoir recours de façon systématique aux heures supplémentaires (S-17 qui viserait, selon le témoignage de Madame Boulanger, agente syndicale, l’ensemble du CHUQ).

[64]         Tous les griefs soulèvent donc comme problématique « les modalités relatives à la prise du temps supplémentaire » , une matière agréée et négociée à l’échelle locale, donc assujettie à la procédure sommaire.

[65]         Il est donc inexact d’affirmer, comme le fait le syndicat, que les paragraphes 19.01 (définition de « temps supplémentaire » ), 19.03 (mode de rémunération) ou tout autre paragraphe des dispositions nationales relatives au temps supplémentaire sont en litige.

[66]         En fait, c’est le paragraphe 19.01 des dispositions locales qui est exclusivement en cause : « l’employeur s’efforce, dans la mesure du possible, de ne pas recourir au temps supplémentaire dans un cadre de pratique systématique pour combler les absences » .

[67]         Quant à la Loi sur les normes du travail, l’arbitre peut l’interpréter mais seulement dans la mesure où il est nécessaire de le faire pour disposer d’un grief, c’est-à-dire d’une mésentente relative à l’interprétation ou l’application d’une convention collective.  Il faut d’abord que la réclamation trouve quelque fondement dans la convention collective pour qu’elle puisse être qualifiée de grief et que l’arbitre ait compétence pour en décider.

[68]         Les dispositions de la Loi sur les normes du travail ne peuvent donc pas servir à asseoir la compétence de l’arbitre et à décider de la procédure à suivre.

[69]         Si la convention collective dit que la procédure sommaire doit s’appliquer, elle doit s’appliquer, même si les parties, pour des raisons pratiques, sont incapables, malgré leur bonne volonté, de respecter toutes les modalités que l’on retrouve dans les dispositions pertinentes à cette procédure qui se veut expéditive.

[70]         D’autre part, il va de soi que les arbitres mentionnés au paragraphe 11.01 des dispositions locales ont le mandat, du consentement des parties, d’entendre et décider de tous les griefs qui peuvent être déposés, que ceux-ci soient soumis à la procédure sommaire ou à la procédure régulière, personne n’a à distinguer là où les parties n’ont pas jugé bon de le faire.

[71]         Pour ces raisons, le tribunal devrait décider que c’est la procédure sommaire qui s’applique en ce dossier.

[72]         Quant à la requête en réunion de griefs formulée par le syndicat, elle doit être purement et simplement rejetée.

[73]         Un arbitre ne peut pas joindre à un grief d’autres griefs pour lesquels il n’a pas été mandaté du consentement des parties.  Voir :

-        Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et CSSS de Montmagny - L’Islet , AZ-50579201 , le 14 août 2009, Me Jean-Guy Médard, arbitre;

-        Fédération des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec et Hôpital de l’Enfant-Jésus , AZ-84149078 , le 10 novembre 1995, Me Jean Gauvin, arbitre.

[74]         Dans la deuxième décision, l’arbitre écrit ce qui suit :

« Le présent tribunal, en tout respect pour l’opinion contraire, ne croit pas que l’article 100.2 du Code du travail lui confère le pouvoir de se saisir de griefs pour lesquels il n’a pas été nommé soit aux termes de la convention collective, soit aux termes d’une nomination ponctuelle par les parties ou par le Ministre, puis de réunir de tels griefs à un grief dont il serait déjà saisi.  Le tribunal est plutôt d’avis que le pouvoir d’un arbitre de griefs de réunir plusieurs griefs aux fins d’une même enquête et d’une même audition ne peut s’exercer qu’à l’égard de griefs dont il est déjà saisi de par la convention, de par les parties ou de par le Ministre.  En effet, l’arbitre de grief naît et disparaît avec la convention collective, s’il y est nommé, ou avec le grief, s’il fait l’objet d’une nomination ponctuelle des parties ou du Ministre. »

[75]         C’est à ce stade-ci que le processus de nomination de l’arbitre, selon les termes de la convention collective sous étude, prend toute son importance.

