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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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No. de dépôt : 2011-7720 |
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Date : |
Le 5 août 2011 |
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DEVANT L’ARBITRE : |
ME HUGUETTE APRIL |
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Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501 |
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Ci-après appelés « le Syndicat » |
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VKI Technologies inc. |
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Ci-après appelée« l’Employeur » |
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Grief : 59267 Juan Andres Caballero |
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Convention collective entre VKI Technologies inc. et les Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, Section locale 501(TUAC) 2007-2011 |
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SENTENCE ARBITRALE |
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[1] Le 6 juillet 2009, le Syndicat, au nom et pour M. Juan Andres Caballero, a déposé un grief portant le numéro 59267 lequel se lit comme suit :
«Nature du grief :
Violation et interprétation des articles 1.01, 3.01, 9.02 et de tout autre article de la convention collective.
Référence : Avis du 11 et 16 juin 2009 et retrait du salarié dans son poste de chef d’équipe.
Règlement requis :
L’annulation et le retrait des deux avis du dossier du salarié et paiement de la prime de chef d’équipe depuis le 11 juin 2009 avec intérêts, le tout sans perte de droits, salaire et privilèges.»
[2] Pour une meilleure compréhension, il y a lieu de reproduire ces 2 avis et ce bien que long.
2.1 L’avis du 11 juin :
«Juan Caballero,
Objet : Problème d’attitude
Monsieur,
Pour faire suite à notre rencontre du jeudi, le 4 juin en présence de votre délégué syndical et de la personne en charge des RH, nous souhaiterions porter à votre attention les faits suivants quant à votre attitude.
Comme vous le savez en fonction du poste de Chef d’équipe -section peinture, titre que vous portez à la demande de l’employeur, vous avez à :
1. Voir à corriger et à améliorer les méthodes de travail et en aviser le superviseur de la production (exemple trouver des moyens pour accrocher des pièces).
2. Respecter les consignes du superviseur afin de bien transmettre l‘information aux personnes qu’il a sous sa responsabilité.
J’ai intentionnellement pris en référence ces deux tâches, car justement c’est en rapport avec ces deux items que nous portons à croire que nous ne pouvons vous laisser dans la tâche de Chef d’équipe et je m’explique.
Nous avons depuis quelques semaines un stagiaire ingénieur dont l’objectif est de revoir les méthodes de travail dans la cellule peinture dans le département métal en feuille.
Cette personne a pour mandat de revoir l’efficacité du département et les méthodes de travail afin de rendre plus efficace et intéressant le poste de travail au sein de la cellule.
La méthodologie utilisée est celle que nous avions utilisée dans les autres départements qui ont subi la même façon de faire, soit de voir et valider avec le personnel donc en l’occurrence avec vous vos suggestions et discuter des difficultés afin de rendre la fonction plus ergonomique et rentable.
Après avoir validé plusieurs fois avec vous, il est constaté que vous prenez entente pour faire des essais, mais une fois que la personne n’est plus là, vous faite à votre tête.
Vous ne démontrez aucune initiative et intérêt quant à la collaboration à des changements, je dirais au contraire vous êtes récalcitrant.
Quand la personne vient pour vous le dire et vous demandez de coopérer vous vous mettez à refuser pour lui dire que vous n’avez pas le temps ou que la personne ne s’y entend pas.
Donc je suis obligé d’intervenir entre vous et l’autre personne.
Vous résistez au changement et êtes inconscient de la perte de temps et des coûts engendrés par ce projet.
Pour être encore plus clair, il avait été abordé de considérer et tester une façon de faire dans la technique d’accrochage en regardant, considérant et demandant d’exécuter en faisant un essai. Quand le stagiaire est à vos côtés cela se fait, par la suite cela ne se fait plus quand il n’est plus là.
Également différentes techniques de peinture ont été envisagées, mais vous semblez dire que vous connaissez la job après 25 ans et je constate beaucoup de réticence de votre part.
Vous ne pouvez pas dire que vous n’avez pas été informé par le type de projet, car Monsieur Ricardo Tozzi a pris le temps et la peine d’expliquer à plusieurs employés lors d’une réunion ce qui allait se passer dans ce département afin de vous sécuriser et de vous demander votre collaboration.
Je veux vous apporter un autre détail, il vous a été modifié avec vos commentaires le fusil à peinture afin de soulager votre bras et épaule d’un point de vue ergonomique. Vous aviez eu une bonne idée et notre personne de maintenance s’est empressée de le rendre plus adéquat en fonction de vos commentaires, à cela et à votre demande des coussinets ont été ajoutés. Après quelques jours vous avez tout enlevé et êtes revenu à la méthode ancienne.
Si je me réfère à une situation de la semaine passée où vous aviez débuté votre travail en me disant que vous ne pouviez faire le travail demandé en raison de votre mal de dos et que vous avez complété par la suite le registre d’accident. Je vous ai demandé d’aller voir le médecin, chose que vous aviez refusé.
Après avoir refusé j’ai demandé l’intervention des Rh pour vous laisser sous entendre qu’il y avait lieu soit d’aller voir le médecin.
Nous avions pris entente de vous mettre en travail léger afin de reposer votre dos jusqu’à lundi et dans le fil de la discussion je me suis rendu compte que vous blâmiez l’entreprise en disant que l’on vous en demandait beaucoup d’où votre mal de dos.
Je vous ai repris en vous mentionnant que votre mal de dos est dû au fait que vous ne suivez pas les directives au niveau des méthodes ergonomiques pour remplir les paniers.
À cet effet vous et d’autres personnes avaient eu une rencontre à ce sujet- là, mais encore vous n’écoutez pas, vous faites à votre tête et blâmez l’entreprise. J’en ai profité pour vous remontrer comment remplir les paniers pour ne pas avoir un problème de dos.
Vous comprendrez que nous n’avons pas le choix que de vous retirer de la fonction de Chef d’équipe et ce en date d’aujourd‘hui le 11 juin 2009.
Dans le futur vous ne serez plus demandé d’agir dans cette fonction à la demande de l’employeur.
Veuillez agréer, Monsieur Caballero, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Mario Jacob
Superviseur, Production - Département métal en feuille »
2.2 L’avis du 16 juin 2009 :
«Juan Caballero
Objet : Problème d’attitude
Monsieur,
Pour faire suite à notre rencontre du jeudi 11 juin 2009 en présence de votre délégué syndical, Francis Michaud, je souhaiterais rapporter votre manque de savoir vivre par vos propos tenus à mon égard et votre geste plutôt agressant en jetant le document que je vous remettais.
L’objectif de cette rencontre était de vous informer par écrit que l’attitude que vous avez en tant que chef d’équipe est inacceptable et remettait en question notre choix de vous laisser à ce poste, mais vous sembliez indifférent aux explications apportées pour vous aider.
J’ai constaté de votre part une attitude irrespectueuse et effrontée à mon égard. Vous ignoriez ce que je vous lisais et avez jeté la lettre en me disant que vous n’aviez rien à faire de moi et de Ricardo Tozzi et que vous étiez pour aller voir Angelo. Je voudrais vous faire prendre conscience que ce problème d’attitude à mon égard dépasse les limites. La prochaine étape tiendra lieu de réprimande verbale à écrite à la suspension selon l’article 9.01 de la convention collective.
Je souhaiterais connaître les raisons qui vous poussent à agir de cette façon à mon égard et voir de quelle manière je pourrais vous aider à améliorer votre communication en l’occurrence avec moi, votre superviseur. Cette lettre à votre dossier tient preuve de notre bonne foi à valider avec vous ce qui ne va pas afin de vous aider à vous rattraper.
Dans l’attente d’une explication ou d’une clarification de votre part à mon égard, veuillez agréer, Monsieur Caballero, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Mario Jacob
Superviseur, Production- Département métal en feuille »
[3] Selon l’Employeur, le retrait de la prime de chef d’équipe annoncé dans l’avis du 11 juin constitue une mesure administrative. Aussi, il s’agit, dans un premier temps, de qualifier cette mesure et par la suite d’évaluer son bien-fondé ou non. Quant à l’avis du 16 juin, il s’agit de déterminer si les gestes reprochés ont été posés et si oui, la mesure disciplinaire est-elle appropriée dans les circonstances.
[4] Les parties ont procédé aux admissions d’usage, à savoir que la procédure de règlement du grief et d’arbitrage a été suivie, que l'arbitre est validement saisi du grief et qu’il a compétence pour le trancher.
LA PREUVE
[5] L’Employeur, bien qu’il soutienne que l’avis du 11 juin est une mesure administrative, a accepté, sans admission, d’initier la preuve sur les 2 avis. Il a fait entendre en preuve principale 4 témoins, à savoir M. Mario Beaudoin, superviseur soutien aux opérations, M. Jean-Philippe Chabot, étudiant stagiaire en ingénierie, M. Mario Jacob, superviseur au département de métal en feuilles et Mme Neully Chikani, chef de service aux Ressources humaines. En contre-preuve, il a interrogé à nouveau M. Chabot.
[6] Le Syndicat a fait témoigner le plaignant, M. Juan Caballero.
[7] Les témoignages entendus et les divers documents déposés en preuve, révèlent les faits pertinents dont le résumé suit.
L’entreprise
[8] VKI Technologies inc est une filiale de Van Houtte située à Saint-Hubert. Elle conçoit et fabrique des machines à café, et ce, depuis un peu plus de 60 ans et, pour se faire, elle emploie au moment du litige environ 80 employés, dont 40 à la production sur un seul quart de travail. Le département de production ou de métal en feuilles comprend plusieurs cellules soit le découpage des pièces avec un appareil numérique, le pliage des pièces, la soudure et la peinture. Par la suite, les pièces sont assemblées dans le département d’assemblage.
Le premier témoin, M. Mario Beaudoin
[9] M. Beaudoin travaille chez VKI Technologies inc. depuis un peu plus de 7 ans. Il est superviseur soutien aux opérations. À ce titre, son travail consiste, lorsque la conception d’un produit est terminée, à s’assurer auprès et avec les départements concernés que les différentes étapes pour la fabrication de ce produit soient mises en place et que le personnel soit formé aux méthodes de fabrication. Il n’a pas de lien hiérarchique, ni d’autorité sur le personnel de production.
[10] En 2009, le vice-président aux opérations, M. Ricardo Tozzi, lui a confié, de plus, un mandat particulier, soit d’améliorer les procédés de production, et ce, particulièrement dans la cellule de peinture. Il fallait vérifier si la cadence dans la cellule de peinture ralentissait la capacité de production afin d’éviter un goulot d’étranglement. Il avait de l’expérience sur les chaînes de montage, mais pas dans une cellule de peinture. Afin de l’aider dans ce mandat spécifique, il avait besoin d’une personne pour analyser les procédés de travail, faire de l’observation, effectuer des tests et formuler des recommandations pour améliorer le processus. Cette personne devait être organisée, bonne communicatrice, capable de travailler en collaboration avec le personnel de cette cellule dont le chef d’équipe, M. Caballero. Il a engagé, à cette fin, M. Jean-Philippe Chabot, étudiant à l’École de technologie supérieure (ETS) en ingénierie gestion des opérations logistique.
[11] Une rencontre a été organisée par M. Tozzi afin de présenter le projet. Assistaient à cette rencontre, en plus de M. Tozzi et lui, M. Mario Jacob, superviseur production au département de métal en feuilles, M. Michaud, délégué syndical et M. Caballero, chef d’équipe à la cellule de peinture. Lors de cette rencontre, le projet a été présenté ainsi que le mandat, à savoir, améliorer le processus à la cellule de peinture par une analyse des méthodes d’accrochage, par exemple, pour éviter les goulots d’étranglement. M. Jean-Philippe Chabot a également été présenté. La collaboration des employés a été demandée. Cette rencontre a duré de 30 à 40 minutes.
[12] Selon M. Beaudoin, M. Caballero, lors de cette rencontre, avait une attitude positive, il ne semblait pas avoir d’opposition.
[13] M. Beaudoin décrit ainsi le travail à la cellule de peinture : les pièces à être peintes arrivent dans la cellule sur un chariot ou dans un contenant. Elles sont accrochées sur une chaîne motorisée qui suit un trajet donné. Les pièces sont lavées, peintes en passant dans une cabine de peinture par le peintre qui utilise un pistolet manuel et de la peinture en poudre (procédé électrostatique). Les pièces sont acheminées dans un four à cuisson et par la suite sont envoyées au département d’assemblage.
[14] Le rôle de M. Beaudoin, en regard de ce mandat, était de faire le suivi avec M. Chabot et de l’épauler au besoin. Le suivi était fait au quotidien, car M. Chabot travaillait dans le même département que lui. M. Chabot lui résumait le travail effectué dans la journée. Au début, cela semblait bien aller, puis il y a eu de la résistance de la part de M. Caballero. Ainsi, au moment d’effectuer des tests, le plaignant résistait et il fallait se reprendre à 2 ou 3 reprises pour pouvoir faire les tests. M. Beaudoin en a alors parlé à M. Jacob, supérieur de M. Caballero. Il lui a expliqué la situation et a demandé d’obtenir la collaboration de M. Caballero. Il n’a pas participé à la décision de retirer au plaignant la responsabilité de chef d’équipe.
[15] En contre-interrogatoire, M. Beaudoin mentionne que le but de la rencontre avec M. Tozzi était de s’assurer, croit-il, d’une compréhension commune. Cette rencontre a été convoquée par M. Tozzi, aussi il ne peut pas dire si M. Michaud assistait à cette rencontre à titre de salarié de cette cellule ou de délégué syndical et si M. Tozzi s’est adressé personnellement à M. Caballero pour lui demander sa collaboration. Il ne sait pas s'il y a eu une rencontre avec l’ensemble des salariés travaillant dans la cellule peinture. Il pense que cette rencontre a eu lieu au début du projet soit à la fin du mois d’avril ou au début du mois de mai. M. Tozzi, M. Jacob et lui ont pris la parole.
[16] Quant aux doléances de M. Chabot sur l’attitude du plaignant, M. Beaudoin, en contre-interrogatoire, explique que c’est vers la fin du mois de mai que M. Chabot a fait la première fois un commentaire négatif en disant qu’il avait voulu accrocher les pièces à peindre d’une telle façon et que M. Caballero lui a dit que cela ne se faisait pas. Par la suite, M. Chabot lui a aussi mentionné qu’il voulait essayer des méthodes d’accrochages différentes ou varier le nombre de pièces accrochées et il avait comme réponse que cela ne se faisait pas sans obtenir d’explications lorsque M. Chabot lui demandait pourquoi. M. Caballero n’avait pas mentionné que cela coûterait plus cher. Il n’a pas été informé qu’il y aurait eu une altercation verbale entre M. Chabot et M. Caballero.
[17] M. Beaudoin reconnaît que M. Caballero travaille depuis plusieurs années pour l’entreprise. Il le connaît seulement à titre de peintre.
[18] Il n’a pas parlé à M. Caballero, mais à son supérieur, M. Jacob, pour demander la collaboration de M. Caballero afin que ce dernier accepte de faire ce que M. Chabot lui demandait.
Le deuxième témoin, M. Jean-Philippe Chabot
[19] M. Jean-Philippe Chabot a une formation de technicien en génie mécanique et est étudiant au baccalauréat en ingénierie à l’ÉTS en opération logistique dans le domaine des productions. En 2009, il était en première année. Il a travaillé cette même année pour VKI Technologies inc., à titre de stagiaire en industrie pour une période de 4 mois soit à partir de la fin du mois d’avril ou au début du mois de mai jusqu’à la fin du mois d’août.
[20] Il a été engagé par M. Beaudoin. L’entreprise allait implanter une nouvelle ligne de production et elle voulait s’assurer que la cellule de peinture serait en mesure de répondre à la demande. Comme consultant, il devait observer, analyser les méthodes de travail et proposer des solutions qui pourraient être implantées si elles étaient retenues, et ce, sous la supervision de M. Beaudoin. Il avait aussi d'autres projets dans d’autres cellules, ainsi il devait travailler sur les « spots wed ».
[21] Il a été présenté au groupe lors d’une journée d’accueil. Il a fait le tour de l’entreprise avec M. Beaudoin lequel l’a présenté aux employés. Il ne se souvient pas si M. Caballero était présent ce jour-là. Il se souvient néanmoins avoir abordé M. Caballero en espagnol, il venait de passer un an en Amérique du Sud et M. Caballero pouvait le corriger dans son espagnol. Selon lui, le contact a été bon. Il a expliqué qu’il était là pour essayer d’améliorer la situation à partir des éléments qui ralentissent le travail, par exemple, et proposer des corrections pour certains inconforts indiqués par les salariés. Il était là aussi pour les aider.
[22] Interrogé à nouveau en contre-preuve, M. Chabot témoigne à l’effet qu’il a commencé son stage à la fin du mois d’avril et que la tournée de l’usine avec M. Beaudoin a eu lieu un lundi. C’est à ce moment-là qu’il rencontre pour la première fois le plaignant. La rencontre avec M. Tozzi a eu lieu, croit-il, le vendredi suivant.
[23] Il a étudié les différentes techniques de fabrication surtout à l’atelier de peinture. Il est allé sur place pour observer et voir s’il y avait une structure dans l’organisation du travail. Il a aussi discuté avec M. Caballero. Il s’est interrogé sur la façon d’appréhender les demandes pour les différentes pièces à peindre, lesquelles priorisées, par exemple, et pour quels motifs. Il s’est également questionné sur le contrôle de la qualité. Il a créé ce qu’il a appelé « des familles de production » en regroupant les pièces selon leur dimension : les petites pièces, les moyennes et les grosses. Il a essayé d’accrocher les pièces de différentes manières afin d’augmenter la quantité de pièces pouvant être accrochées sur la chaîne de montage. Il a passé un mois complet à 40 heures par semaine principalement dans la cellule de peinture à observer et analyser.