[76]         Certes, il n’est pas dit aux paragraphes 11.01 et 11.02 (arbitrage) des dispositions locales, que les griefs sont référés à tour de rôle aux six (6) arbitres de la liste.  Mais il est nettement en preuve par le témoignage non contredit de Madame Boulanger qu’il est de la pratique et de la compréhension des parties de suivre ce principe dit du « tour de rôle » .  Suivant la jurisprudence, la procédure de choix des arbitres dans une convention collective lie les parties et un arbitre désigné de façon non-conforme à la procédure dite « à tour de rôle » d’attribution des griefs est sans juridiction.  Voir notamment :

-        Cité de Montréal c. Gagnon , AZ-84149078 , Juge Alphonse Barbeau, Cour Supérieure, 7 mai 1984;

-        Association des pompiers de Montréal inc. c. Imbeau , AZ-85011169 , Juges Fred Kaufman, William SL Tyndale et Roger Chouinard, le 26 avril 1985 (C.A.);

-        Syndicat des travailleuses et travailleurs de Sheraton Centre (CSN) et Centre Sheraton , AZ-01141171 , le 4 mai 2001, Me Jean-Louis Dubé, arbitre;

-        Syndicat des postiers du Canada c. Clément et Société canadienne des postes , D.T.E. 99T-1339, Juges Rothman, Tourigny et Chamberland, le 27 octobre 1994 (C.A.).

[77]         Subsidiairement, les griefs, quoi qu’en dise le syndicat, ne se prêtent pas à leur réunion.  Même s’ils soulèvent les mêmes points de droit ou des points de droit similaires, chaque situation de fait est unique, chaque grief constitue un cas d’espèce qui doit être décidé à son mérite.

[78]         Il faut voir en effet que selon la jurisprudence, sous l’empire de dispositions conventionnelles identiques ou semblables à celles contenues dans la convention collective liant les parties aux présentes, l’employeur peut obliger une personne salariée à effectuer un travail en temps supplémentaire. 2

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2 CSSS de la Côte-de-Gaspé c. Syndicat des infirmières, infirmières auxiliaires inhalothérapeutes de l’Est du Québec (CSQ) , 2009A 089, Me Jean-Pierre Lussier, arbitre, le 3 juillet 2009; Fédération des Infirmières et Infirmiers du Québec (F.I.I.Q.) et Centre hospitalier régional de Lanaudière , 92A-17, le 20 décembre 1991, Me André Ladouceur, arbitre; Syndicat des travailleurs et travailleuses de l’Hôpital Notre-Dame (CSN) et Centre hospitalier de l’Université de Montréal , 2002A-278 , le 19 décembre 2002, Me Lyse Tousignant, arbitre; Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et CSSS Coeur-de-L’île (Hôpital Jean-Talon) , 07A038, le 13 avril 2007, Me Louise Viau, arbitre.

 

[79]         La seule restriction à ce droit de direction est de ne pas l’exercer de façon abusive, arbitraire, déraisonnable ou discriminatoire.  C’est en effet ce que dit la jurisprudence et c’est d’ailleurs ce que suggère le paragraphe 19.01 des dispositions locales.

[80]         La notion « d’abus de droit » , les griefs le disent, est au coeur du présent litige.

[81]         Les conventions doivent être exécutées selon les exigences de la bonne foi (articles 6 et 7 du Code civil du Québec), ces exigences, de même que la théorie de l’abus de droit, font partie du contenu obligatoire implicite de toute convention collective. 3

[82]         Si en ce dossier, tel que déjà dit, les points de droit soulevés par les griefs sont similaires, pour décider si l’employeur a abusé de ces droits, il faut que le tribunal analyse chaque situation de fait une à une.  En effet, les personnes salariées, suivant la preuve, sont différentes, des personnes n’ont pu que faire une (1) seule heure de temps supplémentaire en une (1) semaine ou deux (2) heures en deux (2) semaines alors que d’autres en ont fait plus, il y a des personnes qui n’ont peut-être pas travaillé la veille ou le lendemain du jour où elles ont fait du temps supplémentaire, il y a des personnes qui ont pu dans l’année faire un nombre considérable d’heures supplémentaires alors que d’autres en ont fait très peu, il y a des personnes qui ont été appelées à faire du temps supplémentaire dans un contexte particulier dans une unité donnée (des nouvelles admissions, aggravation d’un cas, une réorganisation du travail pour équilibrer les compétences etc.).

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3 Syndicat de l’enseignement de la région de Québec c. Ménard , 2005 QCCA 440 , le 29 avril 2005; Université McGill c. Foisy , 2006 QCCS 6603 , Juge Danièle Mayrand, le 19 décembre 2006.

 

 

[83]         Bref, le syndicat demande de faire des regroupements sans nuance ni réserve, alors que chaque situation d’abus alléguée a ses caractéristiques propres.

[84]         Un arbitre ne peut donc pas tracer de ligne directrice comme le voudrait le syndicat.  Seules les parties peuvent créer le droit, l’arbitre de grief qui n’est pas un arbitre de différend n’a pas ce pouvoir. 4

[85]         Donc, pour toutes ces raisons, de conclure le procureur de la partie patronale, le tribunal devrait rejeter la requête en réunion de griefs formulée par le syndicat et décider qu’il n’appartient pas à un seul et même arbitre de la liste de disposer de l’ensemble des griefs relatifs aux problématiques de temps supplémentaire.

[86]         Voilà pour l’essentiel de l’argumentation de la partie patronale.

MOTIFS ET DÉCISION

[87]         Première question donc : quelle est la procédure d’arbitrage applicable : sommaire ou régulière?

[88]         La procédure sommaire s’applique aux dispositions de la convention collective relatives à l’une ou l’autre des matières prévues à l’Annexe A.1 de la Loi sur le régime

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4 Université Laval c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse , 2005 QCCA 27 , 24 janvier 2005; Institut Philippe-Pinel de Montréal c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2960 , 2007 QCCA 54 , 22 janvier 2007; Centre hospitalier régional de Trois-Rivières c. Syndicat professionnel des diététistes et nutritionnistes du Québec (SPDNQ) , 2005 QCCA 278 ; Royal Oak Mines inc. c. Canada (Conseil des relations du travail) , [1996] 1 R.C.S. 369 .

 

 

 

de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (L.R.Q., c.R-8.2) qui ont été négociées et agréées par les parties locales (11.22 des dispositions nationales).

[89]         Bref, cette procédure s’applique aux griefs portant sur une matière locale comme les modalités relatives à la prise du temps supplémentaire (Annexe A.1, 10 o de la Loi précitée).  Pour les griefs qui ne portent pas sur une matière locale, les parties, comme de bien entendu, doivent s’en remettre à la procédure régulière.  Par exemple, si une norme concernant le temps supplémentaire a été établie au niveau national, un grief portant sur son interprétation ou son application est soumis, pour son arbitrage, à la procédure régulière.

[90]         Les parties, croit le tribunal, s’accordent à dire que pour répondre à cette première question, les libellés des griefs (S-3, S-4, S-5, S-6, S-11, S-12, S-13, S-17,   S-18, S-19, S-20, S-21, S-22 à titre d’exemples) sont d’importance capitale.  De quoi se plaint-on, quel est le correctif recherché?  Quelles sont les stipulations de la convention collective qui servent de fondement aux réclamations et que l’arbitre chargé d’en décider aura à interpréter ou appliquer?

[91]         L’opinion de la partie patronale selon laquelle les griefs ne portent exclusivement, à cause de leurs différents libellés, que sur l’interprétation ou l’application du paragraphe 19.01 des dispositions locales ( « l’employeur s’efforce, dans la mesure du possible, de ne pas recourir au temps supplémentaire dans un cadre de pratique systématique pour combler les absences » ), et sont soumis pour cette raison à la procédure sommaire, le tribunal la respecte mais ne la partage pas.

[92]         Oui, évidemment, les griefs allèguent implicitement que l’employeur viole le paragraphe 19.01 des dispositions locales en recourant au temps supplémentaire dans un cadre de pratique systématique pour combler les absences, mais ils soulèvent d’autres questions, la principale étant la suivante : Est-ce que l’employeur a le droit, selon les termes de la convention collective, d’obliger une personne salariée à effectuer du temps supplémentaire?

[93]         Les griefs soulèvent cette dernière question parce qu’ils demandent tous, sans exception, à l’arbitre de déclarer que « le traitement » dont on se plaint est non seulement abusif, discriminatoire et déraisonnable, mais aussi «  contraire à la convention collective  » (soulignage en sus), donc contraire, faut-il comprendre, aux stipulations de la convention collective nationales et locales concernant le temps supplémentaire.  Cette question demande pour sa solution l’interprétation ou l’application de l’article 19 des dispositions nationales, notamment le paragraphe 19.01, dont le texte pour certains, suggère que le temps supplémentaire est volontaire et que l’employeur ne peut obliger une personne salariée à en effectuer.