[24] Relativement aux suggestions faites pour corriger certains inconforts, M. Chabot mentionne que M. Caballero devait s’appuyer lorsqu’il peignait sur du métal, ce qui devenait à la longue inconfortable pour les cuisses. M. Chabot a proposé l’ajout de bandes coussinées. M. Caballero a aussi indiqué qu’il avait à l’occasion des maux de dos, aussi M. Chabot a suggéré l’installation d’une poignée dans la cabine afin qu’il puisse se tenir de sa main libre à cette poignée allégeant, ce faisant, le poids sur son dos. Ces 2 suggestions ont été mises en place. M. Chabot témoigne à l’effet que les bandes coussinées sont demeurées en place. Il ne sait pas, toutefois, pour ce qui est de la poignée.
[25] Le fusil à peinture est assez lourd et M. Caballero ressentait des douleurs au poignet à force de tenir ce fusil. M. Chabot a proposé l’installation d’un câble métallique calibré afin de supporter le fusil. Cependant lorsque M. Gervais est venu pour installer ce câble, M. Caballero lui a dit de ne pas le faire.
[26] M. Chabot a élaboré un projet de guide de peinture déposé sous la pièce E-1. Il en existait déjà un sous forme manuscrite dans un cartable. Il a fait ce projet de guide en consultant M. Caballero et, pour un deuxième avis, M. Wayne Watmore lequel était aussi chef d’équipe et a déjà travaillé dans la cellule peinture. Pour faire ce guide, M. Chabot a fait différents essais sur le système d’accrochage des pièces à peindre pour voir notamment si le nombre de pièces pouvait être augmenté sur les supports reliés à la chaîne de peinture.
[27] Ce guide montre différentes façons de suspendre les pièces. Il contient les informations suivantes : la date, le numéro de la pièce, des exemples de positions suggérées, le nombre de crochets occupés, la quantité de pièces par crochet et la vitesse à laquelle les pièces circulent sur le convoyeur en pied minute.
[28] M. Chabot a remis ce projet de guide de peinture à M. Caballero en lui demandant de formuler ses commentaires. M. Caballero lui a remis par la suite le document avec les notes apparaissant dans le document déposé sous E-1.
[29] M. Chabot explique ce document et commente comme suit les annotations de M. Caballero :
1) À la page 2, un point d’interrogation a été fait par M. Caballero sans plus ;
2) À la page 3, la proposition était de suspendre 2 pièces au même crochet au lieu d’une. Selon M. Chabot cette proposition augmentait la productivité, diminuait la perte de peinture et améliorait la qualité puisqu’il y avait plus de pièces dont la peinture était cuite en même temps. M. Caballero a écrit « no » sans autres explications;
3) À la page 4, la proposition visait à vérifier si les pièces pouvaient être suspendues de la façon présentée. M. Caballero a écrit « no » sans expliquer pourquoi;
4) À la page 5, le positionnement est le même que la situation déjà en place;
5) À la page 6, la pièce suspendue est un cabinet donc de plus grande dimension. M. Caballero a indiqué « full-stop ». M. Chabot mentionne qu’après discussion, ils ont convenu qu’il fallait un arrêt complet de la chaîne;
6) À la page 7, la proposition était de suspendre 6 pièces au lieu de 4. M. Caballero a écrit « OK », la cadence a été légèrement réduite (4 pi/min au lieu de 4.5 pi/min) ;
7) Aux pages 8 à 11, M. Caballero écrit « OK » pour le nombre de pièces et soulève un point d’interrogation pour la vitesse. Il écrit 4 pi/min au lieu de 4.5 pi/min ;
8) Aux pages 12 à 16, 18 et 20, aucune note n’est inscrite par M. Caballero;
9) À la page 17, M. Caballero a inscrit un point d’interrogation sans commentaire ou suggestion;
10) À la page 19, M. Caballero écrit « no » et un point d’interrogation quant à la vitesse. M. Chabot mentionne qu’il avait raison. Il n’y avait pas matière à amélioration;
11) À la page 21, M. Caballero a écrit « no » sur la manière de suspendre sans suggestion. M. Watmore a suggéré de faire des trous dans les pièces pour pouvoir les suspendre ;
12) À la page 22, dernière page, M. Caballero a écrit « no ». M. Chabot précise qu’après discussion, il a dit OK par la suite.
[30] M. Chabot voyait M. Caballero 2 fois par jour, parfois plus, car il pouvait passer la journée à la cellule de peinture. Selon lui, M. Caballero n’était pas d’accord avec les changements. Il répondait souvent de façon très laconique par un « oui » ou par un « non » sans expliquer le pourquoi de sa réponse. Il avait l’approche de dire « c’est comme cela qu’il travaillait et c’est comme cela que ça fonctionnait». Il estime qu’il n’a pas pu bénéficier, dans ce contexte, de l’aide de M. Caballero, aide qui aurait pu lui être précieuse. Il a alors consulté d’autres personnes dans d’autres départements qui avaient de l’expérience à l’atelier de peinture, dont M. Watmore et M. Jacob.
[31] M. Chabot avait son bureau à côté de celui de M. Beaudoin et il lui parlait le matin en prenant le café. Il a mentionné à M. Beaudoin qu’il avait de la difficulté à obtenir la collaboration de M. Caballero, celui-ci était occupé, mais il aurait souhaité avoir ses suggestions. De plus, M. Caballero refusait de faire les tests demandés. Ainsi, à titre d’exemple, M. Chabot explique qu’il avait préparé des pièces sur un support et il a demandé à M. Caballero de peindre les pièces de cette façon-là. Il voulait alors vérifier la qualité de la peinture. M. Caballero ne l’a pas fait, car dit-il, le convoyeur prend une heure pour faire le tour et, lorsqu’il est revenu 45 minutes plus tard, les pièces telles qu’il les avait préparées n’étaient plus là. Il a alors demandé à M. Caballero ce qu’il en était et celui-ci lui a répondu qu’il n’avait pas fait le test. Selon lui, cela s’est produit à 2 reprises.
[32] M. Chabot relate aussi le comportement de M. Caballero relativement à la température du four. L’entreprise a changé de fournisseur de peinture et, à la suite de ce changement, une personne travaillant pour ce fournisseur est venue effectuer des tests avec la peinture et le four utilisés à la cellule de peinture. Cette personne a formulé des commentaires quant à la température du four en regard de la peinture utilisée. Selon lui, la température était trop élevée. M. Jacob a alors donné, par écrit, des instructions de travail relativement à la cadence de la chaîne de montage et à la température du four (pièce E-2). Selon M. Chabot, M. Caballero ne respectait pas ses instructions. Il a observé, à certaines occasions, que la température du four était plus élevée, un cadran numérique indique la température du four. Une température plus élevée peut affecter la qualité de la peinture et utilise plus de gaz générant, ce faisant, plus de pollution. Il en a parlé à M. Beaudoin.
[33] M. Chabot n’a pas participé à la décision de retirer à M. Caballero ses responsabilités de chef d’équipe.
[34] En contre-interrogatoire, M. Chabot explique qu’il a montré certaines pages du guide de peinture à M. Beaudoin, ce dernier n’a fait aucun commentaire, car il continuait à travailler sur ce guide. Il a remis ce document à M. Caballero vers la fin du mois de mai. Il a repris le document le jour même sur la table de travail de M. Caballero et l’a regardé. Le lendemain, il est allé voir M. Caballero.
[35] M. Chabot décrit ses rapports avec M. Caballero de cordiaux tout en précisant qu’il aurait apprécié plus de collaboration. Il avait informé M. Beaudoin de cette situation avant la remise du guide de peinture.
[36] Toujours en contre-interrogatoire, M. Chabot précise que c’est lui qui a accroché les pièces et fait les photos pour faire le guide. Il attendait parfois le convoyeur. Parfois, M. Caballero était là, mais celui-ci n’a jamais pris une pièce pour lui montrer comment la suspendre.
[37] M. Chabot réitère, que lorsqu’il a interrogé M. Caballero sur les points d’interrogation qu’il a indiqués dans le guide, celui-ci donnait comme réponse «je ne sais pas » « je l’ai toujours accroché de cette façon-là » ou il répondait par un « oui » ou un « non ».
[38] M. Chabot réitère qu’il a fait la demande pour faire installer le treuil pour soutenir le fusil à peinture, mais qu’il n’a pas été installé à la demande de M. Caballero. Il ne travaillait plus, toutefois, à cette période-là.
[39] M. Chabot reconnaît que M. Caballero avait son travail à faire aussi, si celui-ci était très occupé, M. Chabot évitait de le déranger. Il souligne, par ailleurs, que pendant la période estivale, la production était moins intense et il y avait moins de personnes au travail.
[40] M. Chabot situe au début du mois de juin le changement de peinture et de fournisseur. Il était le contact avec le fournisseur. La personne externe a passé près d’une demi-journée à examiner la situation avant de formuler ses recommandations sur la température du four. Il a considéré différents éléments comme la vitesse de la chaîne de montage et la dimension des pièces. Le document E-2 intitulé « Instructions de travail » existait avant les recommandations du fournisseur et portait la signature de M. Jacob. Il a été modifié, toutefois, pour tenir compte de ces recommandations, et ce, par M. Jacob. M. Chabot a discuté avec M. Jacob des modifications à apporter au document, mais il ne pouvait changer lui-même ce document. C’était de la responsabilité de M. Jacob de le faire et d’informer M. Caballero.
[41] Interrogé à nouveau, lors de la deuxième journée d’audience, sur le guide de peinture (E-1), M. Chabot décrit comment il a procédé pour faire ce guide. Il a fait le cadrage et inscrit la nomenclature. Par la suite, il a observé le travail à la cellule de peinture et il a pris des photos des différentes pièces accrochées sur la chaîne de montage. Il a intégré ces photos dans le cadrage. Il a présenté les différentes feuilles de ce guide au plaignant parfois au fur et à mesure qu’il complétait une feuille ou par groupe de feuilles. Il pouvait discuter avec M. Caballero, prendre note de ses commentaires et procéder aux corrections. Il est certain que le document au complet a été remis au plaignant pour annotations.
[42] Appelé à préciser quels accrochages présentés dans ce guide sont différents de ce qui se faisait, M Chabot indique les pages 2, 3, 4, 6, 9, 14, 17,19, 21 et 22 du guide de peinture. Il souligne que sur ces photos la majorité des pièces sont déjà peintes, car il a observé comment elles étaient suspendues avant la peinture et après, lorsqu’elles étaient peintes, il essayait d’autres façons d’accrocher et prenait des photos.
[43] M. Chabot affirme avoir vu à quelques reprises M. Jacob parler avec le plaignant dans l’atelier de peinture sans comprendre nécessairement toujours le sujet de la discussion. Il a néanmoins entendu M. Jacob parler longuement avec M. Caballero de la température du four et de la nécessité d’essayer de nouvelles techniques d’accrochage, et ce, même si cela pouvait occasionner la perte de pièces.
[44] Contre-interrogé par le procureur du Syndicat, M. Chabot précise qu’au cours des 4 mois de stage, il a vu moins de 8 fois M. Jacob parler avec le plaignant dans l’atelier, parfois il était loin alors que d’autres fois, il était plus près d’eux notamment lorsque M. Jacob a parlé de la température du four. Il n’est pas intervenu dans la conversation, car il estimait qu’il s’agissait d’une discussion entre un supérieur et un salarié.
[45] Toujours en contre-interrogatoire, M. Chabot décrit ainsi son emploi du temps au cours de son stage. La première semaine, il a rencontré les gens dans l’usine, fait l’installation de son bureau et de l’équipement requis et il y a eu la rencontre avec M.Tozzi. Les 3 semaines suivantes, il a observé et analysé le travail dans l’atelier de peinture, mais aussi dans d’autres cellules, car il avait aussi d’autres projets à réaliser. Il évalue à 2 mois le temps requis pour prendre les photos retenues dans le guide. Il les a prises parfois en présence du plaignant, parfois alors que celui-ci était en pause pour ne pas le déranger. Il pouvait vérifier avec M. Caballero surtout s’il essayait une façon différente d’accrocher et celui-ci répondait que cela était correct ou non sans élaborer davantage. Lorsque la réponse était négative, M. Chabot essayait de savoir pourquoi et il obtenait comme réponse cela ne va pas marcher et même une fois, M. Caballero a dit c’est de la merde. M. Chabot pouvait passer environ 3 heures dans la cellule de peinture et il parlait régulièrement avec le plaignant.
Le troisième témoin, M. Mario Jacob
[46] M. Jacob a travaillé pour VKI Technologies inc. de 1989 à 2010. Il a commencé comme employé à la production. Il a occupé par la suite la fonction de chef d’équipe de 1994 à 2000 au département de métal en feuilles. Ce département regroupait les différentes fonctions à accomplir avant l’assemblage, soit le perçage, le poinçonnage, le pliage, la peinture et le sablage; à ce moment-là, les cellules n’existaient pas. À partir de l’année 2000, il a occupé la fonction de superviseur sur le quart de soir au début et, par la suite, sur le quart de jour, et ce, jusqu’en 2010. En 2009, il y avait environ 50 employés dans son département, dont les chefs d’équipe. M. Steve Bissonnette à la cellule perçage, M. Caballero à la cellule peinture et M. Watmore à la cellule métal en feuilles.
[47] En plus de M. Caballero, il y avait d’autres peintres, soit M. Fernando Quicano, M. Wayne Watmore, M. Frédéric Provencher et lui-même, M. Jacob.
[48] Une description sommaire du poste de chef d’équipe pour la section peinture est déposée sous la pièce E-3. Selon M. Jacob, cette description sommaire des tâches de chef d’équipe a été établie avec les Ressources humaines, le superviseur et le Syndicat. Il croit que cette description se retrouve dans la définition des tâches de la convention collective. Globalement, le chef d’équipe discute avec le superviseur des tâches à exécuter dans la journée et il en informe les salariés dont il a la responsabilité dans sa cellule. Il doit voir au bon fonctionnement de sa cellule et au respect des normes de santé et de sécurité, dont le port de l’équipement. Le chef d’équipe peut être appelé à essayer de nouveaux produits.
[49] En contre-interrogatoire, M. Jacob mentionne qu’avant la convention collective actuelle, la tâche de chef d’équipe existait, mais il croit qu’il n’y avait pas de description écrite de la tâche. La description déposée sous la pièce E-3 lui a été remise après la conclusion de la présente convention collective. Il n’était pas membre du comité de négociation.
[50] M. Jacob a noté des observations dans son ordinateur sur le comportement de M. Caballero et lorsqu’il a quitté l’entreprise, il les a regroupées et remises à son employeur. Ces notes se retrouvent dans la pièce déposée en E-4 sans que l’ordre chronologique soit respecté toutefois. Il ne comprend pas pourquoi.
[51] M. Jacob fait un lien avec ces notes et le projet à la cellule de peinture.
[52] Selon ces notes, M. Jacob a discuté avec M. Caballero, le 15 décembre 2008, du fait qu’il y avait trop de crochets dans le panier qui allait au four rendant ce panier trop lourd. Par ailleurs, il n’y avait pas de crochet disponible pour commencer le travail le lendemain. Il a également été mentionné que M. Caballero devait s’assurer que la chaîne de montage était remplie à plein rendement et qu’il était important de suivre l’ordre indiqué sur le tableau pour accrocher les pièces sur cette chaîne de montage. En ce qui concerne l’inventaire, il a indiqué que lors d’un nouvel arrivage de peinture, celle-ci devait être placée à l’endroit prévu à cet effet le plus tôt possible et derrière celle déjà entreposée de manière à ce que cette dernière soit utilisée en premier.
[53] Quelques-unes de ces notes réfèrent à des faits survenus en février 2009. Une de ces notes concerne les espaces laissés sur la chaîne de montage. Il est constaté que lorsque M. Watmore remplace M. Caballero absent, le nombre de pièces accrochées est plus élevé. Ainsi, il y a 3 espaces entre les cabinets sous la supervision de M. Watmore alors qu’avec M. Caballero, il y en a 10 occasionnant ainsi des arrêts fréquents à la ligne.
[54] Toujours dans ces notes, il est indiqué que le 26 février, au retour du dîner alors qu’ils étaient prêts à peindre, M. Caballero a demandé un sac de glace pour son poignet, et ce, alors qu’il avait été entendu avant le dîner que c’était au tour de M. Caballero de peindre dans l’après-midi. Le 27 février, M. Caballero a commencé à peindre vers 14 heures et, avant la pause vers 15 heures, il a dit à M. Jacob qu’il n’était plus capable de peindre. Le 28 février, M. Caballero a quitté le travail subitement lorsque son tour est venu de peindre, et ce, alors que la journée se déroulait normalement. Ce même jour, M. Caballero n’a pas suivi l’ordre des pièces à accrocher, ordre qui était indiqué sur un tableau.
[55] M. Jacob situe ces événements au début du projet à la cellule de peinture avec M. Chabot. Il les a notés, car il y voyait de la réticence de M. Caballero aux changements. Ainsi, avant le début du projet, le chef d’équipe, soit M. Caballero, n’avait pas d’ordre à respecter pour accrocher les pièces sur la chaîne de montage alors que par la suite, au cours du projet, il devait observer l’ordre inscrit au tableau par M. Watmore d’où sa note du 28 février indiquée à la fin du paragraphe précédent.