[94]         Certes, cette école de pensée n’a pas eu beaucoup de succès devant les arbitres, à en juger par la jurisprudence invoquée par l’employeur en l’espèce 5 , mais le tribunal  ici  n’a  pas à décider  de cette  question de fond.  Il lui suffit de  constater  à  ce

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5 CSSS de la Côte-de-Gaspé c. Syndicat des infirmières, infirmières auxiliaires inhalothérapeutes de l’Est du Québec (CSQ) , 2009A 089, Me Jean-Pierre Lussier, arbitre, le 3 juillet 2009; Fédération des Infirmières et Infirmiers du Québec (F.I.I.Q.) et Centre hospitalier régional de Lanaudière , 92A-17, le 20 décembre 1991, Me André Ladouceur, arbitre; Syndicat des travailleurs et travailleuses de l’Hôpital Notre-Dame (CSN) et Centre hospitalier de l’Université de Montréal , 2002A-278 , le 19 décembre 2002, Me Lyse Tousignant, arbitre; Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et CSSS Coeur-de-L’île (Hôpital Jean-Talon) , 07A038, le 13 avril 2007, Me Louise Viau, arbitre.

 

stade-ci que l’arbitre ou les arbitres qui procéderont à l’instruction des griefs au fond devront répondre à la question de savoir si l’employeur, en vertu des stipulations nationales et locales de la convention collective, a le droit d’obliger une personne salariée à effectuer du temps supplémentaire.

[95]         Donc, comme les griefs constituent des mésententes relatives à l’application ou l’interprétation des stipulations à la fois nationales et locales de la convention collective relatives au temps supplémentaire, il est de bonne logique de penser qu’ils sont soumis pour leur arbitrage à la procédure régulière, la procédure normale, parce que le tribunal comprend que la procédure sommaire s’applique aux griefs portant exclusivement - exclusivement! - sur des matières locales.

[96]         Les parties auraient pu, après entente, convenir de procéder selon la procédure sommaire (11.22 des dispositions nationales), mais elles ne l’ont pas fait, de sorte que c’est la procédure régulière qui doit s’appliquer, cela dit, encore une fois, avec respect pour l’opinion contraire.

[97]         Voilà donc pour la décision du tribunal sur le premier point de procédure.

[98]         Avant d’aborder le deuxième point, il y a lieu de rappeler que le tribunal a permis « sous réserve d’une objection du syndicat » à l’audience, à l’employeur de faire la preuve, par le témoignage de Monsieur Claude Verret, qu’au printemps 2011, l’employeur et le syndicat ont examiné la possibilité d’établir des conditions de travail pour réduire le temps supplémentaire obligatoire (voir pour plus de détails, le paragraphe 25 du présent texte).

 

[99]         Le tribunal décide d’accueillir cette objection à la preuve formulée par le syndicat.  L’employeur plaide, on le sait, que cette preuve est pertinente parce qu’elle tend à démontrer que les droits se créent par la libre négociation des parties et non pas par les décisions des tribunaux.  Le fait est que cette preuve n’est d’aucune utilité dans le présent dossier, attendu que l’employeur n’a pas besoin de cette démonstration pour plaider et amener le soussigné à décider, s’il y a lieu de le faire, que les droits se créent, dans le domaine des rapports collectifs du travail, par la libre négociation des parties, l’arbitrage de différend, si les parties y consentent ou la Loi l’impose, ou par la Loi et qu’un sentence arbitrale, en matière de griefs, est déclaratoire, et non pas créatrice, de droits et obligations.

[100]      L’objection à la preuve formulée par le syndicat est donc accueillie, mais tout cela est sans grande importance pratique.

[101]      La requête du syndicat en réunion de griefs maintenant, une requête qui soulève, à n’en point douter, la question de savoir s’il appartient à un seul et même arbitre de la liste mentionnée au paragraphe 11.01 des dispositions locales, un arbitre saisi d’un seul grief, comme le soussigné, de disposer de l’ensemble des griefs relatifs aux problématiques de temps supplémentaire, sans l’accord commun des parties.

[102]      On sait que dans le présent dossier, l’employeur ne consent pas à donner mandat à un seul arbitre de décider de tous ces griefs relatifs à des problématiques de temps supplémentaire.

[103]      Il est presque superflu d’affirmer que ce qui distingue surtout l’arbitrage de grief du processus judiciaire traditionnel, c’est le libre choix du décideur par les parties. 6

[104]      Le soussigné est humblement d’avis qu’un arbitre ne peut pas joindre à un grief qu’il a la mission d’instruire et de décider d’autres griefs pour lesquels il n’a pas été mandaté du consentement des parties.