[56] Deux de ces notes concernent des incidents survenus en mars 2009. Ainsi, le 9 mars, M. Jacob a informé les chefs d’équipe, dont M. Caballero, du fait que les bacs de crochets à mettre dans le four étaient trop lourds et un salarié, M. Guerrero s’était plaint à M. Watmore. Le 10 mars, M. Jacob a demandé à M. Caballero de polir des cabinets « rebuilt », celui-ci a répondu qu’il était peintre et que cette tâche devait être donnée à quelqu’un d’autre. Il a dû lui demander à 2 autres reprises avant qu’il le fasse vers 14 h 30, et ce, après qu’il lui en ait parlé en présence de son délégué syndical, M. Francis Michaud. M. Jacob mentionne qu’avant le début du projet, il pouvait faire ce travail et parfois il pouvait utiliser des salariés d'autres cellules s’il y avait trop de travail. Il y avait de l’entraide.
[57] Une dernière note indiquée dans E-4 concerne le 8 juillet. Il est mentionné qu’une rencontre a été organisée par M. Jacob. Assistaient à cette rencontre, M. Watmore, M. Caballero, M. Fernando Quicano et M. André, superviseur à la production. Les sujets suivants ont été abordés : la cadence de la chaîne de montage qui devait être la même pour tous, une façon uniforme de remplir la feuille de production, le respect des quantités inscrites par M. Watmore sur le tableau le matin et enfin le fait que lorsque la pause d’un peintre est terminée, le second peintre doit quitter et non attendre. Dans ces notes, il est mentionné que M. Caballero a confirmé qu’il avait bien compris.
[58] En contre-interrogatoire, M. Jacob explique qu’au moment de quitter l’entreprise, il a fait le ménage des documents dans son ordinateur. Les notes déposées en E-4 ont été transmises aux ressources humaines. Appelé à préciser si ce sont les seules notes qu’il a prises entre 2002 (moment où il devient le supérieur de M. Caballero) et 2010, M. Jacob répond par la négative tout en mentionnant qu’il n’a pas les autres notes.
[59] Toujours en contre-interrogatoire, M. Jacob mentionne que selon lui, le projet à la cellule de peinture a commencé au début du mois de janvier 2009 avec l’embauche de M. Chabot. Le mandat de M. Chabot a commencé en avril. Appelé à expliquer le document relatant ses notes (E-4) et les dates de décembre, février, mars, par exemple, alors qu’il affirme que les incidents indiqués se sont produits au cours du projet, M. Jacob dit que les dates sont erronées, mais se dit incapable d’en expliquer la raison. Il a enlevé la prime à M. Caballero le 11 juin et dans le document E-4, il fait référence à une rencontre le 8 juillet dans la salle de peinture avec M. Caballero notamment. Il réitère que les dates sont erronées sans être en mesure d’en expliquer la raison.
[60] M. Jacob était superviseur des opérations et il devait travailler avec M. Beaudoin à ce projet. Ses attentes envers M. Caballero étaient les mêmes que celles qu’il a eues avec les autres chefs d’équipe lors de projets précédents. Un de ces projets a eu lieu dans la cellule perçage au sujet du gabarit et un autre dans la cellule pliage relativement à la façon de plier et de regrouper. Dans la cellule peinture, c’était surtout les méthodes d’accrochage et de décrochage qui étaient analysées, car de nouveaux produits s’en venaient. Cette démarche s’inscrit dans un processus d’amélioration continue. Il s’agissait de valider de nouvelles méthodes de travail, d’effectuer des tests, avec la collaboration de M. Caballero. Il avait, lors d’une réunion, demandé cette collaboration à M. Caballero en lui expliquant qu’il avait besoin de son implication.
[61] Une rencontre a eu lieu avec M. Tozzi, M. Beaudoin, M. Caballero, M. Michaud et lui-même, M. Jacob, afin d’expliquer ce projet d’analyse des méthodes de travail dans la cellule de peinture, car de nouveaux produits étaient prévus.
[62] Après un certain temps, lors de rencontres qu’il avait avec M. Beaudoin et M. Chabot qui l’accompagnait souvent, ils ont constaté que le projet n’avançait pas. Ce dernier faisait des tests, par exemple, accrocher des pièces différemment et M. Caballero pouvait dire qu’il était possible de suspendre plus de pièces, mais au quotidien, il ne le faisait pas.
[63] Le constat fait par M. Jacob était que le chef d’équipe, M. Caballero, ne voulait pas participer. Dans son bureau, il disait oui, mais il ne le faisait pas par la suite.
[64] Relativement à la température du four, M. Jacob explique que le fournisseur lui avait mentionné que la température du four était trop élevée. M. Jacob a demandé de baisser la température du four, il a lui-même fait des vérifications. Il a demandé à M. Caballero s’il savait qui avait augmenté la température du four et celui-ci répondait que c’était lui. Sa réponse était que « cela faisait 25 ans qu’il faisait cela, qu’il connaissait son travail et cela ne fonctionnerait pas ».
[65] Les instructions de travail, dont la température du four, sont indiquées par écrit et sont affichées bien en vue dans la salle de peinture. Cette note a été modifiée en juin 2009 et a été signée par M. Jacob (E-2). Selon M. Jacob, cette note était collée sur le four et il en avait parlé à plusieurs reprises.
[66] M. Jacob est allé voir la chef de service aux Ressources humaines pour l'informer que le projet n’avançait pas vu que M. Caballero ne voulait pas participer. Il a été décidé de rencontrer M. Caballero afin de lui rappeler que sa participation était requise.
[67] Cette rencontre a eu lieu le 4 juin 2009, en présence de la chef de service des Ressources humaines, Mme Neilly Chikani, le délégué syndical, M. Michaud, M. Caballero, M. Jacob et M. Watmore. Ce dernier établissait la cédule de production et le fait que M. Caballero ne respectait pas les échéanciers, avait un impact sur la suite des opérations.
[68] Lors de cette rencontre, il a été mentionné à M. Caballero que la compréhension était qu’il ne voulait pas participer et qu’il ne voulait pas faire de tests. Mme Chikani lui a demandé s’il y avait un problème et, selon M. Caballero, tout allait bien. Il lui a été demandé de participer au programme et de faire les tests.
[69] Après cette rencontre, M. Jacob n’a pas constaté de changement. M. Caballero continuait de dire que cela ne fonctionnerait pas, et ce, même si M. Jacob lui disait «d’essayer tout de même et si les pièces ne sont pas correctes, on va recommencer».
[70] Entre le 4 et le 11 juin, M. Jacob discutait au quotidien avec Mme Chikani. Devant le constat qu’il n’avait pas d’amélioration, M, Jacob a rédigé la lettre du 11 juin 2009, déposée sous la pièce S-3. Cette lettre a été remise et lue à M. Caballero en présence de M. Michaud alors qu’ils étaient dans le bureau de M. Jacob. Alors que ce dernier était à lire cette lettre, M Caballero s’est levé, a lancé la lettre et a dit à M. Jacob « je n’en ai rien à faire de toi, je vais aller voir le président, Angelo ». Il a quitté le bureau de M. Jacob accompagné de M. Michaud. M. Jacob lui a demandé de revenir, mais M. Caballero n’est pas revenu dans le bureau.
[71] Commentant la lettre du 11 juin 2009 (S-3), M. Jacob fait un lien avec la description de la tâche d’un chef d’équipe et les éléments mentionnés dans cette lettre. M. Caballero en tant que chef d’équipe devait assurer le bon fonctionnement de la cellule. Dans le cadre de ce projet, des essais d’accrochage différents devaient être faits, or M. Caballero, tel qu’indiqué à la page 2 de S-3, «prenait entente pour faire des essais, mais une fois que la personne n’était plus là, faisait à sa tête». Dans un tel contexte, comment allait-il faire en tant que chef d’équipe pour influencer son équipe dans ce sens ? M. Caballero ne respectait pas les consignes, la température du four, par exemple. M. Jacob réitère qu’il a été en mesure de le constater lui-même. Il en est de même à l’égard du fusil à peinture où il devait mettre une «buse» au bout pour contrôler le débit et il ne la mettait pas. En tant que chef d’équipe, il doit voir à la santé et la sécurité des salariés de son équipe, or alors, tel qu’indiqué dans S-3, que des aménagements ont été faits pour aider à réduire ses maux de dos, M. Caballero a enlevé les coussinets, par exemple, ou encore a refusé d’aller voir le médecin pour son mal de dos après avoir complété le registre d’accident.
[72] Après la rencontre du 11 juin et la réaction de M. Caballero dans son bureau, M. Jacob est allé voir M. Caballero dans son unité de travail pour discuter de sa réaction, mais celui-ci a refusé de lui parler, il n’a même pas enlevé son masque pour la peinture.
[73] Après avoir fait cette tentative, M. Jacob est allé voir Mme Chikani pour discuter de cet incident. Il a alors été décidé d’écrire la lettre déposée en S-4. Il en est l’auteur.
[74] En contre-interrogatoire, M. Jacob explique qu’il voyait tous les jours, M. Caballero avec les autres chefs d’équipe lors d’une rencontre pour la planification du travail à faire dans la journée. À la fin de cette réunion, il s’assurait que tous avaient bien compris.
[75] M. Jacob a pris connaissance du projet de guide de peinture (E-1) vers le 20 mai. Il en a discuté avec les 2 autres chefs d’équipe, dont M. Watmore lequel avait un intérêt dans le projet. Il ne peut préciser quand toutefois. Il n’a pas discuté avec M. Caballero, car M. Chabot travaillait directement avec M. Caballero sur ce projet et discutait avec lui du projet de guide. M. Chabot lui a fait part des annotations de M. Caballero.
[76] Entre la remise du projet de guide et la rencontre du 4 juin, M. Jacob mentionne qu’il y a eu d’autres rencontres. Les problèmes sont apparus quand il fut constaté que M. Caballero ne collaborait pas aux tests, par exemple, alors que M. Watmore faisait des tests pendant sa pause.
[77] Contre-interrogé sur la rencontre du 4 juin et des suites, M. Jacob précise que cette rencontre a duré environ de 10 à 15 minutes et qu’il a été demandé à M. Caballero de collaborer. Entre le 4 et le 11 juin, il n’y a pas eu de la part de M. Caballero de changements dans ce sens. M. Jacob donne l’exemple du four et du non-respect de M. Caballero des directives écrites quant à la température du four. M. Jacob est certain d’avoir remis en main propre le document E-2 à M. Caballero lequel document a aussi été collé sur le four.
[78] En contre-interrogatoire, M. Jacob répète que le 11 juin, lors de sa rencontre avec M. Caballero dans son bureau en présence de M. Michaud, M. Caballero, alors que M. Jacob lisait la lettre S-3, dont une copie leur avait été remise, s’est levé et a quitté le bureau bien que M. Jacob lui demandait de revenir.
[79] M. Jacob confirme également, en contre-interrogatoire, qu’il a décidé d’enlever la prime de chef d’équipe au plaignant, car il ne collaborait pas, et dès lors, comment allait-il s’assurer, par la suite, de la mise en opération des résultats des changements découlant du projet ? Il reconnaît que M. Caballero reçoit la prime de chef d’équipe depuis presque 20 ans, mais il n’y a jamais eu de projet de réorganisation dans la cellule de peinture. M. Caballero faisait sa routine, il n’avait pas à composer avec les changements ce qu’il s’est montré incapable de faire dans le cadre du projet.
Le quatrième témoin, Mme Neully Chikani
[80] Mme Chikani travaille pour VKI Technologies inc. depuis le mois de mars 2009 à titre de chef de service Ressources humaines. Elle a 25 ans d’expérience en gestion des ressources humaines.
[81] Elle explique que lorsqu’un cadre ou superviseur quitte l’entreprise, il lui est demandé de remettre les effets qui appartiennent à l’entreprise dont le cellulaire, les clefs du bureau et de l’usine, l’ordinateur et les informations concernant l’entreprise enregistrées sur clefs USB ou sur le disque dur avant le nettoyage. Une entente de confidentialité est d’ailleurs signée à l’embauche.
[82] Lors de son départ, M. Jacob lui a remis en lui transférant par courriel, les informations qu’il avait enregistrées sur le disque dur de son ordinateur à l’égard de 3 employés. Elle a pris ces informations telles que transférées et les a déposées dans les dossiers des employés concernés. La pièce E-4 est le document qu’elle a reçu de M. Jacob par courriel dans le cadre de cette opération.
[83] Le 4 juin 2009, elle a rencontré le plaignant avec M. Jacob, en présence M. Michaud, délégué syndical, et M. Watmore. Elle voulait valider une situation qui perdurait depuis le début de la mise en place du projet à la cellule de peinture entre le plaignant, M. Jacob et autres intervenants impliqués. Elle a demandé au plaignant s’il connaissait l’objet de la rencontre et celui-ci a répondu par la négative. Elle lui a alors parlé de son problème d’attitude, de sa difficulté de s’impliquer et de son manque de collaboration en tant que chef d’équipe. Elle ne mettait pas en cause sa compétence de peintre, mais son attitude à l’égard de ce projet à savoir son manque de collaboration, sa résistance aux changements, le fait qu’il faisait à sa tête et n’écoutait pas les directives. Elle lui a rappelé qu’il avait été rencontré à plusieurs reprises, que les objectifs du projet lui avaient été expliqués et que sa participation était requise. Selon elle, le plaignant en était conscient, car il connaissait les objectifs et son rôle en tant que chef d’équipe.
[84] Mme Chikani mentionne également que lors de cette rencontre, elle lui a dit qu’on lui rapportait que le plaignant disait souvent oui, mais lorsque le superviseur ou autre intervenant n’était plus là, il faisait à sa tête ou encore que sa réponse était que cela faisait 25 ans qu’il était dans l’entreprise et qu'il connaissait son travail. Elle lui a dit qu’il y avait un manque d’ouverture. Elle a référé à son attitude colérique, arrogante et frustrée.
[85] À la fin de cette rencontre, Mme Chikani a demandé au plaignant de corriger ces écarts soit en modifiant son attitude, en collaborant aux nouvelles méthodes de travail et en faisant preuve de plus d’enthousiasme et d’intérêt dans la démarche en cours à la cellule de peinture.
[86] Mme Chikani décrit l’attitude du plaignant lors de cette rencontre de passive et sans réaction.
[87] Interrogée sur la participation de M. Michaud lors de cette rencontre, Mme Chikani répond qu’il écoutait et a demandé au plaignant s’il avait compris ce qu’on lui disait. Le plaignant a répondu par l’affirmative en faisant un signe de tête.
[88] Entre le 4 et le 11 juin, Mme Chikani confirme qu’elle a été en contact régulier avec M. Jacob par téléphone ou en le rencontrant. Elle a noté dans son cahier de bord ce que M. Jacob lui rapportait.
[89] Elle relate les notes qu’elle a prises, notes déposées sous la pièce E-5. Ainsi, selon ces notes, M. Jacob lui a fait part des faits suivants :
1) Le 5 juin 2009 à 10 h 30, le plaignant n'écoute pas, il a augmenté la température du four. M. Jacob a fait ce constat après s’être absenté 15 minutes et à son retour, il a noté que la température du four avait été remise comme initialement. Il a demandé à M. Caballero pourquoi il avait fait cela et celui-ci a répondu « je sais ce que je fais, j’ai 25 ans d’expérience » ;
2) Le 8 juin 2009 à 9 h 30, M. Jacob signale que le plaignant ne suit pas la cadence, il fait à sa tête. Il lui a demandé pourquoi il ne collabore pas et n’écoute pas et, celui-ci le regarde et continue de peindre ;
3) Ce même jour, à 11 h 30, M. Jacob indique que le plaignant se plaint et dit ne pas comprendre ce que l’on cherche à faire, car cela fait 25 ans qu’il est ici et sa façon de faire est la meilleure ;
4) Ce même jour, à 15 h 30, M. Jacob rapporte que l’on tourne en rond à la peinture, le plaignant fait ce qu’il veut lorsque l’ingénieur étudiant ou lui M. Jacob n’est pas là. Comment faire pour améliorer sa collaboration ?
5) Ce même jour, à 16 h 00, M. Jacob signale que la production n’est pas ce qu’elle devrait être, qu’en plus de ne pas respecter les consignes, le plaignant ne fait pas nécessairement l’effort de produire minimalement ce que l’on devait faire ;
6) Le 9 juin 2009 à 11 h 00, M. Jacob rapporte que le plaignant est sur la défensive et agressif quand il lui demande de collaborer. Il le regarde et le défie au point de ne pas répondre à ses demandes ;
7) Le 10 juin, à 13 h 30, M. Jacob rapporte que le plaignant fait à sa tête relativement à la cadence et ne suit pas les indications d’accrochage et la température de cuisson. Elle lui a demandé comment il approchait le plaignant et M. Jacob lui a répondu qu’il a demandé à M. Caballero ce qu’il pouvait faire pour qu’il puisse améliorer sa collaboration et l’aider, mais ce dernier n’a pas répondu ;
8) Le 11 juin 2009, vers 13 h 00, M. Jacob dit à Mme Chikani «c’est assez de faire rire de moi, quand je lui parle il me tient des propos inacceptables ou me défie en ne suivant pas mes consignes ou me rit en pleine face».
[90] Mme Chikani reconnaît ne pas avoir eu connaissance personnellement de ces événements, elle a noté ce dont M. Jacob lui faisait part.
[91] Mme Chikani n’a pas assisté à la rencontre du 11 juin. M. Jacob lui a fait part du déroulement de cette rencontre et elle a discuté avec lui du manque de respect et de civisme dont M. Caballero a fait preuve lors de cette rencontre. C’est M. Jacob qui a rédigé la lettre du 16 juin.
[92] En contre-interrogatoire, Mme Chikani confirme qu’avant le 4 juin, elle n’avait pas eu de contact avec M. Caballero relativement au projet à la cellule de peinture. Pour cette rencontre du 4 juin, elle s’appuyait sur les renseignements donnés par M. Jacob et non sur son observation personnelle. Elle a informé M. Caballero de ce qui lui était rapporté de son attitude et de son manque de collaboration. Elle lui a demandé de corriger cette attitude. Elle répète que M. Caballero est demeuré passif lors de cette rencontre. Elle affirme qu’elle a déjà vu M. Caballero colérique, arrogant et frustré, mais pas lors de cette rencontre.
[93] Après cette rencontre du 4 juin, elle a validé auprès de M. Beaudoin et de M. Chabot les informations données par M. Jacob et elle est allée dans la cellule de peinture à 3 ou 4 reprises pour comprendre lorsqu’on parlait de cadence, de la température du four, par exemple. Elle n’a pas noté, toutefois, dans son cahier à quel moment elle a discuté avec M. Beaudoin ou avec M. Chabot.
[94] Quant au contenu des notes déposées sous la pièce E-4, elle confirme les avoir reçues dans cette forme et les a ainsi déposées dans le dossier de M. Caballero. Elle ne sait pas si ce dernier en a reçu une copie.
[95] Interrogée sur la description de la tâche de chef d’équipe (E-3), Mme Chikani explique que ce document servait à titre informatif selon les informations données par M. Tozzi. Cette description ne se retrouve pas dans la convention collective et existait avant son arrivée dans l’entreprise. Elle ne peut préciser depuis quand ce document existait. Elle croit que ce document était connu de M. Caballero.
Le témoignage du plaignant, M. Caballero
[96] M. Caballero travaille pour VKI Technologies inc. depuis 1983 comme peintre. Au début, selon lui, il était responsable de cette unité sans recevoir la prime de chef d’équipe. Il reçoit cette prime depuis 22 ou 23 ans.
[97] Au cours des mois de mai et de juin 2009, il y avait 2 peintres et parfois un salarié pour faire le travail de polissage.
[98] Selon M. Caballero, la rencontre avec M. Tozzi a eu lieu après qu’il ait rencontré M. Chabot. Il a rencontré celui-ci dans la cellule en début de semaine. M. Chabot aurait alors mentionné que c’est lui qui s’occuperait du système d’accrochage et de décrochage.
[99] Lors de la rencontre avec M. Tozzi, celui-ci a confirmé que c’est M. Chabot qui allait travailler à la nouvelle procédure à implanter dont revoir le système d’accrochage. Selon M. Caballero, M. Tozzi a demandé la collaboration de façon générale et non en s’adressant de façon particulière à une personne, dont M. Caballero. Lors de cette rencontre, M. Tozzi a été le seul à parler. M. Caballero n’a pas posé de question. Il n’a pas discuté avec M. Beaudoin ou M. Jacob du projet après cette rencontre.
[100] Avant cette rencontre et par la suite, il y a eu des discussions avec M. Chabot sur la façon d’accrocher les pièces sur la chaîne de montage.
[101] M. Caballero explique que c’est lui qui a installé le système d’accrochage dans la cellule et, selon lui, les photos dans le document E-1 (Guide de peinture) reflètent la façon dont il accrochait les pièces avant sauf aux pages 4, 6,19, 21 et 22. Il n’y avait pas de document toutefois. Il mentionne que la façon suggérée à la page 22 requiert plus de temps pour l’accrochage et est plus compliquée pour peindre la pièce.
[102] Alors qu’il lui a été demandé s’il a expliqué ses commentaires, M Caballero répond qu’il a parlé de cela tout le temps avec M. Chabot sans préciser davantage.
[103] En ce qui concerne la température du four, M. Caballero, après avoir mentionné qu’il n’était pas au courant, explique que l’entreprise a utilisé la peinture Protex pendant 20 ans et la température était toujours à 480 degrés. La chaîne de montage pouvait rouler plus vite et il n’y avait pas de problème. Avec la nouvelle peinture, la température devait être à 420 degrés et il fallait réduire la vitesse de la chaîne pour le même résultat. Il allègue qu’il y a eu un manque de communication et qu’on n’a pas travaillé avec lui.
[104] Il affirme ne pas avoir été colérique, arrogant ou frustré avec M. Chabot. Il n’y avait pas de problème.
[105] Il soutient qu’il n’y a pas eu de discussion avec M. Jacob concernant le projet. Ce dernier ne s’est pas assis avec lui pour parler du projet et pour lui dire c’est comme cela. Il ne lui a pas parlé de la température ou de la vitesse de la chaîne de montage. Il ne croit pas avoir été colérique avec M. Jacob dans le cadre de son travail.
[106] Relativement à la rencontre du 4 juin avec Mme Chikani, M. Caballero dit ne pas comprendre qu’on lui reproche le manque de collaboration. Ce qui est indiqué dans le guide de peinture (E-1), reproduit ce qui se faisait, les supports c’est lui qui les a commandés. Selon lui, le travail était déjà fait et il n’y avait pas d’autres choses à faire. Lorsque M. Chabot proposait des choses, il lui disait si cela était impossible.
[107] Pendant une période de temps, au cours du projet, il était seul à la peinture, il y avait une personne pour polir les pièces. Il fallait fournir l’autre département.
[108] Relativement à l’incident relaté par M. Jacob à Mme Chikani concernant la température du four le 5 juin (paragraphe 89), M. Caballero dit ne pas s’en souvenir. Avec la nouvelle peinture, la température du four n’était pas plus élevée que 450 degrés.
[109] Selon M. Caballero, le 8 juin, M. Jacob lui demandait de faire le plus vite possible, car il manquait des produits dans l’autre département.
[110] Appelé à commenter ce que M. Jacob allègue à la page 2 (premier paragraphe complet) de sa lettre du 11 juin (S-3), lequel lui reproche de ne pas faire les tests dont il avait été convenu, M. Caballero répond qu’il essaie de faire le plus vite possible pour qu’il ne manque pas de pièces.
[111] M. Caballero nie avoir lancé la lettre le 11 juin lors de la rencontre avec M. Jacob dans son bureau. Il est sorti du bureau et il est allé à son travail.
[112] Il ne comprend pas pourquoi, il n’a plus la prime de chef d’équipe.
[113] En contre-interrogatoire, M. Caballero confirme avoir rencontré M. Chabot au début de la semaine avant la rencontre avec M. Tozzi, laquelle rencontre, selon lui, a eu lieu une semaine après. Il lui a dit qu’il allait vérifier comment améliorer l’accrochage. M. Caballero n’a pas posé de question.
[114] Appelé à commenter s’il est exact que M. Tozzi a expliqué que le projet visait à améliorer la façon de faire, le temps, la productivité et la qualité, M. Caballero répond que pour ce qui est de la qualité, il n’y avait rien à faire, car c’était toujours bien fait. M. Tozzi a demandé la collaboration de façon générale sans s’adresser à quelqu’un en particulier.
[115] Relativement au document «Guide de peinture», M. Caballero reconnaît qu’avant le projet, il n’y avait pas de photos ou de procédures écrites. Selon lui, M. Chabot lui a montré des pages séparément et pas toutes. Il n’a pas vu le document en entier.
[116] Passant les pages du document une par une, M. Caballero dit avoir vu les pages 2 à 4, 7 à 9, 17 peut-être, 19, 21 et 22. Les autres pages, il ne les a pas vues. Aux pages 10 et 11, il est écrit OK toutefois et à la page 6 la mention «full-stop».
[117] Selon M. Caballero, seules les pages 19, 21 et 22, ne représentent pas la façon dont il accroche les pièces. La page 6 ne représente pas un accrochage. Toutes les autres pages sont conformes à sa façon d’accrocher les pièces. À la page 19, il a écrit «no» car la pression de l’eau ferait en sorte que les pièces se toucheraient. Il n’a pas fait le test.
[118] M. Caballero reconnaît que le matin, il y avait une rencontre avec M. Jacob pour la planification du travail à effectuer dans la journée et après il ne parlait plus à M. Jacob, il travaillait, et ce, même si M. Jacob pouvait être dans le département.
[119] Selon lui, M. Jacob ne lui a jamais demandé d’accrocher des pièces différemment, il lui a peut-être demandé de changer la température une fois, mais jamais la cadence.
[120] M. Caballero reconnaît que pendant la période où M. Chabot a effectué son stage, il y avait moins de travail. Le quart de travail pouvait être divisé en deux, c’est-à -dire que le matin un peintre faisait la peinture et l’après-midi un autre peintre la faisait. Il précise qu’ils ont commencé à faire cela pendant cette période.
[121] Le grief conteste les 2 avis de l’Employeur datés respectivement du 11 juin et du 16 juin 2009.
[122] Traitant d’abord du premier avis, soit celui du 11 juin, la procureure de l’Employeur soutient que cet avis doit être qualifié de mesure administrative et en conséquence l’arbitre n’a pas compétence pour réviser la décision de l’Employeur comme en matière disciplinaire. Il ne peut annuler la décision de l’Employeur que si celui-ci a agi de mauvaise foi ou de manière déraisonnable, abusive ou discriminatoire. Le fardeau de la preuve appartient au Syndicat.
[123] Il n’y a pas, selon la convention collective, de poste de chef d’équipe. L’annexe A de cette convention dresse la liste des classes et postes. Or, la mention de chef d’équipe ne se retrouve pas dans cette liste. Les annexes B et C indiquent les salaires et augmentations en donnant les noms des salariés et leur attribution, mais cela ne crée pas de postes.
[124] C’est l’Employeur qui désigne le chef d’équipe. Une prime est prévue à l’article 16.04 de la convention collective pour la personne qui assume le rôle de chef d’équipe.
[125] La responsabilité du chef d’équipe n’étant pas un poste soumis au processus d’attribution, l’Employeur peut selon ses droits de gérance, reconnus par le Syndicat à l’article 3.01 de la convention collective, choisir la personne qu’il veut comme chef d’équipe, tout comme il peut décider de retirer cette responsabilité, aucune disposition de la convention collective énonçant de règles à respecter pour l’octroi d’une telle prime ou son retrait. Il n’y a pas de droit acquis, les besoins changent et les qualifications requises aussi pour accomplir adéquatement cette responsabilité de chef d’équipe.
[126] La jurisprudence reconnaît que la tâche de chef d’équipe ne constitue pas un poste. La procureure dépose à cet effet 6 décisions arbitrales qu’elle commente. La liste de ces décisions se retrouve en annexe.
[127] La preuve révèle qu’en 2009, de nouveaux produits devaient être développés, et afin d’améliorer la productivité, un projet d’amélioration continue était en marche à la cellule de peinture pour éviter les goulots d’étranglement et la perte d’efficacité. Ce n’était pas la première fois qu’une telle démarche était mise en place. Des projets similaires ont eu lieu par le passé dans d’autres cellules.
[128] Le vice-président aux opérations, M. Tozzi, a expliqué le projet, ce qui était recherché et la collaboration a été demandée. Il n’y a pas eu de questions de posées par M. Caballero.
[129] Un tel projet requiert une ouverture d’esprit et soutenir qu’une façon de faire est la seule possible, ce n’est pas faire preuve d’ouverture. Il est possible qu’après avoir analysé et effectué des tests que la constatation soit à l’effet que la façon d’accrocher une pièce donnée soit effectivement la plus efficace, mais cela doit être la conclusion et non pas un frein à l’analyse. Ce qui était demandé à M. Caballero s’inscrivait dans les responsabilités d’un chef d’équipe selon la description déposée en E-3 au paragraphe 9 et ce, même en dehors d’un processus d’amélioration continue.
[130] Malgré l’approche respectueuse de M. Chabot auprès de M. Caballero où il a essayé de mettre à l’aise ce dernier, il ressort, selon la preuve prépondérante, que l’attitude de M. Caballero était si la façon de faire est conforme à ce qui se faisait c’est Ok et si c’est différent c’est non, sans suggérer qu’il y avait peut-être une autre façon de procéder.
[131] À l’égard du guide de peinture, M. Caballero a eu une approche passive et non pas une approche constructive. Si son attitude ne peut être qualifiée d’obstruction, il n’en est pas de même à l’égard des tests qu’il a refusé de faire, et ce, même si M. Jacob lui a dit que ce n’était pas grave si des pièces étaient perdues. M. Caballero ne peut invoquer, par ailleurs, la surcharge de travail, la période estivale étant moins occupée.
[132] M. Caballero a fait preuve de la même fermeture aux changements à l’égard de la température du four. Il ne peut soutenir qu’il ignorait le nouveau degré de température à observer vu que M. Jacob l’avait informé et qu’un écrit avait été collé sur le four. Pour M. Caballero, cela faisait 25 ans qu’il procédait d’une telle façon.
[133] M. Caballero n’a pas compris que le 4 juin Mme Chikani demande sa collaboration et il ne comprend pas encore aujourd’hui. M. Caballero n’a pas eu une approche constructive, il n’a pas fait de tentative pour changer les façons de faire. Il n’a pas les qualités requises pour demeurer chef d’équipe. Son refus de changement n’est pas compatible avec la vision de l’entreprise.
[134] M. Caballero a été informé le 4 juin de son manque de collaboration et il lui a été demandé d’y remédier et M. Caballero n’a pas, selon le témoignage de M. Jacob, dans les jours qui suivirent, modifié son attitude. La décision prise par l’Employeur n’est pas déraisonnable ou abusive.
[135] Traitant par la suite de l’avis du 16 juin (S-4), la procureure de l’Employeur, le qualifie d’avis disciplinaire.
[136] Deux témoins ont été entendus à savoir M. Jacob et M. Caballero. Certes, M. Jacob était mêlé dans ses dates, mais il a répondu le plus directement possible. Il n’a pas fait preuve d’animosité à l’endroit de M. Caballero et il n’y a aucune preuve qu’il en avait. M. Jacob n’a pas d’intérêt direct et son témoignage a été corroboré sur d’autres points par M. Chabot ou M. Beaudoin. Le témoignage de M. Caballero renferme des contradictions.
[137] La crédibilité de ces 2 témoins devra être appréciée, mais selon la procureure de l’Employeur, la preuve établit que les gestes reprochés à M. Caballero ont été posés le 11 juin et en conséquence la mesure disciplinaire imposée, laquelle mesure est minimale devrait être maintenue. Au soutien de son argumentation, la procureure de l’Employeur dépose 3 décisions arbitrales dont la liste se retrouve en annexe.
REPRÉSENTATIONS DU SYNDICAT
[138] Le procureur du Syndicat, souligne que l’Employeur allègue que la tâche de chef d’équipe n’est pas un poste, mais il réfère à une description de fonction de chef d’équipe. Cela lui apparaît difficilement conciliable.
[139] L’arbitre doit apprécier la décision de l’Employeur annoncée dans l’avis du 11 juin eu égard à l’ensemble des circonstances.
[140] Il ressort du témoignage de M. Caballero que les façons d’accrocher les différentes pièces sur la chaîne de montage proposées dans le guide de peinture, pour la très grande majorité, reflètent la façon de procéder avant le projet, illustrant bien que M. Caballero avait la bonne façon de faire.
[141] Aux dires mêmes de M. Chabot, M. Caballero faisait ce qu’il avait à faire, il n’a pas formulé de reproches à son endroit.
[142] M. Jacob n’a pas témoigné, certes, pour induire le tribunal en erreur, toutefois force est de constater que ces notes sont erronées quant aux dates. On ne peut soutenir que ces notes relatent des incidents qui se seraient produits en mai ou juin 2009. Ces notes doivent être écartées.
[143] M. Caballero était placé dans une situation où on lui demande de faire des tests tout en maintenant les demandes de production pour éviter qu’il manque des pièces au département d’assemblage.
[144] Lors de la rencontre du 4 juin, la responsable des Ressources humaines a fait part à M. Caballero des attentes de l’entreprise à son endroit et après, soit le 11 juin, on lui retire la tâche de chef d’équipe. Entre ces 2 dates, il n’y a pas de preuve de ce qui s’est passé. Les notes de M. Jacob ne portent pas sur cette période et les notes prises par Mme Chikani ne font que rapporter ce que M. Jacob lui aurait dit sans qu’elle ait été en mesure de le constater par elle-même. Elle soutient avoir validé les propos de M. Jacob auprès de M. Beaudoin ou de M. Chabot sans cette fois prendre de notes.
[145] Quant au comportement reproché à M. Caballero, lors de la rencontre du 11 juin avec M. Jacob, la preuve est contradictoire et l’attitude de M. Caballero, devant le tribunal, est éloquente. M. Caballero n’a pas lancé la lettre comme le soutient M. Jacob.
[146] Les dispositions pertinentes de la convention collective se lisent comme suit :
1.01 La présente convention a pour but de promouvoir des relations harmonieuses entre l’Employeur, l’Union et les salariés, de tenter d’établir des conditions de travail équitables, de protéger les intérêts communs dans l’exploitation de l’entreprise de l’Employeur et de promouvoir une utile collaboration.
1.04 L’expression «capable de remplir les exigences normales du poste» signifie que le salarié est en mesure d’accomplir les tâches normales du poste. (2e alinéa)
3.01 L’Union reconnaît que la direction et l’administration de l’entreprise sont des droits relevant de l’Employeur. Ces droits comportent entre autre chose ce qui suit :
a) de maintenir l’ordre, le rendement, la discipline et d’adopter des règlements en conséquence;
b) d’établir les exigences normales pour remplir chaque tâche;
c) d’embaucher ou de classifier, diriger, muter, promouvoir, rétrograder, suspendre, discipliner ainsi que de congédier pour cause juste et suffisante;
d) d’établir, changer ou modifier les méthodes de travail ainsi que l’équipement et les installations nécessaires à la préparation et à la vente des marchandises;
e) l’employeur doit utiliser ses droits en conformité avec les autres dispositions de la convention collective.