[105]      Le tribunal ne saurait faire mieux ici que de citer avec approbation l’extrait suivant de la sentence arbitrale rendue par l’arbitre Jean Gauvin, le 10 novembre 1995 dans l’affaire Fédération des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec et Hôpital de l’Enfant-Jésus  :

« Le présent tribunal, en tout respect pour l’opinion contraire, ne croit pas que l’article 100.2 du Code du travail lui confère le pouvoir de se saisir de griefs pour lesquels il n’a pas été nommé soit aux termes de la convention collective, soit aux termes d’une nomination ponctuelle par les parties ou par le Ministre, puis de réunir de tels griefs à un grief dont il serait déjà saisi.  Le tribunal est plutôt d’avis que le pouvoir d’un arbitre de griefs de réunir plusieurs griefs aux fins d’une même enquête et d’une même audition ne peut s’exercer qu’à l’égard de griefs dont il est déjà saisi de par la convention, de par les parties ou de par le Ministre.  En effet, l’arbitre de grief naît et disparaît avec la convention collective, s’il y est nommé, ou avec le grief, s’il fait l’objet d’une nomination ponctuelle des parties ou du Ministre. »

[106]      Il n’y a rien à ajouter à cette logique, tout est dit.

[107]      Cette opinion est partagée par plusieurs arbitres tel qu’il appert de la sentence arbitrale récente suivante : Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et CSSS de Montmagny - L’Islet , le 14 août 2009, Me Jean-Guy Ménard, arbitre.

[108]      Certes, il y a toujours un certain nombre de différences et de ressemblances entre un cas à décider et les espèces jurisprudentielles, mais les grands principes sont

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6 Fernand MORIN, « Lettres à un arbitre » , W & L 2004, page 3.

 

bien établis et il y a lieu de les appliquer dans le présent cas.  Bref, « la saisine d’un grief ne permet pas à l’arbitre de se saisir, proprio motu ou sur une demande d’une seule des parties d’un ou de quelques autres griefs, même s’ils sont de même nature ou touchent le même plaignant » (décision de l’arbitre Marc Gravel citée par l’arbitre Jean-Guy Ménard dans l’affaire CSSS de Montmagny - L’Islet ci-dessus évoquée).

[109]      Mais ce n’est pas tout.  Il faut examiner la procédure de nomination de l’arbitre, selon les termes de la convention collective, en ce dossier.

[110]      Le paragraphe 11.02 des dispositions nationales dit que les parties peuvent au niveau local s’entendre sur une liste d’un ou plusieurs arbitres pour la durée de la convention.  De fait, les parties aux présentes se sont entendues sur une liste de six (6) arbitres (11.01).  Il est exact qu’il n’est pas mentionné aux paragraphes 11.01 et 11.02 des dispositions locales (arbitrage) que les griefs sont référés à tour de rôle aux six (6) arbitres de la liste.

[111]      Cependant, il appert du témoignage non contredit de Madame Boulanger, agente syndicale, que les parties ont eu constamment comme pratique incontestée, depuis l’entrée en vigueur de la convention collective, de référer les griefs à tour de rôle aux six (6) arbitres de la liste prévue au paragraphe 11.01.  Cette pratique, croit le tribunal, doit servir de moyen d’interprétation pour établir la véritable et commune intention des parties.  « On tient compte, dit l’article 1426 du Code civil du Québec, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue , ainsi que des usages » (soulignage en sus).

[112]      Suivant la jurisprudence (voir celle citée au paragraphe 76 de la présente décision), la procédure de choix des arbitres dans une convention collective lie les parties et un arbitre désigné de façon non conforme à la procédure d’attribution des griefs ( « à tour de rôle » ) est sans compétence pour entendre le grief et en décider.  Tel est l’état du droit.

[113]      Pour toutes ces raisons, la requête en réunion de griefs formulée par le syndicat est rejetée.

DISPOSITIF

[114]      Donc, pour toutes les raisons et motifs ci-dessus indiqués, le tribunal décide :

-        QUE la procédure applicable aux griefs concernés par le présent dossier est la procédure régulière et non pas la procédure sommaire;

-        DE REJETER la requête en réunion de griefs formulée par le syndicat;

-        QU’ il n’appartient pas, selon les termes de la convention collective, à un seul et même arbitre de la liste prévue au paragraphe 11.01 des dispositions locales, de disposer de l’ensemble de ces griefs relatifs à des problématiques de temps supplémentaire.

 

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Me Gabriel-M. Côté

 

 

Pour le syndicat :

Me Francis Bélanger

 

Pour l’employeur :

Me Bruno Lepage

 

 

Date(s) d’audience :

1 er avril 2011, 27 mai 2011, 6 juillet 2011 et 7 juillet 2011