3.02 L’Employeur reconnaît que l’Union et ses membres peuvent invoquer la procédure de griefs contre tout geste qu’ils croiraient injuste de la part de la direction dans l’exercice des droits énumérés dans le présent article.
3.03 L’Employeur informera l’Union cinq (5) jours avant la création de tout nouveau poste ou de toute nouvelle classification d’emploi à être créés dans son établissement. L’Union négociera avec l’Employeur les conditions de travail relatives à ces postes ou classifications en tenant compte des échelles de salaires déterminées aux présentes pour des fonctions similaires ou comparables.
(…)
9.01 La réprimande verbale, la réprimande écrite, la suspension, la rétrogradation ou le congédiement sont les mesures disciplinaires susceptibles d’être appliquées suivant la gravité ou la fréquence de l’infraction reprochée.
9.02 L’Employeur ne prendra pas de mesures disciplinaires sans une cause juste et suffisante.
11.03 L’arbitre nommé se conformera aux dispositions de la présente convention, il n’aura pas autorité pour y ajouter, retrancher ou changer quoi que ce soit, ni pour rendre une décision contraire aux dispositions de la présente convention.
11.04 Dans tous les cas de griefs relatifs à des suspensions ou congédiements, l’arbitre a autorité pour maintenir, réduire ou annuler la suspension ou le congédiement. Il a autorité pour décréter le réembauchage d’un salarié et le remboursement du salaire perdu plus intérêt. Le paiement des intérêts sera celui su taux d’escompte (prime rate) tel qu’établi par la Banque du Canada plus un pour cent (1%), au moment du dépôt du grief.
16.04 Prime de chef d’équipe
a) La prime de chef d’équipe est de trois dollars (3$) l’heure, à compter de la signature de la présente convention collective.
b) Dans son rôle, le chef d’équipe ne peut ni embaucher, ne discipliner les salariés.
16.06 Les primes doivent être payées pour toutes les heures travaillées qui s’appliquent aux primes, y compris les heures supplémentaires, de même que pour l’indemnité prévue pour les congés civils et doivent être intégrées au calcul de la paye de vacances.
25.07 Toutes les lettres d’entente ainsi que les Annexes font partie intégrante de la présente convention collective.
Annexe «A» Classes et postes
Classe |
Poste |
1 |
Préposé au métal Assembleur
|
2 |
Préposé au téflon Préposé à la réception et expédition Reconditionneur
|
3 |
Opérateur de cisaille Opérateur de presse poinçonneuse Peintres Préposé à la vérification Camionneur Opérateur de presse, plieuse
|
4 |
Soudeur (TIG MIG) Électrotechnicien |
Annexe «B» Hors échelles, augmentations et forfaitaires
Il s’agit d’un tableau avec les rubriques suivantes : Nom de chaque salarié, Poste, Sommaire des augmentations de salaires pour les années 2007 à 2011 et Forfaitaire annuel pour les mêmes années.
Sous la rubrique «Poste» il est indiqué, par exemple
Quicano Fernando Peintre
Caballero Juan Peintre/Chef d’équipe
Annexe «C» Classes et échelons au 1 er janvier 2007
Il s’agit aussi d’un tableau avec les rubriques Nom (du salarié), Poste, Situation au 1 er janvier 2007 avec 2 colonnes (Classe - échelon ). Aucune référence n’est faite à la prime de chef d’équipe et le peintre Quicano est classé au même échelon et à la même classe que M. Caballero, par exemple.
Annexe «D» Échelles de salaires
Ce tableau indique les 4 classes avec les échelons et les taux horaires pour chaque échelon, et ce, pour les années 2007 à 2011.
[147] Le grief conteste l’avis transmis par l’Employeur à M. Caballero. L’avis du 11 juin est, selon la procureure de l’Employeur, une mesure administrative alors que l’avis du 16 juin est une mesure disciplinaire. Il s’agit de 2 avis de nature différente, du moins selon l’Employeur, aussi je traiterai de ces avis séparément en commençant par celui du 11 juin 2009.
L’avis du 11 juin 2009
[148] Dans cet avis, l’Employeur informe M. Caballero que la prime de chef d’équipe lui est retirée, considérant son attitude lors de la mise en place d’une démarche visant à revoir les façons de faire à la cellule de peinture. L’Employeur soutient qu’il n’existe pas, selon la convention collective, de poste de chef d’équipe. Une prime est prévue pour la personne qui assume cette tâche en plus du poste qu’elle détient et en l’espèce celui de peintre. C’est l’Employeur qui choisit la personne qui agira à titre de chef d’équipe et la décision de lui retirer cette responsabilité et la prime afférente est une décision administrative et non disciplinaire. Pour sa part, le Syndicat tout en soulignant qu’il existe une description de fonction de chef d’équipe, s’en remet à ma décision quant à la qualification de la mesure.
[149] Dans les paragraphes qui suivent, j’analyserai les dispositions pertinentes de la convention collective et les décisions déposées afin de déterminer si la responsabilité de chef d’équipe est un poste ou non et les conséquences en découlant quant aux droits de gérance de l’Employeur et de la compétence de l’arbitre pour terminer par l’appréciation de la preuve et donner mes conclusions sur l’avis du 11 juin et le correctif demandé par le Syndicat.
La convention collective
[150] Une analyse des dispositions pertinentes de la convention en regard du statut de chef d’équipe permet d’énoncer les constatations suivantes :
1) L’expression «les exigences normales du poste» est définie à l’article 1.04 sans que, par ailleurs, soit définie la notion de poste;
2) L’Employeur a le droit d’établir les exigences normales pour chaque tâche (3.02 b). Il est fait référence à chaque tâche et non à la notion de poste;
3) Les promotions ou postes disponibles sont affichés pendant 5 jours et la priorité est accordée au salarié ayant le plus d’ancienneté pourvu qu’il soit capable de remplir les exigences normales du poste (article 8.01);
4) L’Employeur doit informer le syndicat 5 jours avant la création d’un nouveau poste ou classification. Les parties doivent s’entendre sur le salaire à défaut de quoi un arbitre de grief pourra déterminer le salaire (3.03);
5) Les annexes font partie intégrante de la convention collective (25.07);
6) L’annexe «A» dresse la liste des classes et postes. Sur cette liste, le titre de peintre est indiqué et pas celui de chef d’équipe; la tâche de chef d’équipe existait avant la signature de la convention collective, il ne peut être soutenu, dès lors, qu’il s’agit d’un nouveau poste (3.03 et 16.04a);
7) L’annexe «D» indique les taux horaires pour les années 2007 à 2011 selon les échelons et les 4 classes indiquées à l’annexe «A»;
8) L’annexe «B» indique les augmentations de salaire et les montants forfaitaires versés aux salariés hors échelle pour les années 2007 à 2011 alors que l’annexe «C» précise la situation salariale pour chaque salarié selon la classe et l’échelon au 1 er janvier 2007. On retrouve dans ces 2 tableaux le mot «poste »à côté du nom des salariés;
9) Une prime de chef d’équipe est prévue à l’article sur les primes et bonis (16.04a);
10) Les primes sans distinction, à savoir de soir, de nuit ou d’équipe, ne sont pas intégrées au salaire et sont payées pour toutes les heures travaillées, y compris les heures supplémentaires et l’indemnité prévue pour les congés civils. Elles doivent être prises en compte lors du calcul de la paie de vacances (16.06). La contribution de L’Employeur pour le régime de retraite est calculée sur le salaire de base (21.12) et ne prend donc pas en considération les différentes primes versées;
11) Il est expressément stipulé que le chef d’équipe dans son rôle ne peut ni embaucher, ni congédier, ni discipliner les salariés (16.04 b).
[151] Ces différents éléments militent en faveur de la thèse de l’Employeur soutenant que la tâche du chef d’équipe ne constitue pas un poste. Dans les annexes «B et C» sous la rubrique «poste » on peut lire, par exemple, assembleur chef d’équipe, préposé d’expédition chef d’équipe ou encore peintre chef d’équipe à côté du nom du salarié. L’annexe « B » dresse, pour chaque salarié, un sommaire des augmentations de salaire en pourcentage et le montant forfaitaire, s’il y a lieu, versé selon l’article 15.02, et ce, pour les années 2007 à 2011 alors que l’annexe « C » indique, pour chaque salarié, sa situation salariale selon sa classe et son échelon au 1 er janvier 2007. Telle est la finalité de ces deux annexes et on ne peut inférer de la mention «peintre chef d’équipe» sous la rubrique poste dans ces annexes qu’il s’agit d’un poste au sens des articles 8 Promotions et postes disponibles ou de l’annexe «A» laquelle dresse la liste des postes et indique la classe salariale pour chaque poste.
[152] Au soutien de sa thèse, la procureure de l’Employeur a déposé 6 décisions que j’analyse dans les paragraphes suivants afin d’en dégager les principes et les conclusions à l’égard de l’état du droit.
État du droit
[153] Dans l’affaire Progistix-Solutions inc. , l’arbitre Me Hamelin est saisi d’un grief contestant la décision de l’Employeur de retirer, en 2006, le titre de chef d’équipe à un salarié qui assume cette tâche depuis 1993. Le Syndicat conteste cette décision pour différents motifs; il soutient notamment que l’Employeur a invoqué la mauvaise attitude du salarié, et dès lors, la mesure prise est d’ordre disciplinaire. Pour sa part, l’Employeur justifie sa décision par une baisse d’effectifs l’ayant amené à diminuer le nombre de chefs d’équipe. Il a alors choisi un autre salarié, également chef d’équipe, considérant les besoins de l’entreprise et la moins grande compétence du plaignant. Ce dernier adoptait une attitude de confrontation de l’Employeur et avait tendance à contester ses décisions et politiques, le rendant incapable d’occuper le rôle de chef d’équipe. Il soutient de plus que le titre de chef d’équipe n’est pas une fonction, mais une affectation et l’Employeur peut la retirer.
[154] L’arbitre, après analyse des dispositions pertinentes de la convention collective, de la preuve et de la jurisprudence rejette le grief, et ce pour les raisons suivantes [1] :
«En droit du travail, une fonction est un ensemble de tâches reliées à l’exécution d’une prestation de travail alors qu’une tâche est un travail spécifique à accomplir à l’intérieur d’une fonction. Quant au poste de travail, il s’agit d’une fonction déterminée dont le contenu est identifié dans la structure d’emploi de l’entreprise.
Règle générale, l’employeur pourvoit à un poste à la suite d’un affichage où il y précise la nature du travail à accomplir et les exigences requises pour l’effectuer.
En l’espèce, il n’existe pas de poste de chef d’équipe. La convention collective prévoit plutôt un rôle de chef d’équipe à savoir celui de représenter l’employeur dans un département, rôle qui est confié à l’un des détenteurs de la fonction de préposé au matériel et que ce dernier assume en plus des tâches habituelles de sa fonction.
Les parties ont d’ailleurs toujours compris cette disposition de cette façon, puisque l’employeur a toujours unilatéralement désigné les chefs d’équipe, sans jamais procéder à quelque affichage que ce soit.
La désignation d’un chef d’équipe relève donc du droit discrétionnaire de direction que l’article 8 de la convention collective accorde à l’employeur, à moins que l’exercice de ce droit n’aille à l’encontre d’une autre disposition de la convention.
Pour ces motifs, il faut donc écarter l’argument de rétrogradation sans cause juste et suffisante, parce que la rétrogradation - qui constitue une mesure de déclassement prise à titre de sanction disciplinaire - implique la perte d’un poste de travail obtenu à la suite d’un affichage.
En l’espèce, comme la décision de l’employeur de retirer au plaignant son titre de chef d’équipe relève de son droit de direction, l’arbitre ne peut intervenir que si la preuve a démontré que cette décision est abusive, discriminatoire ou déraisonnable.»
[155] L’arbitre après analyse de la preuve a conclu que la décision de l’employeur était fondée sur des motifs raisonnables en s’appuyant sur le rôle du chef d’équipe. Selon ce rôle, le chef d’équipe devait s’assurer que les employés de son équipe respectent les décisions et politiques de l’employeur, et servir de pont entre le personnel et la direction. Or, le comportement du salarié le rendait inapte à exercer ces responsabilités.
[156] Dans l’affaire Soucy Rivalair inc. [2] , l’arbitre Fortier, en 2002, a eu également à décider d’un litige de même nature alors qu’il est saisi d’un grief contestant le retrait des responsabilités de chef d’équipe au retour de la salariée d’une absence pour maladie. La salariée, comme d’autres de ses collègues, a été nommée, en 2001, chef d’équipe sans affichage. Lors de son absence pour maladie, l’employeur a toutefois procédé par affichage à son remplacement en indiquant sur cet affichage : «poste à combler chef d’équipe (temporaire)». Le Syndicat allègue qu’il s’agit d’un poste et la décision de retirer ce poste à la salariée est arbitraire et injuste, car jamais personne ne s’était plaint de son travail de chef d’équipe, aucun avertissement verbal ou écrit ne lui a été donné, et de plus, personne n’avait pris le temps de la rencontrer pour lui faire part des difficultés, s’il y avait lieu, et lui permettre de les corriger. L’employeur soutient, quant à lui, que la tâche de chef d’équipe n’est pas un poste et l’affichage a été fait seulement pour rechercher des candidats. La nomination d’un chef d’équipe est un processus purement discrétionnaire de l’employeur et il pouvait agir comme il l’a fait.
[157] La convention collective dans cette affaire stipule que les postes et classifications sont ceux indiqués à l’annexe «A» et une disposition similaire à l’article 3.03 de la présente convention prévoit que l’employeur peut créer tout nouveau poste et en avise le syndicat lequel peut contester devant un arbitre le taux de salaire fixé par l’employeur.
[158] L’arbitre Fortier après avoir analysé les dispositions pertinentes de cette convention et la jurisprudence depuis plus de 25 ans en arrive à la conclusion que l’employeur n’avait pas l’obligation de réintégrer la salariée comme chef d’équipe à son retour de congé, et ce, pour les motifs suivants :
« En vertu de la convention collective, le salarié qui agit comme chef d'équipe n'occupe pas un poste. Être chef d'équipe constitue une fonction qui vient s'ajouter à un poste régulier et ne constitue pas un poste distinct. Ainsi lorsque JULIE TRAVERSY a été nommée chef d'équipe, elle continuait d'être opératrice et l'on ajoutait à ses tâches d'opératrice celle d'agir comme chef d'équipe.
La convention collective prévoit quels sont les postes et classifications qui existent et ce sont ceux qui apparaissent aux échelles de l'Annexe A (12.01). Il y a trois postes et classifications différents : opérateur C, opérateur B et assistant-monteur.
Chef d'équipe ne constitue pas un poste ou une classification distincte, mais bien une fonction additionnelle d'un salarié qui occupe un des postes ou détient une des classifications des trois classifications prévues à la convention collective.
Pour cette fonction additionnelle de chef d'équipe à son poste ou sa classification, le salarié-chef d'équipe reçoit une prime de 1.00 $/heure. La prime de chef d'équipe est prévue à l’article XIII qui traite des primes et bonis.
Travailler comme chef d'équipe amène une prime de la même façon que travailler sur l'équipe de soir, l'équipe de nuit ou l'équipe de fin de semaine. Une telle prime s'intègre au salaire que reçoit le salarié pour le poste ou la classification qu'il détient.
Les arbitres ont eu à se prononcer sur cette question à plusieurs reprises depuis plus de 25 ans. Ils ont eu à analyser des conventions collectives présentant beaucoup de similitudes avec celle que l'on retrouve dans le présent cas.
La jurisprudence est constante depuis environ 30 ans ….
Je suis d’avis qu’il n’y a pas eu de rétrogradation de JULIE TRAVERSY lorsque l’employeur lui a retiré la fonction de chef d’équipe. JULIE TRAVERSY a toujours conservé la même classification ou le même poste d’opératrice.
Il n'y a aucune disposition à la convention collective obligeant l'employeur à afficher la fonction de chef d'équipe, car ce n'est pas un poste.
Dès lorsque "chef d'équipe" ne constitue pas un poste ou une classification, l'employeur peut utiliser ses droits résiduaires de direction pour nommer un chef d'équipe à sa guise.
Si l’employeur a le pouvoir de confier la fonction de chef d’équipe à un salarié à sa guise, il a aussi son corollaire : il peut retirer cette fonction au salarié de la même façon.
La seule restriction à ce pouvoir est celle prévue à la clause 2.1G) : il ne doit pas s’agir d’une mesure disciplinaire et cela ne doit pas être fait de façon injuste, discriminatoire ou arbitraire. » [3]
[159] L’arbitre Fortier, dans cette décision, analyse plusieurs décisions arbitrales ayant des similitudes avec le cas dont il est saisi et aussi avec la présente affaire. Il serait trop long de reproduire cette analyse, il ressort de celle-ci, néanmoins, que les arbitres estiment que lorsque la tâche de chef d’équipe n’est pas un poste, la perte de ces responsabilités n’est pas considérée comme une rétrogradation.
[160] La procureure de l’Employeur a également déposé une décision de l’arbitre Me Jean-Yves Durand dans l’affaire Ville de Montréal [4] , décision qui, selon l’arbitre Me Hamelin, résume bien l’état du droit sur le sujet et qu’il endosse dans la décision Progistix-Solutions inc. analysée aux paragraphes 153 à 155.
[161] Dans cette affaire, Me Durand avait à décider si le retrait de la tâche de chef d’équipe constitue une rétrogradation ou une diminution de grade nécessitant un avis au syndicat. La Ville nomme des chefs d’équipe chaque année pour environ 4 mois, soit pour la période de déneigement. Le plaignant a ainsi été nommé pour une deuxième fois en novembre 1999, et à la mi-janvier, à la suite d’un incident ayant occasionné l’insatisfaction de son contremaître, ce dernier lui a retiré la tâche de chef d’équipe. Pour le syndicat, il est évident que la mesure est de nature disciplinaire puisqu’on reproche au salarié un aspect déviant de son comportement soit le fait d’avoir prolongé les pauses et d’avoir joué aux cartes. Pour l’employeur, il s’agit d’une mesure administrative. Le critère déterminant est la capacité de remplir la tâche. Or, le plaignant a remis en cause l’autorité du contremaître, ne veut pas diriger les salariés et n’agit pas comme chef d’équipe. En somme, l’employeur allègue que le plaignant ne possède pas la capacité d’être chef d’équipe.
[162] La convention collective, dans cette affaire, définit les termes «chef d’équipe, fonction, poste et tâche». De plus, une annexe de cette convention fait référence aux différents groupes de salariés qui exercent diverses fonctions et cette liste ne comprend pas le chef d’équipe.
[163] Après avoir analysé les dispositions pertinentes, l’arbitre conclut que rien dans la convention collective n’assure la stabilité lorsqu’un salarié remplit la tâche d’un chef d’équipe, car cette tâche n’est pas une fonction, cette dernière étant pour une durée indéterminée, à moins d’exception. La définition même du terme chef d’équipe suppose une précarité à ces tâches. Il estime, dès lors, qu’il ne s’agit pas d’une mesure disciplinaire ni d’une rétrogradation. Ainsi, il écrit :
« L’employeur n’a pas donné d’avis disciplinaire au plaignant concernant ces divers incidents. L’employeur a mis fin à la nomination du plaignant comme chef d’équipe le 19 janvier 2000. La convention collective ne permet pas de conclure qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire. La définition même du terme chef d’équipe suppose une précarité à ces tâches. L’employeur n’a pas imposé une rétrogradation au plaignant. Pour ce faire, il aurait dû rétrograder le plaignant de fonction. Or le plaignant n’exerçait pas une fonction de chef d’équipe. » [5]
[164] Pour l’arbitre Durand, le fait que la tâche de chef d’équipe ne soit pas un poste est dans cette affaire déterminant. Il la distingue d’une décision qu’il a rendue en 1995 dans l’affaire Ici Canada [6] où le plaignant occupait, dans une entreprise de production de peroxyde d’hydrogène, un poste de chef d’équipe opérateur dans le secteur peroxyde. Ce salarié a été rétrogradé et suspendu pour avoir eu un comportement inadéquat, dont le fait de dormir au travail. En somme, pour soutenir qu’il y a rétrogradation, le plaignant doit être détenteur d’un poste.
[165] L’arbitre estime également que l’incapacité de remplir la tâche était un motif sérieux pour la Ville de retirer la tâche de chef d’équipe.
[166] L’arbitre Nicolas Cliche, en 1992, dans l’affaire Association des travailleurs de spécialités freins d’auto [7] , abonde dans le sens de l’arbitre Durand alors qu’il a à décider si le retrait de la responsabilité de chef d’équipe est une rétrogradation illégale comme le soutient le syndicat. Il estime, après une analyse de la jurisprudence, que le poste de chef d’équipe n’est pas en lui-même un poste spécifique, mais bien une responsabilité qu’on accorde à un salarié pour effectuer des tâches précises moyennant le versement d’une prime. Ce salarié ne peut prétendre qu’il sera chef d’équipe à vie.
[167] L’arbitre Cliche, 11 ans plus tard, soit en 2003, alors qu’il a à décider si la responsabilité de chef d’équipe doit être affichée, écrit :
« [36] En droit québécois, il est presque unanimement reconnu que le chef d'équipe, c'est une fonction et non pas une tâche ou un poste. Le chef d'équipe demeure un syndiqué, mais il représente la compagnie dans des opérations journalières. D'une façon générale, le chef d'équipe distribue le travail, réaffecte les ouvriers, vérifie la qualité du travail et rapporte à l'employeur les difficultés rencontrées.
[37] Le poste de chef d'équipe n'est pas une tâche ou un poste spécifique. Dans certaines conventions collectives, il est stipulé que le chef d'équipe est un poste et qu'il doit être affiché.
[38] En l'absence de disposition à ce sujet, la jurisprudence est à l'effet que le chef d'équipe n'occupe que temporairement une fonction selon le bon vouloir de l'employeur.
L’employeur peut nommer un chef d’équipe et lui retirer cette fonction sans qu’il n’y ait droit de possibilité de grief. » [8]
[168] La procureure de l’Employeur a déposé une décision de l’arbitre Pierre Dufresne [9] , qui contrairement aux décisions analysées dans les paragraphes précédents, retient la prétention syndicale qualifiant le retrait de la responsabilité de chef d’équipe de rétrogradation. Dans cette affaire, la Ville de Montréal a retiré, en 1992, la responsabilité de chef d’équipe à un jardinier-chauffeur qui assumait la tâche de chef d’équipe depuis 1966. Le syndicat, afin de déterminer à qui appartient le fardeau de la preuve, soutient qu’il s’agit d’une rétrogradation et constitue, selon la convention collective, une mesure administrative. La Ville pour sa part allègue que les attributions de chef d’équipe n’équivalent pas à une fonction, mais à une tâche et qu’il ne s’agit pas, dès lors, d’une rétrogradation. À l’égard de ce volet, l’arbitre décide que le retrait des responsabilités de chef d’équipe équivaut à une rétrogradation. Après l’administration de la preuve, la Ville, lors des représentations, a plaidé que le plaignant ne possédait pas les qualités requises pour être chef d’équipe, car il conduisait dangereusement, manquait de respect envers ses collègues et donnait un mauvais exemple en désobéissant aux directives de l’administration. Le syndicat, après avoir entendu la preuve, a qualifié la rétrogradation de mesure disciplinaire, car cette rétrogradation a été imposée à la suite d’événements particuliers et n’avait rien à voir avec la capacité du plaignant d’exercer les tâches de chef d’équipe. Il a été choisi pour exécuter ces tâches et il le fait depuis 1966.
[169] À l’égard de ce deuxième argument du syndicat, l’arbitre souligne que les tâches de chef d’équipe sont distribuées de façon ponctuelle au sein du service, et ce,même si la personne avait le statut de chef d’équipe depuis plus de 25 ans. Il ne s’agit pas d’une affectation permanente. Les employés peuvent se voir confier des responsabilités de chef d’équipe ou retirer ces responsabilités selon les besoins. Il ne s’agit pas d’un poste permanent, mais plutôt d’une responsabilité confiée au gré des besoins. Il ajoute :
« De plus, le fait que l’article 19.22 confère à l’Employeur le pouvoir de choisir les chefs d’équipe implique nécessairement qu’il puisse décider de retirer ces responsabilités aux chefs d’équipes si ceux-ci ne possèdent plus la capacité d’exercer. En effet, la faculté de choisir comporte celle de démettre quelqu’un pour choisir quelqu’un d’autre.
Par conséquent, il découle de tout ceci que le plaignant ne possède aucun droit acquis sur les responsabilités de chef d’équipe et l’Employeur conserve la possibilité de les lui retirer s’il est d’avis qu’il ne possède plus les capacités pour les exercer.» [10]
[170] Quant à l’argument du syndicat à l’effet qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire, l’employeur ayant voulu punir le plaignant en lui enlevant la responsabilité de chef d’équipe, l’arbitre, après avoir lu une décision de l’arbitre Me Sabourin sur les distinctions entre une mesure administrative et disciplinaire, estime que c’est l’aptitude du plaignant à exercer ses responsabilités de chef d’équipe qui est en cause et non pas la volonté de punir et en conséquence la compétence de l’arbitre se limite à exercer un contrôle sur la légalité et non pas sur son opportunité.
[171] L’arbitre Me Rodrigue Blouin s’est également interrogé sur la qualification de la mesure prise par l’employeur de retirer le statut de chef d’équipe à un salarié dans l’affaire Les produits forestiers Mallette Québec inc . [11] . Selon l’employeur, la décision de retirer la prime de chef d’équipe est une mesure administrative, le plaignant n’ayant pas su développer les habiletés requises pour contribuer à la gestion plus participative, plus flexible et empreinte de communication. Le syndicat soutient que cette décision a été prise après une bousculade le 17 mars impliquant ce salarié et en conséquence la mesure est de nature disciplinaire.
[172] Dans cette affaire, l’arbitre s’interroge non pas sur le fait que le statut de chef d’équipe soit ou non un poste, mais sur les faits à l’origine de la décision de l’employeur, ceux-ci étant déterminants pour qualifier la mesure prise par l’employeur. Ainsi, il se pose la question suivante :
«La question de l’identification des faits qui expliquent la décision du 10 juin apparaît importante. En effet, si le seul incident du 17 mars est en cause, la décision doit être qualifiée de disciplinaire et l’employeur doit prouver le comportement fautif du plaignant. Le Tribunal doit alors se demander si la mesure est raisonnable compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, par exemple, un simple relevé provisoire de quelques semaines n’aurait-il pas été suffisant pour amener le plaignant à s’amender? Mais, s’il s’agit d’une décision prise parce que l’incident du 17 mars et d’autres attestent que le plaignant n’a pas su développer les qualités utiles à une nouvelle forme de gestion du travail, le Tribunal ne peut que se demander si l’employeur a agi de façon abusive, discriminatoire, ou déraisonnable et, le cas échéant, il ne peut que casser ou confirmer la mesure prise par l’employeur.
Sur l’incident du 17 mars, la preuve est claire à l’effet que le plaignant doit supporter la responsabilité d’une bousculade au cours de laquelle monsieur Hedy Ouarhani a été blessé. Il est donc manifeste que la décision de retirer au plaignant son statut de chef d’équipe a été initiée en raison d’un contexte qui aurait pu donner lieu à une mesure disciplinaire. Cependant il ressort de l’ensemble de la preuve que la cause réelle et fondamentale n’est pas l’incident en soi. En effet l’employeur a entrepris une enquête à laquelle il a associé le syndicat. Au terme de cette enquête, l’employeur a jugé que l’incident du 17 mars et d’autres, non contredits, ont révélé que le plaignant n’a pas su développer, depuis à tout le moins 1992, les qualités requises pour contribuer à une gestion plus participative, plus flexible et empreinte de communication. La preuve révèle par ailleurs que le plaignant a déjà été sensibilisé à la nécessité d’un assouplissement dans ses rapports d’autorité professionnelle avec ses collègues.
En somme l’employeur a pris le 10 juin une décision purement administrative en fonction des préoccupations visant à assurer une production plus efficace. » [12]
[173] Il ressort de ces décisions qu’en l’absence de dispositions spécifiques dans la convention collective, la tâche de chef d’équipe n’est pas considérée comme un poste et le retrait des responsabilités de chef d’équipe ne constitue pas une rétrogradation.
[174] Les dispositions conventionnelles analysées dans ces décisions présentent beaucoup de similitudes avec celles que l’on retrouve dans la convention collective TUAC et VKI Technologies inc. Après avoir analysé les dispositions pertinentes de cette convention collective et la jurisprudence, j’estime, que la tâche de chef d’équipe n’est pas, chez VKI Technologies inc., un poste et que l’on ne peut soutenir que M. Caballero a été rétrogradé. Le fait qu’il y ait une description sommaire énonçant les responsabilités du chef d’équipe ne fait pas de cette tâche un poste pas plus que le fait que ce document s’intitule «Description sommaire du poste de chef d’équipe». Bien que le mot «poste» dans ce document soit de nature à semer de la confusion, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un document informatif élaboré par l’Employeur et ne traduit pas une entente au sens de l’article 3.03 de la convention collective pouvant expliquer que le titre de chef d’équipe n’apparaisse pas à l’annexe «A». Or, conclure qu’il s’agit d’un poste serait aussi modifier en quelque sorte cette annexe.
[175] Cette conclusion ne signifie pas, néanmoins, que la mesure prise par l’Employeur est une mesure administrative ou du moins ne constitue pas une mesure disciplinaire déguisée. Comme le souligne l’arbitre, Me Rodrigue Blouin, l’identification des faits et la raison de la mesure prise sont très importantes pour la qualifier.
[176] La doctrine et la jurisprudence québécoise [13] s’accordent majoritairement pour dire que la distinction entre une mesure administrative et une mesure disciplinaire réside dans le caractère volontaire ou non du manquement reproché au salarié. Ainsi s’il y a faute volontaire du salarié, il s’agit là d’une mesure disciplinaire que l’Employeur impose dans le but de punir et aussi de faire corriger le comportement déviant, d’où le caractère répressif, voire même exemplaire parfois. Par contre, si le manquement est involontaire et impossible à corriger par le salarié, l’Employeur prendra une mesure qualifiée d’administrative dont le but est alors de restaurer une saine gestion de l’entreprise.
[177] La distinction n’est pas toujours aisée à faire et c’est à l’arbitre qu’il appartient de qualifier la mesure. Il n’est pas lié par la qualification donnée par l’Employeur à sa décision. Pour procéder à cette qualification, l’arbitre doit se référer à la preuve.
[178] Il arrive qu’une mesure revête un caractère mixte ou hybride, les manquements pouvant être involontaires et d’autres volontaires. Dans un tel cas, les manquements doivent être évalués dans leur ensemble. Si l’arbitre estime que les manquements involontaires et non corrigibles empêchent le salarié de fournir une prestation de travail satisfaisante, il peut décider qu’il s’agit d’une mesure administrative, et ce, même si certains manquements pris isolément peuvent être de nature disciplinaire. Ainsi dans l’affaire Les produits forestiers Malette Québec inc, l’arbitre Me Blouin considère que la bousculade du 17 mars imputée au chef d’équipe aurait pu donner lieu à une mesure disciplinaire. Toutefois la cause réelle et fondamentale de la décision de l’employeur n’est pas cet incident en soi, mais le manque de qualités requises pour contribuer à une gestion plus participative.
[179] L’arbitre François Hamelin [14] dans une décision de 1988, mais dont les extraits sont cités par l’arbitre Jean-Pierre Lussier [15] dans une décision rendue en 2008, résume bien la distinction entre la mesure administrative et la mesure disciplinaire et la démarche de l’arbitre lorsque le comportement du salarié dénote une incapacité et une faute.
«En substance, la mesure disciplinaire s’adresse à un salarié régulièrement capable d’exécuter sa prestation de travail, mais qui, par sa faute, ne l’assume pas ou l’assume mal. La mesure administrative s’adresse plutôt à un salarié régulièrement incapable d’exécuter sa prestation, par suite d’incompétence, d’inaptitude ou d’inhabileté, mais sans faute de sa part. Il n’est pas fautif, mais simplement incapable. Du moins, si faute il y a, elle ne doit pas être prédominante, à défaut de quoi la mesure deviendrait en substance une mesure disciplinaire.
Alors l’employeur devra choisir selon ce qu’il estime la cause la plus importante l’incapacité ou la faute. Finalement, il appartiendra au tribunal de qualifier cette mesure selon une évaluation globale du dossier. Il s’agira en fait de déterminer si c’est l’incapacité proprement dite ou le manquement fautif qui est prépondérant. Ainsi, il sera possible de qualifier la mesure selon sa nature foncière et éviter des imbroglios inextricables et imprévisibles selon des points de vue partiel et partial que chaque partie peut adopter. De la sorte, dans le feu de l’action et concrètement, les parties pourront raisonnablement savoir à quoi s’en tenir en contemplant l’ensemble de la situation et en s’y conformant plutôt qu’en se limitant à un élément accessoire ou isolé. En tout état de cause, c’est toujours le principal qui doit être considéré et il sert à qualifier la mesure décidée; l’accessoire doit naturellement suivre.
Finalement, le rôle du tribunal consiste toujours à s’assurer de la qualification juridique de la décision prise par l’employeur en tenant compte de la situation réelle d’ensemble, de la substance plutôt que de l’accessoire.»
[180] En somme, la qualification de la mesure repose sur l’imputabilité [16] du manquement, selon qu’il est volontaire ou involontaire et non sur la mesure comme telle. Ainsi une suspension peut être de nature disciplinaire ou administrative et il en est de même pour la rétrogradation lorsque la convention collective le prévoit, comme c’est le cas en l’espèce, sinon elle est habituellement assimilée à une mesure administrative comme le retrait de la prime de chef d’équipe dans la mesure toutefois où cette mesure a été prise par suite d’incompétence, inaptitude ou inhabileté à assumer la tâche de chef d’équipe. Il s’ensuit qu’avant de conclure sur la nature de la mesure, je dois me pencher attentivement sur la preuve.
L’analyse de la preuve
[181] Il m’apparaît important d’analyser d’entrée de jeu l’avis du 11 juin 2009 annonçant le retrait de la responsabilité de chef d’équipe puisque c’est dans cet avis que l’Employeur indique les motifs à l’appui de cette décision.
[182] Dans cet avis, il est fait référence aux éléments suivants :
· À la rencontre du 4 juin avec M. Jacob et Mme Chikani. Selon la preuve non contestée, lors de cette rencontre, il a été fait état à M. Caballero d’un problème d’attitude, de sa résistance aux changements, de la difficulté de s’impliquer et de son manque de collaboration dans le projet. Il lui a été demandé de modifier son attitude et de collaborer dans la démarche en cours à la cellule de peinture;
· À 2 tâches spécifiques au chef d’équipe à savoir : voir à corriger les méthodes de travail et en aviser le superviseur (exemple : trouver des moyens pour accrocher des pièces) et respecter les consignes du superviseur afin de bien transmettre l’information aux personnes qu’il a sous sa responsabilité;
· Au fait que ces 2 activités sont importantes dans la décision de retirer la tâche de chef d’équipe;
· Au contexte à savoir le projet en cours à la cellule de peinture (engagement d’une personne pour revoir les méthodes de travail, la méthodologie utilisée, l'information donnée par M. Tozzi sur le projet et la demande de collaboration);
· À son manque de collaboration, sa résistance, au fait de faire toujours à sa tête, son refus de faire des tests sur les techniques d’accrochage et sur différentes techniques de peinture;
· À son comportement en matière de santé et sécurité au travail.
[183] Je note également que contrairement à l’avis du 16 juin sur lequel il est écrit avertissement, aucune référence n’est faite à l’article 9.01 de la convention collective lequel énonce les différentes mesures disciplinaires. Cette différence n’est pas déterminante en soi pour qualifier l’avis du 11 juin de mesure administrative, mais elle constitue un indice de l’intention de l’Employeur.
[184] L’Employeur, dans cet avis, fait état de difficultés liées non pas à la compétence de M. Caballero en tant que peintre, mais à son attitude dans son rôle de chef d’équipe.
[185] Ainsi pour M. Jacob, M. Caballero, en tant que chef d’équipe, devait assurer le bon fonctionnement de la cellule, il devait ainsi influencer son équipe à suivre les nouvelles méthodes de travail et observer les règles de santé et sécurité. Or, après avoir pris entente sur les essais d’accrochage à faire, il ne les faisait pas. Il ne respectait pas les consignes comme la température du four. Il ne collaborait pas et dès lors, l’Employeur ne pouvait être assuré que M. Caballero assumerait son rôle de chef d’équipe dans la mise en opération des changements découlant du projet d’amélioration continue. Ces constatations l’ont amené à prendre la décision de lui enlever la tâche de chef d’équipe.
[186] Selon la jurisprudence analysée, l’attitude adoptée par un chef d’équipe peut le rendre incapable d’exercer cette tâche. Le contexte doit aussi être pris en considération, car il explique les besoins de l’Employeur.
[187] À l’égard du contexte, la preuve révèle ce qui suit :
1. L’entreprise a décidé de mettre sur pied un projet d’amélioration continue à la cellule de peinture afin d’améliorer l’efficacité alors que de nouveaux produits étaient prévus et pour éviter les goulots d’étranglement dans cette cellule retardant ce faisant le travail d’assemblage dans l’autre département. Il y avait déjà de tels goulots d’étranglement. Cette démarche impliquait une remise en question des façons de faire afin d’évaluer si des améliorations étaient possibles
2. Une personne a été engagée pour travailler sur ce projet pour une période de 4 mois et une rencontre organisée par M. Tozzi a eu lieu, à laquelle assistait M. Caballero, afin de donner l’information sur ce projet et solliciter la collaboration des personnes impliquées dont M. Caballero en tant que chef d’équipe. Sur cet aspect, M. Caballero soutient qu’il n’y a pas eu de demande spécifique de collaboration, mais une demande faite de façon générale par M. Tozzi. Cette différence ne m’apparaît pas déterminante, il y a eu une demande de collaboration et le projet étant à la cellule de peinture il va de soi que la collaboration du chef d’équipe était requise. M. Caballero ne le nie pas.
3. Une démarche similaire avait déjà eu lieu à la cellule perçage et à la cellule pliage où la collaboration des chefs d’équipe a alors aussi été demandée. Les attentes de M. Jacob envers M. Caballero étaient les mêmes que celles qu’il a eues avec les autres chefs d’équipe lors de ces processus. À la cellule peinture, la démarche était entreprise pour la première fois.
4. Lors de ce projet, le travail à la cellule était moins intense.
[188] Tel était le contexte dans lequel la collaboration de M. Caballero était requise et où le point 9 de la description sommaire de la tâche de chef d’équipe stipulant qu’il doit voir à corriger et à améliorer les méthodes de travail et en aviser le superviseur était on ne peut plus d’actualité.
[189] L’Employeur a décidé dans ce contexte de changement de retirer la tâche de chef d’équipe à M. Caballero considérant principalement son manque de collaboration, sa résistance aux changements et dès lors son incapacité à exercer en quelque sorte un leadership auprès des salariés de son équipe. Que nous révèle la preuve à ce sujet?
[190] Cette analyse des faits saillants de la preuve se fera sous les rubriques suivantes : le guide de peinture, le refus de faire des tests, la température du four et la sécurité au travail.
Le guide de peinture et la façon de suspendre les pièces
[191] Relativement au guide de peinture, la preuve établit ce qui suit :
1) M. Chabot, après une période d’observation, a fait un projet de guide de peinture indiquant le positionnement de différentes pièces sur les supports et illustrant la façon de les accrocher. Ce guide indique également le nombre de crochets occupés, la quantité et la vitesse de la chaîne. Un tel guide n’existait pas avant ou du moins dans cette forme. Il y avait tout au plus, selon M. Chabot, un texte manuscrit;
2) Pour rédiger ce guide, M. Chabot a fait des essais pour accrocher les pièces de différentes façons de manière à en suspendre plus sur le support, par exemple. M. Caballero ne lui a pas montré comment accrocher les pièces, ni suggéré de nouvelles façons de les suspendre. Lorsqu’il essayait de nouvelles façons d’accrocher les pièces, M. Caballero répondait par oui ou non et quand M. Chabot demandait pourquoi non, M. Caballero répondait cela ne va pas marcher sans vraiment expliquer la raison. Il n’a pas de lui-même pris l’initiative d’essayer de nouvelles façons de suspendre;
3) M. Chabot a demandé des conseils à M. Watmore, car il en recevait peu de M. Caballero, alors que ses conseils auraient pu lui être d’un grand support;
4) Ce guide a été remis, selon M. Chabot, en entier à M. Caballero pour commentaires. M. Caballero nie avoir reçu le document en entier, il a vu certaines pages. Appelé à identifier ces pages, M. Caballero en indique 10 et il appert que sur 3 autres pages soit les pages 6,10 et 11 il a indiqué soit « OK », « full stop » ou tracer un point d’interrogation. Sur les pages qu’il reconnaît avoir vues, on peut lire la mention «OK», «No» ou voir un point d’interrogation sans plus de commentaires. Selon M. Chabot, les commentaires de M. Caballero étaient laconiques à savoir « oui », « non cela ne se fait pas ». Lors de l’audience, alors qu’il lui est demandé s’il a expliqué ses commentaires, M. Caballero a répondu qu’il en avait parlé tout le temps avec M. Chabot sans préciser davantage;
5) Selon M. Caballero, les photos dans ce guide reflètent la façon dont les accrochages étaient déjà faits sauf pour les pages 4, 19, 21 et 22. La mention «no» se retrouve sur ces 4 pages et aux dires mêmes de M. Chabot, M. Caballero avait raison pour les pages 19 et 22 et pour la façon illustrée à la page 21, M. Watmore a suggéré une correction à la suggestion d’accrocher. Selon M. Chabot de nouvelles façons de suspendre étaient également proposées aux pages 2, 3, 7, 9, 14 et 17. M. Caballero a tracé un point d’interrogation aux pages 2 et 17, écrit « no » à la page 3 et « OK » à la page 7. Il peut en être déduit que la façon de faire était aussi différente aux pages 2, 3 et 17 à tout le moins;
6) À la suite de la rencontre avec M. Tozzi, M. Caballero allègue que M. Jacob ne lui a pas parlé du projet et de la façon de suspendre les pièces, par exemple. Il reconnaît, néanmoins, qu’il y avait des réunions quotidiennes afin de planifier la journée. M. Jacob soutient quant à lui d’avoir discuté de ce projet lors de ces réunions et d’avoir invité M. Caballero à collaborer;
7) M. Caballero, lors de l’audience alors qu’il lui est demandé de commenter la rencontre du 4 juin avec Mme Chikani, déclare ne pas comprendre qu’on lui reproche un manque de collaboration. Il explique alors que ce qui est indiqué dans le guide de peinture reproduit ce qui se faisait, que c’est lui qui a commandé les supports. En somme, selon lui, le travail était déjà fait et il n’y avait pas d’autres choses à faire.
[192] Il ressort de cette analyse des faits saillants de la preuve sur ce volet que M. Caballero ne voyait pas la nécessité d’essayer de modifier les façons de faire. Il estime en fait que le travail a déjà été fait. Pour M. Caballero, les photos dans le guide de peinture reflètent, sauf pour quelques exceptions, les façons d’accrocher sans plus et le fait que la cadence soit indiquée ne lui apparaît pas important. Il y a à cet égard des différences dans le témoignage de M. Chabot et de M. Caballero, mais cela n’est pas déterminant dans l’appréciation de l’attitude de M. Caballero.
[193] M. Caballero ne voit aucune finalité à ce document. Le fait qu’un document illustrant la façon d’accrocher et indiquant la vitesse de la chaîne soit disponible comme outil de référence en quelque sorte pour les autres peintres de l’équipe dont il est le chef d’équipe ne semble pas susciter d’intérêt pour lui. J’estime, à l’égard de ce volet, que la preuve est à l’effet que M. Caballero n’a pas collaboré et a, au contraire, fait preuve de résistance aux changements. M. Caballero allègue que M. Jacob ne lui a pas parlé du projet à la suite de la rencontre de M. Tozzi alors que M. Jacob soutient l’inverse, cette dernière version m’apparaît la plus vraisemblable considérant les rencontres quotidiennes. Par ailleurs, rien n’empêchait M. Caballero de parler du projet avec M. Jacob. Il en avait l’opportunité lors de ces rencontres.
Le refus de faire des tests
[194] Relativement au refus de M. Caballero de faire les tests demandés, la preuve révèle ce qui suit
1) Il ressort du témoignage de M. Chabot que M. Caballero a refusé à au moins deux reprises de faire les tests qu’il lui avait demandé de faire sans lui donner de motifs;
2) Bien que M. Chabot n’ait pas précisé à quelle période ces tests ont été demandés, il appert que cela doit être sur une période relativement courte, car M. Chabot a commencé à travailler à la fin du mois d’avril et au cours des premières semaines il a surtout observé. De plus, le constat du refus de faire les tests a été fait vers la fin du mois de mai selon le témoignage de M. Beaudoin et de M. Jacob;
3) M. Chabot était préoccupé de ne pas déranger M. Caballero. Lorsqu’il voyait qu’il était très occupé, il ne le dérangeait pas;
4) M. Jacob lui a demandé de faire les tests et même s’il croyait que cela ne fonctionnerait pas de les faire tout de même, et ce, même si cela pouvait occasionner des pertes;
5) M. Caballero n’a pas nié avoir refusé d’exécuter des tests. Il explique son refus par le fait qu’il essaie de faire le travail le plus vite possible afin que le département d’assemblage ne manque pas de pièces;
6) M. Caballero reconnaît qu’au cours de la période où M. Chabot a fait son stage, il y avait moins de travail.
[195] M. Caballero a refusé d’exécuter des tests dans le cadre du projet, et ce, alors qu’il lui avait été demandé de collaborer et que dans ses responsabilités de chef d’équipe, il doit chercher à améliorer les méthodes de travail. Or, accepter de faire un test s’avère un moyen pouvant permettre une amélioration de la façon de faire. M. Caballero a justifié son refus par un souci de production. Il n’a pas proposé de faire les tests demandés à un autre moment plus opportun néanmoins, ce à quoi M. Chabot aurait été réceptif considérant sa préoccupation de ne pas le déranger. L’explication de M. Caballero ne tient pas la route. Je note également que, lors de la rencontre du 4 juin, alors qu’il lui est mentionné qu’il refuse de faire les tests, M. Caballero n’a pas demandé quelle devait être la priorité à savoir faire les tests ou s’assurer, si tel était le cas, qu’il ne manque pas de pièces à une période où, par ailleurs, il reconnaît ne pas être très occupé.
La température du four
[196] À l’égard de ce volet, la preuve révèle ce qui suit :
1) L’entreprise a changé de fournisseur de peinture et un représentant est venu sur place faire certains tests afin de formuler des recommandations sur la température du four;
2) Ce changement est survenu au début du mois de juin et à la suite des recommandations de ce représentant, M. Jacob a modifié la feuille d’instruction de travail. Cette feuille (E-2), selon M. Jacob, a été collée sur le four et il en a parlé à M. Caballero;
3) Le témoignage de M. Jacob sur ce point est corroboré par M. Chabot, lequel affirme avoir entendu M. Jacob parler avec M. Caballero de la température du four et de la nécessité d’essayer de nouvelles techniques d’accrochage, et ce, même si cela pouvait occasionner la perte de pièces;
4) Selon M. Chabot, M. Caballero ne respectait pas les instructions indiquées sur la feuille E-2. Il a été à même de le constater plus d’une fois;
5) M. Jacob a lui-même fait des vérifications sur la température du four. Il pouvait ainsi baisser la température du four pour revenir un peu plus tard et constater que la température avait été modifiée à la hausse. Il demandait alors à M. Caballero qui avait modifié la température et ce dernier répondait que c’était lui et qu’il connaissait son travail y travaillant depuis plus de 25 ans;
6) M. Caballero affirme que M. Jacob ne lui a pas parlé des changements pour la température du four, contredisant ainsi les témoignages de M. Jacob corroboré par M. Chabot;
7) Selon M. Caballero, M. Jacob lui a demandé une seule fois de changer la température du four et non la cadence. Il ne se rappelle pas s’il lui a demandé le 5 juin;
8) M. Caballero lors de l’audience a expliqué qu’il n’a pas été impliqué dans cette démarche avec le fournisseur et il y a eu, selon lui, un manque de communication. Il souligne toutefois que l’entreprise a utilisé pendant 20 ans la peinture Protex et la température était toujours à 480 degrés et la chaîne de montage pouvait rouler plus vite sans difficulté. Avec la nouvelle peinture, il fallait réduire la température et la vitesse de la chaîne pour le même résultat.
[197] M. Caballero ne s’est pas conformé aux nouvelles directives concernant la température du four lors de l’utilisation de la nouvelle peinture. M. Jacob a informé M. Caballero de cette modification laquelle était indiquée sur une feuille collée sur le four. Les commentaires qu’il a formulés, lors de l’audience, relativement à la peinture utilisée pendant 20 ans sans changer le degré du four et la vitesse de la chaîne de montage, et ce, pour un même résultat dénotent, encore une fois, une résistance au changement.
Son comportement en matière de santé et sécurité au travail
[198] Dans la lettre du 11 juin, il est fait référence au comportement de M. Caballero en matière de sécurité au travail. À ce sujet, la preuve révèle ce qui suit :
1) M. Caballero ne suit pas les directives concernant le nombre d’objets mis dans les paniers. Des directives ont été données afin que ces paniers ne soient pas trop lourds à soulever évitant ainsi des problèmes de maux de dos, par exemple;
2) M. Caballero ne mettait pas «la buse» au bout du fusil à peinture afin de contrôler le débit de peinture;
3) M. Caballero n’a pas nié ou formulé quelques commentaires sur ces manquements allégués;
4) Afin de corriger des inconforts, des aménagements ont été faits comme l’ajout de bandes coussinées et l’installation d’une poignée dans la cabine de peinture. Afin d’alléger le poids du fusil, l’installation d’un câble métallique a été demandée. Cet ajout a été refusé par M. Caballero.
[199] M. Caballero en tant que chef d’équipe doit s’assurer du respect des règles de sécurité et il ne s’y conforme pas. Dès lors, il devient difficile de considérer qu’il va s’assurer que les salariés de son équipe vont les respecter.
Le document E-4, les notes de M. Jacob
[200] Avant d’énoncer mes conclusions sur cette analyse de la preuve, j’ouvre une parenthèse sur le document E-4 lequel contient des notes prises par M. Jacob. Celui-ci situe les faits indiqués dans ce document au début du projet à la cellule de peinture. Or, manifestement les dates ne concordent pas et M. Jacob est incapable d’en expliquer la raison. Dans l’analyse de la preuve, je n’ai pas tenu compte des constatations énoncées dans ce document, ces faits ne traitant pas du guide de peinture, des tests à exécuter, de la température du four et du comportement en matière de santé et sécurité. Sur ce dernier point, il est fait référence dans l’avis du 11 juin aux méthodes ergonomiques pour remplir les paniers de manière à ce qu’ils ne soient pas trop lourds et d’une rencontre qui a eu lieu sur ce sujet. La date de cette rencontre n’est pas précisée. Dans le document E-4, il est question d’une discussion, le 9 mars, avec les chefs d’équipe, dont M. Caballero, sur les paniers trop lourds et d’un salarié qui s’est plaint. En regard de l’importance de ne pas trop remplir les paniers ou sur la manière de les remplir et le fait que M. Caballero avait reçu de l’information sur cet aspect, il n’est pas déterminant que la discussion ait eu lieu le 9 mars ou par la suite.
[201] Dans la pièce E-4, M. Jacob note que lorsque M. Watmore supervise la ligne de peinture en l’absence de M. Caballero, il laissait 3 espaces sur la chaîne entre les pièces alors que M. Caballero en laisse 10. Cette observation peut être pertinente dans la réflexion qu’il peut avoir place à amélioration, mais sans plus en regard de l’avis du 11 juin.
[202] Je note, par ailleurs, que dans ce document, il est indiqué que le 26 février il avait été entendu que c’était le tour de M. Caballero de peindre cet après-là. Or, M. Caballero, lors de son témoignage, a mentionné que le quart de travail pouvait être divisé en deux soit un peintre le matin et un autre l’après-midi et cette organisation du travail a commencé pendant le projet. Cette remarque laisse croire que la date du 26 février serait erronée comme le soutient M. Jacob. Enfin autre indice, il est indiqué que M. Jacob a tenu, le 8 juillet 2009, une rencontre avec notamment M. Caballero pour rappeler un certain nombre de directives dans l’exécution du travail et à la fin de cette réunion, M. Caballero a confirmé qu’il avait compris. Or, comme l’a souligné M. Jacob, M. Caballero n’était plus chef d’équipe à cette date.
[203] Dans le document E-4, il est indiqué que le 28 février M. Caballero ne suit pas l’ordre indiqué par M. Watmore pour accrocher les pièces. La date pose problème, mais M. Jacob a expliqué que dans le cadre du projet, M. Watmore inscrivait sur un tableau l’ordre des pièces à accrocher. Il s’agissait d’une nouvelle façon de faire ce qui n’a pas été contesté. M. Chabot a indiqué qu’il s’est interrogé, dès le début de son stage, sur l’organisation du travail à la cellule et sur la façon d’appréhender les demandes pour les différentes pièces afin d’établir une priorité dans le travail à réaliser. Je comprends que cette procédure d’établir l’ordre des pièces répondait à cet objectif. Le 8 juin, M. Jacob a informé Mme Chikani, selon les notes qu’elle a prises, que M. Caballero ne suit pas la cadence et ne respecte pas les consignes. Il est vrai que Mme Chikani n’a pas observé elle-même ce fait et M. Jacob n’a pas témoigné spécifiquement sur ce point. Je note toutefois que lorsqu’il est demandé à M. Caballero de commenter cette note prise par Mme Chikani pour le 8 juin, il répond que M. Jacob lui demandait de faire le plus vite possible, car il manquait des pièces dans l’autre département. M. Caballero ne nie pas qu’il n’ait pas suivi la cadence et l’ordre indiqué, il le justifie par des objectifs de production.
La qualification de la mesure prise par l’Employeur
[204] Après avoir analysé soigneusement la preuve et la jurisprudence soumise, j’estime que la décision de l’Employeur de retirer la tâche de chef d’équipe à M. Caballero est de nature administrative. Je m’explique.
[205] M. Caballero est chef d’équipe depuis un très grand nombre d’années à la cellule de peinture. Il appert de la preuve que l’organisation du travail était réduite à son minimum et qu’il y avait des goulots d’étranglement dans cette cellule qui doit fournir les pièces à un autre département pour l’assemblage. Dans ce contexte et étant donné que de nouveaux produits étaient prévus, l’entreprise a amorcé une démarche d’amélioration continue, comme elle l’a déjà fait dans d’autres unités, afin d’améliorer la productivité et l’efficacité dans cette cellule.
[206] Cette démarche implique une remise en question des façons de faire, et ce, tant au niveau des méthodes d’accrochage et de son organisation afin de mieux établir les priorités que des techniques de peinture.
[207] Dans le cadre de cette démarche, M. Caballero n’a pas collaboré et a résisté aux changements. Il ne voit pas la nécessité d’essayer de modifier les façons d’accrocher les pièces, la façon de faire avant le projet étant, selon lui la meilleure, pour un peintre tout comme il considère que le changement de peinture ne donne pas de meilleur résultat, mais exige des changements de température du four et de vitesse sur la chaîne. Confronté à des exigences de production, il s’en remet à sa façon de faire sans s’interroger sur son efficacité. Il est une personne qui travaille bien selon une routine bien établie. Ce mode de fonctionnement ne répond plus aux besoins de l’entreprise. L’incapacité de M. Caballero à s’adapter le rend inapte à assumer la tâche de chef d’équipe et d’exercer un leadership auprès des salariés de son équipe. En effet, comment peut-il inciter les autres peintres à trouver de nouvelles manières de suspendre les pièces ou encore à respecter l’ordre et la cadence requise ou la température du four s’il ne le fait pas lui-même et ne croit pas que cela est plus efficace?
[208] L’attitude de M. Caballero reflète sa façon d’être, il a toujours fait comme cela et c’est comme cela que ça doit être fait, une telle attitude ne se modifie pas par l’imposition d’une mesure disciplinaire. Le comportement de M. Caballero est en quelque sorte involontaire, c’est sa façon d’être.
[209] Le procureur du Syndicat a souligné qu’il ne s’était écoulé que très peu de temps entre la rencontre du 4 juin où il lui est demandé de collaborer et la décision du 11 juin et qu’il n’y a pas de preuve de son manque de collaboration après cette rencontre.
[210] M. Jacob a témoigné à l’effet que l’attitude de M. Caballero n’avait pas changé après le 4 juin. L’attitude de M. Caballero en regard de la température du four et son attitude le 8 juin ne démontrent pas un changement d’attitude. Par ailleurs, lors de l’audience j’ai été à même de constater que M. Caballero considérait que sa façon de faire était en quelque sorte la meilleure. Ses propos en témoignent. Enfin sa collaboration lui a été demandée à plusieurs reprises.
[211] Ce qui est en cause ce n’est pas une question de compétence où une mise à jour aurait pu permettre à M. Caballero d’assumer sa tâche de chef d’équipe. Il s’agit d’une inhabileté de s’adapter aux changements, et pour modifier cela, il faut vouloir le faire d’abord, et aucun signe n’a été démontré dans ce sens.
[212] J’estime en conséquence que l’Employeur n’a pas agi de façon abusive, discriminatoire ou déraisonnable et que sa décision n’est pas injuste pour reprendre le qualificatif utilisé à l’article 3.02 de la convention collective.
L’avis du 16 juin 2009
[213] Cet avis reproche à M. Caballero le comportement qu’il a eu le 11 juin lors de la rencontre avec M. Jacob en présence du délégué syndical M. Michaud et plus spécifiquement les propos tenus à l’endroit de M. Jacob et son geste de lancer l’avis du 11 juin l’informant du retrait de sa tâche de chef d’équipe.
[214] Il n’est pas contesté que cet avis soit de nature disciplinaire.
[215] Étant en matière disciplinaire, il faut d’abord apprécier la preuve afin de déterminer si, selon la prépondérance de la preuve, les faits reprochés ont été prouvés et s’ils constituent une faute. Le cas échéant, il y a lieu alors de s’interroger sur la justesse de la sanction imposée compte tenu de la gravité de la faute et de toutes les circonstances de l’affaire.
[216] M. Jacob et M. Caballero ont témoigné sur le déroulement de la rencontre qui a eu lieu en présence de ces 2 personnes et du délégué syndical lequel n’a pas témoigné.
[217] Selon le témoignage de M. Jacob, alors que celui-ci était à lire l’avis du 11 juin relativement au retrait de la tâche de chef d’équipe, avis qui a été remis en début de rencontre à M. Michaud et à M. Caballero, ce dernier aurait lancé cet avis en disant à M. Jacob «je n’ai rien à faire de toi, je vais aller voir le président» et il serait sorti du bureau, malgré la demande de M. Jacob de revenir. Toujours selon M. Jacob, celui-ci avant d’émettre l’avis du 16 juin est allé voir M. Caballero dans son unité de travail afin de discuter de sa réaction du 11 juin et M. Caballero a refusé de lui parler. C’est à la suite de cette démarche qu’il a, après avoir discuté avec la responsable des ressources humaines, écrit l’avis du 16 juin.
[218] M. Caballero a nié tout simplement être sorti du bureau en lançant la lettre, mais il n’a pas nié avoir tenu les propos relatés par M. Jacob. Il est demeuré silencieux sur la demande de M. Jacob de revenir à son bureau et sur la visite de M. Jacob dans son unité de travail pour discuter de sa réaction du 11 juin. Il n’a pas infirmé ou confirmé cette démarche.
[219] Je note dans cet avis que M. Jacob invite M. Caballero à lui faire connaître les raisons de son comportement afin de voir comment la communication entre ces 2 personnes pourrait être améliorée, et ce, malgré qu’il ait tenté d’en discuter avec M. Caballero avant d’émettre cet avis, démarche qui n’a pas été niée par ce dernier. Il termine, d’ailleurs, sa lettre en indiquant qu’il était dans l’attente d’une explication. En somme dans cet avis, M. Jacob attache beaucoup plus d’importance aux difficultés de communication entre eux qu’au fait que M. Caballero ait lancé l’avis. Dans un tel contexte, il m’apparaît invraisemblable que M. Jacob soutienne et voire même écrive que M. Caballero ait lancé l’avis si ce n’est pas le cas, sachant par ailleurs, qu’une autre personne était présente à cette rencontre et que de par sa fonction de délégué syndical, il défendait les intérêts de M. Caballero. Aussi j’estime plus probable la version de M. Jacob que celle de M. Caballero qui nie sans autre explication.
[220] J’estime en conséquence que les faits reprochés ont été prouvés et que M. Caballero par le comportement adopté et les propos prononcés a manqué de respect à un représentant de l’Employeur ce qui constitue une faute.
[221] En regard de la sévérité de la sanction, la procureure de l’Employeur a déposé 4 décisions où des manquements de même nature ont fait l’objet de suspension de courte durée ou d’avis disciplinaire. La liste se retrouve en annexe aux numéros 7 à 10.
[222] .Dans l’affaire Cargill Ltée [17] , l’employeur a imposé une suspension d’un jour pour insubordination à un salarié qui a refusé de signer un avis disciplinaire que l’employeur lui a remis, l’a déchiré et l’a jeté à la poubelle en critiquant de façon désobligeante sa gestion. Il a quitté le bureau de l’employeur pour revenir en menaçant de témoigner contre l’employeur dans un autre dossier. L’arbitre a confirmé une suspension d’un jour bien qu’il a considéré que le refus de signer l’avis disciplinaire n’était pas une faute et que le fait de déchirer la lettre donnait un éclairage sur le contexte de l’événement. Il a néanmoins conclu que les propos tenus négatifs à l’endroit de l’employeur étaient de l’insubordination.
[223] Dans l’affaire Les métallurgistes unis d’Amérique, local 12655 [18] , l’arbitre Cliche a réduit une suspension de 3 jours en un jour considérant que l’employeur a prouvé 50% des reproches. L’employeur reprochait au salarié d’avoir déchiré l’avertissement qui lui était remis et d’avoir déclaré que l’employeur pouvait lui en donner un deuxième et voire même un troisième avis, cela ne le dérangeait pas. L’arbitre a estimé que, selon la preuve prépondérante, le salarié avait peut-être déchiré un papier, mais pas l’avertissement écrit. Il estime, par ailleurs, que le salarié a nargué l’employeur d’où la suspension d’un jour.
[224] L’arbitre François Blais [19] a réduit à une demi-journée une suspension d’une journée et demie. Dans cette affaire, l’employeur reprochait au salarié d’avoir eu des propos grossiers et agressifs, propos qui constituaient un défi à l’autorité. L’arbitre a considéré que le plaignant avait fait usage d’un langage abusif certes, mais ses propos n’étaient pas agressifs contrairement à ce qui était indiqué dans l’avis de suspension.
[225] Dans la dernière décision déposée, l’arbitre Me Marc Gravel [20] modifie la suspension de 5 jours en un avis disciplinaire écrit estimant que les propos du salarié étaient répréhensibles, mais ne pouvaient être interprétés, eu égard au contexte, comme un défi à l’autorité. Le salarié avait 22 ans de service et il avait un dossier disciplinaire vierge.
[226] En l’espèce, M. Caballero a plus de 25 ans de service et son dossier antérieur est vierge, du moins il n’a pas été mis en preuve que ce n’était pas le cas. Par ailleurs, bien que cela n’ait pas été soulevé par le Syndicat, on peut comprendre que le comportement et les propos tenus le 11 juin dénotent de l’exaspération dans le contexte plus que le désir de défier l’autorité. Il n’en demeure pas moins que cette conduite est inacceptable et c’est ce que M. Jacob voulait faire comprendre à M. Caballero en écrivant «Je voudrais vous faire prendre conscience que ce problème d’attitude à mon égard dépasse les limites. La prochaine étape tiendra lieu de réprimande verbale à écrite à la suspension selon l’article 9.01 de la convention collective». Cette dernière phrase laisse même entendre qu’il s’agit tout au plus d’une réprimande verbale et j’estime qu’il n’y a pas lieu d’intervenir pour annuler cet avis comme le demande le Syndicat dans le grief.
[227] POUR CES MOTIFS, L'ARBITRE :
[228] Après avoir analysé la preuve, la jurisprudence, soupesé les arguments soumis et sur le tout délibéré, le tribunal :
[229] REJETTE le grief portant le numéro 59267.
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________________________________ __ Me Huguette April Arbitre
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Pour l’employeur : Me Lucie Laplante
Pour le syndicat : Me Richard A. Moss
Dates d’audience : 19 avril et 5 juillet 2011
Date de décision: 5 août 2011
ANNEXE
DÉCISIONS DÉPOSÉES PAR L’EMPLOYEUR
Retrait du titre de chef d’équipe
1) Progistix-Solutions inc. et Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCFP) , SA 090417 (2009) CanLII 34606 (QC.A.G.), décision de l’arbitre Me François Hamelin, le 1 er avril 2009.
2) Soucy Rivalair inc. et Syndicat des travailleurs(euses) de l’industrie et du commerce , no 779, décision de l’arbitre Me François G. Fortier, 2002-08-23.
3) Les Produits forestiers Malette Québec Inc. et Syndicat des travailleurs du papier de St-Raymond , arbitre Me Rodrigue Blouin, 1 er mars 1995, SA 95-03057.
4) Association des travailleurs spécialisés freins d’auto, section locale 02 , arbitre Me Nicolas Cliche, 1992/09/23, SA92-06697.
5)
Montréal
(Ville de) et Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301
,
arbitre Me Jean-Yves Durand, 2002-11-11 2003T 32 ou
6) Montréal (Ville de) Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 , arbitre Pierre N Dufresne,1993/12/09, SA 93-08179.
Avis disciplinaire
7)
Travailleuses
et travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 500
(TUAC) et Cargill ltée (Jean-Yves Pelletier)
, arbitre Me Jean-Marie Lavoie,
2009-08-27, D.T.E. 2009T859,
8) Les Métallurgistes unis d’Amérique, local 12655 et Industries Moody inc. , 16 mai 2003, arbitre Me Nicolas Cliche, AZ-5077342.
9)
Salermo sacs
transparents (1997) ltée et Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et
ouvriers de diverses industries, section locale 1999 (Teamsters), (Richard
Blais)
, arbitre Me François Blais, 2005-11-18,
10)
Métallurgistes unis d’Amérique,
local 8516 et Industries Armstrong Ltée
, arbitre Me Marc Gravel,
1982-11-15,
[1]
Progistix-Solutions inc. et Syndicat canadien des
communications, de l’énergie et du papier (SCFP)
, SA
090417 (
[2]
Soucy Rivalair inc. et Syndicat des travailleurs(euses) de l’industrie
et du commerce
, no. 779, décision de l’arbitre Me François G. Fortier,
2002-08-23,
[3] Voir supra, note 2, pages 17,18, 24 et 25. L’arbitre procède à l’analyse de plusieurs décisions rendues par les arbitres dont l’arbitre Me André Sylvestre, Me Nicolas Cliche, Me Pierrre Dionne, Me Marc Gravel, Me Jean-Yves Durand et Marc Brière.
[4]
Montréal (Ville de) et Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal,
section locale 301
, arbitre Me Jean-Yves Durand, 2002-11-11 2003T 32
ou
[5] Supra, note 4, p. 13.
[6] Ici Canada inc. et Syndicat des travailleurs de l’énergie et de la chimie, local 167 , arbitre Me Jean-Yves Durand, 1995-05-12 T.A. 549.
[7] Association des travailleurs spécialisés freins d’auto, section locale 02 , arbitre Me Nicolas Cliche, 1992/09/23, SA92-06697.
[8]
Les métallurgistes unis d’Amérique, local 9414 et Shermag inc. (Division
Scotstown)
, arbitre Nicolas Cliche, 9 octobre 2003,
[9] Montréal (Ville de) et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 , Pierre N. Dufresne, arbitre, 1993/12/09 SA 93-08179.
[10] Supra, note 7, pages 16 et 17.
[11] Les Produits forestiers Malette Québec Inc. et Syndicat des travailleurs du papier de St-Raymond , arbitre Me Rodrigue Blouin, 1 er mars 1995, SA 95-03057.
[12] Supra, note 10, pages 5 et 6.
[13] Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dans les rapports collectifs du travail , 2 e Édition, Linda Bernier, Guy Blanchet, Lukasz Granosik et Éric Séguin, les Éditions Yvon Blais, mise à jour 2011-1, chapitre 1; Droit de l’arbitrage de grief , 5 e Édition, Rodrigue Blouin et Fernand Morin, Les Éditions Yvon Blais, IX.45 et IX.46.
[14] Société nationale de fiducie et Syndicat des employés professionnels et de bureau, section locale 57 , 31 août 1988 ,89T 28, aux pages 20 et ss, plus spécifiquement p. 22, 24 et 25.
[15]
Paccar du Canada Ltée et TCA-Québec, section locale 728 (Unité Kenworth)
(Michel Corbeil)
, 1
er
février 2008,
[16] Alliance de personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) , arbitre Marc Poulin ,16 juin 2009, 2009 CANLII 30683 (QC SAT) par. 178.
[17]
Travailleuses
et travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 500
(TUAC) et Cargill ltée (Jean-Yves Pelletier)
, arbitre Me Jean-Marie Lavoie,
2009-08-27, D.T.E. 2009T859,
[18] Les Métallurgistes unis d’Amérique, local 12655 et Industries Moody inc. , 16 mai 2003, arbitre Me Nicolas Cliche, AZ-5077342.
[19]
Salermo sacs transparents (1997) ltée et Union des routiers, brasseries,
liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, section locale 1999
(Teamsters), (Richard Blais)
, arbitre Me François Blais, 2005-11-18,
[20]
Métallurgistes unis d’Amérique, local 8516 et Industries Armstrong Ltée
,
arbitre Me Marc Gravel, 1982-11-15,